CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 20 décembre 2023, n° 21/10951
PARIS
Arrêt
Autre
PARTIES
Défendeur :
Afer (GIE)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Brun-Lallemand
Conseillers :
Mme Depelley, M. Richaud
Avocats :
Me Ingold, Me Harbouche, Me Boccon Gibod, Me Flageul, Me Choisez
FAITS ET PROCÉDURE
M. [P] [R], conseiller en gestion de patrimoine, a fondé le cabinet JCG Conseil-Cabinet [R] en 1985. Il y exerce principalement les activités de courtier en assurances, conseiller en investissement et transaction sur immeubles et fonds de commerce.
Le GIE AFER, qui est un groupement d'intérêt économique administré de façon paritaire par l'association AFER et les compagnies d'assurance Abeille Vie (anciennement Aviva Vie), Abeille Epargne Retraite (anciennement Aviva Epargne Retraite) et Abeille Retraite Professionnelle (anciennement Aviva Retraite Professionnelle), a pour mission d'assurer la gestion administrative des adhésions aux contrats d'assurance vie AFER.
Dès l'année 1983, M. [R] a commencé à proposer à sa clientèle des contrats d'assurance vie souscrits par l'AFER.
En 2011, des difficultés sont apparues dans ses relations avec le GIE AFER, mais le différend a été résolu par la signature d'un protocole transactionnel le 25 juin 2012.
Par la suite, le 14 janvier 2014, le GIE AFER et M. [R] ont signé une convention de partenariat à durée indéterminée.
Le 26 juin 2017, le GIE AFER a notifié à M. [R] la résiliation de la convention en indiquant que les rapports entre les parties s'étaient significativement dégradés au point de rendre impossible la poursuite de la relation et en fixant un préavis de 12 mois avant la rupture des relations.
Après réunion de la commission de conciliation prévue à l'article 6.2 de la convention de partenariat, le GIE AFER, par lettre du 1er mars 2018, a fixé la durée du préavis à 18 mois. La résiliation est devenue effective le 1er janvier 2019.
M. [R] a considéré que la résiliation unilatéralement décidée par le GIE AFER était abusive et qu'il avait été victime d'une rupture brutale des relations commerciales établies.
Le 31 janvier 2020, M. [R] a fait assigner le GIE AFER devant le tribunal de commerce de Paris en sollicitant sa condamnation, notamment, à lui payer des dommages-intérêts pour préjudice moral résultant du non-respect de stipulations de la convention et pour préjudice financier résultant de la brutalité de la rupture des relations commerciales.
Par jugement rendu le 7 juin 2021, le tribunal :
- a écarté des débats le protocole transactionnel du 25 juin 2012,
- a dit que la rupture de la relation commerciale établie entre M. [R], exerçant sous le nom commercial JCG Conseil-[R] et le GIE AFER n'est pas brutale,
- a débouté M. [R], exerçant sous le nom commercial JCG Conseil-[R], de sa demande de dommages-intérêts de 137 487 € pour rupture brutale des relations commerciales établies,
- l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts de 100 000 €,
- l'a débouté de ses demandes tendant à voir enjoindre au GIE AFER :
* de ne pas interférer dans ses relations avec ses clients, sous astreinte de 10 000 €,
* de lui verser les commissions d'acquisition sur versements qui lui sont dues en exécution de la convention de partenariat du 14 janvier 2014,
- a débouté le GIE AFER de sa demande de dommages-intérêts de 5 000 €,
- a condamné M. [R], exerçant sous le nom commercial JCG Conseil-[R], à payer la somme de 5 000 € au GIE AFER au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- a débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
- a condamné aux dépens M. [R], exerçant sous le nom commercial JCG Conseil-[R].
