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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 20 décembre 2023, n° 22/04963

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Prem's Courtage (Sté)

Défendeur :

ACE Patrimoine (Sasu), GD9 (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Douillet

Conseillers :

Mme Barutel, Mme Bohée

Avocats :

Me Teytaud, Me Perrier, Me Bellet, Me Benatar, Me Castagnon, Me Boccon Gibod, Me Paal

T. com. Paris, du 3 févr. 2022, n° J2019…

3 février 2022

EXPOSE DU LITIGE

La société ACE Patrimoine, anciennement dénommée JB Holding jusqu'au 25 octobre 2021, laquelle était venue aux droits d'une société ACE Patrimoine par transmission intégrale de patrimoine à effet du 30 juillet 2021, a une activité de courtage en prêts immobiliers au travers d'un réseau de plus de 80 agences réparties sur le territoire national, dont une partie appartient au groupe ACE, l'autre partie étant constituée d'agences indépendantes de courtiers exerçant sous le statut d'intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement. Ces agences sont exploitées sous l'enseigne ACE Crédit.

M. [R] [S] a été salarié d'ACE Patrimoine de 2006 au 30 avril 2015.

Le 4 mai 2015 la société ACE Patrimoine a conclu avec M. [R] [S] et la société Prem's Courtage (Prem's), que M. [S] a créée en avril 2015, un contrat de franchise pour l'exploitation d'une agence ACE Crédit à [Localité 6] (92) pour une durée de cinq ans.

M. [E] [S], frère de M. [R] [S], a été salarié d'ACE Patrimoine de janvier 2011 à mai 2015, date à laquelle il a conclu une rupture conventionnelle avec la société ACE Patrimoine, sans clause de non-concurrence. Il a créé la société GD9, société de courtage en prêts immobiliers et en assurance, le 22 octobre 2015

Le 3 juin 2016, M. [R] [S], initialement associé minoritaire de GD9, a cédé ses parts à son frère [E] [S] qui lui a en retour cédé ses propres parts dans la société Prem's Courtage.

Par requête du 4 avril 2017, M. [R] [S], invoquant l'absence de paiement par la société ACE Patrimoine de commissions dues pour sa période d'activité en tant que salarié, a saisi le Conseil des prud'hommes aux fins de condamnation à lui payer la somme de 117 114 euros.

Par courrier recommandé du 3 avril 2017, M. [S] et la société Prem's Courtage ont adressé à la société ACE Patrimoine une dénonciation des manquements du franchiseur et une résiliation aux torts de ce dernier.

Par ordonnance du 13 avril 2017, la société ACE Patrimoine, suspectant un détournement de clientèle de la part de son franchisé vers la société GD9, était autorisée à faire procéder à des opérations de constat au siège de la société GD9. Les informations recueillies par l'huissier ont été placées sous séquestre.

Par acte du 6 juin 2017, la société Prem's Courtage a fait assigner la société ACE Patrimoine devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs du franchiseur.

Par ordonnance du 2 mars 2018, le juge des référés du tribunal de commerce a fait partiellement droit à la demande de la société ACE Patrimoine, présentée par assignation du 14 juin 2017, de communication des pièces saisies placées sous séquestre.

Par acte du 2 août 2018, la société ACE Patrimoine a assigné les sociétés Prem's Courtage et GD9 ainsi que M. [R] [S] devant le tribunal de commerce de Paris.

Les deux instances au fond portées devant le tribunal de commerce ont été jointes le 30 octobre 2019.

Par jugement du 26 juin 2020, le Conseil des Prud'hommes a condamné le groupe ACE à payer à M. [R] [S] la somme de 51 410 euros à titre de rappel de salaires. M. [S] a interjeté appel de ce jugement, la procédure étant pendante devant la cour d'appel de Paris.

