Décisions
CA Orléans, ch. soc., 21 décembre 2023, n° 22/00373
ORLÉANS
Arrêt
Autre
C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S
CHAMBRE SOCIALE - A -
Section 2
PRUD'HOMMES
Exp + GROSSES le 21 DECEMBRE 2023 à
la SELARL LBBA
Me Emmanuelle LEVET
ABL
ARRÊT du : 21 DECEMBRE 2023
N° : - 23
N° RG 22/00373 - N° Portalis DBVN-V-B7G-GQVT
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTARGIS en date du 20 Janvier 2022 - Section : ENCADREMENT
ENTRE
APPELANT :
Monsieur [A] [J]
né le 21 Juillet 1978 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Thomas HOLLANDE de la SELARL LBBA, avocat au barreau de PARIS
ET
INTIMÉE :
S.A. SANOFI WINTHROP INDUSTRIE La société Sanofi Winthrop Industrie est prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés au siège
[Adresse 1]
[Localité 3] - FRANCE
représentée par Me Emmanuelle LEVET, avocat au barreau de PARIS
Ordonnance de clôture : 18 SEPTEMBRE 2023
A l'audience publique du 12 Octobre 2023
LA COUR COMPOSÉE DE :
Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre, présidente de la collégialité,
Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller,
Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, conseiller,
Assistés lors des débats de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier.
Puis ces mêmes magistrats ont délibéré dans la même formation et le 21 DECEMBRE 2023, Mme Laurence DUVALLET, présidente de chambre, présidente de la collégialité, assistée de M Jean-Christophe ESTIOT Greffier, a rendu l'arrêt par mise à disposition au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
M. [A] [J], né en 1978, a été engagé le 20 juin 2005 par la SA Sanofi Winthrop Industrie en qualité de chargé de projet industriel groupe 6 niveau C coefficient 365 selon contrat de travail à durée déterminée. A compter du 1er décembre 2006, la relation de travail s'est poursuivie suivant contrat de travail à durée indéterminée, M. [J] étant alors classé groupe 7 niveau A coefficient 400.
M. [J] a connu plusieurs évolutions au sein de la société et a atteint la qualification groupe 8 niveau A coefficient 520 à compter du 1er octobre 2015. Au dernier état de la relation, il occupait le poste de fiabiliste département technique depuis le 1er août 2019 avec une réévaluation de sa rémunération.
La société fabrique des préparations pharmaceutiques ; elle employait sur l'établissement d'[Localité 4] 343 salariés au 31 décembre 2019. La relation de travail était régie par la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique.
M. [J] a fait l'objet de plusieurs arrêts maladie pour maladie d'origine non-professionnelle du 30 septembre 2016 au 4 janvier 2017, du 15 septembre au 10 décembre 2017 et du 3 septembre 2019 au 11 février 2020.
Le 6 mai 2020, M. [J] a été convoqué à un entretien préalable, fixé au 20 mai 2020, avec mise à pied à titre conservatoire, et a été licencié pour faute grave le 5 juin 2020.
Par requête du 21 décembre 2020, M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Montargis aux fins de voir déclarer nul son licenciement car discriminatoire ou le cas échéant sans cause réelle et sérieuse, et à tout le moins brutal et vexatoire, et obtenir le paiement de diverses sommes en conséquence.
Par jugement du 20 janvier 2022, auquel il est renvoyé pour un plus ample exposé du litige, le conseil de prud'hommes de Montargis a :
> Déclaré que le licenciement de M. [J] pour faute grave est justifié,
> Débouté M. [J] de la totalité de ses demandes tant à titre principal que subsidiaire,
> Condamné M. [J] à régler à la société Sanofi Winthrop Industrie la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
> Condamné M. [J] aux entiers dépens, comprenant les frais d'exécution du présent jugement.
Selon déclaration du 14 février 2022, M. [J] a relevé appel de cette décision.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions (n°3) remises au greffe le 11 septembre 2023, M. [J] demande à la cour de :
> Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Montargis en toutes ses dispositions ;
Et, statuant à nouveau,
A titre principal,
> Juger nul son licenciement car discriminatoire au regard de son état de santé et prononcé en violation de son statut de lanceur d'alerte ;
En conséquence, condamner la société Sanofi Winthrop Industrie à lui verser la somme de 100 000 euros net à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ;
A titre subsidiaire,
> Juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
En conséquence, condamner la société Sanofi Winthrop Industrie à lui verser la
somme de 70 434,96 euros net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
En tout état de cause,
> Condamner la société Sanofi Winthrop Industrie à lui verser :
- 43 053 euros net à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
- 17 525 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 752,50 euros bruts de congés payés afférents ;
- 5 267 euros brut à titre de rappel de salaire sur mise à pied, outre les congés payés afférents à hauteur de 526,70 euros ;
-15 000 euros net à titre de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire;
- 15 000 euros net à titre de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ;
- 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel ;
> Ordonner à la société Sanofi Winthrop Industrie la remise à son égard des documents de fin de contrat conformes à l'arrêt à intervenir (attestation Pôle Emploi, solde de tout compte et bulletins de paie) sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir, la cour se réservant la faculté de liquider l'astreinte ;
> Dire que les condamnations prononcées porteront intérêt au taux légal avec anatocisme à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de Prud'hommes pour les sommes de nature salariale et à compter de l'arrêt à intervenir pour les sommes de nature indemnitaire ;
> Condamner la Société Sanofi Winthrop Industrie aux entiers dépens ;
> La débouter de ses demandes reconventionnelles.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 28 juillet 2022, la SA Sanofi Winthrop Industrie demande à la cour de :
> Confirmer le jugement entrepris en l'intégralité de ses dispositions,
> Débouter M. [J] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement
nul,
> Débouter M. [J] de sa demande de rappel de salaire sur mise à pied
conservatoire et congés payés afférents,
> Débouter M. [J] de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents,
> Débouter M. [J] de sa demande d'indemnité conventionnelle de licenciement,
> Débouter M. [J] de sa demande subsidiaire d'indemnité pour licenciement sans
cause réelle ni sérieuse,
> Débouter M. [J] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire,
> Débouter M. [J] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,
> Débouter M. [J] de sa demande d'astreinte,
> Débouter M. [J] de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure
civile,
> Condamner M. [J] à lui régler la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
> Condamner M. [J] aux dépens.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 18 septembre 2023.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières conclusions conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
- Sur la demande de dommages-intérêts au titre de manquements à l'obligation de sécurité
Aux termes des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail, l'employeur est tenu d'une obligation de santé et sécurité au travail et doit prendre les mesures nécessaires pour y satisfaire, en ce inclus des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d'information et de formation, la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
En l'espèce, M. [J] réclame la somme de 15 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité aux motifs que l'employeur lui a imposé, sans délai de prévenance, une mobilité en Allemagne, ne l'a pas accompagné et n'a pas adapté l'effectif de son équipe à sa charge de travail, et n'a pas pris les mesures pour remédier à sa situation de souffrance.
L'employeur se défend de tout manquement à son obligation de sécurité dans la mesure où le détachement en Allemagne ne relève aucunement d'une clause de mobilité mais s'apparente à des missions que l'intéressé a acceptées en temps utile, seule leur formalisation étant tardive ; il conteste la surcharge de travail alléguée et affirme avoir fourni au salarié les moyens, formations et accompagnements nécessaires à l'exercice de ses attributions.
Sur la question de l'affectation du salarié en Allemagne, il est exact que M. [J] a fait l'objet aux termes d'une lettre de mission du 26 juin 2015 d'un détachement au sein de l'établissement Sanofi de Cologne à compter du 1er juillet 2015 pour une durée prévisionnelle de 4 mois dans la limite de 11 mois, la transmission de ce courrier étant intervenue le 23 juillet 2015. Il n'en ressort cependant aucun manquement de l'employeur à son obligation de sécurité à ce titre.
Sur l'absence d'accompagnement et d'adaptation de l'effectif de son équipe à sa charge de travail, M. [J] indique avoir découvert le 7 mars 2016 que les 3 postes à temps plein qui constituaient son service devaient être supprimés dans les 2 ans à venir. Cette information est contestée par l'employeur qui ne justifie pas pour autant de l'état de ses effectifs.