M. [R], exerçant sous le nom commercial JCG Conseil-[R], a relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 11 juin 2021.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées et déposées le 15 septembre 2023, M. [R], exerçant sous la dénomination JCG Conseil-Cabinet [R], demande à la cour de le recevoir en son appel et, l'y disant bien fondé, de :
1) confirmer le jugement uniquement en ce qu'il a débouté le GIE AFER de sa demande de dommages-intérêts de 5 000 €,
2) infirmer le jugement en toutes ses autres dispositions et, statuant à nouveau, au visa des articles 1103 et 1104 du code civil ainsi que de l'article L. 442-6-1 5° du code de commerce applicable au litige, à savoir dans sa version antérieure à l'ordonnance du 24 avril 2019 :
- condamner le GIE AFER à réparer le préjudice moral qu'il a subi par l'allocation de dommages-intérêts d'un montant de 100 000 € pour non-respect des articles 5.1, 5.2, 6.1 et 6.2 de la convention de partenariat signée le 14 janvier 2014 et pour avoir mis un terme à cette convention de manière abusive, déloyale et vexatoire,
- condamner le GIE AFER à lui verser la somme de 137 487 €, à titre de dommages-intérêts, en réparation de son préjudice financier, compte tenu de la brutalité de la rupture des relations commerciales, le GIE AFER ayant fixé un délai de préavis insuffisant de 18 mois,
- faire injonction au GIE AFER de ne pas interférer dans les relations entre lui et ses clients, sous astreinte de 10 000 € par acte constituant une interférence préjudiciable à compter du jugement à intervenir,
- faire injonction au GIE AFER de traiter toute demande relative à la gestion administrative des contrats d'assurance vie AFER des clients de M. [R] conformément à ses obligations contractuelles en application de la convention de partenariat signée le 14 janvier 2014,
- faire injonction au GIE AFER de produire le bordereau de commissions dues à M. [R] depuis le 1er décembre 2019, correspondant à ses commissions sur les versements complémentaires effectués par ses clients AFER au profit des unités de compte de leurs contrats,
- faire injonction au GIE AFER de lui verser les commissions d'acquisition sur les versements qui lui sont dues en exécution de la convention de partenariat du 14 janvier 2014,
- débouter le GIE AFER de toutes ses demandes,
- condamner le GIE AFER à lui payer la somme de 10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le GIE AFER aux entiers dépens d'instance, dont distraction au profit de la selarl [M] & [U], représentée par Me [Z] [M], en vertu de l'article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées et déposées le 14 septembre 2023, le GIE AFER demande à la cour, au visa des articles 1113 et 1153 du code civil, des articles L. 442-6-1, 5° et L. 442-1, II du code de commerce ainsi que de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et :
1) en tout état de cause :
- le recevoir en ses demandes, fins et conclusions,
- juger qu'il n'a pas rompu de manière brutale et vexatoire les relations commerciales qu'il entretenait avec M. [R] depuis la signature de la convention de partenariat en 2014,
- juger qu'il est exonéré de toute responsabilité pour avoir accordé un préavis de 18 mois à M. [R], conformément aux dispositions de l'article L. 442-1, II du code de commerce,
- juger en tout état de cause que le préavis de 18 mois est un délai raisonnable au regard des relations commerciales préexistantes avec M. [R],
- juger qu'il n'a pas résilié de manière vexatoire, abusive ou déloyale la convention de partenariat avec M. [R],
2) en conséquence, débouter M. [R] de sa demande :
- de réparation de son préjudice moral par l'allocation de dommages-intérêts à hauteur de 100 000 €, le GIE AFER n'ayant pas mis un terme à la convention de partenariat de manière abusive, déloyale et vexatoire,
- de versement de la somme de 137 487 €, à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice financier, le GIE AFER n'ayant pas rompu de manière brutale les relations commerciales, le délai de préavis de 18 mois étant suffisant au regard des faits de l'espèce,
- d'injonction faite au GIE AFER de ne pas interférer dans les relations avec les clients sous astreinte de 10 000 € par acte, dès lors qu'il ne rapporte pas la preuve d'une déloyauté à ce titre,
- de versement des commissions d'acquisition en ce qu'il ne rapporte pas la preuve suffisante et nécessaire,
3) en toute hypothèse :
- débouter M. [R] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- le condamner aux entiers dépens et à payer au GIE AFER la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La Cour renvoie à la décision attaquée et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
- Sur la rupture brutale alléguée des relations commerciales établies
Moyen des parties
M. [R] fait valoir, pour l'essentiel :