Par un jugement du 3 février 2022, dont appel, le tribunal de commerce de Paris a :

- Débouté la société JB Holding, venant aux droits d'ACE Patrimoine de l'ensemble de ses demandes au titre de la commission d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme, à savoir:

De sa demande de condamnation solidaire de M. [R] [S], Prem's Courtage et GD9 à lui payer la somme de 27 524,54 euros au titre d'un détournement de redevances dues normalement au franchiseur résultant de leurs agissements commis délibérément et de concert en violation du contrat de franchise, et en concurrence déloyale et parasitaire ;

De sa demande de condamnation solidaire de M. [R] [S], Prem's Courtage et GD9 à lui payer la somme de 133 342,77 euros au titre de l'atteinte aux investissements ;

De sa demande de condamnation solidaire de M. [R] [S], Prem's Courtage et GD9 à lui payer la somme de 150 000 euros au titre du préjudice moral subi et résultant des agissements commis délibérément à son encontre ;

De sa demande de restitution en original à la société JB Holding de toutes les informations détenues par la société GD9, M. [R] [S] et Prem's Courtage concernant le réseau ACE Crédit et ses partenaires ;

De sa demande de cessation et d'interdiction d'usage de tout signe identique ou similaire à ACE Crédit, à quelque titre que ce soit, et sous quelque forme que ce soit ;

De sa demande d'ordonner la publication de la décision à intervenir ;

- Pris acte de la résiliation du contrat de franchise par la SASU Prem's Courtage au 3 avril 2017;

- Dit que cette résiliation a été effectuée aux torts exclusifs de la SASU Prem's Courtage ;

- Débouté la SASU Prem's Courtage de ses demandes indemnitaires au titre de commissions non versées et de manque à gagner ;

- Mis hors de cause la société GD9 ;

- Débouté M. [R] [S] de sa demande de mise hors de cause ;

- Condamné solidairement la SASU Prem's Courtage et M. [R] [S] à payer à la société JB Holding, venant aux droits d'ACE Patrimoine, la somme de 140 422,40 euros au titre de son manque à gagner suite à la résiliation anticipée du contrat ;

- Condamné la société JB Holding, venant aux droits d'ACE Patrimoine à payer à la société GD9 la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile ;

- Condamné solidairement la SASU Prem's Courtage et M. [R] [S] à payer à la société JB Holding, venant aux droits d'ACE Patrimoine, la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile ;

- Ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

- Condamné solidairement la SASU Prem's Courtage et M. [R] [S] aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 196,94 euros dont 78,36 euros de TVA.

Le 3 mars 2022, la société Prem's Courtage et M. [R] [S] ont interjeté appel de ce jugement.

Par acte du 4 juillet 2022, la société ACE Patrimoine a formé un appel provoqué à l'encontre de la société GD9.

Le 20 juin 2022, la société ACE Patrimoine a pratiqué une saisie attribution à exécution successive au préjudice de M. [S] pour un montant total de 148 378,75 euros en exécution du jugement du tribunal de commerce de Paris du 3 février 2022.

Par ordonnance du 3 novembre 2022, le Premier Président a rejeté la demande de suspension de l'exécution provisoire sollicitée par M. [R] [S] et la société Prem's Courtage.

Par jugement rendu le 4 janvier 2023, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris, a rejeté la demande de délai de grâce de M. [R] [S].

Dans leurs dernières conclusions récapitulatives numérotées 4, notifiées le 12 mai 2023, la société Prem's Courtage et M. [S], appelants et intimés incident, demandent à la cour de:

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société JB Holding, aujourd'hui dénommée ACE Patrimoine, de l'ensemble de ses demandes au titre de la commission d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme,

- Infirmer le jugement entrepris pour le surplus et notamment en ce qu'il a :

dit que la résiliation du contrat de franchise est intervenue le 3 avril 2017 aux torts exclusifs de la société Prem's Courtage,

débouté la société Prem's Courtage de ses demandes indemnitaires au titre de commissions non versées et de manque à gagner,

débouté Monsieur [R] [S] de sa demande tendant à être mise hors de cause,

o condamné solidairement la société Prem's Courtage et Monsieur [R] [S] à payer à la société JB Holding la somme de 140.422,40 euros au titre de son manque à gagner.

