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Décisions

CA Versailles, 6e ch., 21 décembre 2023, n° 23/00589

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 23/00589

21 décembre 2023

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

RENVOI APRÈS CASSATION

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 21 DECEMBRE 2023

N° RG 23/00589 -

N° Portalis DBV3-V-B7H-VWU3

AFFAIRE :

[W] [T]

Syndicat SPIC UNSA

Association MAISON DES LANCEURS D'ALERTE

C/

S.A.S.U. THALES SIX GTS FRANCE

Fédération DES TRAVAILLEURS DE LA METALLURGIE DE LA CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL

LE DEFENSEUR DES DROITS

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 11 Décembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° RG : 20/00222

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU

Me Oriane DONTOT

Me Laetitia BRAHAMI

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN DECEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant, devant initialement être rendu le 16 novembre 2023 et prorogé au 21 novembre 2023, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Madame [W] [T]

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représentant : Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 et Me Frédéric BENOIST, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0001

Syndicat SPIC UNSA

[Adresse 3]

[Localité 12]

Représentant : Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 et Me Eve OUANSON de la SELARL BRIHI KOSKAS & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Association MAISON DES LANCEURS D'ALERTE

[Adresse 5]

[Localité 9]

Représentant : Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 et Me Juliette ALIBERT, Plaidant, avocat au barreau de RENNES, vestiaire : 177

APPELANTES

****************

S.A.S.U. THALES SIX GTS FRANCE

[Adresse 6]

[Localité 10]

Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 et Me Aurélien BOULANGER de la SELARL SELARL LHJ AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Fédération DES TRAVAILLEURS DE LA METALLURGIE DE LA CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL

[Adresse 4]

[Localité 11]

Représentant : Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 et Me Juliette ALIBERT, Plaidant, avocat au barreau de RENNES, vestiaire : 177

LE DEFENSEUR DES DROITS

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentant : Me Laetitia BRAHAMI, avocat au barreau de PARIS

PARTIES INTERVENANTES

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 Septembre 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président et Madame Isabelle CHABAL, conseiller, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,

Madame Rose-May SPAZZOLA Conseiller,

Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Domitille GOSSELIN,

Vu l'ordonnance du 11 décembre 2020 rendue par la formation de référé du conseil de prud'hommes de Nanterre,

Vu l'arrêt rendu le 16 septembre 2021 par la cour d'appel de Versailles,

Vu l'arrêt rendu le 1er février 2023, par la chambre sociale de la Cour de cassation,

Vu la saisine de la cour d'appel de renvoi par Mme [W] [T] et le syndicat Spic-Unsa du 22 février 2023,

Vu l'avis de fixation du greffe du 29 mars 2023,

Vu les dernières conclusions de Mme [W] [T] du 28 août 2023,

Vu les conclusions de la Maison des lanceurs d'alerte du 21 avril 2023,

Vu les conclusions du syndicat national Unsa des professionnels de l'industrie et de la construction (Spic-Unsa) du 21 avril 2023,

Vu les conclusions d'intervention volontaire de la Fédération des travailleurs de la métallurgie de la Confédération générale du travail (FTM-CGT) du 9 juin 2023,

Vu les dernières conclusions de la société Thales Six GTS France du 28 août 2023,

Vu l'ordonnance de clôture du 6 septembre 2023.

EXPOSE DU LITIGE

La société Thales Six GTS France (ci-après "Thales") est spécialisée dans les systèmes d'information et de communication sécurisés pour les marchés mondiaux de la défense, de la sécurité et du transport terrestre.

Elle applique la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972.

Mme [W] [T], née le 11 octobre 1970, a été engagée par contrat de travail à durée indéterminée par la société Thales Global Services le 1er septembre 2014 en qualité de responsable de la transformation des infrastructures centrales.

Par convention de mutation concertée, Mme [T] a été engagée par la société Thales Six GTS France à compter du 1er juillet 2017 en qualité de responsable du département offres et projets Export au sein du secteur S3U de la direction SSC de la société Thales Six GTS France, moyennant une rémunération annuelle de 100 200 euros.

Par message du 25 février 2019, Mme [T] a adressé à sa hiérarchie un compte rendu de leur réunion du 11 février 2019, au terme duquel elle indiquait avoir partagé son questionnement quant à la saisie du comité d'éthique du groupe Thales au regard d'agissements pour lesquels sa hiérarchie était impliquée.

Mme [T] a envoyé le 13 mars 2019 à M. [H] en tant que président du comité d'éthique un message dont l'objet était 'question relative à la prévention de la corruption et du trafic d'influence'.

M. [H] quittant l'entreprise au 30 mars 2019, Mme [T] s'est vu recommander par l'employeur de saisir sa demande à l'adresse 'alert.thales' ou à l'adresse cryptée '[Courriel 13]'.

Mme [T] a adressé son alerte sur la première adresse le 24 mars 2019.

Il a été répondu à Mme [T] par message du 28 mai 2019 aux termes duquel le comité d'éthique indique avoir mené une enquête interne et pris les mesures adéquates au regard de celle-ci.

Mme [T] a saisi le comité d'éthique une seconde fois le 7 octobre 2019 faisant état d'un harcèlement subi de la part de sa hiérarchie.

Le 20 février 2020, les conclusions du comité de suivi de l'alerte ont été rendues par la direction éthique, intégrité et responsabilité d'entreprise du groupe Thales.

Elles rappellent les termes de l'alerte adressée par la salariée du 24 mars 2019, puis de la nouvelle saisine de Mme [T] du 7 octobre 2019, l'entretien qui s'est tenu le 28 novembre 2019 avec la salariée, la demande du 3 décembre 2019 faite à cette dernière de confirmer ses propos et de communiquer tout élément factuel se rapportant à ses déclarations, enfin de l'enquête menée par le comité avec l'audition des personnes mises en cause par Mme [T] et l'étude des pièces produites par celle-ci.

Les conclusions indiquent notamment :

'[...]1- Sur la persistance des faits ayant donné lieu à l'alerte intervenue en mars 2019

Au terme de ces investigations, le Comité estime que les éléments rapportés par Mme [T] afférents aux faits ayant donné lieu à la première alerte intervenue en mars 2019 ne sont pas probants quant à la persistance d'une situation contraire aux règles et principes éthiques en vigueur et ne nécessitent pas d'autres mesures ni initiatives que celles qui ont été engagées suite à cette première alerte.

2- Sur la situation de harcèlement dont Mme [T] estime faire l'objet du fait de son alerte

Il résulte des documents transmis et témoignages recueillis que :

- des difficultés relationnelles sont apparues entre Mme [T] et sa hiérarchie dès ses premiers mois d'activité au sein de la société Thales Six GTS France.

Ces difficultés relationnelles tiennent notamment, d'une part, à de nombreux différends quant aux arbitrages retenus sur différents dossiers, aux choix de management du département et aux modalités d'interaction avec les autres parties prenantes et, d'autre part, au désaccord de Mme [T], quant à l'appréciation de sa performance au titre de l'année 2017 puis de l'année 2018 et à son absence d'évolution en NR 11 comme envisagé lors de son recrutement.

- les décisions prises à cet égard sont étayées par de nombreux éléments liés aux relations conflictuelles entretenues par Mme [T] avec d'autres parties prenantes relevant de la même organisation ainsi qu'à des difficultés managériales, celles-ci ayant conduit plusieurs de ses collaborateurs qui s'estimaient en situation de souffrance, à solliciter une mobilité.

- aucun élément ne permet de considérer que la hiérarchie de Mme [T] a cherché à faire échec à sa mobilité lorsque celle-ci a été envisagée à partir du mois de novembre 2018 en accord avec Mme [T], la réalité des initiatives prises pour favoriser cette mobilité étant étayée par de nombreux échanges.

- les informations transmises ne permettent pas de constater que Mme [T] a été 'mise à l'écart' des dossiers dont elle avait la charge, les informations essentielles concernant ces dossiers étant systématiquement échangées lors des réunions de 'Codir restreint' et 'Copil'auxquelles elle participait ou était invitée à participer.

- les propos prêtés par Mme [T] à Monsieur [V], DRH de la GBU, sont contestés par celui-ci qui précise notamment n'avoir jamais évoqué avec Mme [T] ni ses origines marocaines, ni une quelconque 'protection' dont jouirait son supérieur hiérarchique.

- les propos prêtés par Mme [T] à sa hiérarchie et relatifs à l'alerte qu'elle a opérée sont également démentis par celle-ci.

Au regard des investigations menées concernant les faits évoqués par Mme [T] dans son alerte du mois d'octobre 2019, le Comité n'a pas relevé, dans les informations recueillies, la preuve de pratiques contraires à son Code éthique ou caractéristiques d'une situation de harcèlement à l'encontre de Mme [T].

S'il ne peut que constater l'existence de relations de travail dégradées, le Comité estime, au regard des investigations menées, qu'aucun lien ne peut être établi entre les difficultés professionnelles dont fait état Mme [T] et l'alerte émise au mois de mars 2019, ces difficultés étant apparues bien avant l'alerte.'

Par courrier du 13 mars 2020, la société Thales a convoqué Mme [T] à un entretien préalable fixé au 25 mars, puis reporté au 20 mai 2020.

Par courrier du 27 mai 2020, la société Thales a notifié à Mme [T] son licenciement dans les termes suivants :

'Nous sommes au regret, par la présente, de vous notifier votre licenciement du fait de votre incapacité à créer et maintenir des relations professionnelles conformes aux attendus de vos fonctions et d'assurer la bonne coordination de votre service avec le reste de l'entreprise.

Pour mémoire, vous avez été embauchée par la société Thales Six GTS France SAS le 1er juillet 2017, en charge des Offres et Projets Export du département, votre ancienneté au sein du Groupe ayant été reprise à compter du 1er septembre 2014.

La bonne tenue de ce poste supposait notamment, au-delà des compétences techniques requises, la capacité à créer et maintenir des relations professionnelles de qualité avec les différentes parties prenantes, qu'il s'agisse des collaborateurs dont vous aviez la responsabilité, ou des autres services de la société.

Près de 6 mois après votre prise de poste, à l'occasion de votre premier entretien d'évaluation, votre responsable hiérarchique vous a demandé d'être plus réceptive aux retours sur votre communication, afin de "dépassionner" certaines situations et d'éviter que votre engagement "prenne le pas des rationnels d'entreprise".

Afin de vous aider à améliorer vos relations professionnelles et respecter, au mieux, les rôles et responsabilités de chacun au sein de la société, un accompagnement par le Directeur des Opérations de SSC a été mis en place. Celui-ci vous a prodigué différents conseils quant à la manière d'interagir en interne au cours de deux réunions. Vous n'avez toutefois pas souhaité bénéficier de cet outil de développement au-delà de ces deux entretiens initiaux.

En revanche et malgré cet accompagnement, vous avez adopté un comportement de plus en plus conflictuel.

Ainsi, et à titre d'illustration, de juin 2018 à septembre 2018, vous êtes allée à l'encontre de décisions de votre supérieur hiérarchique (comme par exemple à l'occasion du déplacement d'un membre de votre équipe) ou avez pris des décisions sans échanger préalablement avec votre supérieur hiérarchique (comme par exemple concernant la stratégie de réponse à l'appel d'offres MPCC).

Vous avez également communiqué régulièrement de manière agressive dans des échanges d'e-mails avec les autres services, notamment avec la direction commerciale ou encore la direction de l'ingénierie.

C'est dans ces circonstances qu'en septembre 2018, lors de votre entretien de développement professionnel, votre responsable hiérarchique a rappelé que vous deviez améliorer de façon significative vos relations professionnelles, tant à l'égard des autres services que du vôtre, et ce, afin de favoriser et entretenir une bonne coopération interne.

Tenant compte de vos difficultés, il était alors envisagé, dès novembre 2018, à votre demande et avec l'accord de votre management, la mise en œuvre d'une démarche de mobilité interne, dans la perspective d'un repositionnement au sein d'un nouvel environnement professionnel.

Les équipes ressources humaines vous ont reçue et vous ont accompagnée dans la mise en œuvre de votre prospection. Cet accompagnement a ensuite été renforcé par l'adjonction des services d'un cabinet extérieur, au soutien de cette démarche de mobilité.