De la même façon, le salarié indique avoir subi une charge de travail supplémentaire entre mars et septembre 2017 sans que les éléments portés à la connaissance de la cour permettent de s'en assurer. Il s'avère néanmoins qu'à l'occasion de son entretien annuel 2017, le salarié estime ne pas avoir eu les moyens à hauteur des ambitions de la société et explique devant le médecin du travail être à nouveau en difficulté sur son poste ; il est noté une baisse des effectifs sans autre précision. Le salarié a été placé en arrêt maladie du 15 septembre au 10 décembre 2017 pour syndrome anxio-dépressif réactionnel et burn out. L'employeur ne produit aucun élément permettant d'évaluer la charge de travail de son salarié.
En août 2019, le salarié a été affecté à un nouveau poste, celui de fiabiliste département technique mais a rapidement été placé en arrêt maladie pour troubles anxio-dépressifs du 3 septembre 2019 au 11 février 2020. Il explique au médecin du travail être confronté à des missions rendues impossibles par manque de moyens et du fait de restructuration parfois contraires aux projets construits. Son entretien annuel 2019 révèle toutefois que sa demande de constituer une équipe pour déployer des projets a été entendue et que 4 personnes dont 2 alternants ont été dédiées à son pôle.
Enfin, sur l'absence de mesures pour remédier à sa souffrance au travail, le salarié invoque ses arrêts maladie successifs pour syndrome anxio-dépressif réactionnel (du 30 septembre 2016 au 4 janvier 2017), burn out (du 15 septembre au 10 décembre 2017) et trouble anxio-dépressif du 3 septembre 2019 au 11 février 2020 reprochant à la société de ne pas avoir mis en place un accompagnement particulier et respecté les préconisations de la médecine du travail à savoir : un temps de travail journalier de 8 heures maximum et une gestion de la charge de travail à la convenance du salarié, avec des missions clairement définies et un accompagnement fonctionnel. Il ne peut qu'être constaté que la société échoue à rapporter la preuve qui lui incombe.
Il s'ensuit qu'il est démontré que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité pour ne pas être en mesure de justifier de la charge de travail de son salarié et des mesures mises en place pour respecter les recommandations de la médecine du travail. Il sera alloué la somme de 3 000 euros à M. [J] à ce titre, infirmant la décision déférée sur ce point.
- Sur le bien fondé du licenciement pour faute grave
En application de l'article L. 1232-6 du code du travail, lorsque l'employeur décide de licencier un salarié il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec accusé réception comportant l'exposé du ou des motifs de rupture du contrat de travail.
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige opposant les parties énonce les griefs qui seront examinés au visa de l'article L. 1235-1 du code du travail, le doute profitant au salarié.
La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié, rendant impossible son maintien dans l'entreprise, et l'employeur, débiteur de l'indemnité de préavis et de l'indemnité de licenciement, doit démontrer la faute grave reprochée.
En l'espèce, aux termes de sa lettre de licenciement, il est reproché à M. [J] des propos et comportements à connotation sexuelle non désirés l'incriminant à l'égard de plusieurs collaboratrices de l'établissement, les différents témoignages recueillis attestant de propos inappropriés de sa part envers des salariées du site par le biais de sa messagerie professionnelle au temps et au lieu du travail ; il est indiqué que ces agissements ont eu pour effet de déstabiliser les salariées concernées dans l'exercice de leurs fonctions et de leurs relations avec leur hiérarchie, compte tenu notamment du fait qu'il faisait partie de l'encadrement et était membre du comité de direction ; il est précisé que les témoignages font état de comportements insistants, inadaptés et inappropriés envers plusieurs personnes tels que des contacts physiques non désirés ou encore des sollicitations pour obtenir des faveurs sexuelles ; il lui est fait grief d'avoir abusé de sa position hiérarchique pour manipuler les personnes et intimider ses collaboratrices pour parvenir à ses fins, ces actes ayant eu pour conséquence de dégrader la santé physique et mentale des personnes qui les ont subis.
Le salarié invoque la prescription des faits fautifs et considère qu'il appartient à la société de démontrer qu'elle n'en a eu connaissance qu'en mars 2020 ainsi qu'elle le prétend. Au fond, il admet avoir eu des relations extra-professionnelles avec Mme [C], [S] et [P], amicales ou amoureuses, en toute hypothèse pleinement consenties, et expose que l'employeur n'apporte aucun élément concernant d'autres salariées.
> Sur la prescription des faits fautifs
En application de l'article L. 1332-4 du code du travail aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. Il est constant que la persistance d'un même comportement fautif autorise l'employeur à se prévaloir de faits même prescrits à la date de l'engagement de la procédure de licenciement.
Le délai de prescription de 2 mois commence à courir seulement à partir du moment où l'employeur a une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des griefs imputables au salarié.
L'employeur indique dans la lettre de licenciement qu'il a été alerté le 10 mars 2020, par un collaborateur des agissements abusifs de M. [J] à l'égard d'une salariée au sein du site d'[Localité 4] Production. Il dit avoir engagé la procédure disciplinaire le 6 mai 2020 à l'issue de l'enquête diligentée par ses soins qui a révélé d'autres faits.
Il verse aux débats les auditions des trois salariées qui ont été entendues dans le cadre de l'enquête diligentée par le service RH les 7, 10 et 22 avril 2020 et les pièces remises par Mme [C].
Le salarié lui oppose le témoignage de Mme [V] qui déclare qu'en 2008, elle a raconté à M. [Z], DRH du site, qu'elle avait appris que M. [J] avait traversé l'usine la braguette ouverte, ce qui lui avait permis de se moquer de lui comme il avait pu le faire à ses dépens quand elle avait coincé sa jupe dans son collant. Elle conclut que cette histoire a la place qu'elle méritait, dans l'oubli.
Toutefois, ces faits ne sont pas du même ordre que ceux rapportés par les trois salariées et ont été oubliés, selon les dires du témoin, de sorte qu'ils ne sauraient constituer le point de départ des agissements fautifs querellés.
Il doit par conséquent être admis que, bien que les faits reprochés à M. [J] remontent pour les plus anciens à 2011, l'employeur n'en a eu une connaissance exacte qu'à l'issue des auditions diligentées par le service RH de l'entreprise et des pièces recueillies à ce moment, soit à compter du 7 avril 2020 ; il s'en déduit que les faits reprochés au salarié n'étaient pas prescrits lors de l'engagement des poursuites, le 6 mai 2020.
> Au fond
A la suite de la demande de précisions du salarié sur les motifs énoncés dans la lettre de licenciement, l'employeur a répondu qu'étaient notamment concernées :
- Mme [M] [Y], victime d'un comportement insistant déplacé et à connotation sexuelle, l'envoi de photo intime et de SMS d'ordre privé alors qu'elle avait clairement indiqué à M. [J] ne pas vouloir entretenir de relations personnelles avec lui.
L'employeur verse aux débats deux courriels de M. [J] du 18 juillet 2011 où il se félicite d'avoir montré son sexe à Mme [C] 'je suis content que se soit tes yeux plutôt que quelqu'un d'autre dans l'usine' tout en s'excusant de l'avoir gênée mais en espérant le lendemain un prochain épisode ou 'mon orgueil masculin aurait préféré s'exhiber sous son plus beau jour et en plein effort;'
Il communique également des SMS du salarié à sa collègue le 11 mars 2016 avec une photographie de son reflet dans une vitre intégralement nu. Le salarié se dit à la fois mal à l'aise, pas très pudique, pas attiré par elle ; il lui demande également pardon et lui propose d'arrêter le coaching et écrit : ' je ne sais pas se qui fait au fond que tu réagis aussi 'violemment' mais...'avant de lui demander de l'aider et en tout cas de ne pas rester silencieuse.
Il joint encore des échanges SMS aux termes desquelles il indique qu'il aimerait que son attitude soit moins ambigue avec les femmes en général car il n'aime pas cette image de lui.
De son côté, le salarié invoque de nombreux SMS qui témoignent selon lui de la relation amicale entretenue avec Mme [C] en dépit des deux malentendus évoqués. Il communique également une attestation d'une collègue, Mme [V], laquelle rapporte qu'il a traversé l'usine la braguette ouverte, suscitant une grande hilarité.