- que ses relations commerciales avec le GIE AFER ont débuté au début des années 1980, au plus tard en 1983, ont duré plus de 33 ans et présentent un caractère établi pendant toute cette période, même en l'absence de convention écrite,
- qu'il était "un courtier historique" du GIE AFER et a développé son portefeuille de clientèle en privilégiant de façon quasi-exclusive les produits de la marque AFER, créant ainsi indiscutablement un état de dépendance économique,
- que 85 % de son portefeuille clientèle est composé d'adhérents AFER,
- qu'eu égard à la notoriété de l'AFER, il ne lui était pas possible, dans le délai de 18 mois, de lui substituer un ou plusieurs autres assureurs pour lui permettre de réorganiser son activité dans des conditions économiques comparables,
- que pendant 33 ans il a développé une relation de confiance avec les adhérents de l'AFER, développant ainsi un volume de contrats et/ou une nouvelle clientèle, mais que depuis le 1er janvier 2019 il ne peut plus recueillir de nouvelles adhésions pour les contrats AFER et ne peut plus proposer à 85 % de ses clients de nouveaux contrats AFER,
- que depuis le 1er janvier 2019, il ne peut plus présenter de contrats AFER ni recueillir de nouvelles adhésions, ne conservant que son droit à commission sur les contrats anciens,
- que les produits d'assurance présentés dans le cadre de la convention de partenariat du 14 janvier 2014 étaient des contrats d'assurance vie distribués sous la marque AFER, ce qui justifie le doublement de la durée minimale de préavis par application de l'article L. 442-6-1 5° applicable en la cause,
- que c'est un préavis de 60 mois qui aurait dû lui être accordé compte tenu des spécificités des relations commerciales établies avec le GIE AFER et que l'insuffisance de préavis est donc de 52 mois.
En réponse, le GIE AFER soutient d'abord que l'article L. 442-6-1 5° du code de commerce n'est pas applicable au litige. Il expose en ce sens :
- que l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, qui a abrogé cet article pour le remplacer par l'article L. 442-2, II du même code, ne prévoit pas les conditions d'entrée en vigueur du nouvel article et pose seulement le principe de l'application immédiate de l'article L. 441-3 aux contrats en cours ;
- que la Cour de cassation a reconnu (par arrêt n° 2009-888 du 22 juillet 2009) le caractère d'ordre public d'une loi dont les dispositions transitoires n'étaient pas mentionnées ;
- que le nouvel article du code de commerce s'applique immédiatement à toute instance et contrat en cours, en tant que disposition d'ordre public ;
- qu'outre l'absence de dispositions transitoires, le nouvel article L. 442-1, II, du code de commerce revêt un motif impérieux d'intérêt général, ayant pour objectif de simplifier et clarifier l'ordre juridique existant dans un souci d'équité, de cohérence et d'efficience économique,
- que l'instauration d'un plafond légal, à savoir un préavis de 18 mois, quelle que soit la durée des relations, est une disposition d'ordre public pour motif d'intérêt général en ce qu'il contribue à la régulation des interprétations jurisprudentielles de la notion de délai raisonnable,
- qu'en toute hypothèse, un préavis de 18 mois ayant été accordé, la cour devrait confirmer la position du tribunal en ce qu'il a jugé, sur le fondement de l'article L. 442-6-1 5° du code de commerce, qu'il n'y avait pas eu rupture brutale des relations commerciales.
Le GIE AFER prétend ensuite qu'il ne peut voir sa responsabilité engagée par application de l'article L. 442-6-1, 5° du code de commerce, n'étant pas producteur, ni commerçant, ni industriel, ni inscrit au répertoire des métiers. Il allègue :
- que ses statuts lui laissent seulement la faculté de réaliser des actes commerciaux, sans aucune obligation,
- que dans la notice du contrat d'assurance vie de mai 2009 et du contrat de groupement signé le 8 janvier 2020, il n'est jamais mentionné qu'il effectue des actes de commerce,
- que son objectif étant de faciliter l'activité économique de ses membres, il est en relation avec les courtiers mais que "relations commerciales" ne signifie pas forcément "exercer une activité commerciale".
Le GIE AFER rappelle enfin les dispositions de l'article L. 442-6-1 5° du code de commerce et fait valoir que :
- seule la convention de partenariat relève du présent litige, une nouvelle relation d'affaires ayant commencé entre lui et M. [R] en janvier 2014 pour se terminer en janvier 2019, la durée des relations a été de 5 ans,
- que M. [R] ne se trouvait pas en état de dépendance économique vis à vis du GIE AFER ;
- que M. [R], en plus de disposer d'une clientèle personnelle à hauteur de 15 %, a conservé l'intégralité de son portefeuille AFER et les commissions y afférentes,
- que le préavis de 18 mois était suffisant pour lui permettre de réorganiser son activité.