Dans le même temps, vous avez adopté un comportement ne correspondant pas aux standards professionnels, ce qui a continué à dégrader la qualité de vos relations de travail.

Ainsi, à titre d'illustration, vous avez fréquemment critiqué, en des termes virulents et en présence d'autres personnes, tant vos responsables hiérarchiques que plusieurs de vos collaborateurs conduisant certains d'entre eux à être repositionnés dans d'autres services (tels que Mme [WK], M. [I] ou M. [N]).

A plusieurs reprises, vous passez outre les consignes de votre hiérarchie et allez à l'encontre d'une position claire exprimée (par exemple en juin 2019 s'agissant d'un déplacement sur un théâtre d'opérations).

Vous avez altéré progressivement les relations avec les autres membres du comité de direction du département dont vous faites partie, rendant la cohésion d'équipe, nécessaire au bon fonctionnement du département, impossible. Ainsi et à titre d'illustration, vous avez développé des relations conflictuelles avec le directeur de l'ingénierie, de même qu'avec le dernier manager en charge des opérations le mettant en cause en séance devant d'autres collaborateurs, ou encore avec d'autres membres du Codir notamment lors de la people review de juillet 2019 où vous avez manifesté une virulence déplacée dans vos propos à l'occasion d'un désaccord.

Vous multipliez également les courriels à destination de la direction générale de la GBU sur des sujets d'importance relative ne nécessitant pas une telle publicité, qu'il suffisait de traiter au niveau du département ou du secteur dans lesquels vous êtes rattachée. Ces relations altérées se poursuivent en 2020, notamment dans la gestion de votre équipe.

Outre les difficultés relationnelles avec de nombreuses parties prenantes, nous constatons également un déficit de pilotage dans un certain nombre d'activités directement sous votre responsabilité, générant des difficultés dans la tenue de nos engagements contractuels et dans certains cas des tensions accrues sur les équipes.

Ainsi, à titre d'illustration, au dernier trimestre 2019, deux projets (la "gate 3" du dossier GSA, le projet d'extension MMSN) n'ont pas pu être conduits dans des conditions normales, du fait de votre absence de coordination avec les autres services.

En dépit des demandes d'amélioration qui vous ont été faites et des actions déployées pour vous accompagner, nous sommes au regret de constater que les différents dysfonctionnements relevés persistent et qu'ils ont conduit à une dégradation des relations professionnelles de la plupart de vos interlocuteurs, qu'il s'agisse de vos collaborateurs, de vos pairs, de vos supérieurs ou de salariés des services avec lesquels vous étiez en contact.

Une telle situation compromet la qualité des conditions de travail de votre équipe et la bonne collaboration entre les services de l'entreprise.

Elle rend nécessaire la rupture de votre contrat de travail, de sorte que nous vous notifions, par le présent courrier, votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.

La date de première présentation du présent courrier constituera le point de départ de votre préavis, d'une durée de trois mois. Vous êtes dispensée de l'exécution de votre préavis qui vous sera néanmoins rémunéré aux échéances habituelles de paie.

Au terme de votre préavis, nous vous remettrons l'ensemble de vos documents de fin de contrat, votre certificat de travail, votre attestation destinée au Pôle emploi, les sommes qui vous sont dues et le reçu pour solde de tout compte. »

Par courrier du 8 juin 2020, Mme [T] a contesté son licenciement dans les termes suivants :

« J'ai subi pendant des mois une situation de harcèlement qui a fini par avoir raison de ma santé et je n'ai pu me résoudre à mettre entre les mains de la justice les faits visés par mon alerte éthique parce que je tremblais à l'idée des conséquences judiciaires et réputationnelles d'une telle affaire sur notre groupe et sur la France ».

Par requête reçue au greffe le 30 juillet 2020, Mme [T] a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins, principalement, de se voir reconnaître le statut protecteur attaché au lanceur d'alerte en application de l'article L. 1132-3-3 du code du travail, voir constater qu'elle a fait l'objet, postérieurement au signalement litigieux, de mesures de représailles en violation de ce statut protecteur (harcèlement, sanction financière, dénigrement, mise à l'écart, manquement contractuel...), et que la mesure de licenciement qui lui a été notifiée le 27 mai 2020 l'a été en violation des dispositions de l'article L. 1132-3-3 du code du travail, qu'elle ne repose sur aucun motif réel et sérieux et est nulle en application de l'article L. 1132-4 du code du travail.

Mme [T] avait demandé de voir ordonner sa réintégration au sein du groupe sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard avec paiement des salaires qui auraient dû lui être versés entre la fin de son préavis, soit le 28 août 2020, et sa réintégration, outre le paiement d'une somme de 50 000 euros à titre provisionnel sur dommages intérêts résultant de son préjudice moral lié au licenciement discriminatoire et la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le syndicat national Unsa des professionnels de l'industrie et de la construction est intervenu volontairement à l'instance.

Le Défenseur des Droits, intervenant à la procédure, indiquait notamment, par décision n° 2020-205 du 22 octobre 2020, que les difficultés rencontrées par Mme [T], ainsi que son licenciement, constituaient des représailles en violation de l'article L. 1132-3-3 alinéa 2 du code du travail et que le licenciement encourait la nullité par application de l'article L. 1132-4 du code du travail.

La société Thales Six GTS avait, quant à elle, sollicité le débouté des demandes de Mme [T] et sa condamnation au paiement d'une provision sur dommages-intérêts et d'une indemnité au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance rendue le 11 décembre 2020, la formation de référé du conseil de prud'hommes de Nanterre a :

- constaté que Mme [T] a saisi sa hiérarchie conformément au dispositif d'alerte interne du groupe Thales,

- constaté que Mme [T] bénéficie du statut protecteur de lanceur d'alerte conformément à la loi n° 2013-1691 du 9 décembre 2016 et à l'article L. 1132-3-3 du code du travail,

- dit en revanche que les pièces et moyens de droit fournis par Mme [T] n'ont pas permis d'établir et de démontrer un lien évident et non équivoque de cause à effet entre le fait d'avoir lancé une alerte et le licenciement pour cause réelle et sérieuse,

- dit que les représailles envers Mme [T] ne sont pas davantage établies et qu'en conséquence il n'y a pas eu violation du statut protecteur prévu par les dispositions de l'article L. 1132-3-3 du code du travail,

- dit que l'appréciation du motif de licenciement de Mme [T] relève exclusivement des juges du fond,

- débouté le syndicat Spic Unsa de l'intégralité de ses demandes,

- débouté Mme [T] de toutes ses autres demandes,

- laissé à la charge des parties les éventuels dépens de l'instance, chacune pour ceux qui la concernent.

Mme [T] a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration du 4 janvier 2021 (RG n°21/00016) et le syndicat national Unsa des professionnels de l'industrie et de la communication par déclaration du 18 janvier 2021 (RG n° 21/00228).

Le conseil de prud'hommes de Nanterre a, parallèlement, été saisi au fond le 25 mai 2021.

Par ordonnance du premier président de la cour d'appel de Versailles du 22 juin 2021, le dossier a été transféré au conseil de prud'hommes de Saint Germain-en-Laye.

Par arrêt du 16 septembre 2021, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, la cour d'appel de Versailles a :

- ordonné la jonction des instances enrôlées sous les n° 21/00016 et 21/00228 du répertoire général, - rejeté la fin de non-recevoir,

- confirmé l'ordonnance entreprise,

Y ajoutant,

- rejeté les autres demandes,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé à la charge de chacune des parties les dépens par elle engagés.

Par décision du 1er février 2023, la chambre sociale de la Cour de cassation a :

- cassé et annulé, sauf en ce qu'il rejette la demande de nullité de l'ordonnance et la fin de non- recevoir, l'arrêt rendu le 16 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles,
- remis, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Versailles autrement composée,

- condamné la société Thales Six GTS France aux dépens,

- en application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par la société Thales Six GTS France et l'a condamnée à payer à Mme [T], au syndicat Spic-Unsa et à l'association Maison des lanceurs d'alerte la somme globale de 3 000 euros,

- dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé.

L'arrêt de la Cour de cassation, au visa des articles L. 1132-3-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022, L. 1132-4 et R. 1455-6 du même code, indique notamment :

'[...]Selon le premier de ces textes, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions ou pour avoir signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. En cas de litige relatif à l'application de ces dispositions, dès lors que le salarié présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu'il a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime, ou qu'il a signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée, il incombe à l'employeur, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l'intéressé.

Aux termes du deuxième de ces textes, toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance de ces dispositions est nul.

Il résulte du dernier de ces textes que le juge des référés, auquel il appartient, même en présence d'une contestation sérieuse, de mettre fin au trouble manifestement illicite que constitue la rupture d'un contrat de travail consécutive au signalement d'une alerte, doit apprécier si les éléments qui lui sont soumis permettent de présumer que le salarié a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime, ou qu'il a signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée et, dans l'affirmative, de rechercher si l'employeur rapporte la preuve que sa décision de licencier est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de ce salarié.

Pour dire n'y avoir lieu à référé, l'arrêt relève qu'aucun élément ne permet de remettre en cause la bonne foi de la salariée à l'occasion des alertes données successivement à sa hiérarchie puis au comité d'éthique du groupe et en déduit, sur le fondement des articles 6 et 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, la qualité de lanceur d'alerte de l'intéressée.

L'arrêt retient, d'abord, que le lien entre la réelle détérioration de la relation de travail et l'alerte donnée par la salariée ne ressort pas, de façon manifeste, des évaluations professionnelles de celle-ci et que l'employeur, qui n'a pas eu la volonté d'éluder les termes de l'alerte, apporte un certain nombre d'éléments objectifs afin d'expliciter les faits présentés par la salariée comme étant constitutifs de représailles.

Il énonce, ensuite, après avoir constaté que la lettre de licenciement déclinait des griefs portant exclusivement sur le travail de la salariée, que l'examen du caractère réel et sérieux de tels griefs relève du juge du fond.

En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la salariée présentait des éléments permettant de présumer qu'elle avait signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, en sorte qu'il lui appartenait de rechercher si l'employeur rapportait la preuve que sa décision de licencier était justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l'intéressée, la cour d'appel a violé les textes susvisés.'

Par déclaration du 22 février 2023, Mme [T], le syndicat national Unsa des professionnels de l'industrie et de la construction et la Maison des lanceurs d'alerte ont saisi la cour d'appel de Versailles comme cour de renvoi.

Le 29 mars 2023, un avis de fixation de l'affaire a été notifié par le greffe.

Aux termes de ses conclusions du 28 août 2023, Mme [W] [T] demande à la cour de :

- déclarer Mme [T] recevable et bien fondée en sa déclaration de saisine et en son appel,

Y faisant droit,

- infirmer l'ordonnance de référé dont appel en ce qu'elle a :

. dit que les pièces et moyens de droit fournis par Mme [T] n'ont pas permis d'établir et de démontrer un lien évident et non équivoque de cause à effet entre le fait d'avoir lancé une alerte et le licenciement pour cause réelle et sérieuse,

. que les représailles envers Mme [T] ne sont pas davantage établies et qu'en conséquence il n'y a pas eu violation du statut protecteur prévu par les dispositions de l'article L 1132-3-3 du code du travail,

. dit que l'appréciation du motif de licenciement de Mme [T] relève exclusivement des juges du fond,

. débouté Mme [T] de toutes ses autres demandes.