Il s'évince de ces éléments que si Mme [C] et M. [J] ont entretenu une relation amicale parfois équivoque, les agissements fautifs s'en trouvent néanmoins avérés, parfois de l'aveu même du salarié. Ainsi, sur les événements de juillet 2011, il écrit 'en plus tu peux te moquer j'ai l'impression que mon caleçon aussi avais disparu...du coup ça devait pas être très discret en faite', ce qui induit que ce n'est pas par inadvertance qu'il s'est montré à elle braguette ouverte sans sous-vêtement et que les faits sont différents de ceux évoqués par Mme [V]. Quant aux faits de 2016, qui ne sont pas contestés, la réponse immédiate de la salariée a été 'j'arrête le coaching', ce qui démontre son absence de consentement ; au surplus, il ressort des pièces mêmes du salarié que les échanges personnels avec Mme [C] n'ont repris de manière régulière qu'à compter du mois de novembre 2016 sans autres incidents bien que leurs propos ne soient pas toujours dénués d'une certaine ambivalence. Enfin, aux termes de son audition par le service RH, Mme [C] rapporte que d'autres femmes lui ont fait part de comportements similaires à leur égard, à savoir une photo de lui nu sous la douche, des mails avec en objet '...' et une approche émotionnelle, ce qui rejoint d'autres témoignages.
Le grief est donc établi.
- Mme [I] [S], laquelle décrit une relation ambigüe et de manipulation entretenue pendant une longue période.
L'employeur s'appuie sur l'entretien de la salariée réalisé le 10 avril 2020 aux termes duquel elle explique avoir perdu sa mère fin 2012, ce qui l'a profondément affectée, et qu'à compter de juillet 2013, M. [J] a commencé à lui envoyer des mails avec comme objet '...' et des contenus du type 'j'aime ton regard qui pétille' outre le fait qu'il la relançait régulièrement bien qu'elle lui ait dit qu'elle était mariée et ne voulait pas tromper son mari ; elle déclare qu'elle lui a demandé plusieurs fois en 2014 d'arrêter et s'est sentie mieux lorsqu'il est parti en Allemagne en 2015 ; elle indique qu'en 2016, il l'a néanmoins positionnée sur des déplacements en Italie avec lui et qu'elle a du demander à son manager de ne pas partir invoquant un motif familial ; elle raconte qu'en 2017, elle a du retravailler avec M. [J] et faire une mise au point mais qu'ensuite lors d'une formation du personnel, il a fait en sorte qu'elle perde ses moyens et qu'elle a mis plusieurs jours à s'en remettre. Elle a ensuite était arrêtée pour burn out et à son retour en 2018 il n'y a plus eu d'incident mais une grande distance. Elle précise qu'une salariée lui a rapporté la même expérience : des mails avec en objet '...', la même approche, la séduction, la culpabilité...
Toutefois, M. [J] verse aux débats ses échanges de mails avec Mme [S] entre 2013 et 2015 dont il ressort que la jeune femme a pris l'initiative de leur relation adultère se disant heureuse qu'un «tabou soit enfin tombé et de laisser libre cours à ses pensées les plus secrètes». La relation amoureuse entre les deux collègues paraît réciproque et librement consentie jusqu'en 2015 y compris s'agissant de l'envoi de photographies de cette collègue, dénudée.
Le grief n'est pas démontré.
- Mme [W] [P], aux motifs qu'elle s'est plainte de comportements à connotation sexuelle et d'une attitude manipulatrice de M. [J], ce qui l'a conduite à accepter pendant plusieurs années une relation ambigüe non souhaitée.
L'employeur produit l'audition de la salariée par le service RH dont il ressort que la jeune femme de 25 ans a pris son poste en février 2016 et a rapidement travaillé avec M. [J], lequel s'est mis à lui envoyer des mails bizarres, insistants, ambigus pendant sa période d'essai, ce qui l'a mise mal à l'aise ; que la 3ème semaine du mois d'août 2016 après lui avoir dit qu'il l'a trouvait attirante et qu'elle lui ait manifesté son refus, il a organisé une fausse réunion dans une salle, s'est assis sur elle, jambes écartées, ce qu'elle a vécu comme une agression sexuelle, recevant ensuite un link en ces termes 'ça m'a tellement fait d'effet que je me suis éjaculé dessus, désolé pour l'attaque koala' ; qu'il a ensuite été placé en arrêt maladie pour burn out et qu'elle s'en ait voulu de l'avoir envoyé 'bouler' quelques temps auparavant ; qu'elle a parfois cru avoir de l'attirance pour lui, qu'elle a voulu l'aider pensant qu'il allait se suicider et qu'elle s'est sortie de cet engrenage en postulant à d'autres fonctions et en parlant à la médecine du travail. Elle ajoute qu'elle était asphyxiée de photos de lui nu dans la douche et qu'il n'y a eu que des prémices de relations sexuelles entre eux avec un baiser en juillet 2017 et d'autres entre janvier et avril 2018. Ce témoignage n'est cependant pas signée de Mme [P] aux motifs qu'elle ne souhaite pas être impliquée dans la procédure.
M. [J] soutient avoir entretenu une relation amoureuse consentie avec Mme [P] et communique leurs échanges SMS entre le 29 mars 2018 et le 11 juillet 2019. Ceux-ci révèlent une communication mêlant le professionnel et le personnel avec en avril 2018 une demande de Mme [P] de le voir plus, sans succès, mais en mai 2018 un recadrage en prévision d'une éventuelle collaboration professionnelle en ces termes : ' je ne sais pas ce qui est le plus ouf : ton obstination ou le fait que tu te considères quasi raisonnable. T'es grave.' en réponse au texto suivant '...je tiens à préciser que les selfies tant attendus sont plus pudiques que les images visualisées dans mes 'rêves' ou mes envies d'invitation sous la douche...de simples photos de toi quelques soit la position, l'environnement ou la situation me ravira...'. Le positionnement de refus de la jeune femme paraît donc clair comme celui de M. [J], très insistant. De la même façon, il sera noté que Mme [P] n'a pas répondu au message de M. [J] du 22 mai 2018 'sans lunettes, je peux défiler Q nu à deux mètres devant toi sans que tu sois surprise ni choquée '' et indique le 5 juin 2018 qu'elle a besoin de se retrouver.
Il s'ensuit que contrairement à ce que soutient M. [J], ces propos qu'il produit lui-même aux débats, sont de nature à accréditer les dires de sa collègue sur la nature de leur relation avec certes un côté 'ambigu/amoureux' ainsi qu'elle l'écrit le 13 juin 2018, mais aussi la persistance du salarié à lui envoyer des messages à caractère sexuel alors qu'elle n'est pas en demande. Il sera au surplus noté que le salarié ne conteste pas dans ses écritures les faits d'août 2016, les échanges communiqués étant en toute hypothèse largement postérieurs.
Il sera donc considéré que le grief est démontré.
De façon plus générale, l'infirmière de l'entreprise atteste que depuis les cinq dernières années, elle a reçu plusieurs salariées au cabinet médical se plaignant des comportements à caractère sexuel de M. [J] sous forme de SMS, mails, photographies. L'intéressé fournit quant à lui les témoignages de cinq collègues, dont quatre femmes, lesquels n'ont déploré aucun comportement déplacé de sa part.
Indépendant de ces derniers éléments, il apparaît que les faits reprochés au salarié aux termes de sa lettre de licenciement et du courrier en réponse à sa demande d'explications sont caractérisés, pour être précis et concordants, et justifient son éviction immédiate de la société compte tenu de leur impact sur les autres salariées concernées, dont il incombe à l'employeur d'assurer la sécurité.
Le licenciement de M. [J] est fondé sur une faute grave. La décision déférée sera donc confirmée de ce chef avec les conséquences indemnitaires subséquentes.
- Sur la demande de nullité du licenciement
En l'espèce, M. [J] sollicite la nullité de son licenciement pour avoir été prononcé pour un motif discriminatoire, à raison de son état de santé, et malgré son statut de lanceur d'alerte.
> Sur la discrimination alléguée à raison de l'état de santé du salarié
L'article L. 1132-1 du code du travail énonce un principe de non discrimination, interdisant d'écarter une personne d'une procédure de recrutement, de stage ou de formation, et de sanctionner, licencier ou discriminer de manière directe ou indirecte, ainsi que défini par l'article 1er de la loi du 27 mai 2008, un salarié, notamment en matière de rémunération, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion, de mutation, de renouvellement du contrat de travail, en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou son handicap.
L'article 1132-4 du code du travail dispose que tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance de ces dispositions est nul.
Les articles L. 1134-1 et suivants du code du travail, concernant les actions en justice fondées sur une discrimination, prévoient que la personne s'estimant discriminée présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels la partie défenderesse doit prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination, le juge formant sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes mesures d'instruction utiles.