Et statuant à nouveau de ces chefs,

- Juger que la société ACE Patrimoine s'est rendue complice d'actes de détournement de clientèle commis par le Groupe ACE Crédit, des avant le mois de septembre 2015 et au cours des mois suivants, en méconnaissance des obligations de bonne foi et de loyauté pesant sur elle,

- Juger que la société ACE Patrimoine a méconnu son obligation d'assistance et de compétence en n'intervenant pas auprès du Groupe ACE Crédit pour qu'il soit mis fin aux pratiques déloyales et fautives de captation de clientèle,

- Juger que la société ACE Patrimoine a méconnu son obligation de fournir un avantage concurrentiel à son franchisé en modifiant unilatéralement, dès le mois de septembre 2015, l'économie du contrat de franchise à son profit exclusif et au détriment de la société Prem's Courtage,

- Juger que l'agence exploitée par la société Prem's Courtage a fait l'objet d'un traitement discriminatoire de la part de la société ACE Patrimoine dès la signature du contrat de franchise, qui a ainsi violé son obligation de loyauté et son obligation de transmettre à son franchisé un avantage concurrentiel effectif,

- Juger que la société ACE Patrimoine a méconnu son obligation de fournir un avantage concurrentiel à son franchisé, son obligation de loyauté, son obligation d'assistance, tant au démarrage de l'activité qu'en cours d'exécution du contrat de franchise, et son obligation de transmettre un savoir-faire actualisé à son franchisé en s'abstenant de transmettre à la société Prem's Courtage de nombreuses informations utiles à l'exploitation de l'agence exploitée par cette dernière, dont les barèmes de taux,

- Juger que la société ACE Patrimoine a empêché par son comportement la société Prem's Courtage de percevoir la somme de 56.740,18 euros de commissions dues sur ses prêts conclus avec le Crédit Lyonnais par l'entremise de l'agence de [Localité 6],

- Juger que la société ACE Patrimoine a payé avec retard des commissions dues à la société Prem's Courtage,

En conséquence, A titre principal,

- Juger que la résiliation du contrat de franchise est intervenue le 9 septembre 2015, voire le 24 octobre 2015 ou le 27 novembre 2015,

- Juger que la résiliation du contrat de franchise est intervenue aux torts et griefs exclusifs de la société ACE Patrimoine, avec toutes les conséquences de droit qui s'en évincent,

- Condamner la société ACE Patrimoine à payer à la société Prem's Courtage la somme de 90 000 euros de dommages-intérêts au titre du manque à gagner subi par l'agence ACE de [Localité 6], sauf à parfaire,

- Condamner la société ACE Patrimoine à payer à la société Prem's Courtage la somme de 56 740,18 euros de dommages-intérêts au titre des commissions non perçues sur des prêts conclus avec le Crédit Lyonnais,

A titre très subsidiaire,

- Juger que la résiliation du contrat de franchise est intervenue aux torts et griefs partagés de la société ACE Patrimoine et de la société Prem's Courtage, avec toutes les conséquences de droit qui s'en évincent,

En tout état de cause,

- Débouter la société ACE Patrimoine de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions, en ce compris son appel incident,

- Débouter la société GD9 de sa demande tendant à être relevée et garantie solidairement par la société Prem's Courtage et par Monsieur [R] [S] des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, et de son appel incident

- Juger que les demandes formées à l'encontre de Monsieur [R] [S] personnellement par la société ACE Patrimoine sont irrecevables,

- Mettre Monsieur [R] [S] hors de cause,

- Réduire, subsidiairement, à la somme de 1 euro le montant de l'indemnité contractuelle invoquée à titre de clause pénale par la société ACE Patrimoine sur le fondement de l'article 20.2 du contrat de franchise,

- Condamner la société ACE Patrimoine aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ces derniers au profit de Maître François Teytaud, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.

- Condamner la société ACE Patrimoine à payer à la société Prem's Courtage la somme de 15 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions récapitulatives, numérotées 2, notifiées le 15 mai 2023, la société GD9, intimée provoquée, demande à la cour de :

A titre principal :

- Juger que la société ACE Patrimoine ne démontre aucun acte de concurrence déloyale imputable à la société GD9 ni aucune faute qui pourrait lui être imputée au titre du contrat de franchise ;

- Juger que la société ACE Patrimoine ne démontre pas la réalité ni le quantum d'aucun préjudice qui serait imputable à la société GD9 ;

En conséquence,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a mis hors de cause GD9 ;

- Confirmer le jugement en ce qu'il débouté ACE Patrimoine de toutes ses demandes contre GD9 ;

- Débouter la société ACE Patrimoine de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées contre GD9 ;

A titre subsidiaire :

- Débouter la société ACE Patrimoine de ses demandes de condamnation in solidum formée contre GD9 ;

- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté ACE Patrimoine de ses demandes de condamnation aux sommes de :

27 524,54 euros au titre du détournement de redevances allégué,

133 342,77 euros au titre d'une atteinte aux investissements alléguée,

150 000 euros au titre d'un préjudice moral.