Statuant à nouveau,

- juger que Mme [T] a saisi sa hiérarchie, puis le directeur de l'éthique du Groupe Thales et, enfin, le Comité d'éthique du Groupe Thales de signalements concernant des faits de corruption et trafic d'influence perpétrés par sa hiérarchie et que ce faisant, Mme [T] agissant en toute bonne foi, bénéficie du statut protecteur rattaché au lanceur d'alerte en application de l'article L. 1132-3-3 du code du travail,

- juger que Mme [T] a fait l'objet, postérieurement aux signalements litigieux, de mesures de représailles en violation de ce statut protecteur (harcèlement, sanction financière, dénigrement, mise à l'écart, manquement contractuel'),

- juger que la mesure de licenciement qui lui a été notifiée le 27 mai 2020, postérieurement aux différentes alertes lancées, l'a donc été en violation des dispositions de l'article L. 1132-3-3 du code du travail,

- juger que cette mesure de licenciement ne repose sur aucun motif réel et sérieux et que, partant, elle est nulle en application de l'article L. 1132-4 du code du travail,

- juger que le licenciement de Mme [T] est également entaché de nullité comme ayant été notifié du fait de sa dénonciation, effectuée de bonne foi, de faits constitutifs de harcèlement moral,

- ordonner la réintégration de Mme [T] au sein du Groupe Thales Six GTS France ou d'une autre entité du Groupe Thales, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,

- condamner à titre provisionnel la société Thales Six GTS France au paiement des salaires qui auraient dû être versés à Mme [T] entre la fin de son préavis, soit le 28 août 2020, et sa réintégration, sans déduction d'aucune sorte sur la base du salaire mensuel moyen de référence de 10 560 euros ainsi que des sommes dues au titre de l'intéressement et de la participation,

- condamner à titre provisionnel la société Thales Six GTS France au paiement d'une somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de son statut de lanceuse d'alerte,

- condamner à titre provisionnel la société Thales Six GTS France à verser à Mme [W] [T] une somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts résultant du préjudice moral lié au harcèlement moral dont elle a été victime,

- dire que l'ensemble des sommes ci-dessus porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de céans [sic],

- condamner la société Thales Six GTS France à verser à Mme [W] [T] la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

- débouter la société Thales Six GTS France de tous moyens ou prétentions plus amples ou contraires au présent dispositif.

Aux termes de ses conclusions du 21 avril 2023, le syndicat national Unsa des professionnels de l'industrie et de la construction (Spic-Unsa) demande à la cour de :

- déclarer le syndicat national UNSA des professionnels de l'industrie et de la construction recevable et bien fondé en son appel, fins et conclusions,

- infirmer l'ordonnance rendue le 11 décembre 2020 par le conseil de prud'hommes de Nanterre en sa formation de référé, en ce qu'elle a jugé

. qu'il n'y a pas de violation du statut protecteur prévu par les dispositions de l'article L. 1132-3-3 du code du travail,

. que les pièces et moyens de droit fournis par Mme [T] n'ont pas permis d'établir et de démontrer un lien évident et non équivoque de cause à effet entre le fait d'avoir lancé une alerte et le licenciement pour cause réelle et sérieuse,

. que les représailles ne sont pas d'avantage établies,

. que l'appréciation du motif de licenciement de Mme [T] relève exclusivement des juges du fond,

- infirmer l'ordonnance rendue le 11 décembre 2020 par le conseil de prud'hommes de Nanterre en sa formation de référé, en ce qu'elle a débouté le syndicat national UNSA des professionnels de l'industrie et de la construction de ses demandes,

Statuant à nouveau :

- juger que le licenciement de Mme [W] [T] a été prononcé en violation des dispositions de l'article L. 1132-3-3 du code du travail,

- juger que le licenciement de Mme [W] [T] a été prononcé en violation des dispositions de l'article L. 1152-2 du code du travail,

- juger qu'en violant les dispositions de l'article L. 1132-3-3 du code du travail et de l'article L. 1152-2 du code du travail la société Thales Six GTS France a portée atteinte à l'intérêt collectif de la profession,

En conséquence,

- juger que le licenciement de Mme [W] [T] caractérise un trouble manifestement illicite,

- condamner la société Thales Six GTS France à verser au Syndicat national UNSA des professionnels de l'industrie et de la construction la somme de 5 000 euros à titre de provision sur dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en raison de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession,

- condamner la société Thales Six GTS France à verser au Syndicat national UNSA des professionnels de l'industrie et de la construction la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Thales Six GTS France aux entiers dépens y compris les éventuels frais d'exécution de la décision à intervenir.

Aux termes de ses conclusions du 21 avril 2023, la Maison des lanceurs d'alerte demande à la cour de :

- déclarer la Maison des lanceurs d'alertes recevable et bien fondée en son appel, fins et conclusions,

- infirmer l'ordonnance rendu le 11 décembre 2020 par le conseil de prud'hommes de Nanterre en sa formation de référé, en ce qu'elle a jugé :

« - qu'il n'y a pas de violation de statut protecteur prévu par les dispositions de l'article

L. 1132-3-3 du code du travail ;

- que les pièces et moyens de droit fournis par Mme [T] n'ont pas permis d'établir et de démontrer un lien évident et non équivoque de cause à effet entre le fait d'avoir lancé une alerte et le licenciement pour cause réelle et sérieuse ;

- que les représailles ne sont pas d'avantage établies ;

- que l'appréciation du motif de licenciement de Mme [T] relève exclusivement des juges du fond ; »

- infirmer l'ordonnance rendue le 11 décembre 2020 par le conseil de prud'hommes de Nanterre en sa formation de référé, en ce qu'elle a débouté la Maison des lanceurs d'alerte de ses demandes.

Statuant à nouveau :

- juger que le licenciement de Mme [W] [T] a été prononcé en violation des dispositions de l'article L. 1132-3-3 du code du travail,

- juger que le licenciement de Mme [W] [T] a été prononcé en violation des dispositions de l'article L. 1152-2 du code du travail,

- juger qu'en violant les dispositions de l'article L. 1132-3-3 du code du travail et de l'article L. 1152-2 du code du travail la société Thales Six GTS France a porté atteinte à l'intérêt collectif de la profession,

En conséquence,

- juger que le licenciement de Mme [W] [T] caractérise un trouble manifestement illicite,

- condamner la société Thales Six GTS France à verser à la Maison des lanceurs d'alerte la somme de 5 000 euros à titre de provision sur dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en raison de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de l'association,

- condamner la société Thales Six GTS France à verser à la Maison des lanceurs d'alerte la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Thales Six GTS France aux entiers dépens y compris les éventuels frais d'exécution de la décision à intervenir.

Aux termes de ses conclusions du 28 août 2023, la société Thales Six GTS demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance du conseil de prud'hommes de Nanterre du 11 décembre 2020,

- débouter Mme [T] de l'intégralité de ses demandes,

- juger qu'en tout état de cause, celles-ci excèdent les pouvoirs du juge des référés,

- débouter le Spic-Unsa de ses demandes,

- débouter la Maison des lanceurs d'alerte de ses demandes,

- déclarer irrecevable en ses demandes la Fédération des travailleurs de la métallurgie de la Confédération générale du travail, dite FTM-CGT et subsidiairement la débouter de ses demandes,

- condamner Mme [T], le syndicat Spic Unsa, la Maison des lanceurs d'alerte et la Fédération des travailleurs de la métallurgie de la Confédération générale du travail, dite FTM-CGT à payer chacun à la société Thales Six GTS France une indemnité d'un montant de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions en intervention volontaire du 9 juin 2023, la Fédération des travailleurs de la métallurgie de la Confédération générale du travail demande à la cour de :

- déclarer la Fédération des travailleurs de la métallurgie de la Confédération générale du travail recevable et bien fondée en son intervention, fins et conclusions,

- infirmer l'ordonnance rendue le 11 décembre 2020 par le conseil de prud'hommes de Nanterre en sa formation de référé, en ce qu'elle a jugé :

« - qu'il n'y a pas de violation de statut protecteur prévu par les dispositions de l'article L. 1132-3-3 du code du travail ;

- que les pièces et moyens de droit fournis par Mme [T] n'ont pas permis d'établir et de démontrer un lien évident et non équivoque de cause à effet entre le fait d'avoir lancé une alerte et le licenciement pour cause réelle et sérieuse ;

- que les représailles ne sont pas d'avantage établies ;

- que l'appréciation du motif de licenciement de Mme [T] relève exclusivement des juges du fond ; »

- infirmer l'ordonnance rendue le 11 décembre 2020 par le conseil de prud'hommes de Nanterre en sa formation de référé, en ce qu'elle a débouté Mme [T] de ses demandes,

Statuant à nouveau :

- juger que le licenciement de Mme [W] [T] a été prononcé en violation des dispositions de l'article L. 1132-3-3 du code du travail,

- juger que le licenciement de Mme [W] [T] a été prononcé en violation des dispositions de l'article L. 1152-2 du code du travail,

- juger qu'en violant les dispositions de l'article L. 1132-3-3 du code du travail et de l'article L. 1152-2 du code du travail la société Thales Six GTS France a porté atteinte à l'intérêt collectif de la profession,

En conséquence,

- juger que le licenciement de Mme [W] [T] caractérise un trouble manifestement illicite,

- condamner la société Thales Six GTS France à verser à la Fédération des travailleurs de la métallurgie de la Confédération générale du travail la somme de 5 000 euros à titre de provision sur dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en raison de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession,

- condamner la société Thales Six GTS France à verser à la Fédération des travailleurs de la métallurgie de la Confédération générale du travail la somme de 2 640 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Thales Six GTS France aux entiers dépens y compris les éventuels frais d'exécution de la décision à intervenir.

Par décision n°2023-160 du 17 juillet 2023, reçue au greffe le 9 août 2023, le Défenseur des droits :

- constate que Mme [T] bénéficie de la protection attachée à la qualité de lanceuse d'alerte au sens de la loi Sapin II,

- rappelle qu'en qualité de lanceuse d'alerte Mme [T] doit bénéficier de l'aménagement de la charge de la preuve en application de l'article L. 1132-3-3 du code du travail,

- rappelle que le juge doit rechercher si la société Thales démontrait que sa décision de licenciement 'est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage' de Mme [T],

- constate que la société Thales échoue à démontrer que sa décision de licenciement « est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage » de Mme [T],

- constate en conséquence que les difficultés rencontrées par Mme [T], ainsi que son licenciement, constituent des représailles en violation de l'article L. 1132-3-3 alinéa 2 du code du travail et que le licenciement encourt la nullité, par application de l'article L. 1132-4 du code du travail.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées, soutenues à l'audience et rappelées ci-dessus.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 6 septembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Conformément à l'article 624 du code de procédure civile, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce, de sorte que la présente cour de renvoi n'a pas à statuer sur la demande de nullité de l'ordonnance formée par Mme [T] au visa de l'article L. 1421-2 du code du travail et sur la fin de non-recevoir soulevée par la société Thales au motif de l'irrecevabilité de l'intervention volontaire de la Maison des lanceurs d'alerte, sur lesquelles la cour d'appel, dont l'arrêt a été cassé par ailleurs, s'est prononcée.

Il convient d'indiquer en outre à titre liminaire qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes visées au dispositif des écritures des parties, tendant à voir 'juger', 'dire et juger' et/ou 'constater' qui ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile, mais sont la reprise des moyens des parties et qu'en application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Il sera observé également que le statut de lanceur d'alerte de Mme [T] n'est pas contesté par la société Thales Six GTS de sorte que la salariée bénéficie de la protection attachée à ce statut au sens de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

En conséquence, la cour, en appel d'une ordonnance de référé, n'a pas à examiner les faits ayant amené Mme [T] à lancer une alerte en mars 2019 mais uniquement, dans le cadre de la protection dont elle bénéficie, à étudier les éléments sur lesquels se fonde l'employeur pour justifier le licenciement, conformément à la décision de la Cour de cassation ayant cassé le précédent arrêt de la cour d'appel.

1- sur le droit d'alerte

Mme [T] soutient au visa des articles L. 1132-3-3, L. 1132-4 et R. 1455-6 du code du travail qu'elle a fait l'objet postérieurement aux signalements concernant des faits de corruption et trafic d'influence perpétrée par sa hiérarchie, de mesures de représailles en violation de son statut protecteur de lanceur d'alerte (harcèlement, sanction financière, dénigrement, mise à l'écart, manquement contractuel...) ; que le comité d'éthique a commis de graves défaillances dans son obligation de protection en la renvoyant devant sa hiérarchie qui était visée par l'alerte ; que la mesure de licenciement postérieure aux alertes ne repose sur aucun élément objectif étranger aux alertes et donc sur aucun motif réel et sérieux et est donc nulle.