En l'espèce, M. [J] soutient que ses conditions de travail l'ont conduit à être placé en arrêt maladie pendant plusieurs mois depuis 2006 et qu'à chaque retour, il s'est vu amputé de certaines de ses responsabilités jusqu'à être licencié pour des motifs fallacieux alors que la dégradation de son état de santé a été causée par les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité en ce qu'il lui a imposé, sans délai de prévenance, une mobilité en Allemagne, ne l'a pas accompagné et n'a pas adapté l'effectif de son équipe à sa charge de travail, et n'a pas pris les mesures pour remédier à sa situation de souffrance. Il estime que son licenciement est en réalité motivé par son état de santé et ses arrêts de travail successifs pour burn-out.
Au cas particulier, M. [J] produit ses arrêts maladie du 29 septembre 2016 pour syndrome anxio-dépressif réactionnel, du 15 septembre 2017 pour les mêmes motifs avec la mention complémentaire '(burn out)' et du 2 septembre 2019 pour trouble anxio-dépressif. Il joint les avis de la médecine du travail avec ses recommandations au titre desquelles figurent en date du 13 février 2020 'des missions identifiées et clairement définies...avec accompagnement fonctionnel...la durée de la journée de travail ne devra pas excéder 8 heures.'
Il appuie également ses allégations sur deux pièces relatives à sa rémunération variable : l'une du 10 mars 2016 retient une rémunération variable cible de 10 % à porter à 15 % et l'autre du 25 juillet 2019 indique que sa rémunération variable individuelle 2019 aura pour cible 10 % de son salaire de base annuel, au prorata de son temps de présence.
Il communique encore une note du 8 décembre 2017 annonçant sa nomination comme chargé de projet à compter du lundi 11 décembre 2017 avec les voeux du directeur du site pour une pleine réussite dans sa mission.
Il invoque par ailleurs son évaluation 2017 qui fait mention de ses absences mais se conclut ainsi 'L'année 2017 fut une année difficile tant pour le site en général que pour [A] lui-même. Malgré ses efforts et sa volonté de bien faire, les résultats n'ont pas été au rendez-vous...De belles réussites ...mais aussi des difficultés à concrétiser ou faire concrétiser les actions lancées...[A] garde toute ma confiance et mérite de retrouver confiance et succès en 2018 !'
Il allègue enfin la procédure de licenciement engagée à son encontre le 6 mai 2020 pour faute grave consistant en des propos et comportements à connotation sexuelle non désirés l'incriminant à l'égard de plusieurs collaboratrices de l'établissement.
Ces faits peuvent laisser supposer l'existence d'une discrimination à raison de son état de santé en sorte que la société Sanofi Winthrop doit démontrer que les décisions ou agissements sont justifiés par des éléments objectifs.
Si la cour retient un manquement à l'obligation de sécurité, il n'apparaît pas pour autant que le licenciement de M. [J] serait en lien avec son état de santé et ainsi discriminatoire.
Les griefs invoqués apparaissent totalement étrangers à l'état de santé du salarié, la société Sanofi Winthrop ayant engagé la procédure de licenciement après un signalement d'un salarié, en mars 2020, de comportements inadaptés ayant donné lieu à enquête interne. Il vient d'être retenu que les faits invoqués au soutien du licenciement sont caractérisés et que ce dernier est fondé sur une faute grave.
Il doit être constaté, par ailleurs, que les notifications relatives à la rémunération variable sont antérieures aux arrêts maladie du salarié pour chaque période ; s'agissant de la fin de la participation au comité de direction, elle est cohérente par rapport aux constatations médicales en faveur d'un allégement de la charge de travail et d'une reprise sur un poste détaché de chargé de mission ; quant à l'évaluation, si elle constate les absences du salarié, elle n'en tire aucune conséquence dommageable pour lui, se montrant plutôt encourageante pour l'avenir.
Dès lors, la demande de M. [J] tendant à dire que son licenciement est discriminatoire en raison de son état de santé et les demandes financières en découlant seront, par voie de confirmation du jugement, rejetées.
> Sur la violation du statut de lanceur d'alerte
Aux termes des dispositions de l'article L.1132-3-3 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions.
Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation professionnelle, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
En cas de litige relatif à l'application des premier et deuxième alinéas, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu'elle a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime, ou qu'elle a signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l'intéressé. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
En l'espèce, M. [J] prétend qu'il n'a eu de cesse d'alerter ses supérieurs hiérarchiques et le responsable de la sécurité de l'entreprise sur les violations de la réglementation, créant un risque pour la sécurité des salariés mais aussi pour celle des riverains et de l'environnement, étant observé que la DREAL qu'il a fini par saisir a constaté des faiblesses et des non-conformités. Il estime que son licenciement constitue incontestablement une mesure de rétorsion à la suite de ces alertes.
Au soutien de ses prétentions, le salarié produit des mails de septembre et novembre 2014 sur le non-respect des normes SIL ainsi qu'un courrier de sa part du 22 juin 2020 adressé à son employeur avec pour objet : 'Alerte de mise en danger grave et imminent et de présence de risques de dommages irréversibles sur l'environnement, la santé des salariés et des riverains' aux termes duquel il fait référence à un mail de janvier 2018 non communiqué. Il justifie également d'une saisine de la DREAL par courrier du 17 février 2021.
Ces éléments, indépendamment de leur bien fondé, ne sont cependant pas contemporains du licenciement querellé pour les premiers et se trouvent être postérieurs pour les seconds, de sorte qu'ils ne peuvent laisser supposer que M. [J] a été licencié à raison de la position de lanceur d'alerte qu'il revendique. Il sera utilement noté que la seule pièce susceptible d'être pertinente, le mail de janvier 2018, dont la date reste imprécise, n'est pas versée aux débats.
La décision déférée sera donc confirmée en ce qu'elle a rejeté les demandes du salarié à ce titre.
- Sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire
L 'employeur qui licencie son salarié de façon brutale, vexatoire ou injurieuse s'expose à une demande de dommages ' intérêts de la part de l'ancien salarié qui s'en estime victime, alors même que le licenciement est justifié. Pour que le salarié puisse bénéficier de dommages-intérêts, l'employeur doit avoir commis une faute causant au salarié un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi.
En l'espèce, M. [J] sollicite la somme de 15 000 euros net pour licenciement brutal et vexatoire en ce que son licenciement est intervenu dans des circonstances particulièrement brutales et vexatoires puisqu'il a été accusé de faits graves portant atteinte à son honneur et à sa réputation et n'a pas pu s'expliquer auprès de ses collègues du fait de sa mise à pied conservatoire. Il se plaint encore de n'avoir pas pu être assisté lors de l'entretien préalable faute de pouvoir contacter des collègues et de n'avoir récupéré ses effets personnels que tardivement.
L'employeur soutient avoir adopté la plus grande confidentialité pendant l'enquête diligentée à propos des agissements de M. [J] et rappelle qu'il a pu conserver son téléphone portable professionnel.
Force est de constater que l'employeur n'a commis aucune faute dans l'instruction des faits reprochés à M. [J].
Il est par ailleurs justifié que le 18 janvier 2021 les effets personnels de M. [J] lui ont été remis tandis que l'entreprise recevait de sa part son PC professionnel et son téléphone professionnel ; le salarié précise qu'il lui manque son passeport, divers documents personnels et RH ainsi que ses entretiens professionnels considérant qu'un tri a été effectué sans sa présence mais ces faits ne sont pas établis.
Il est, en toute hypothèse, conforme à une mise à pied à titre conservatoire que le salarié ait vu sa session informatique désactivée depuis le 11 mai 2020 et il sera noté que la restitution de son téléphone portable professionnel le 18 janvier 2021 lui a permis, contrairement à ce qu'il soutient, de contacter ses anciens collègues pour organiser sa défense, même si l'accès aux locaux et au réseau informatique lui était interdit.
En l'absence de circonstance vexatoire et fautive, la décision déférée sera donc confirmée en ce qu'elle a débouté le salarié de ses demandes à ce titre.
- Sur les autres demandes, les dépens et les frais irrépétibles :
Le jugement querellé est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens.
M. [J], qui succombe principalement, sera condamné aux dépens d'appel.
Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort :
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté M. [A] [J] de sa demande en paiement de dommages-intérêts au titre des manquements de l'employeur à son obligation de sécurité et en ce qu'elle a condamné M. [A] [J] à payer à la SA Sanofi Winthrop Industrie la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Condamne la SA Sanofi Winthrop Industrie à verser à M. [A] [J] la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ;
Rappelle que les condamnations en paiement de dommages et intérêts portent intérêts au taux légal dans les conditions prévues par l'article 1231-7 du code civil ;
Ordonne l'application de l'article 1343-2 du code civil ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et rejette les demandes des parties à ce titre ;
Condamne M. [A] [J] aux dépens d'appel.
Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre, président de la collégialité, et par le greffier
Jean-Christophe ESTIOT Laurence DUVALLET
CHAMBRE SOCIALE - A -
Section 2
PRUD'HOMMES
Exp + GROSSES le 21 DECEMBRE 2023 à
la SELARL LBBA
Me Emmanuelle LEVET
ABL
ARRÊT du : 21 DECEMBRE 2023
N° : - 23
N° RG 22/00373 - N° Portalis DBVN-V-B7G-GQVT
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTARGIS en date du 20 Janvier 2022 - Section : ENCADREMENT
ENTRE
APPELANT :
Monsieur [A] [J]
né le 21 Juillet 1978 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Thomas HOLLANDE de la SELARL LBBA, avocat au barreau de PARIS
ET
INTIMÉE :
S.A. SANOFI WINTHROP INDUSTRIE La société Sanofi Winthrop Industrie est prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés au siège
[Adresse 1]
[Localité 3] - FRANCE
représentée par Me Emmanuelle LEVET, avocat au barreau de PARIS
Ordonnance de clôture : 18 SEPTEMBRE 2023
A l'audience publique du 12 Octobre 2023
LA COUR COMPOSÉE DE :
Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre, présidente de la collégialité,
Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller,
Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, conseiller,
Assistés lors des débats de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier.
Puis ces mêmes magistrats ont délibéré dans la même formation et le 21 DECEMBRE 2023, Mme Laurence DUVALLET, présidente de chambre, présidente de la collégialité, assistée de M Jean-Christophe ESTIOT Greffier, a rendu l'arrêt par mise à disposition au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
M. [A] [J], né en 1978, a été engagé le 20 juin 2005 par la SA Sanofi Winthrop Industrie en qualité de chargé de projet industriel groupe 6 niveau C coefficient 365 selon contrat de travail à durée déterminée. A compter du 1er décembre 2006, la relation de travail s'est poursuivie suivant contrat de travail à durée indéterminée, M. [J] étant alors classé groupe 7 niveau A coefficient 400.
M. [J] a connu plusieurs évolutions au sein de la société et a atteint la qualification groupe 8 niveau A coefficient 520 à compter du 1er octobre 2015. Au dernier état de la relation, il occupait le poste de fiabiliste département technique depuis le 1er août 2019 avec une réévaluation de sa rémunération.
La société fabrique des préparations pharmaceutiques ; elle employait sur l'établissement d'[Localité 4] 343 salariés au 31 décembre 2019. La relation de travail était régie par la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique.
M. [J] a fait l'objet de plusieurs arrêts maladie pour maladie d'origine non-professionnelle du 30 septembre 2016 au 4 janvier 2017, du 15 septembre au 10 décembre 2017 et du 3 septembre 2019 au 11 février 2020.
Le 6 mai 2020, M. [J] a été convoqué à un entretien préalable, fixé au 20 mai 2020, avec mise à pied à titre conservatoire, et a été licencié pour faute grave le 5 juin 2020.
Par requête du 21 décembre 2020, M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Montargis aux fins de voir déclarer nul son licenciement car discriminatoire ou le cas échéant sans cause réelle et sérieuse, et à tout le moins brutal et vexatoire, et obtenir le paiement de diverses sommes en conséquence.
Par jugement du 20 janvier 2022, auquel il est renvoyé pour un plus ample exposé du litige, le conseil de prud'hommes de Montargis a :
> Déclaré que le licenciement de M. [J] pour faute grave est justifié,
> Débouté M. [J] de la totalité de ses demandes tant à titre principal que subsidiaire,
> Condamné M. [J] à régler à la société Sanofi Winthrop Industrie la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
> Condamné M. [J] aux entiers dépens, comprenant les frais d'exécution du présent jugement.
Selon déclaration du 14 février 2022, M. [J] a relevé appel de cette décision.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions (n°3) remises au greffe le 11 septembre 2023, M. [J] demande à la cour de :
> Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Montargis en toutes ses dispositions ;
Et, statuant à nouveau,
A titre principal,
> Juger nul son licenciement car discriminatoire au regard de son état de santé et prononcé en violation de son statut de lanceur d'alerte ;
En conséquence, condamner la société Sanofi Winthrop Industrie à lui verser la somme de 100 000 euros net à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ;
A titre subsidiaire,
> Juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
En conséquence, condamner la société Sanofi Winthrop Industrie à lui verser la
somme de 70 434,96 euros net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
En tout état de cause,
> Condamner la société Sanofi Winthrop Industrie à lui verser :
- 43 053 euros net à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
- 17 525 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 752,50 euros bruts de congés payés afférents ;
- 5 267 euros brut à titre de rappel de salaire sur mise à pied, outre les congés payés afférents à hauteur de 526,70 euros ;
-15 000 euros net à titre de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire;
- 15 000 euros net à titre de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ;
- 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel ;
> Ordonner à la société Sanofi Winthrop Industrie la remise à son égard des documents de fin de contrat conformes à l'arrêt à intervenir (attestation Pôle Emploi, solde de tout compte et bulletins de paie) sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir, la cour se réservant la faculté de liquider l'astreinte ;
> Dire que les condamnations prononcées porteront intérêt au taux légal avec anatocisme à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de Prud'hommes pour les sommes de nature salariale et à compter de l'arrêt à intervenir pour les sommes de nature indemnitaire ;
> Condamner la Société Sanofi Winthrop Industrie aux entiers dépens ;
> La débouter de ses demandes reconventionnelles.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 28 juillet 2022, la SA Sanofi Winthrop Industrie demande à la cour de :
> Confirmer le jugement entrepris en l'intégralité de ses dispositions,
> Débouter M. [J] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement
nul,
> Débouter M. [J] de sa demande de rappel de salaire sur mise à pied
conservatoire et congés payés afférents,
> Débouter M. [J] de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents,
> Débouter M. [J] de sa demande d'indemnité conventionnelle de licenciement,
> Débouter M. [J] de sa demande subsidiaire d'indemnité pour licenciement sans
cause réelle ni sérieuse,
> Débouter M. [J] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire,
> Débouter M. [J] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,
> Débouter M. [J] de sa demande d'astreinte,
> Débouter M. [J] de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure
civile,
> Condamner M. [J] à lui régler la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
> Condamner M. [J] aux dépens.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 18 septembre 2023.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières conclusions conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
- Sur la demande de dommages-intérêts au titre de manquements à l'obligation de sécurité
Aux termes des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail, l'employeur est tenu d'une obligation de santé et sécurité au travail et doit prendre les mesures nécessaires pour y satisfaire, en ce inclus des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d'information et de formation, la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
En l'espèce, M. [J] réclame la somme de 15 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité aux motifs que l'employeur lui a imposé, sans délai de prévenance, une mobilité en Allemagne, ne l'a pas accompagné et n'a pas adapté l'effectif de son équipe à sa charge de travail, et n'a pas pris les mesures pour remédier à sa situation de souffrance.
L'employeur se défend de tout manquement à son obligation de sécurité dans la mesure où le détachement en Allemagne ne relève aucunement d'une clause de mobilité mais s'apparente à des missions que l'intéressé a acceptées en temps utile, seule leur formalisation étant tardive ; il conteste la surcharge de travail alléguée et affirme avoir fourni au salarié les moyens, formations et accompagnements nécessaires à l'exercice de ses attributions.
Sur la question de l'affectation du salarié en Allemagne, il est exact que M. [J] a fait l'objet aux termes d'une lettre de mission du 26 juin 2015 d'un détachement au sein de l'établissement Sanofi de Cologne à compter du 1er juillet 2015 pour une durée prévisionnelle de 4 mois dans la limite de 11 mois, la transmission de ce courrier étant intervenue le 23 juillet 2015. Il n'en ressort cependant aucun manquement de l'employeur à son obligation de sécurité à ce titre.
Sur l'absence d'accompagnement et d'adaptation de l'effectif de son équipe à sa charge de travail, M. [J] indique avoir découvert le 7 mars 2016 que les 3 postes à temps plein qui constituaient son service devaient être supprimés dans les 2 ans à venir. Cette information est contestée par l'employeur qui ne justifie pas pour autant de l'état de ses effectifs.
De la même façon, le salarié indique avoir subi une charge de travail supplémentaire entre mars et septembre 2017 sans que les éléments portés à la connaissance de la cour permettent de s'en assurer. Il s'avère néanmoins qu'à l'occasion de son entretien annuel 2017, le salarié estime ne pas avoir eu les moyens à hauteur des ambitions de la société et explique devant le médecin du travail être à nouveau en difficulté sur son poste ; il est noté une baisse des effectifs sans autre précision. Le salarié a été placé en arrêt maladie du 15 septembre au 10 décembre 2017 pour syndrome anxio-dépressif réactionnel et burn out. L'employeur ne produit aucun élément permettant d'évaluer la charge de travail de son salarié.