- Juger que les préjudices qui seraient mis à la charge de GD9, à les supposés établis, doivent être limités à la période de mai 2016 à novembre 2016 ;

- Limiter le montant de l'indemnisation allouée à ACE Patrimoine au titre de l'ensemble des préjudices matériels et financiers allégués et en réduire le montant à la somme d'un Euro symbolique ou, à tout le moins, à une somme nettement réduite ;

- Condamner Monsieur [R] [S] et la société Prem's Courtage, solidairement, à garantir et relever indemne la société GD9 de toute condamnation prononcée à son encontre ;

- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté ACE Patrimoine de ses demandes formées sous astreinte et de publication de la décision ;

En tout état de cause :

- Condamner la société ACE Patrimoine ou tous succombant à payer à la société GD9 la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société ACE Patrimoine ou tous succombant aux entiers dépens ;

- Débouter la société ACE Patrimoine de sa demande formée contre GD9 sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions récapitulatives, numérotées 2, notifiées le 23 mars 2023, la société ACE Patrimoine, intimée et appelante incidente, demande à la cour de :

- Confirmer le jugement rendu le 3 février 2022 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a :

Pris acte de la résiliation du contrat de franchise par la SASU Prem's Courtage au 03 avril 2017 ;

Dit que cette résiliation a été effectuée aux torts exclusifs de la SASU Prem's Courtage;

Débouté la SASU Prem's Courtage de ses demandes indemnitaires au titre de commissions non versées et de manque à gagner ;

Débouté M. [R] [S] de sa demande de mise hors de cause ;

Condamné solidairement la SASU Prem's Courtage et M. [R] [S] à payer à la société JB Holding, venant aux droits d' ACE Patrimoine la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement ;

Condamné solidairement la SASU Prem's Courtage et M. [R] [S] aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 196,94 euros dont 78,36 euros de TVA ;

- Réformer le jugement rendu le 3 février 2022 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a :

Débouté la société JB Holding, venant aux droits d' ACE Patrimoine de l'ensemble de ses demandes au titre de la commission d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme, à savoir : De sa demande de condamnation solidaire de M. [R] [S], Prem's Courtage et GD9 à lui payer la somme de 27 524,54 euros au titre d'un détournement de redevances dues normalement au franchiseur résultant de leurs agissements commis délibérément et de concert en violation du contrat de franchise, et en concurrence déloyale et parasitaire, De sa demande de condamnation solidaire de M. [R] [S], Prem's Courtage, et GD9 à lui payer la somme de 133 342,77 euros au titre de l'atteinte aux investissements, De sa demande de condamnation solidaire de M. [R] [S], Prem's Courtage et GD9 à lui payer la somme de 150 000 euros au titre du préjudice moral subiet résultant des agissements commis délibérément à son encontre ; De sa demande de restitution en original à la société JB Holding de toutes les informations détenues par la société GD9, M. [R] [S] et Prem's Courtage concernant le réseau ACE Crédit et ses partenaires ; De sa demande de cessation et d'interdiction d'usage de tout signe identique ou similaire à ACE Crédit, à quelque titre que ce soit, et sous quelque forme que ce soit ; De sa demande d'ordonner la publication de la décision à intervenir ;

Mis hors de cause la société GD9 ;

Condamné la société JB Holding, venant aux droits d' ACE Patrimoine à payer à la société GD9 la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné solidairement la SASU Prem's Courtage et M. [R] [S] à payer à la société JB Holding, venant aux droits d' ACE Patrimoine, la somme de 140 422,40 euros au titre de son manque à gagner suite à la résiliation anticipée du contrat ;

Et statuant à nouveau et y ajoutant :

- Déclarer recevable et bien fondée la société ACE Patrimoine en son appel incident et son appel provoqué ;