La société Thales Six GTS fait valoir que le licenciement de Mme [T] est fondé sur des éléments objectifs s'agissant de difficultés relationnelles et managériales matériellement établies, pour lesquelles l'attention de la salarié a été attirée de façon réitérée ; que l'employeur a cherché à accompagner Mme [T] pour remédier à ses difficultés et s'épanouir professionnellement ; que le licenciement est fondé également sur des éléments étrangers à l'alerte ; que la chronologie des faits présentée par la salariée selon laquelle la situation qu'elle jugeait irrégulière a été portée à la connaissance de sa hiérarchie en juillet 2017, est mensongère ; que le comité d'éthique a mené des enquêtes sérieuses et n'a pas privé la salariée de son anonymat, laquelle a elle-même prévenu sa hiérarchie à la première alerte.

La maison des lanceurs d'alerte, le syndicat Spic-Unsa et le syndicat FTM-CGT donnent la même relation des faits et font la même analyse que celles de Mme [T].

La défenseure des droits indique que Mme [T] a émis des alertes informelles en 2017 et 2018 avant de formaliser l'alerte ; que la protection contre les mesures de représailles si elle naît de l'alerte formelle doit s'étendre aux décisions prises antérieurement dès lors qu'elles sont la conséquence des signalements qui ont précédé l'alerte écrite ; que les difficultés sont intervenues en 2018 soit postérieurement à la découverte de la situation irrégulière dont elle avait fait part à sa hiérarchie en 2017 ; que si la lettre ne mentionne pas l'alerte comme motif de la mesure de licenciement, il faut rechercher si les motifs avancés qui sont étrangers à l'alerte ne masquent pas une volonté de licencier la salariée pour son alerte en appréciant la situation de façon globale ; que les reproches formulés s'inscrivent dans le prolongement des difficultés rencontrées par Mme [T] avec sa hiérarchie dans l'exécution de ses fonctions, en lien avec sa dénonciation de la gestion des relations d'un salarié de l'entreprise avec l'ONU visée par l'alerte ; que la société Thales n'apporte pas d'éléments précis concordants et suffisamment étayés pour établir que 'sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l'intéressé' et ne constitue pas une mesure de représailles sanctionnée par la nullité.

Aux termes de l'article L. 1132-3-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi du 9 décembre 2016, applicable au présent litige, 'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions.

Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation professionnelle, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

En cas de litige relatif à l'application des premier et deuxième alinéas, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu'elle a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime, ou qu'elle a signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l'intéressé. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.'

L'article L. 1132-4 du même code dans sa version applicable à la présente espèce, prévoit expressément la nullité de toute disposition ou de tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance de ces dispositions.

Selon l'article R. 1455-6 du code du travail, 'la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite.'

Il appartient à ce titre au juge des référés de faire cesser un trouble illicite résultant d'une discrimination.

Il peut ainsi, pour faire cesser un trouble manifestement illicite, ordonner la réintégration d'un salarié dont le licenciement est entaché de nullité.

Si le juge des référés ne peut se prononcer sur l'imputabilité de la rupture (Soc., 11 mai 2005, n° 03-45.228, Bull., n °158), il doit, lorsque la nullité du licenciement est encourue, conformément aux prévisions d'un texte ou en raison de la violation d'une liberté fondamentale, se prononcer sur le point de savoir si le licenciement constitue un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite, qui permet d'ordonner non seulement des mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse (article R. 1455-5 du code du travail), mais aussi d'ordonner toutes les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent (article R. 1455-6 dudit code), est défini comme une violation évidente de la règle de droit.

Il appartient cependant au juge des référés, malgré cette évidence, de procéder à une recherche approfondie afin de déterminer si ce licenciement est effectivement entaché de nullité.

Il en résulte que le juge des référés doit rechercher si l'employeur, sur lequel repose la charge de la preuve, démontre que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l'intéressé, donc sans lien avec l'alerte.

En l'espèce, les motifs contenus dans la lettre de licenciement ne font pas état de l'alerte dont la salariée a saisi le comité d'éthique en mars 2019.

Selon les écritures de Mme [T], de la Maison des lanceurs d'alerte, des syndicats et la décision de la Défenseure des droits, la salariée a, dès juillet 2017, dénoncé à sa hiérarchie l'irrégularité dont elle se prévaut dans la gestion des relations d'un salarié de l'entreprise (M. [OR]) avec l'ONU visée par l'alerte.

Sont produits des messages entre Mme [T] et M. [ZN] son supérieur hiérarchique N +1 des 11 juillet, 29 septembre 2017, 2 février 2018 et un sms de Mme [T] du 9 janvier 2019 à Mme [S] son N+2 (pièces n° 6, 9, 14, 26, 29 de Mme [T]).

Or, il ne peut être déduit du contenu de ses pièces que Mme [T] a, dès juillet 2017, alors qu'elle venait d'être engagée le 1er juillet 2017, alerté sa hiérarchie d'une quelconque irrégularité.

Ainsi, le message de Mme [T] à M. [ZN] du 11 juillet 2017 est un compte-rendu de la réunion qui s'était tenue le même jour concernant le workshop MMSN. Il n'est pas fait mention de M. [BB] [OR] sauf pour indiquer 'ce que nous avons noté lors de ce workshop :

- l'animation faite par [BB][OR] [[BB] [OR]] était de bonne qualité. Le workshop n'aurait pas eu le même succès sans son animation'.

La réponse du même jour de M. [ZN] à Mme [S] dont Mme [T] était en copie, transmettant le compte rendu de cette dernière à Mme [S], indique notamment : 'a noté en particulier 2 points qui méritent une attention toute particulière :

le rôle de [BB]. [OR], qu'il serait souhaitable de prolonger de 6 mois. Pour cela il nous faut obtenir l'accord de la DGRIS + DRH Ema. Et trouver une solution à sa prise en charge (je regarde ce point avec [R] et on t'en reparle' (pièce n°6 Mme [T]).

Le courriel de M. [ZN] à M. [OR], Mme [T] étant en copie, du 29 septembre 2017 indique notamment les tâches demandées au salarié et ajoute que 'pendant cette période transitoire, je confie le soin à [W] [Mme [T]] de superviser la mission.' Il n'est pas produit de message en réponse de Mme [T] à ce courriel (pièce n°9 Mme [T]).

De même, le courriel de M. [ZN] du 2 février 2018 adressé à Mme [T] est une réponse au message que celle-ci lui avait adressé le 1er février 2018 faisant état d'un bilan de ses actions depuis son arrivée. Il ne résulte pas de cet échange qu'une quelconque irrégularité aurait été signalée par Mme [T] (pièce n°14 Mme [T]).

La pièce n°26 serait la copie d'un SMS de Mme [T] à Mme [S] du 9 janvier 2019 soit 2 mois avant l'alerte, message dont l'authenticité pose question, s'agissant d'un texte auquel s'ajoute en haut le nom de '[S] [G]' et un numéro de portable. Selon le texte, Mme [T] indique 'les derniers échanges sur [BB] [OR].[[OR]] me gênent énormément et je voudrais avoir un échange avec toi à ce sujet également. Quand je vous avais alerté sur le sujet toi et [M] [[ZN]] début 2018 j'avais invité à la prudence et la transparence'. Ce sms est cependant insuffisant pour établir avec certitude, alors qu'aucune pièce de l'époque ne vient l'étayer, que Mme [T] aurait signalé dès 2017 et début 2018 une quelconque irrégularité concernant M. [OR].

Enfin, le courriel en date du 25 février 2019 adressé par Mme [T] à Mme [S], M. [ZN] et M. [K] (RH), suite à une réunion du 11 février 2019, conteste le contenu du compte-rendu qui lui avait été adressé par ce dernier de cette réunion, fait état en dernier point de son message du départ de M. [OR], pour lequel elle aurait demandé à [D] [[S]] et [M] [[ZN]] 'la plus grande vigilance' et 'précisé que son départ devait obligatoirement se réaliser dans la transparence et sans contrepartie', que contrairement à ce qu'on lui a dit M. [OR] n'aurait pas démissionné en avril 2018 et pourrait même être réembauché si son contrat au sein de l'ONU n'était pas renouvelé (pièce n°29 Mme [T]).

Outre que les termes sont contradictoires concernant la situation de M. [OR], aucun document de l'époque n'établit ces affirmations, les articles de presse produits étant postérieurs à l'arrêt cassé et à l'arrêt de cassation.

En revanche, ce courriel indique clairement l'intention de Mme [T] de saisir le comité d'éthique suite à la formation e-learning sur la prévention de la corruption et du trafic d'influence, formation obligatoire à laquelle elle a participé.

En conséquence, les seuls éléments démontrant que Mme [T] a fait part à sa hiérarchie d'une irrégularité sont les termes de ce message du 25 février 2019, la première alerte envoyée à M. [H], alors président du comité d'éthique, à l'adresse dédiée étant le 13 mars 2019, renouvelée le 24 mars 2019 (pièce n°31 Mme [T]).

En l'état des pièces en présence, il ne peut être affirmé l'existence d'une irrégularité qui aurait été signalée dès juillet 2017 ou même début 2018, de sorte que les faits visés dans la lettre de licenciement doivent s'apprécier par rapport à l'alerte dont Mme [T] a informé sa hiérarchie le 25 février 2019.

Aux termes de la lettre de licenciement, l'employeur fait état de difficultés relationnelles et managériales qui ont persisté malgré l'attention attirée de la salariée par l'employeur dès le début de l'année 2018 et malgré un accompagnement.

Selon cette lettre, le comportement de Mme [T] s'est traduit en 2018 par une contestation des décisions du supérieur hiérarchique ou par une prise de décisions sans échange préalable avec ce dernier, par une communication agressive avec les autres services.

Au regard de cette situation, il a été envisagé en novembre 2018 à la demande de Mme [T] et avec l'accord du management, selon les dires de l'employeur, une démarche de mobilité interne.

Il est reproché postérieurement une attitude de la salariée de plus en plus conflictuelle à l'égard de sa hiérarchie et de ses collaborateurs dont il est donné des exemples, passant outre les consignes de la hiérarchie et altérant les relations avec les autres membres du comité de direction du département, ainsi qu'un déficit de pilotage générant des difficultés dans la tenue des engagements contractuels et des tensions accrues sur les équipes.

Il convient de déterminer si l'employeur se fonde sur des éléments objectifs, étrangers à la déclaration ou au témoignage de Mme [T] et donc sans lien avec son alerte.

Pour ce faire, les pièces sur lesquelles s'appuie l'employeur seront examinées chronologiquement.

Il sera rappelé que Mme [T] est entrée au sein de la société Thales Six GTS le 1er juillet 2017, que les messages rappelés ci-dessus de juillet et septembre 2017 ne font état d'aucune critique de part et d'autre.

L'évaluation de Mme [T] pour l'année 2017, pour un entretien du 16 janvier 2018, soit six mois après son entrée, contient quatre rubriques : savoir-faire, impact et contribution, comportements professionnels et travail en équipe et synthèse de l'entretien (pièce n°2 Thales).

Après une description des responsabilités permanentes de la salariée (savoir-faire), il est mentionné des objectifs annuels d'équipe et quatre objectifs individuels (impact et contribution).

S'agissant des comportements professionnels et travail en équipe, le manager de Mme [T] indique : 'comportements attendus. Thales leadership modèle à développer : faire preuve d'intelligence émotionnelle. [W] a une force de travail, une capacité de synthèse et un engagement très 'très' haut au-dessus de la moyenne des collaborateurs de Thales, elle sait par ailleurs protéger ses équipes pour les focaliser sur un objectif. Elle doit être plus réceptive au feed-back sur son comportement (au sens de les prendre en compte) principalement afin de dépassionner certaines situations où son engagement et ses convictions prennent le pas des rationnels d'entreprise.'

La synthèse de l'évaluation fait état d'une prise de poste efficace sur le département export de S3U en reprenant progressivement sous contrôle les projets des différents comptes clés (ONU, UE, OTAN) ajoutant 'avec son énergie et un haut niveau d'investissement, elle développe une relation de qualité avec le client et sait mobiliser ses équipes' tout en précisant cependant '[W] doit rester vigilante sur l'impact de son leadership et son caractère fort, qui peuvent générer des tensions ou de l'incompréhension avec certaines parties prenantes internes.'