En août 2019, le salarié a été affecté à un nouveau poste, celui de fiabiliste département technique mais a rapidement été placé en arrêt maladie pour troubles anxio-dépressifs du 3 septembre 2019 au 11 février 2020. Il explique au médecin du travail être confronté à des missions rendues impossibles par manque de moyens et du fait de restructuration parfois contraires aux projets construits. Son entretien annuel 2019 révèle toutefois que sa demande de constituer une équipe pour déployer des projets a été entendue et que 4 personnes dont 2 alternants ont été dédiées à son pôle.
Enfin, sur l'absence de mesures pour remédier à sa souffrance au travail, le salarié invoque ses arrêts maladie successifs pour syndrome anxio-dépressif réactionnel (du 30 septembre 2016 au 4 janvier 2017), burn out (du 15 septembre au 10 décembre 2017) et trouble anxio-dépressif du 3 septembre 2019 au 11 février 2020 reprochant à la société de ne pas avoir mis en place un accompagnement particulier et respecté les préconisations de la médecine du travail à savoir : un temps de travail journalier de 8 heures maximum et une gestion de la charge de travail à la convenance du salarié, avec des missions clairement définies et un accompagnement fonctionnel. Il ne peut qu'être constaté que la société échoue à rapporter la preuve qui lui incombe.
Il s'ensuit qu'il est démontré que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité pour ne pas être en mesure de justifier de la charge de travail de son salarié et des mesures mises en place pour respecter les recommandations de la médecine du travail. Il sera alloué la somme de 3 000 euros à M. [J] à ce titre, infirmant la décision déférée sur ce point.
- Sur le bien fondé du licenciement pour faute grave
En application de l'article L. 1232-6 du code du travail, lorsque l'employeur décide de licencier un salarié il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec accusé réception comportant l'exposé du ou des motifs de rupture du contrat de travail.
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige opposant les parties énonce les griefs qui seront examinés au visa de l'article L. 1235-1 du code du travail, le doute profitant au salarié.
La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié, rendant impossible son maintien dans l'entreprise, et l'employeur, débiteur de l'indemnité de préavis et de l'indemnité de licenciement, doit démontrer la faute grave reprochée.
En l'espèce, aux termes de sa lettre de licenciement, il est reproché à M. [J] des propos et comportements à connotation sexuelle non désirés l'incriminant à l'égard de plusieurs collaboratrices de l'établissement, les différents témoignages recueillis attestant de propos inappropriés de sa part envers des salariées du site par le biais de sa messagerie professionnelle au temps et au lieu du travail ; il est indiqué que ces agissements ont eu pour effet de déstabiliser les salariées concernées dans l'exercice de leurs fonctions et de leurs relations avec leur hiérarchie, compte tenu notamment du fait qu'il faisait partie de l'encadrement et était membre du comité de direction ; il est précisé que les témoignages font état de comportements insistants, inadaptés et inappropriés envers plusieurs personnes tels que des contacts physiques non désirés ou encore des sollicitations pour obtenir des faveurs sexuelles ; il lui est fait grief d'avoir abusé de sa position hiérarchique pour manipuler les personnes et intimider ses collaboratrices pour parvenir à ses fins, ces actes ayant eu pour conséquence de dégrader la santé physique et mentale des personnes qui les ont subis.
Le salarié invoque la prescription des faits fautifs et considère qu'il appartient à la société de démontrer qu'elle n'en a eu connaissance qu'en mars 2020 ainsi qu'elle le prétend. Au fond, il admet avoir eu des relations extra-professionnelles avec Mme [C], [S] et [P], amicales ou amoureuses, en toute hypothèse pleinement consenties, et expose que l'employeur n'apporte aucun élément concernant d'autres salariées.
> Sur la prescription des faits fautifs
En application de l'article L. 1332-4 du code du travail aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. Il est constant que la persistance d'un même comportement fautif autorise l'employeur à se prévaloir de faits même prescrits à la date de l'engagement de la procédure de licenciement.
Le délai de prescription de 2 mois commence à courir seulement à partir du moment où l'employeur a une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des griefs imputables au salarié.
L'employeur indique dans la lettre de licenciement qu'il a été alerté le 10 mars 2020, par un collaborateur des agissements abusifs de M. [J] à l'égard d'une salariée au sein du site d'[Localité 4] Production. Il dit avoir engagé la procédure disciplinaire le 6 mai 2020 à l'issue de l'enquête diligentée par ses soins qui a révélé d'autres faits.
Il verse aux débats les auditions des trois salariées qui ont été entendues dans le cadre de l'enquête diligentée par le service RH les 7, 10 et 22 avril 2020 et les pièces remises par Mme [C].
Le salarié lui oppose le témoignage de Mme [V] qui déclare qu'en 2008, elle a raconté à M. [Z], DRH du site, qu'elle avait appris que M. [J] avait traversé l'usine la braguette ouverte, ce qui lui avait permis de se moquer de lui comme il avait pu le faire à ses dépens quand elle avait coincé sa jupe dans son collant. Elle conclut que cette histoire a la place qu'elle méritait, dans l'oubli.
Toutefois, ces faits ne sont pas du même ordre que ceux rapportés par les trois salariées et ont été oubliés, selon les dires du témoin, de sorte qu'ils ne sauraient constituer le point de départ des agissements fautifs querellés.
Il doit par conséquent être admis que, bien que les faits reprochés à M. [J] remontent pour les plus anciens à 2011, l'employeur n'en a eu une connaissance exacte qu'à l'issue des auditions diligentées par le service RH de l'entreprise et des pièces recueillies à ce moment, soit à compter du 7 avril 2020 ; il s'en déduit que les faits reprochés au salarié n'étaient pas prescrits lors de l'engagement des poursuites, le 6 mai 2020.
> Au fond
A la suite de la demande de précisions du salarié sur les motifs énoncés dans la lettre de licenciement, l'employeur a répondu qu'étaient notamment concernées :
- Mme [M] [Y], victime d'un comportement insistant déplacé et à connotation sexuelle, l'envoi de photo intime et de SMS d'ordre privé alors qu'elle avait clairement indiqué à M. [J] ne pas vouloir entretenir de relations personnelles avec lui.
L'employeur verse aux débats deux courriels de M. [J] du 18 juillet 2011 où il se félicite d'avoir montré son sexe à Mme [C] 'je suis content que se soit tes yeux plutôt que quelqu'un d'autre dans l'usine' tout en s'excusant de l'avoir gênée mais en espérant le lendemain un prochain épisode ou 'mon orgueil masculin aurait préféré s'exhiber sous son plus beau jour et en plein effort;'
Il communique également des SMS du salarié à sa collègue le 11 mars 2016 avec une photographie de son reflet dans une vitre intégralement nu. Le salarié se dit à la fois mal à l'aise, pas très pudique, pas attiré par elle ; il lui demande également pardon et lui propose d'arrêter le coaching et écrit : ' je ne sais pas se qui fait au fond que tu réagis aussi 'violemment' mais...'avant de lui demander de l'aider et en tout cas de ne pas rester silencieuse.
Il joint encore des échanges SMS aux termes desquelles il indique qu'il aimerait que son attitude soit moins ambigue avec les femmes en général car il n'aime pas cette image de lui.
De son côté, le salarié invoque de nombreux SMS qui témoignent selon lui de la relation amicale entretenue avec Mme [C] en dépit des deux malentendus évoqués. Il communique également une attestation d'une collègue, Mme [V], laquelle rapporte qu'il a traversé l'usine la braguette ouverte, suscitant une grande hilarité.
Il s'évince de ces éléments que si Mme [C] et M. [J] ont entretenu une relation amicale parfois équivoque, les agissements fautifs s'en trouvent néanmoins avérés, parfois de l'aveu même du salarié. Ainsi, sur les événements de juillet 2011, il écrit 'en plus tu peux te moquer j'ai l'impression que mon caleçon aussi avais disparu...du coup ça devait pas être très discret en faite', ce qui induit que ce n'est pas par inadvertance qu'il s'est montré à elle braguette ouverte sans sous-vêtement et que les faits sont différents de ceux évoqués par Mme [V]. Quant aux faits de 2016, qui ne sont pas contestés, la réponse immédiate de la salariée a été 'j'arrête le coaching', ce qui démontre son absence de consentement ; au surplus, il ressort des pièces mêmes du salarié que les échanges personnels avec Mme [C] n'ont repris de manière régulière qu'à compter du mois de novembre 2016 sans autres incidents bien que leurs propos ne soient pas toujours dénués d'une certaine ambivalence. Enfin, aux termes de son audition par le service RH, Mme [C] rapporte que d'autres femmes lui ont fait part de comportements similaires à leur égard, à savoir une photo de lui nu sous la douche, des mails avec en objet '...' et une approche émotionnelle, ce qui rejoint d'autres témoignages.