Réponse de la Cour
S'agissant en premier lieu des dispositions applicables, il doit être constaté, tout d'abord, que l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, en son article 5, ne prévoit de dispositions transitoires que pour l'application des articles L. 443-1 à L. 441-7 du code de commerce. Il n'existe aucune disposition de ce type s'agissant du nouvel article L. 442-1 de ce code relatives à la rupture brutale de la relation commerciale établie.
Or aux termes de l'article 2 du code civil, la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a pas d'effet rétroactif. L'instauration d'un plafond de 18 mois au titre du préavis devant être accordé ne relève en outre pas d'un motif d'ordre public impérieux susceptible de justifier l'application immédiate du nouvel article L. 442-1 du code de commerce.
Il convient d'observer, ensuite, que les statuts du GIE AFER précisent :
- qu'il a pour objet exclusif de faciliter l'activité économique de ses membres en ce qu'elle se rattache aux contrats collectifs d'assurance-vie souscrits par les associations AFER ou AFER Europe,
- qu'il pourra effectuer toutes opérations, notamment commerciales, se rattachant à la réalisation de cet objet.
En concluant un partenariat avec M. [R], courtier en assurance, pour placer des contrats d'assurance moyennant le paiement de commissions, le GIE AFER, dans ce cadre, a effectué des actes de commerce et exercé une activité commerciale. C'est donc en vain qu'il fait valoir qu'il n'est pas commerçant.
En conséquence, la rupture étant intervenue le 1er mars 2018, le litige doit être tranché en application de l'ancien article L. 442-6-1 5° du code de commerce, lequel dispose :
"Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (...) :
5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur."
S'agissant en deuxième lieu de l'ancienneté des relations commerciales établies, la Cour retient que, contrairement à ce que prétend le GIE AFER, ces relations n'ont pas débuté le 14 janvier 2014, date de signature de la convention de partenariat.
En effet, il y est expressément stipulé : "Ce partenariat est conclu en considération de l'ancienneté des relations entre les parties et du respect mutuel des parties."
M. [R] verse aux débats :
- un reçu de la compagnie d'assurance Abeille Paix Vie du 1er août 1983,
- une lettre d'Abeille Paix Vie, devenue Aviva Vie, du 6 mars 1986 lui adressant un chèque en règlement de ses commissions, correspondant au bordereau de commissions du 26/02/1986 émis par l'AFER,
- une lettre du GIE AFER du 5 décembre 1986 l'informant du montant de ses commissions pour le mois de novembre 1986 et les justificatifs de règlement,
- une lettre du GIE AFER du 27 septembre 1994 l'informant de sa décision de majorer son taux de commissionnement de 0,5 % sur son code courtier en considération de la progression de ses résultats,
- deux lettres du GIE AFER du 9 janvier 1996, l'informant du règlement de ses commissions dues pour le mois de décembre 1995,
- deux lettres du GIE AFER du 2 décembre1998, l'informant du règlement de ses commissions dues pour le mois de novembre 1998,
- la charte de délégué et correspondant AFER qu'il a signé le 5 mars 2002.
Il est ainsi justifié d'une relation commerciale établie présentant un caractère suivi, stable et habituel depuis 33 ans, peu important l'absence de convention écrite avant 2014.
S'agissant en troisième lieu des autres critères -l'état de dépendance économique, la notoriété d'AFER et les perspectives de reconversion et de réorganisation- discutés en raison de leur impact allégué sur l'appréciation de la durée du préavis, il est rappelé que le courtage est une opération d'entremise par laquelle un courtier s'engage à rapprocher des personnes souhaitant contracter en s'efforçant de les faire parvenir à un accord.
La Cour retient que même si conformément à la charte signée le 5 mars 2002, M. [R] devait consacrer au moins la moitié de sa collecte assurance vie à la diffusion des conventions AFER et que si sur un total de 3.250 clients en gestion de patrimoine, 1.608 étaient des adhérents de l'AFER, il lui a toujours été loisible de diversifier son activité auprès d'autres assureurs pour la moitié de son activité en matière d'assurance vie, ce à quoi il s'est au demeurant employé en disposant d'une clientèle propre.