À la suite de cette synthèse, Mme [T] fait un bilan de ses différentes actions depuis son arrivée au département indiquant 'en terme de management, l'équipe apprécie ma façon de faire et me le fait savoir et reconnaît mon apport'. [...] Pour ce qui est de l'environnement TCS, j'ai pris note de la remarque concernant le besoin d'embarquer l'ensemble des parties prenantes y compris les plus réticentes pour une offre qui fait consensus.'

Il s'agit d'une première appréciation, postérieure à juillet 2017, répondant à l'une des rubriques de l'évaluation, nécessaire pour la poursuite de la relation contractuelle, appréciation à laquelle Mme [T] répond sans contester le fait que son leadership et son caractère fort peuvent générer des tensions, l'évaluation étant en outre très élogieuse sur les compétences commerciales et techniques de Mme [T].

L'employeur produit un échange datant de novembre 2017, soit peu de temps après l'embauche de Mme [T] où M. [Y] sur le dossier GSA se plaint auprès de M. [ZN] des termes d'un message assez sec adressé par Mme [T] à M. [B] d'un autre service où elle demande à ce dernier 'de ne plus s'entretenir avec le client sur les dimensions projet seul', obligeant M. [ZN] à intervenir (pièce n°53 Thales).

Suite à cet incident, M. [ZN], dans un message à Mme [S], sa supérieure hiérarchique, indiquait 'l'intégration de [W] n'est pas un long fleuve tranquille et nécessite un peu de service après-vente mais cela avance'.

Un autre exemple du comportement de la salariée signalé par le manager dans son évaluation est donné par l'échange de mails entre plusieurs salariés de différents services, du 29 janvier au 1er février 2018, où Mme [T] répond de façon acerbe à un message d'un collègue sur le dossier 'Egypt', amenant le manager de la salariée, M. [ZN], à lui rappeler dans un message dont elle est seule destinataire '[W], une recommandation sur ce sujet : éviter de gérer les désaccords par mail et aller au contact [']. La capacité de conviction est plus forte en direct', la phrase étant suivie de la reproduction d'un smiley (pièce n°5 Thales).

En l'état, cette évaluation, sauf à en garder une partie et à en rejeter une autre, s'appuie, concernant le comportement de la salariée dès le début de l'année 2018, sur un élément objectif et étranger à une déclaration ou dénonciation de la salariée.

L'employeur produit également un échange de messages entre juin et juillet 2018, entre divers salariés (hors M. [ZN] et Mme [T]) concernant l'envoi en mission en Afghanistan de M. [Z], puis à compter du 28 juin, avec M. [ZN] et le 12 juillet, Mme [T] (pièce n°7).

Aux termes de ces échanges, il est établi que Mme [T] s'oppose à l'autorisation de cette mission préférant privilégier un autre client (Cisaf), alors que son manager a donné son accord, le mail de Mme [T] étant adressé à l'ensemble des interlocuteurs et non au seul manager. A cette opposition, M. [ZN] répond, sans acrimonie, en expliquant les raisons de son choix.

Le mail de Mme [T] du 12 juillet 2018 adressé à M. [ZN] insiste sur son opposition même s'il se termine par 'tant pis. Ce n'était pas mon choix', ce à quoi le manager rétorque le 13 juillet '[W], que ce ne soit pas ton choix, je l'ai bien compris : tu me l'as rappelé plusieurs fois...', expliquant cependant ensuite de façon précise et sans agressivité à la salariée les raisons de sa décision.

Il s'agit là d'un élément objectif et étranger à l'alerte, sur lequel l'employeur s'appuie pour reprocher à la salariée son comportement à l'égard des décisions de son supérieur.

S'agissant des décisions de Mme [T] prises avant d'en informer son supérieur, selon les échanges entre Mme [T] et M. [ZN] du 5 juin 2018 (pièce n°9 Thales), ce dernier reproche à la salariée d'avoir répondu à toute l'équipe avant qu'il puisse répondre indiquant '[W] tu noteras que j'ai été vigilant à reboucler avec toi avant de répondre' mais comme tu as entre-temps répondu à toute l'équipe, délicat pour moi et pour toi si je ne vais pas dans ton sens. À éviter pour un bon fonctionnement entre nous.'

En l'espèce, M. [ZN], supérieur de Mme [T], et non celle-ci, était personnellement sollicité le 4 juin 2018 par M. [NP] comme en atteste le message de ce dernier, afin de prendre une décision suite à un désaccord avec le 'bid team' [équipe chargée des offres], de sorte que la réponse très modérée du manager soulignant la position délicate dans laquelle elle l'a placée, se justifie.

Il s'agit d'un élément objectif et étranger à l'alerte.

L'employeur produit en pièce n°8, un échange de messages d'avril à juillet 2018 entre Mme [T] et d'autres salariés - sans M. [ZN] - ayant pour objet 'CR point update SAN et déplacement au Mali', puis avec le même objet, entre Mme [T] et son manager les 13 et 16 juillet, aux termes desquels ce dernier reproche à Mme [T] le ton agressif utilisé à l'égard d'un salarié (M. [U]) dans les échanges précédents, en indiquant '[W], pourquoi ce ton agressif ' Pas nécessaire et accroit la tension au lieu d'apaiser...'.

A ce courriel, Mme [T] répond à son manager en lui reprochant son déplacement à [Localité 14] qu'elle apprend 'par Geos', 'des infos internes que tu ne penses pas à me transmettre', 'rencontre avec GSA sans me mettre dans la boucle. Ça fait beaucoup de choses et j'espérais que nous communiquions mieux ensemble. Ça ne marchera pas si je suis la seule à faire des efforts'.

La réponse du manager reste modérée au regard des termes du message de Mme [T] puisqu'il mentionne 'la communication est toujours perfectible avec le volume que nous traitons, de ta part comme de la mienne. Cela dit, au-delà du contenu il y a la forme, et sur ce point les incidents se succèdent, et j'attends en effet un effort supplémentaire de ta part.

Pour autant je suis navré que tu apprennes par Geos mon déplacement à [Localité 14], d'autant plus que j'avais pris le soin de te prévenir de ce dernier, de même que tu étais bien informée de mon intention de rencontrer le patron du GMSC pour la GSA! Bref je trouve ton message désobligeant. Ce n'est pas non plus en reportant les responsabilités sur les autres que cela marchera', ce à quoi Mme [T] réplique 'je regrette d'insister mais jamais tu m'as parlé de ton déplacement à [Localité 14] ni du rendez-vous avec GSA'.

L'employeur démontre que les relations entre Mme [T] et son manager étaient tendues, la salariée s'adressant à lui en des termes désobligeants. Il s'agit d'un élément objectif et étranger à l'alerte.

La synthèse de l'entretien de développement professionnel du 12 septembre 2018 intervenu postérieurement aux faits ci-dessus, en tient compte puisque le manager indique '[W] a fait preuve d'un investissement important en interface client, toutefois elle doit améliorer de façon significative ses relations intra et inter services afin de favoriser et entretenir une bonne coopération interne et la gestion des acteurs clés. Elle doit également faire preuve d'intelligence émotionnelle lors des situations tendues.' (pièce n°12 Thales).

La réponse très longue de la salariée à cette observation porte sur ses propres qualités professionnelles et humaines et reporte la responsabilité sur son manager et les autres salariés avec lesquels elle travaille puisqu'elle indique notamment : '[...] De fait je challenge les parties prenantes à mes Bids et projets. Certains n'ayant pas l'habitude de travailler en collaboration peuvent le prendre pour une critique, c'est là que doit intervenir l'action d'un manager coach pour aider la personne qui ne supporte pas d'être challenger [sic] à évoluer. C'est ce que j'aurais souhaité de ta part dans les situations que j'ai vécues avec le directeur de l'ingénierie et ce d'autant plus que tu reconnais toi-même ce constat.'

De même, elle mentionne 'il est difficile de bien suivre les dossiers quand les informations ne sont pas partagées et que même les e-mails ne sont pas transférés. Nombre de dossiers ne sont pas vus par moi très tard dans le process parce que mon manager garde l'information à son niveau. J'en ai parlé très régulièrement sans succès. Cela me demande un travail supplémentaire. ['].'

Il résulte de cette synthèse que si la courte observation du manager reste modérée et confirme celle indiquée dans la précédente évaluation de février 2018, le commentaire très long de Mme [T] est particulièrement sévère à l'encontre de son manager qu'elle estime responsable de la situation, sans qu'il apparaisse qu'elle se remette en cause à un quelconque moment.

Dans ce contexte, l'employeur affirme et justifie avoir accompagné Mme [T] pour surmonter ses difficultés relationnelles notamment en mettant en place avec le directeur des opérations soutien et service client, M. [A], des entretiens afin d'améliorer ses relations professionnelles et respecter au mieux les rôles et responsabilités de chacun au sein de l'entreprise (pièce n°11 Thales).

C'est effectivement ce que confirme M. [A] dans un message du 6 février 2020, indiquant qu'il était convenu qu'il assure 'une forme de coaching auprès de [W] pour essayer d'apaiser ses relations qui s'étaient tendues avec [O] [U] et [M] [[ZN]]. Dans la pratique, cela s'est traduit par 2 réunions d'une heure où nous avions échangé et où j'avais essayé de lui fournir quelques recommandations sur la façon d'interagir avec [O] [...]. Le principe de ces entrevues est qu'elles étaient programmées à la demande de [W] mais elle n'a pas jugé utile de renouveler ces échanges au-delà de ces 2 réunions.'

Il résulte en outre d'échanges de Mme [T] en septembre 2018 puis en novembre 2018 avec M. [V] de la société Thales que dès cette époque la salariée a sollicité l'aide de ce dernier pour rechercher un nouveau poste au sein du groupe, a eu des entretiens dans cette perspective notamment sur un poste à pourvoir avant fin janvier 2019 de leader de la transformation CRM (pièces n°13 et 14 Thales), le contenu des échanges permettant d'établir que l'employeur a soutenu le projet de mobilité interne, ce qui aurait eu pour conséquence de conserver Mme [T] au sein du groupe Thales.

L'évaluation du 27 février 2019 (pièce n°20 Thales) fait état de la forte implication de Mme [T] sur plusieurs dossiers, mais indique 'en terme de valeur S3U, autant l'énergie mise dans l'ambition sur les offres et projets était au rdv, autant la coopération interne avec les autres services a pu être parfois conflictuelle'.

Le commentaire de Mme [T] est à rapprocher de celui de l'évaluation précédente et est particulièrement virulent à l'égard de son manager indiquant notamment 'ses méthodes de management ne sont pas en ligne avec la stratégie défendue par Thales sur le principe du manager coach. Mon manager ne m'a rien apporté cette année. Son côté intrusif dans mon équipe s'est révélé porteur de tensions et de complications.'

L'évaluation du manager en réponse mentionne 'la relation de confiance nécessaire au bon fonctionnement de l'équipe de management du département n'est pas en place. L'année a démarré sur de mauvaises bases avec un bilan 2017 qui n'a jamais été réellement accepté par [W] et qui a suscité un climat de méfiance pénible à gérer tout au long de l'année, ainsi que des échanges conflictuels répétés. La situation s'est exacerbée depuis l'EDP de septembre à la fin duquel [W] a exprimé son souhait de quitter son poste dans les plus brefs délais.'

La synthèse de l'entretien indique que l'année a été marquée par de très bons résultats opérationnels et que '[W] a engagé une démarche de mobilité depuis novembre 2018".

Cette évaluation renvoie aux échanges rappelés ci-dessus au cours de l'année 2018.

Pour justifier le licenciement, l'employeur soutient que les relations entre Mme [T] et ses supérieurs hiérarchiques mais également ses collaborateurs, les autres membres du comité de direction du département, se sont dégradées au cours de l'année 2019 puis en 2020 rendant impossible la cohésion d'équipe.

S'agissant des collaborateurs de Mme [T] (M. [I], M. [N] et Mme [WK]), il produit diverses pièces, principalement des échanges de messages et un memorandum d'un des collaborateurs (M. [I]).