Le grief est donc établi.
- Mme [I] [S], laquelle décrit une relation ambigüe et de manipulation entretenue pendant une longue période.
L'employeur s'appuie sur l'entretien de la salariée réalisé le 10 avril 2020 aux termes duquel elle explique avoir perdu sa mère fin 2012, ce qui l'a profondément affectée, et qu'à compter de juillet 2013, M. [J] a commencé à lui envoyer des mails avec comme objet '...' et des contenus du type 'j'aime ton regard qui pétille' outre le fait qu'il la relançait régulièrement bien qu'elle lui ait dit qu'elle était mariée et ne voulait pas tromper son mari ; elle déclare qu'elle lui a demandé plusieurs fois en 2014 d'arrêter et s'est sentie mieux lorsqu'il est parti en Allemagne en 2015 ; elle indique qu'en 2016, il l'a néanmoins positionnée sur des déplacements en Italie avec lui et qu'elle a du demander à son manager de ne pas partir invoquant un motif familial ; elle raconte qu'en 2017, elle a du retravailler avec M. [J] et faire une mise au point mais qu'ensuite lors d'une formation du personnel, il a fait en sorte qu'elle perde ses moyens et qu'elle a mis plusieurs jours à s'en remettre. Elle a ensuite était arrêtée pour burn out et à son retour en 2018 il n'y a plus eu d'incident mais une grande distance. Elle précise qu'une salariée lui a rapporté la même expérience : des mails avec en objet '...', la même approche, la séduction, la culpabilité...
Toutefois, M. [J] verse aux débats ses échanges de mails avec Mme [S] entre 2013 et 2015 dont il ressort que la jeune femme a pris l'initiative de leur relation adultère se disant heureuse qu'un «tabou soit enfin tombé et de laisser libre cours à ses pensées les plus secrètes». La relation amoureuse entre les deux collègues paraît réciproque et librement consentie jusqu'en 2015 y compris s'agissant de l'envoi de photographies de cette collègue, dénudée.
Le grief n'est pas démontré.
- Mme [W] [P], aux motifs qu'elle s'est plainte de comportements à connotation sexuelle et d'une attitude manipulatrice de M. [J], ce qui l'a conduite à accepter pendant plusieurs années une relation ambigüe non souhaitée.
L'employeur produit l'audition de la salariée par le service RH dont il ressort que la jeune femme de 25 ans a pris son poste en février 2016 et a rapidement travaillé avec M. [J], lequel s'est mis à lui envoyer des mails bizarres, insistants, ambigus pendant sa période d'essai, ce qui l'a mise mal à l'aise ; que la 3ème semaine du mois d'août 2016 après lui avoir dit qu'il l'a trouvait attirante et qu'elle lui ait manifesté son refus, il a organisé une fausse réunion dans une salle, s'est assis sur elle, jambes écartées, ce qu'elle a vécu comme une agression sexuelle, recevant ensuite un link en ces termes 'ça m'a tellement fait d'effet que je me suis éjaculé dessus, désolé pour l'attaque koala' ; qu'il a ensuite été placé en arrêt maladie pour burn out et qu'elle s'en ait voulu de l'avoir envoyé 'bouler' quelques temps auparavant ; qu'elle a parfois cru avoir de l'attirance pour lui, qu'elle a voulu l'aider pensant qu'il allait se suicider et qu'elle s'est sortie de cet engrenage en postulant à d'autres fonctions et en parlant à la médecine du travail. Elle ajoute qu'elle était asphyxiée de photos de lui nu dans la douche et qu'il n'y a eu que des prémices de relations sexuelles entre eux avec un baiser en juillet 2017 et d'autres entre janvier et avril 2018. Ce témoignage n'est cependant pas signée de Mme [P] aux motifs qu'elle ne souhaite pas être impliquée dans la procédure.
M. [J] soutient avoir entretenu une relation amoureuse consentie avec Mme [P] et communique leurs échanges SMS entre le 29 mars 2018 et le 11 juillet 2019. Ceux-ci révèlent une communication mêlant le professionnel et le personnel avec en avril 2018 une demande de Mme [P] de le voir plus, sans succès, mais en mai 2018 un recadrage en prévision d'une éventuelle collaboration professionnelle en ces termes : ' je ne sais pas ce qui est le plus ouf : ton obstination ou le fait que tu te considères quasi raisonnable. T'es grave.' en réponse au texto suivant '...je tiens à préciser que les selfies tant attendus sont plus pudiques que les images visualisées dans mes 'rêves' ou mes envies d'invitation sous la douche...de simples photos de toi quelques soit la position, l'environnement ou la situation me ravira...'. Le positionnement de refus de la jeune femme paraît donc clair comme celui de M. [J], très insistant. De la même façon, il sera noté que Mme [P] n'a pas répondu au message de M. [J] du 22 mai 2018 'sans lunettes, je peux défiler Q nu à deux mètres devant toi sans que tu sois surprise ni choquée '' et indique le 5 juin 2018 qu'elle a besoin de se retrouver.
Il s'ensuit que contrairement à ce que soutient M. [J], ces propos qu'il produit lui-même aux débats, sont de nature à accréditer les dires de sa collègue sur la nature de leur relation avec certes un côté 'ambigu/amoureux' ainsi qu'elle l'écrit le 13 juin 2018, mais aussi la persistance du salarié à lui envoyer des messages à caractère sexuel alors qu'elle n'est pas en demande. Il sera au surplus noté que le salarié ne conteste pas dans ses écritures les faits d'août 2016, les échanges communiqués étant en toute hypothèse largement postérieurs.
Il sera donc considéré que le grief est démontré.
De façon plus générale, l'infirmière de l'entreprise atteste que depuis les cinq dernières années, elle a reçu plusieurs salariées au cabinet médical se plaignant des comportements à caractère sexuel de M. [J] sous forme de SMS, mails, photographies. L'intéressé fournit quant à lui les témoignages de cinq collègues, dont quatre femmes, lesquels n'ont déploré aucun comportement déplacé de sa part.
Indépendant de ces derniers éléments, il apparaît que les faits reprochés au salarié aux termes de sa lettre de licenciement et du courrier en réponse à sa demande d'explications sont caractérisés, pour être précis et concordants, et justifient son éviction immédiate de la société compte tenu de leur impact sur les autres salariées concernées, dont il incombe à l'employeur d'assurer la sécurité.
Le licenciement de M. [J] est fondé sur une faute grave. La décision déférée sera donc confirmée de ce chef avec les conséquences indemnitaires subséquentes.
- Sur la demande de nullité du licenciement
En l'espèce, M. [J] sollicite la nullité de son licenciement pour avoir été prononcé pour un motif discriminatoire, à raison de son état de santé, et malgré son statut de lanceur d'alerte.
> Sur la discrimination alléguée à raison de l'état de santé du salarié
L'article L. 1132-1 du code du travail énonce un principe de non discrimination, interdisant d'écarter une personne d'une procédure de recrutement, de stage ou de formation, et de sanctionner, licencier ou discriminer de manière directe ou indirecte, ainsi que défini par l'article 1er de la loi du 27 mai 2008, un salarié, notamment en matière de rémunération, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion, de mutation, de renouvellement du contrat de travail, en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou son handicap.
L'article 1132-4 du code du travail dispose que tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance de ces dispositions est nul.
Les articles L. 1134-1 et suivants du code du travail, concernant les actions en justice fondées sur une discrimination, prévoient que la personne s'estimant discriminée présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels la partie défenderesse doit prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination, le juge formant sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes mesures d'instruction utiles.
En l'espèce, M. [J] soutient que ses conditions de travail l'ont conduit à être placé en arrêt maladie pendant plusieurs mois depuis 2006 et qu'à chaque retour, il s'est vu amputé de certaines de ses responsabilités jusqu'à être licencié pour des motifs fallacieux alors que la dégradation de son état de santé a été causée par les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité en ce qu'il lui a imposé, sans délai de prévenance, une mobilité en Allemagne, ne l'a pas accompagné et n'a pas adapté l'effectif de son équipe à sa charge de travail, et n'a pas pris les mesures pour remédier à sa situation de souffrance. Il estime que son licenciement est en réalité motivé par son état de santé et ses arrêts de travail successifs pour burn-out.