- Condamner in solidum la société GD9, la société Prem's Courtage et Monsieur [R] [S] à payer à la société ACE Patrimoine:

la somme de 176 175,12 euros au titre des redevances manquées pour la période restant contractuellement à courir au moment de la rupture le 3 avril 2017 ;

la somme de 27 524,54 euros au titre des gains manqués résultant de leurs agissements commis délibérément et de concert en violation du contrat de franchise, et en concurrence déloyale et parasitaire ;

la somme de 133 342,77 euros, au titre de l'atteinte aux investissements ;

la somme de 150 000 euros au titre du préjudice moral subi et résultant des agissements commis délibérément à son encontre ;

- Ordonner sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir :

la restitution en original à la société ACE Patrimoine de toutes les informations détenues par la société GD9, par Monsieur [R] [S] et par la société Prem's Courtage, concernant le réseau ACE Crédit et ses partenaires ;

la cessation et l'interdiction d'usage de tout signe identique ou similaire à ACE Crédit, à quelque titre que ce soit, sur quelque support que ce soit, et sous quelque forme que ce soit ;

- Ordonner la publication de la décision à intervenir par extraits aux frais de la société GD9, la société Prem's Courtage et Monsieur [R] [S], dans deux revues professionnelles ou journaux, au choix de la société JB Holding, chacune de ces insertions étant limitée à la somme de 3 000 euros HT ;

- Débouter la société Prem's Courtage, Monsieur [R] [S] et la société GD9 de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société ACE Patrimoine;

- Condamner in solidum la société GD9, la société Prem's Courtage et Monsieur [R] [S] à verser à la société ACE Patrimoine la somme de 35 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner in solidum la société GD9, la société Prem's Courtage et Monsieur [R] [S] aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais de constat d'huissier du 18 mai 2017.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 juin 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur la demande de mise hors de cause de M. [S]

M. [R] [S] fait valoir qu'il n'est pas tenu solidairement avec la société Prem's Courtage de la moindre obligation contractuelle à l'égard de la société ACE Patrimoine ; que les demandes indemnitaires formées à son égard sont irrecevables et qu'il doit être mis hors de cause.

Sur ce,

C'est par de justes motifs approuvés par la cour que le tribunal a relevé que l'intitulé du contrat de franchise litigieux décrit M. [S] comme « titulaire à titre personnel et autorisé à l'exploiter par la société dont il est représentant légal et associé majoritaire », outre que M. [S] et la société Prem's Courtage sont désignés comme « ensemble dénommés le franchisé », de sorte que les demandes de mise hors de cause et d'irrecevabilité de M. [R] [S] doivent être rejetées. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur la résiliation anticipée du contrat de franchise,

La société Prem's et M. [R] [S] font valoir que la société ACE Patrimoine s'est rendue complice d'actes de détournement et de captation de clientèle ; qu'elle a en outre modifié unilatéralement l'économie du contrat de franchise en défaveur du franchisé ; que l'agence ACE de M. [S] a fait depuis l'origine l'objet d'un traitement discriminatoire de la part de la société ACE Patrimoine qui s'est abstenue de fournir une assistance continue et a empêché la société Prem's Courtage de percevoir des commissions pourtant acquises ; que c'est donc de manière légitime que la société Prem's Courtage est sortie des liens de la franchise, les conditions d'une exécution loyale du contrat de franchise par le franchiseur ACE n'étant plus présentes.

La société ACE Patrimoine prétend que le franchisé a violé son obligation d'exclusivité, de confidentialité et de loyauté en créant avec M. [E] [S] une tierce société établie dans les locaux du franchisé et exerçant une activité concurrente, et en préméditant sa sortie du réseau pour pouvoir disposer des dernières conventions bancaires et détourner des clients.

Sur ce,

Il est constant que la société Prem's Courtage a notifié à la société ACE Patrimoine par courrier du 3 avril 2017 une résiliation anticipée du contrat de franchise aux torts de cette dernière.

La société ACE Patrimoine, qui prétend que cette résiliation est intervenue aux torts des franchisés, reproche à M. [S] et à la société Prem's Courtage la violation de leurs obligations d'exclusivité, de confidentialité et de loyauté.