Ainsi, Mme [WK] (pièce n°24) a adressé à la RH le 23 janvier 2019 'suite à ta demande' un long message faisant état :

- des alertes à de multiples reprises de sa sous-charge avant mai 2018 (1/2 ETP) et de sa surcharge à partir de septembre 2018 (2 ETP),

- des reproches sur son comportement en particulier des décisions prises sans son aval et pendant son absence (maladie, déplacements à répétition...),

- des reproches sur son niveau d'anglais malgré les efforts déjà entrepris,

- proposition de Mme [T] à M. [I] du poste de chef de projet MPCC, qui a priori devait revenir à Mme [WK],

- réunion 'surréaliste et sous haute tension initiée par [W]' sur la 'chefferie du MPCC', où Mme [T] a demandé les motivations de chaque participant afin qu'elle prenne une décision et nomme un chef de projet avant la fin de journée. Selon Mme [WK], cette revue a été une humiliation et une remise en cause complète quant à ses capacités à gérer un projet devant ses collègues,

- demande de Mme [T] de supprimer le nom de Mme [WK] dans l'organigramme présenté au client EDA la veille du 'kick off'projet MPCC, malgré sa connaissance du client et sa présence à Bruxelles la veille de la présentation,

- interdiction faite à Mme [WK] par Mme [T] de rentrer en contact avec le client EDA dans le cadre du projet MPCC, puis plus aucune autorisation de déplacements.

Le fait que ce message a été rédigé à la demande de la DRH n'enlève pas crédit à ces alertes, puisque, au regard de son contenu, Mme [WK] dénonce des situations où elle est visiblement en souffrance du fait du comportement de Mme [T], pour lesquelles elle avait pris contact avec le personnel de la DRH comme le confirme d'ailleurs M. [I] dans son message ci-dessous du 28 janvier 2019, de sorte que l'employeur était légitime, conformément à son obligation de sécurité, à demander à Mme [WK] un écrit.

En effet, dans un message adressé à la DRH et à M. [ZN] le 28 janvier 2019 (pièce n° 25 Thales), M. [RT] [I] fait état des pressions psychologiques subies et exercées par Mme [T] en 2018 dont il avait déjà fait part, d'un entretien d'évaluation avec Mme [T] au cours duquel il a dû subir à nouveau l'agressivité verbale de celle-ci et des sous-entendus menaçants. Il donne quelques exemples de propos de Mme [T] à son égard. Il fait également une alerte concernant Mme [WK] affirmant que Mme [T] exerce des pressions sur elle, qu'elle l'empêche de travailler. Il conclut en indiquant 'je ne peux accepter le désir de mainmise de Mme [T] sur toutes les actions et façons de penser de ses collaborateurs.'

Est produit également (pièce n°26 Thales) un memorandum de M. [I] établi le 20 novembre 2019 'pour consigner par écrit son expérience éprouvante avec Mme [T] son manager pendant 2 ans 12 juillet 2017-novembre 2019". Il y fait part de pratiques de harcèlement de Mme [T] et de dénigrements systématiques qui 'finissent comme pour Mme [C] [WK] l'an dernier, par avoir un fort impact sur ma sérénité dans le travail'. Il donne des exemples de façon détaillée, de ce qu'il juge comme des comportements obsessionnels de Mme [T], en novembre 2018 et en octobre 2019.

Les annexes à ce memorandum sont des échanges de messages où sont mentionnées les décisions contradictoires de Mme [T] qui nomme M. [I] chef de projet MPCC, ce dernier s'étonnant de ce processus dans l'urgence, sans concertation, ainsi que le retour de l'évaluation de M. [I] en janvier 2019 telle que décrite à la pièce n°25 ci-dessus.

Ainsi, son message du 31 janvier 2019 annexé, à l'adresse des RH et de M. [ZN] indique qu'il ne peut accepter de la part de Mme [T] le commentaire selon lequel il faut 'faire attention au comportement et propos abrupts. Il faut veiller à garder ta communication apaisée.'

Il sera observé qu'une nouvelle évaluation de M. [I] sera effectuée le 8 janvier 2020 par M. [L] responsable des opérations, Mme [T] étant en congé maladie (message du 7 février 2020), ce dont celle-ci a été informée lors d'un entretien du 31 janvier. Il est mentionné notamment '[RT] a été reconnu dans son rôle de support aux chefs de projet MMSP et a été la clé du bon fonctionnement du projet. Bons résultats globalement', l'auto-évaluation de M. [I] revient 'sur le contexte très difficile lié à la personnalité complexe et toxique de Mme [T] qui entretien [sic] un rapport délétère avec ses collaborateurs' (pièce n°27 Thales).

Mme [T] dans un échange virulent adressé à M. [L] affirme que ce dernier lors de l'entretien du 31 janvier 2020 a été menaçant à son égard, la contraignant à passer un mauvais moment à l'infirmerie, lui reprochant d'avoir fait le bilan de M. [I] alors que ce dernier était dans son équipe en 2019, remettant en cause le comportement de l'évaluateur du fait de 'ton expérience passée au Brésil ou encore le climat qui règne au sein de CMS'.

Dans sa réponse immédiate, M. [L] indique 'je suis atterré par ton message. Tu es toi-même venue me voir à mon bureau sur le sujet et tu as été menaçante', rappelant les circonstances dans lesquelles l'entretien a été fait et bouclé sans possibilité de 'rouvrir l'entretien au vu de la situation passée' et qu'il fallait voir '[VJ] [RH] si elle souhaitait ajouter une pièce additionnelle au dossier' de M. [I]. Il ajoute : 'mes propos sont toujours mesurés et avec des recommandations sympathiques. Mon passé au Brésil a été couronné de succès. Le climat au sein de CMS est excellent et ne mérite aucune perturbation pour son avenir' (pièce n°38 Thales).

Ce message, répondant aux propos à nouveau peu amènes voire calomnieux de Mme [T] s'agissant de la carrière de M. [L], fait référence 'au vu de la situation passée' aux relations entretenues par Mme [T] avec M. [I] s'estimant victime de harcèlement de la part de sa manager comme en attestent les éléments ci-dessus, ces relations et l'absence de Mme [T] justifiant que M. [I] puisse bénéficier d'une évaluation faite par un tiers.

Il s'agit d'éléments objectifs en relation directe avec les difficultés dénoncées par M. [I] et l'absence de Mme [T], étrangers à l'alerte.

Enfin, s'agissant de M. [F] [N], autre collaborateur de Mme [T], il résulte des échanges de messages en novembre 2019 (pièces n°34 Thales), du courriel de M. [N] au DRH du 3 décembre 2019 accompagné d'un document détaillant les points abordés dans ce courriel (pièce n°36 et 37 Thales) que les relations de Mme [T] avec M. [N] étaient également problématiques.

Selon les mails échangés, Mme [T] avait désigné comme coordinateur des offres Cisaf un collaborateur [M. [E]] de M. [N], alors que ce dernier y était opposé car ledit collaborateur avait un rôle primordial sur un autre projet important [Obs018] qui serait ainsi en risque.

A cette opposition, Mme [T] a répondu qu'elle était dans son rôle sur le dossier offres Cisaf et a critiqué M. [N] lequel a répondu en contestant ses propos, Mme [T] répondant le même jour reprochant à nouveau à M. [N] d'être responsable du départ de '[K]', subalterne de M. [N], le ton employé par Mme [T] dans ce dernier message étant peu amène.

Le message de M. [N] du 3 décembre 2019 aux RH indique notamment les difficultés de collaboration avec son manager [W] [T] qu'il a constatées depuis longtemps et qui ne cessent de croître. Il mentionne que les informations transmises 'sont en maturation depuis quelque temps il ne m'est plus possible de ne pas en parler.

En synthèse :

- perte de confiance réciproque

- je suis un pion dont le manager souhaite se servir dans des conflits qui l'opposent à sa hiérarchie ou à ses pairs

- je fais l'objet de reproches infondés dont le périmètre s'agrandit afin de me discréditer auprès de mes collaborateurs subordonnés et de mon senior management

- je fais l'objet de manipulations incessantes

- les discussions avec mon manager sont à sens unique, je ne suis pas entendu

- je suis dans une situation très inconfortable professionnellement et depuis plusieurs mois je me sens en danger en ce qui concerne ma crédibilité. De nombreuses actions de dénigrement étant lancées contre moi. Tu trouveras ci-joint un document dans lequel je détaille tous ces points.'

Ce document de près de 4 pages fait référence à son mail du 3 décembre 2019. Il y est fait mention de nombreuses situations sur des réactions et comportements de Mme [T], soit dans les dossiers soit dans l'entretien d'évaluation du 20 septembre 2019 mené par cette dernière, le salarié affirmant avoir développé ses souhaits de développement pendant 10 minutes, le reste de l'heure 'avait pour but de me faire donner des explications concernant des soi-disant défauts dans la remontée d'informations ou dans l'absence de mon manager dans les e-mails' [...] Mme [T] lui indiquant 'tu me prends pour une sotte', aucune des explications du salarié sur les e-mails n'étant prise au sérieux. M. [N] se plaint également d'avoir fait l'objet de la part de Mme [T], en public, par oral ou par écrit, de nombreux dénigrements sur des sujets non fondés. Il donne pour exemple des refus très fréquents de Mme [T] à des propositions qu'il peut faire, 'une insinuation négative relative au non-renouvellement de la période d'essai d'une collaboratrice de l'équipe EDI', ce qui est en rapport avec le mail de Mme [T] du 22 novembre 2019.

En conclusion de ce document, M. [N] indique 'les méthodes utilisées par mon manager ont progressivement détérioré une relation de travail. Les dénigrements et manipulations incessantes [sic] dont je fais l'objet actuellement, les nombreux refus de propositions d'amélioration, ne me permettent plus d'assurer avec sérénité la bonne gestion du programme Cisaf. J'arrive cependant avec la qualité de l'équipe qui m'accompagne à livrer nos engagements, à défendre les intérêts la société, et à conserver la satisfaction du client.'

Mme [T] indique aux termes de ses écritures qu'au contraire elle soutenait M. [N]. Cependant outre que les pièces produites ne permettent pas d'en conclure un soutien mais seulement des échanges notamment sur les dossiers (pièces n°119 et 120), il est produit ci-dessus des éléments démontrant le contraire. Les reproches de Mme [T] le 6 janvier 2020 (pièce n°51 Thales) sur la participation aux réunions, dans des termes à nouveau peu amènes 'tu as fait preuve d'une défiance très importante et inhabituelle à ce niveau de responsabilité. Tu commences l'année avec les mêmes résolutions à ce que je vois', reproches contestés par le salarié comme en atteste son message à la DRH et à M. [ZN].

En lien avec les critiques faites par Mme [T] à M. [N] en novembre 2019 rappelées ci-dessus (pièce n°34), il résulte des échanges entre Mme [T] et M. [ZN] que ce dernier s'est étonné par message du 18 novembre 2019 de ne pas avoir été consulté ni même informé sur la décision prise par celle-ci le 14 novembre concernant la désignation du collaborateur de M. [N] pour la coordination sur les offres Cisaf, contre l'avis de ce dernier faisant état des risques importants à un programme, sans l'accord du collaborateur concerné, mettant en cause 'le PM' [project manager] et toute l'équipe d'ingénierie devant son adjoint ayant pour conséquence de saper son autorité.

M. [ZN] ajoute 'ce ne sont pas des méthodes compatibles avec le fonctionnement du département ni d'ailleurs avec les principes de gouvernance projet en équipe intégrée en vigueur depuis 2017. En l'espèce, le PM Cisaf est un chef de projet expérimenté qui fait un travail de qualité et reconnu par ses pairs comme par l'autorité de supervision du programme ; à ce titre, son avis ne peut être écarté d'un revers de la main. [...] Merci de veiller à me faire valider toute nomination ou éventuel changement d'organisation'.

En réponse, Mme [T] affirme qu'il s'agit d'un acte de management tout à fait normal et banal qui relève de la gestion quotidienne, accuse M. [ZN] d'agir pour la déstabiliser dans son fonctionnement 'comme tu le fais depuis plusieurs mois'. Elle ajoute 'cet email s'inscrit dans la lignée des actions que tu entreprends depuis que je t'ai signalé mon désaccord dans ta manière de fonctionner et qui a eu pour conséquence mon alerte au comité d'éthique. [...] tes actions sont des actes de harcèlement [...] cela est interdit par la loi [...].'