L'importance de son chiffre d'affaires en lien avec les produits AFER traduit une certaine dépendance économique, l'importance de ce critère devant néanmoins être tempéré par les éléments suivants :
- si l'AFER se présente comme "ayant inventé en 1976 le modèle de contrat qui fait référence aujourd'hui", il existe dans le secteur économique concerné des acteurs en nombre, étant rappelé que 13 opérateurs autres que l'AFER se partagent 90 % de l'encours en assurance vie ;
- M. [R] ne justifie d'aucun investissement matériel et humain spécifique réalisé pour les besoins de la relation commerciale ;
- il est constant que M. [R] a conservé la totalité de son portefeuille AFER tel que constitué jusqu'au 1er janvier 2019 ; or le délai se détermine non pas au regard du gain manqué mais au délai nécessaire pour le partenaire évincé pour se réorganiser.
S'agissant en quatrième lieu de la demande de doublement du préavis formulée, il doit être relevé qu'aux termes de l'article R. 412-47 du code de la consommation, est considéré comme produit vendu sous marque de distributeur le produit dont les caractéristiques sont définies par l'entreprise ou le groupe d'entreprises qui en assure la vente au détail et qui est le titulaire de la marque sous laquelle il est vendu.
M. [R] n'étant pas propriétaire ou titulaire de la marque AFER, la demande est injustifiée.
Il se déduit de l'ensemble qu'au cas présent, eu égard à la durée des relations commerciales établies, à la nature de l'activité de courtage exercée par M. [R] et au temps nécessaire pour lui permettre de retrouver d'autres compagnies d'assurance à proposer à sa clientèle, le préavis effectif de 18 mois octroyé est d'une durée suffisante.
Ce délai de prévenance étant adapté au contexte spécifique de la relation qui a cessée, l'auteur de la rupture n'a pas engagé sa responsabilité. La demande de dommages-intérêts de M. [R] d'un montant de 137.487 € est rejetée.
Le jugement attaqué est confirmé en ce qu'il a dit que la rupture de la relation commerciale établie entre M. [R], exerçant sous le nom commercial JCG Conseil- Cabinet [R] et le GIE AFER n'est pas brutale.
- Sur la demande de dommages-intérêts de M. [R] pour préjudice moral,
Moyen des parties
M. [R] soutient, tout d'abord, que le GIE AFER a résilié la convention de partenariat sans le mettre en mesure, à la suite d'un avertissement, de mettre un terme aux manquements qui lui étaient imputés, en invoquant un motif non prévu par la convention et en appliquant une sanction totalement disproportionnée.
M. [R] reproche, ensuite, au GIE AFER de ne pas avoir respecté la procédure prévue en cas de désaccord, à savoir un échange préalable entre les parties, suivi le cas échéant de la réunion d'une commission de conciliation aux fins de trouver un accord amiable.
Il prétend, par ailleurs, que son partenaire aurait agi de façon vexatoire et sans ménagement.
M. [R] soutient, enfin, que le GIE AFER a interféré dans ses relations avec ses clients au mépris des stipulations contractuelles. Il rappelle que la convention prévoyait en son article 1.3 que le courtier est propriétaire de ses fichiers clients et aux droits à commissions attachés ainsi que de ses fichiers prospects et que selon la Charte du délégué et du correspondant AFER, le GIE AFER s'est engagé à renvoyer sur le conseiller d'origine les adhérents qui lui téléphonent et à rappeler aux adhérents les coordonnées de leur conseiller. Il fait grief au GIE AFER d'avoir, les 26 et 27 décembre 2018 et le 27 juin 2019, rattaché de nouvelles adhésions ( Mme [T] [G], Mme [F] et M. [E]) effectuées par son intermédiaire au code apporteur d'un autre de ses courtiers.