Au cas particulier, M. [J] produit ses arrêts maladie du 29 septembre 2016 pour syndrome anxio-dépressif réactionnel, du 15 septembre 2017 pour les mêmes motifs avec la mention complémentaire '(burn out)' et du 2 septembre 2019 pour trouble anxio-dépressif. Il joint les avis de la médecine du travail avec ses recommandations au titre desquelles figurent en date du 13 février 2020 'des missions identifiées et clairement définies...avec accompagnement fonctionnel...la durée de la journée de travail ne devra pas excéder 8 heures.'
Il appuie également ses allégations sur deux pièces relatives à sa rémunération variable : l'une du 10 mars 2016 retient une rémunération variable cible de 10 % à porter à 15 % et l'autre du 25 juillet 2019 indique que sa rémunération variable individuelle 2019 aura pour cible 10 % de son salaire de base annuel, au prorata de son temps de présence.
Il communique encore une note du 8 décembre 2017 annonçant sa nomination comme chargé de projet à compter du lundi 11 décembre 2017 avec les voeux du directeur du site pour une pleine réussite dans sa mission.
Il invoque par ailleurs son évaluation 2017 qui fait mention de ses absences mais se conclut ainsi 'L'année 2017 fut une année difficile tant pour le site en général que pour [A] lui-même. Malgré ses efforts et sa volonté de bien faire, les résultats n'ont pas été au rendez-vous...De belles réussites ...mais aussi des difficultés à concrétiser ou faire concrétiser les actions lancées...[A] garde toute ma confiance et mérite de retrouver confiance et succès en 2018 !'
Il allègue enfin la procédure de licenciement engagée à son encontre le 6 mai 2020 pour faute grave consistant en des propos et comportements à connotation sexuelle non désirés l'incriminant à l'égard de plusieurs collaboratrices de l'établissement.
Ces faits peuvent laisser supposer l'existence d'une discrimination à raison de son état de santé en sorte que la société Sanofi Winthrop doit démontrer que les décisions ou agissements sont justifiés par des éléments objectifs.
Si la cour retient un manquement à l'obligation de sécurité, il n'apparaît pas pour autant que le licenciement de M. [J] serait en lien avec son état de santé et ainsi discriminatoire.
Les griefs invoqués apparaissent totalement étrangers à l'état de santé du salarié, la société Sanofi Winthrop ayant engagé la procédure de licenciement après un signalement d'un salarié, en mars 2020, de comportements inadaptés ayant donné lieu à enquête interne. Il vient d'être retenu que les faits invoqués au soutien du licenciement sont caractérisés et que ce dernier est fondé sur une faute grave.
Il doit être constaté, par ailleurs, que les notifications relatives à la rémunération variable sont antérieures aux arrêts maladie du salarié pour chaque période ; s'agissant de la fin de la participation au comité de direction, elle est cohérente par rapport aux constatations médicales en faveur d'un allégement de la charge de travail et d'une reprise sur un poste détaché de chargé de mission ; quant à l'évaluation, si elle constate les absences du salarié, elle n'en tire aucune conséquence dommageable pour lui, se montrant plutôt encourageante pour l'avenir.
Dès lors, la demande de M. [J] tendant à dire que son licenciement est discriminatoire en raison de son état de santé et les demandes financières en découlant seront, par voie de confirmation du jugement, rejetées.
> Sur la violation du statut de lanceur d'alerte
Aux termes des dispositions de l'article L.1132-3-3 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions.
Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation professionnelle, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
En cas de litige relatif à l'application des premier et deuxième alinéas, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu'elle a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime, ou qu'elle a signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l'intéressé. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
En l'espèce, M. [J] prétend qu'il n'a eu de cesse d'alerter ses supérieurs hiérarchiques et le responsable de la sécurité de l'entreprise sur les violations de la réglementation, créant un risque pour la sécurité des salariés mais aussi pour celle des riverains et de l'environnement, étant observé que la DREAL qu'il a fini par saisir a constaté des faiblesses et des non-conformités. Il estime que son licenciement constitue incontestablement une mesure de rétorsion à la suite de ces alertes.
Au soutien de ses prétentions, le salarié produit des mails de septembre et novembre 2014 sur le non-respect des normes SIL ainsi qu'un courrier de sa part du 22 juin 2020 adressé à son employeur avec pour objet : 'Alerte de mise en danger grave et imminent et de présence de risques de dommages irréversibles sur l'environnement, la santé des salariés et des riverains' aux termes duquel il fait référence à un mail de janvier 2018 non communiqué. Il justifie également d'une saisine de la DREAL par courrier du 17 février 2021.
Ces éléments, indépendamment de leur bien fondé, ne sont cependant pas contemporains du licenciement querellé pour les premiers et se trouvent être postérieurs pour les seconds, de sorte qu'ils ne peuvent laisser supposer que M. [J] a été licencié à raison de la position de lanceur d'alerte qu'il revendique. Il sera utilement noté que la seule pièce susceptible d'être pertinente, le mail de janvier 2018, dont la date reste imprécise, n'est pas versée aux débats.
La décision déférée sera donc confirmée en ce qu'elle a rejeté les demandes du salarié à ce titre.
- Sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire
L 'employeur qui licencie son salarié de façon brutale, vexatoire ou injurieuse s'expose à une demande de dommages ' intérêts de la part de l'ancien salarié qui s'en estime victime, alors même que le licenciement est justifié. Pour que le salarié puisse bénéficier de dommages-intérêts, l'employeur doit avoir commis une faute causant au salarié un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi.
En l'espèce, M. [J] sollicite la somme de 15 000 euros net pour licenciement brutal et vexatoire en ce que son licenciement est intervenu dans des circonstances particulièrement brutales et vexatoires puisqu'il a été accusé de faits graves portant atteinte à son honneur et à sa réputation et n'a pas pu s'expliquer auprès de ses collègues du fait de sa mise à pied conservatoire. Il se plaint encore de n'avoir pas pu être assisté lors de l'entretien préalable faute de pouvoir contacter des collègues et de n'avoir récupéré ses effets personnels que tardivement.
L'employeur soutient avoir adopté la plus grande confidentialité pendant l'enquête diligentée à propos des agissements de M. [J] et rappelle qu'il a pu conserver son téléphone portable professionnel.
Force est de constater que l'employeur n'a commis aucune faute dans l'instruction des faits reprochés à M. [J].
Il est par ailleurs justifié que le 18 janvier 2021 les effets personnels de M. [J] lui ont été remis tandis que l'entreprise recevait de sa part son PC professionnel et son téléphone professionnel ; le salarié précise qu'il lui manque son passeport, divers documents personnels et RH ainsi que ses entretiens professionnels considérant qu'un tri a été effectué sans sa présence mais ces faits ne sont pas établis.
Il est, en toute hypothèse, conforme à une mise à pied à titre conservatoire que le salarié ait vu sa session informatique désactivée depuis le 11 mai 2020 et il sera noté que la restitution de son téléphone portable professionnel le 18 janvier 2021 lui a permis, contrairement à ce qu'il soutient, de contacter ses anciens collègues pour organiser sa défense, même si l'accès aux locaux et au réseau informatique lui était interdit.
En l'absence de circonstance vexatoire et fautive, la décision déférée sera donc confirmée en ce qu'elle a débouté le salarié de ses demandes à ce titre.
- Sur les autres demandes, les dépens et les frais irrépétibles :
Le jugement querellé est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens.
M. [J], qui succombe principalement, sera condamné aux dépens d'appel.
Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort :
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté M. [A] [J] de sa demande en paiement de dommages-intérêts au titre des manquements de l'employeur à son obligation de sécurité et en ce qu'elle a condamné M. [A] [J] à payer à la SA Sanofi Winthrop Industrie la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Condamne la SA Sanofi Winthrop Industrie à verser à M. [A] [J] la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ;
Rappelle que les condamnations en paiement de dommages et intérêts portent intérêts au taux légal dans les conditions prévues par l'article 1231-7 du code civil ;
Ordonne l'application de l'article 1343-2 du code civil ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et rejette les demandes des parties à ce titre ;
Condamne M. [A] [J] aux dépens d'appel.
Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre, président de la collégialité, et par le greffier
Jean-Christophe ESTIOT Laurence DUVALLET