Son supérieur hiérarchique dans un long message explicatif du 25 novembre 2019 rappelle, qu'au même titre qu'elle en tant que responsable des projets exports, il peut être amené à intervenir dans la gestion des gestions exports en sa qualité de directeur du département CMS 'l'ensemble de nos interventions respectives devant respecter les attributions du project manager (PM) concerné.'

Il rappelle de façon détaillée les différentes interventions récentes de la salariée dans la gestion du projet Cisaf qui constituent selon lui des dysfonctionnements à l'égard des attributions du PM [M. [N]] et du collaborateur concerné [M. [E]], ce dernier ayant refusé le lendemain de sa nomination par Mme [T] l'évolution envisagée mettant en avant les différents risques évoqués sur le départ du projet SEM Obso 2018 dont le collaborateur avait également la charge.

M. [ZN] indique qu'il est de sa responsabilité de garantir une bonne exécution de l'ensemble des offres et projets au sein du département et est légitime en tant que son supérieur hiérarchique à lui demander de remédier à ces dysfonctionnements, qui affectent l'efficacité opérationnelle comme le travail collectif plaçant plusieurs collaborateurs sous leurs responsabilités dans des situations inconfortables.

Il conclut que ses remarques et demandes relèvent de l'exécution normale du management, réfutant de ce fait les allégations 'graves et sans fondements' de la salariée sur un harcèlement.

Il rappelle enfin qu'il a dû à plusieurs reprises déplorer la communication particulièrement vive de la salariée à son égard, lui demande de ne pas apporter à l'avenir à ses demandes, 'remarques, commentaires ou critiques, une qualification inadaptée et que l'expression d'une relation normale de travail impose à chacun dans son rôle assume ses responsabilités dans le respect' (pièce n°35 Thales).

Le contenu de ce message du 25 novembre 2019 est confirmé par les échanges précédents entre Mme [T], M. [N], puis M. [ZN], ainsi que par les messages et la plainte de M. [N] sur le comportement de Mme [T] à son égard et à l'égard de deux autres collaborateurs tel que rappelé ci-dessus, dont le témoignage n'est pas sujet à caution, rien dans son contenu, en outre confirmé par les mails, ne permettant d'affirmer que ces salariés agiraient sous les ordres de la hiérarchie ou de la RH voire 'seraient manipulés'.

Le fait que Mme [T] ait porté plainte pour dénonciation calomnieuse à l'encontre de M. [I], est sans conséquence sur la présente procédure, aucun élément n'étant produit sur le sort qui a été réservé à cette plainte.

De même, la lettre datée de mars 2021 d'un collaborateur de Mme [T] jusqu'en novembre 2019, M. [X], faisant état notamment des bonnes relations qu'il entretenait avec cette dernière et de l'absence de harcèlement subi, est insuffisante pour affirmer que les trois autres collaborateurs n'étaient pas harcelés.

Le message de Mme [S], N+2 de Mme [T] du 6 mai 2019 confirme le comportement agressif de la salariée.

Ce message répond à celui de Mme [T] se plaignant que sa notification était en ligne sans en avoir été informée préalablement, contestant son augmentation de 1% soit en dessous de l'enveloppe moyenne accordée alors qu'elle occupe un poste LR11 et que ses résultats et son implication sont remarquables, ainsi que sa contribution fixée à 80% alors que ses objectifs ont été dépassés de loin, que son équipe a bénéficié d'une contribution entre 100 et 120 % malgré son impact personnel sur les projets et les offres et son investissement personnel d'envergure sur le projet 'Irak'. Elle conclut que le contenu de sa notification reflète une volonté manifeste de lui nuire, se sent 'discriminée' et souhaite avoir une explication (pièces n°21 et 23 Thales).

En effet, dans sa réponse Mme [S] explique que l'erreur de la notification en ligne impacte tous les salariés suite à une mauvaise manipulation et non seulement Mme [T]. S'agissant de l'augmentation et de sa contribution, Mme [S] rappelle les nombreux échanges avec la salariée 'sur le fait que ton comportement n'est pas en relation avec ce qui est attendu d'un collaborateur sur un poste comme le tien que ce soit envers tes pairs ou envers tes propres collaborateurs', indique avoir attiré son attention sur la nécessité de travailler de façon coordonnée et sans agressivité avec les équipes transverses avec lesquelles les offres sont menées, lui demande de modifier son comportement.

Elle mentionne également avoir fait le point avec la salariée en début d'année sur les difficultés éprouvées par deux personnes de son équipe dont une demande de changement de service. Mme [S] explique ainsi l'augmentation de salaire limitée à 1% et la contribution à 80% par le fait que les résultats n'ont pas été à la hauteur de l'attente des objectifs de l'année autour de la restauration d'un climat de confiance avec ses pairs et ses collaborateurs. Elle conclut qu'il n'y a aucune intention de nuire mais une prise en compte de l'écart entre ce qui est attendu de son rôle sur le poste et la façon dont la salariée le remplit (pièce n°23 Thales).

Les termes de ce message sont en adéquation avec les différentes évaluations de la salariée sur le problème relationnel et les objectifs fixés qui ne sont pas seulement en fonction des résultats commerciaux et techniques, lesquels ne sont pas contestés, mais également des qualités relationnelles.

Le mail de Mme [S] à Mme [T] du 27 juin 2019 (pièce n°50 Thales) est à nouveau une mise au point faite à Mme [T] sur le dossier NCIA où elle lui rappelle certaines règles et décisions, notamment l'obligation d'informer en temps réel [M] [ZN] 'lorsqu'un incident d'ampleur tel que celui du mois de mai sur Cisaf se déclenche', de proposer à sa N+2 'oralement ou par écrit les éléments de langage en amont vers le senior management plutôt que de l'en informer directement sans élément de contexte ce qui est déstabilisant'.

Tous ces échanges sont intervenus alors même que la société Thales poursuivait ses efforts pour accompagner Mme [T] dans son projet de mobilité dont elle était à l'origine comme en attestent les échanges fin 2018.

Il résulte effectivement des correspondances de la salariée et de M. [V] de la DRH, un an plus tard, que ce dernier a entendu continuer à aider Mme [T] sur les postes qu'elle avait ciblés (pièces n°29 et 30 Thales). Ces échanges démontrent également que la salariée a eu des entretiens dans la perspective d'un nouveau poste.

De même, il a été proposé à la salariée qui l'a accepté, un accompagnement par le cabinet Lee Hecht Harrison. Un contrat de pilotage de carrière de 3 mois au bénéfice de Mme [T] a été signé le 19 décembre 2019 (pièces n°31 et 31 Thales).

Cette proposition ne peut être considérée comme un 'acte de dénigrement, déstabilisation et harcèlement au quotidien' comme l'affirme la salariée dans son message du 7 octobre 2019 adressé au comité d'éthique (pièce n°46 Mme [T]) d'autant qu'elle est à l'origine de la demande de mobilité, les messages produits établissant que la proposition n'a pas été imposée à la salariée qui l'a expressément acceptée sans le moindre commentaire ou la moindre critique.

Précédemment lors de la dernière synthèse de l'entretien de développement professionnel de Mme [T] du 25 octobre 2019, il était indiqué un profond désaccord avec le management ainsi qu'une divergence d'interprétation de la situation : proposition d'un poste commerce export correspondant à ses compétences afin de rebondir professionnellement.

En l'espèce, si la mobilité interne n'a pas abouti, l'échec résulte principalement de la volonté de la salariée de ne rechercher que des postes classés LR 11 alors qu'elle était classée LR 10, Mme [T] affirmant, selon le compte rendu de l'entretien préalable établi par l'élue CSE, Mme [P], que lors de l'évaluation de septembre 2018, elle avait indiqué que 'ma promotion 3C était une condition pour ma prise de poste en 2017" et son souhait de se mettre en mobilité interne (pièce n°104 Mme [T]).

En effet, lors de la synthèse du 25 octobre 2019, Mme [T] indiquait qu'elle avait été recrutée sur un poste LR11, Mme [S] s'étant engagée à régulariser sa situation en 3C, mais qu'en raison de son congé maternité, la supérieur hiérarchique N+2 'n'avait pas pu être vigilante', la commission n'ayant pas entériné le positionnement contrairement à ce qui avait été prévu.

Ce reproche récurrent de Mme [T] qui estimait que son poste devait être LR11 et non LR10 ne peut constituer un élément démontrant le lien avec l'alerte comme l'allègue Mme [T] puisque la situation datait du 5 mai 2017 soit antérieurement à l'embauche de Mme [T].

Si certes, à cette époque, dans un sms, Mme [S] indiquait que la réunion de qualification du poste export avait validé le niveau 11 du futur poste de Mme [T], il était cependant prévu que cette validation devait être confirmée par 'le patron de la GBU et celui de TCS en commission en fin d'année' (pièce n°19 Mme [T]), ce qui n'a pas été le cas.

Le compte rendu de la réunion du 11 février 2020 sur la situation professionnelle de Mme [T] effectué par M. [K] (RH) et celui de Mme [T] sur cette même réunion confirment que cette dernière refusait de postuler pour des emplois en LR 10.

Le premier compte rendu fait état de cette situation 'qui ne facilite pas la recherche' et rend nécessaire que la salariée considère des postes en LR10, ce que refuse la salariée au vu de son compte rendu du 25 février 2020.

En outre, le premier compte rendu indique que la situation depuis novembre 2019 s'est dégradée, générant des perturbations dans le bon fonctionnement de la partie export du département CIS, fait état des relations de Mme [T] avec M. [ZN] son manager qui ne se sont pas améliorées, de ses relations avec certains de ses collaborateurs (M. [I], Mme [WK]) lesquels ont consulté le médecin du travail, Mme [WK] ayant demandé après un arrêt de travail, de changer de service ne pouvant plus travailler avec Mme [T].

Selon celle-ci, aux termes de ce même compte rendu de l'employeur, elle a été confrontée à une attitude de défi de la part des collaborateurs, M. [I] ayant eu une attitude hautaine à son égard, les dysfonctionnements venant intégralement de l'intervention d'[M] [[ZN]] dans ce qu'elle estime être son périmètre d'action, refusant d'en prendre la responsabilité (pièce n°28 Thales).

Ce compte rendu de M. [K] reflète la situation telle que décrite ci-dessus, appuyée par les échanges de messages et les plaintes des collaborateurs concernés.

Le compte rendu de Mme [T] de l'entretien du 11 février 2020, en outre établi deux semaines plus tard, donne une version des faits différente concernant ses collaborateurs et son manager en indiquant que la situation de M. [I] et Mme [WK] était la conséquence directe du management de M. [ZN].

Cependant, sa version des faits repose uniquement sur ses dires lesquels sont contredits par les échanges de mails et les déclarations des collaborateurs. Il en est de même de ses relations avec son manager qu'elle accuse d'être responsable des dysfonctionnements, alors que les échanges rappelés ci-dessus concernant notamment la décision relative au coordonnateur de MPCC démontrent au contraire que son comportement à l'égard du project manager M. [N], du collaborateur de celui-ci et de son manager M. [ZN] qu'elle n'a pas informé, est à l'origine des relations conflictuelles.

Aucun élément du dossier ne permet d'affirmer, comme l'allègue Mme [T], que lors de l'entretien préalable il aurait été confirmé que le licenciement aurait été envisagé du fait de l'alerte. Outre que le compte rendu a été établi par une élue du CSE, Mme [P], et signé par elle seule, il résulte de ces termes que M. [K], RH, a arrêté l'élue dès qu'elle a abordé le contexte d'alerte d'éthique.

Au delà des griefs contenus dans la lettre de licenciement, Mme [T], lors de son audition devant le comité d'éthique du 28 novembre 2019, affirme avoir été mise à l'écart dans plusieurs dossiers (Cisaf, GSA, MMSN, Irak, Tawasul) confiés à M. [J], sa hiérarchie lui interdisant d'avoir une réunion seule avec l'ONU et s'être vue imposer une réduction drastique de son périmètre et le retrait de ses responsabilités.