Il ajoute que :
- par lettre du 3 avril 2018, le GIE AFER s'est adressé à une de ses clients, Mme [K], pour la conseiller à l'occasion du changement de la clause bénéficiaire de son contrat d'assurance vie ;
- par courriels des 12 et 20 août 2019, le GIR AFER a informé des notaires chargés de la succession d'adhérents AFER qu'il prendrait contact directement avec chaque bénéficiaire afin de lui transmettre les possibilités offertes pour le remploi des capitaux décès lui revenant sans transmettre le code apporteur de M. [R] ;
- le 27 janvier 2020, suite au décès de Mme [I] [W], le GIE AFER a transmis à la bénéficiaire du contrat d'assurance vie une lettre lui indiquant les démarches à suivre pour le versement du capital décès, avec un formulaire qui l'invitait à se rapprocher de son conseiller AFER et renvoi à une liste ne mentionnant pas le nom de M. [R], lequel s'est trouvé ainsi spolier de son prospect ;
- dans deux lettres des 22 et 27 juillet 2021, le GIE AFER s'est adressé à deux de ses clients bénéficiaires des capitaux décès de contrats d'assurance en leur précisant que, pour toute question relative à la souscription et l'investissement sur un contrat collectif d'assurance vie AFER, il convenait qu'elles se rapprochent du cabinet [R], alors que depuis la résiliation du partenariat, le cabinet [R] ne pouvait plus les faire adhérer à de nouveaux contrats.
Le GIE AFER répond :
- que c'est à la suite de simples erreurs matérielles que des courriers ont été envoyés en juillet 2021,
- que les courriers types communiqués par M. [R] ont été adressés dans le cadre du règlement des capitaux décès pour lesquels la résiliation du partenariat n'avait vraisemblablement pas encore été prise en compte par les services de gestion du GIE AFER,
- qu'il n'a pas agi de mauvaise foi et que M. [R] ne rapporte pas la preuve qu'il a perdu des clients ou subi un préjudice.
Il impute par ailleurs à M. [R] un manquement à ses obligations morales et réglementaires, notamment lors de l'assemblée générale de l'AFER du 29 juin 2017.
Réponse de la Cour
Il y a lieu de rappeler, en premier lieu, que le GIE AFER, faisant état de la dégradation des relations entre les parties, n'a pas résilié la convention à durée indéterminée pour faute, mais a décidé d'y mettre fin en accordant un préavis conforme à la loi.
Il doit être constaté, en deuxième lieu, que la convention de partenariat stipule :
- en son article 5.1 : "en cas de désaccord et quel qu'en soit le sujet ou la cause, les parties conviennent de réserver systématiquement tout sujet de désaccord à un échange préalablement, puis à une procédure de conciliation ayant pour but prioritaire la recherche d'accord amiable selon le processus décrit paragraphe 6.2 ci-dessous",
- en son article 6.2 : "Pour toute contestation qui serait susceptible de s'élever entre les parties, concernant la validité, l'interprétation, l'exécution, la rupture de la convention, ou plus généralement en cas de désaccord persistant (paragraphe 5.1 ci-dessus) les parties acceptent, préalablement à toute transmission à une autorité judiciaire et/ou information publique, de soumettre leur différend à une commission de conciliation spécifiquement constituée."
Or, après la lettre du 26 juin 2017 notifiant la résiliation de la convention, les parties ont échangé plusieurs lettres dont la teneur démontre la persistance de leur désaccord. La commission de conciliation s'est réunie le 24 octobre 2017 sans que les parties puissent aboutir à une solution amiable.
Le grief selon lequel la procédure prévue n'a pas été respectée doit donc être écarté.
Il y a lieu de constater, en troisième lieu, que l'allégation selon laquelle le GIE AFER aurait agi de façon vexatoire et sans ménagement, ce qui aurait causé à M. [R] un préjudice d'image, n'est aucunement démontré.
Il convient, en quatrième lieu, de retenir que c'est M. [R] qui verse lui-même aux débats les pièces adressées à ses clients [E], [F], [I] [W] et [T] [G], cette dernière cliente ayant demandé et obtenu le changement de courtier au profit de M. [R].
L'appelant ne démontre pas avoir perdu ces clients. Il ne justifie pas plus avoir subi un préjudice en raison d'interférences du GIE AFER qui constitueraient des agissements de mauvaise foi.
En conséquence, M. [R] sera débouté de sa demande de dommages-intérêts.