Outre qu'à cette époque, le comportement de Mme [T] à l'égard de sa hiérarchie, de ses collaborateurs et de certains membres de services transverses (pièce n°52 Thales) était tel que rappelé ci-dessus et visé dans la lettre de licenciement, Mme [T] était dans une démarche de mobilité interne depuis un an, les pièces produites et rappelées ci-dessus démontrant qu'elle en avait pris l'initiative sans pression de l'employeur.

Il est établi que l'annulation de la mission de Mme [T] à [Localité 14] résulte d'une restriction des frais de voyage annoncée en août 2019 (pièce n°44-3 Thales faisant partie de la pièce volumineuse n°44 [44-1 à 44-6] correspondant à l'annexe 1 du courrier adressé au Défenseur des Droits le 19 octobre 2020 ; n° 28 maison des lanceurs d'alerte).

S'agissant de son exclusion alléguée des réunions Cisaf 'MNR', il résulte de messages de M. [N] du 15 octobre et 20 novembre 2019 adressés notamment à Mme [T] que celle-ci était bien informée de la rencontre, son mail envoyé deux jours plus tard à M. [N] lui reprochant de ne pas l'avoir tenue au courant du rendez-vous, dans des termes virulents, étant injustifié (pièce n°44-3 [annexe 54] Thales).

En outre, le N+3 de Mme [T], M. [VX] a décidé, dans le cadre de son pouvoir de direction, de rattacher le projet Cisaf au directeur du département CMS en raison de la 'criticité du programme et de ses enjeux en 2020 pour Thales', selon un mail du 20 décembre 2019 dont Mme [T] était destinataire en copie (pièces n°44-3 Thales).

Cette pièce n°44-3 est plus généralement constituée d'un tableau 'observations sur les éléments présentés comme des mesures de mise à l'écart et de représailles' avec en annexes les très nombreux échanges de messages dont Mme [T] a été destinataire en 2018 et 2019, contredisant les reproches de la salariée quant à une exclusion des informations sur les différents dossiers.

Cette même pièce mentionne, s'agissant de l'absence d'objectifs fixés à la salariée pour 2019, que certes les objectifs de Mme [T] n'ont pas été fixés mais ceux de son équipe l'ont été par elle, en présence de M. [ZN], auprès des collaborateurs. Ses objectifs restaient inchangés dans l'attente de l'issue de la démarche de mobilité engagée par Mme [T] fin 2018.

S'agissant du voyage à New-York également mentionné dans le tableau de la pièce n°44-3, Mme [T] affirme que sa hiérarchie a tenté d'annuler ce déplacement et a donné des instructions lui interdisant de tenir des réunions seule sur place. Cependant, l'employeur indique que les instructions transmises avaient pour objet de lui rappeler les règles d'usage liées à ce type de déplacement et le respect des procédures d'appel d'offres, la mission ayant d'ailleurs eu lieu. Les pièces n°75-1 à 75-4 (Mme [T]) correspondant à des échanges de messages, notamment de M. [ZN] à Mme [T] du 4 décembre 2019, confirment les commentaires de l'employeur.

S'agissant du périmètre d'intervention de la salariée pour lequel cette dernière affirme qu'il a été repris par M. [J], la société Thales conteste cette affirmation, les missions de M. [J] relevant du périmètre d'intervention inhérent à son poste de Business Development Export et France en amont des offres et projets, Mme [T] intervenant quant à elle au stade des offres et projets export.

Le fait que M. [J] ait été nommé responsable du service export en juin 2020 en remplacement de Mme [T], suite au licenciement de celle-ci, tout en restant actif sur son poste de responsable offres et solutions ne démontre pas que précédemment, il serait intervenu sur le périmètre de celle-ci (pièce n°49 Mme [T]), étant observé que l'ensemble des pièces produites par les parties démontre qu'en raison de l'importance des dossiers, ceux-ci relevaient de plusieurs salariés d'où la nécessité d'une collaboration étroite entre eux.

Les éléments en présence, notamment les très nombreux échanges de messages produits par l'employeur, non contredits par ceux versés aux débats par Mme [T], confirmés en outre par les différentes évaluations de la salariée, permettent d'établir que le comportement de celle-ci sur le plan relationnel notamment à l'égard de ses collaborateurs, de sa hiérarchie dont elle ne respectait pas les directives, des autres collaborateurs des services techniques et commerciaux de la société, posait de réelles difficultés, à l'origine de situations conflictuelles, éléments objectifs et étrangers à l'alerte.

En conséquence, l'ordonnance de la formation de référé du conseil de prud'hommes sera confirmée par substitution de motifs, en ce qu'elle a rejeté les demandes de Mme [T] présentées sur le fondement du droit d'alerte.

2- sur la dénonciation d'agissements constitutifs de harcèlement moral

Selon l'article L. 1152-2 dudit code dans sa version applicable à la présente espèce, 'aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.'

En l'espèce, Mme [T] demande la nullité de son licenciement en raison de la dénonciation d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral ce qui suppose d'avoir dénoncé une situation de harcèlement moral qualifiée comme telle et de démontrer que son licenciement est la résultante de sa dénonciation.

Elle invoque les faits suivants :

- atteintes aux conditions de travail, notamment par l'absence de détermination d'objectifs du fait des alertes par elle lancées,

- restrictions de ses fonctions,

- manque d'évolutions de carrière et notamment le refus de sa promotion,

- attaques ou attitudes agressives, méprisantes et humiliantes,

- rétention d'information résultant en une charge excessive de travail, l'obligeant à travailler même le week-end,

- refus de valider ses demandes de moyens pour faire face au surcroit de travail,

- manœuvres de représailles constantes l'obligeant à toutes les vigilances y compris pendant ses

vacances,

- manque d'équité en lui niant le droit à des jours de récupération,

- tentatives de la mettre en difficulté sur des dossiers importants,

- déstabilisation de son équipe,

- intimidations,

- isolement,

- licenciement 'représailles'.

Ces faits sont les mêmes que ceux invoqués par la salariée au titre de l'alerte.

Il n'est pas établi par les pièces en présence telles qu'examinées précédemment que le licenciement de Mme [T] a été prononcé au motif d'une dénonciation de faits de harcèlement moral, mais pour des motifs tenant aux difficultés relationnelles de la salariée avec ses collaborateurs, sa hiérarchie et les autres services, raisons objectives et étrangères à cette dénonciation.

Les éléments retenus pour écarter le lien entre le licenciement et l'alerte faite par la salariée ne permettent pas non plus de retenir au stade de la présente procédure que le licenciement constitue un trouble manifestement illicite en rapport avec le harcèlement allégué.

Il sera observé par ailleurs que Mme [T] n'a évoqué des faits de harcèlement moral que lors de sa seconde saisine du comité d'éthique, lequel a conclu après une enquête au cours de laquelle la salariée a pu s'exprimer ainsi que les personnes impliquées par cette plainte, à l'absence de pratiques caractéristiques d'une situation de harcèlement à l'encontre de Mme [T].

Mme [T] fait état également de son état de santé, produisant ses arrêts de travail de la fin de l'année 2019 et de l'année 2020.

Cependant, ses arrêts se limitent à 11 jours en octobre 2019, 2 jours en début janvier 2020 et 11 jours dans une seconde partie du mois de janvier et enfin à compter du 27 mars au 15 juin 2020, pour une période postérieure de deux jours à l'entretien préalable au licenciement et pendant la période sanitaire. Il n'est produit aucun élément permettant d'établir que Mme [T] a saisi le médecin du travail en lien avec un harcèlement moral.

En conséquence, les demandes de Mme [T] présentées sur le fondement de la dénonciation d'agissements constitutifs de harcèlement moral seront rejetées.

3- sur les demandes de provision sur dommages-intérêts de l'association Maison des lanceurs d'alerte, du syndicat Spic-Unsa et du syndicat FTM-CGT

Il résulte de ce qui précède que les demandes de provision sur dommages-intérêts de l'association Maison des lanceurs d'alerte, du syndicat Spic-Unsa seront rejetées, l'atteinte portée aux droits de Mme [T] en sa qualité de lanceur d'alerte n'ayant pas été retenue.

L'ordonnance sera confirmée en ce que la formation de référé a débouté le syndicat Spic-Unsa de ses demandes à ce titre.

S'agissant du syndicat FTM-CGT, intervenant volontaire devant la présente cour après cassation, la société Thales soulève l'irrecevabilité des demandes du syndicat intervenu dans la cause en juin 2023 au motif que le dispositif des écritures sont des demandes de 'déclarer' ou 'juger', qu'il intervient sur renvoi après cassation, que son intervention est principale puisqu'il forme des demandes de condamnations personnelles non soumises aux premiers juges, qu'en vertu de l'article L. 1455-7 du code du travail, une provision peut être accordée au créancier dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; qu'en l'espèce, il s'agit d'obligations sérieusement contestables de sorte que la demande de dommages-intérêts est infondée.

Le syndicat FTM-CGT soutient qu'en application de l'article 329 du code de procédure civile et de l'article L. 2132-3 du code du travail, il est recevable à agir dès lors que le litige soulève une question de principe de nature à porter un préjudice même indirect fût-il d'ordre moral à l'intérêt collectif de la profession.

Aux termes de l'article 329 du code de procédure civile, 'l'intervention est principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme. Elle n'est recevable que si son auteur a le droit d'agir relativement à cette prétention.'

L'article 554 dudit code dispose que 'peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.'

Même si cette intervention est jugée pour le moins tardive, elle reste recevable au regard des textes susvisés.

La demande de provision sur dommages-intérêts sera rejetée pour les mêmes motifs que ceux indiqués ci-dessus pour le syndicat Spic-Unsa et la Maison des lanceurs d'alerte, l'atteinte portée aux droits de Mme [T] en sa qualité de lanceur d'alerte n'ayant pas été retenue.

4- sur les frais irrépétibles et les dépens

L'ordonnance sera confirmée sur les frais irrépétibles mais infirmée sur les dépens.

Mme [T], le syndicat Spic-Unsa et la Maison des lanceurs d'alerte seront condamnés à payer chacun la somme de 1 000 euros à la société Thales Six GTS.

Ils seront déboutés, ainsi que la FTM-CGT de leurs demandes respectives à ce titre.

Mme [T] et le syndicat Spic-Unsa seront condamnés in solidum aux dépens de première instance.

La FMT-CGT conservera la charge de ses dépens d'appel après cassation.

Mme [T], le syndicat Spic-Unsa et l'association Maison des lanceurs d'alerte seront condamnés in solidum aux dépens d'appel avant et après cassation.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Confirme l'ordonnance en date du 11 décembre 2020 de la formation de référé du conseil de prud'hommes de Nanterre sauf en ce qu'elle a laissé à la charge des parties les dépens de première instance,

Statuant à nouveau, dans la limite de la cassation, et y ajoutant,

Déboute Mme [W] [T] de ses demandes fondées sur la dénonciation d'agissements constitutifs de harcèlement moral,

Déboute l'association Maison des lanceurs d'alerte de sa demande de provision sur dommages-intérêts,

Déclare recevables les demandes de la fédération des travailleurs de la métallurgie de la Confédération générale du travail (FTM-CGT),

Déboute la fédération des travailleurs de la métallurgie de la Confédération générale du travail (FTM-CGT) de sa demande de provision sur dommages-intérêts,

Condamne Mme [W] [T], le syndicat Spic-Unsa et l'association Maison des lanceurs d'alerte à payer chacun à la société Thales Six GTS la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute Mme [W] [T], le syndicat Spic-Unsa, l'association Maison des lanceurs d'alerte et la fédération des travailleurs de la métallurgie de la Confédération générale du travail (FTM-CGT) de leurs demandes respectives à ce titre,

Déboute la société Thales Six GTS de sa demande à l'encontre de la FTM-CGT à ce même titre,

Condamne in solidum Mme [W] [T] et le syndicat Spic-Unsa aux dépens de première instance,

Dit que la FTM-CGT conservera la charge de ses dépens d'appel après cassation.

Condamne in solidum Mme [W] [T], le syndicat Spic-Unsa et l'association Maison des lanceurs d'alerte aux dépens d'appel avant et après cassation.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, président, et par Mme Nouha ISSA, adjoint administratif faisant fonction de greffier, pour le greffier empêché, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

P/ Le Greffier empêché Le Président