Il n'y a pas lieu d'enjoindre au GIE AFER, sous astreinte, de ne pas interférer dans les relations de M. [R] avec ses clients et de traiter toutes demandes de ses clients conformément à ses obligations contractuelles issues en application de la convention de partenariat, alors que la preuve n'est pas rapportée que des interférences ou autres difficultés persistent actuellement.
Le jugement attaqué est confirmé.
- Sur les demandes de M. [R] au titre des commissions
Moyens des parties
M. [R] demande qu'il soit enjoint au GIE AFER :
- d'une part, de produire le bordereau de commissions qui lui sont dues depuis le 1er décembre 2019, correspondant à des commissions sur les versements complémentaires effectués par ses clients AFER au profit des unités de compte de leurs contrats,
- d'autre part, de lui verser les commissions d'acquisition sur versements qui lui sont dues en exécution de la convention de partenariat.
Il expose à cette fin :
- que sans aucune explication valable, le GIE AFER l'a informé qu'à compter du 1er décembre 2019, s'agissant des commissions d'acquisition, il supprimait les commissions sur les versements complémentaires effectués au profit des unités de compte composant les allocations d'actifs des clients et que cette suppression lui a été imposée sans signature d'aucun avenant,
- qu'il incombe au GIE AFER, en application de l'article 4.1 de la convention d'établir le bordereau de commissions depuis le 1er décembre 2019, correspondant à ses commissions sur les versements complémentaires effectués par ses clients AFER au profit des unités de compte de leurs contrats,
- que conformément au code général des impôts, il incombe au GIE AFER, comme à lui-même, de déclarer les sommes versées à titre de commissions,
- que l'article 4.1 de la convention de partenariat oblige le GIE Afer à lui verser les commissions afférentes à toute adhésion ou versement complémentaire, ces commissions étant justifiées par la production par le GIE AFER de bordereaux de commissions détaillées par opération et par adhésion.
En réponse, le GIE AFER demande la confirmation du jugement en qu'il a retenu que Monsieur [R] ne justifie pas le montant de la créance alléguée et ne démontre pas que le GIE AFER a manqué à ses obligations de renseignements permettant d'assurer le suivi des commissions dues.
Réponse de la Cour
Il ressort du document intitulé "Flash Info 21 B-19" du 18 avril 2019, adressé à cette date à M. [R], que l'AFER avait décidé d'un nouveau modèle économique pour le contrat multisupport AFER, modèle qui devait être soumis aux adhérents par des résolutions à voter en assemblée générale en juin 2019. Ce document prévoit une modification des commissions, notamment un taux de 0 % s'agissant des commissions pour versements sur unité de compte.
Le procès-verbal dressé par huissier de justice lors de l'assemblée générale de l'AFER qui s'est tenue le 29 juin 2019 relate que 13 résolutions ont été votées, dont celles relatives à la création de nouveaux support AFER Senior et AFER Multi Foncier, à l'évolutivité de la liste des unités de compte et au nouveau modèle AFER.
Ainsi, en l'état des éléments versés aux débats, M. [R] ne justifie pas d'une créance au titre de commissions dues à partir de 1er décembre 2019 sur les versements complémentaires effectués par ses clients AFER au profit des unités de compte de leurs contrats.
Par ailleurs, M. [R] dispose d'un code d'identification qui permet sa rémunération, en qualité d'intermédiaire, grâce au versement de commissions effectué par le GIE AFER pour le compte des assureurs.
Comme le lui a rappelé le GIE AFER par lettre du 28 février 2022, M. [R] dispose sur son espace sécurisé, accessible sur le site internet de l'AFER, de toutes les informations relatives au versement de ses commissions antérieures ou postérieures à la résiliation et trouvera tous les bordereaux de commissions mensuels depuis octobre 2019.
M. [R], qui dispose de tous éléments utiles pour justifier d'une créance, ne démontre pas être créancier du GIE AFER au titre de commissions. Il s'ensuit qu'aucune de ses demandes d'injonction ne peut prospérer.
Le jugement attaqué est confirmé.
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [R] qui succombe en toutes ses prétentions doit supporter les dépens d'appel.
Il sera alloué la somme supplémentaire de 10.000 € au GIE AFER sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, M. [R] étant débouté de sa demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant, condamne M. [R] à payer la somme de 10.000 € au GIE AFER par application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [R] aux dépens d'appel.