S'il ne peut être reproché à M. [S] d'avoir pris des parts dans la société GD9 dès lors que cette dernière est intervenue d'abord comme simple apporteur d'affaire pour le franchisé ainsi que l'a pertinemment relevé le tribunal, ce que le franchiseur qui percevait des commissions sur lesdites affaires ne pouvait ignorer, et que lorsque cette société a commencé à développer au printemps 2016 une activité de courtage, M. [R] [S] a vendu ses parts à son frère M. [E] [S], il résulte en revanche des pièces versées au dossier que M. [S], gérant de la société Prem's franchisée, a échangé sur les dossiers clients avec un employé de la société GD9 lui répondant par mail du 26 juillet 2016 « je garde [Y]. Je te donne l'autre » et qu'il a demandé à ce même salarié de recontacter les clients de l'agence franchisée, pour avancer sur leurs projets, ainsi qu'il résulte de l'email du 4 janvier 2017 par lequel cet employé indique à un client « Je travaille avec [R] (') [R] est en train d'ouvrir plusieurs agences dans [Localité 10] (') Il m'a demandé de revenir vers vous afin d'avancer sur votre projet ». Il est également établi que par email du 9 septembre 2016 M. [R] [S] a demandé au même employé de la société D9 de recontacter un client pour la renégociation du prêt et des assurances, qu'un client de la société ACE franchisée a adressé son chèque à la société GD9 ainsi qu'il résulte d'un email de M. [R] [S] du 12 avril 2017 et que M. [S] a utilisé sa connaissance des conditions de sur-commissionnement d'assurance pour en faire bénéficier une société concurrente.

Or, aux termes de l'article 21.1 du contrat de franchise : « Le franchisé s'engage à garder confidentielles, pendant toute la durée du présent contrat et après sa résiliation ou son expiration et ce, sans limitation de durée, toutes les informations fournies par le franchiseur qui se rapportent à l'activité du réseau, au concept et aux relations commerciales avec les partenaires référencés.

Conformément à l'obligation générale de loyauté qui doit présider à la relation entre le franchiseur et le franchisé, ce dernier s'engage pendant toute la durée du présent contrat à ne pas exploiter d'activité concurrente à celle qui fait l'objet des présentes, directement ou par personne interposée, ni à participer, animer, à titre onéreux ou gratuit et de quelque façon que ce soit, à une telle activité, à moins qu'il ne l'exerçait au moment de la signature du contrat en totale transparence et accord du franchiseur. »

Les éléments ci-dessus mentionnés caractérisent une violation par M. [R] et la société Prem's de leurs obligations contractuelles de confidentialité, de loyauté et de non-exploitation d'une activité concurrente résultant de l'article 21.1 dudit contrat.

De leur côté, la société Prem's et M. [S] prétendent avoir résilié le contrat de franchise du fait de multiples violations par le franchiseur de ses obligations.

Il résulte des pièces versées à la procédure que M. [S] a reçu le 9 septembre 2015 un courriel d'une cliente lui indiquant : « Je vous ai demandé et on m'a dit que vous ne faisiez plus partie de la société depuis le début de l'année » ; qu'il a fait part au directeur de la société ACE Crédit par mail du 9 septembre 2015 que cette même réponse avait été donnée à six clients, et ce en moins de deux semaines ; qu'il résulte d'échanges de courriels datés des 23 et 24 juin 2016 qu'une conseillère d'une autre agence d'ACE Crédit, contactée par une cliente désireuse d'acquérir un bien à [Localité 6], ne l'a pas orientée vers l'agence franchisée de M. [S] à [Localité 6] ; que le 24 octobre 2015, M. [S] a reçu sur son compte Linkedin un message d'un de ses anciens clients indiquant : « J'ai envoyé un ami chez ACE Tocqueville ; il vient de m'apprendre que vous auriez quitté l'agence. Etes-vous toujours en mesure de vous occuper de prêts ou bien avez-vous changé de voie (') » ; que le nom de M. [S] et de la société Prem's a été supprimé en mars 2017 de la liste de diffusion des franchisés du réseau de la société ACE Patrimoine.

Ces éléments caractérisent une violation par la société ACE Patrimoine, franchiseur, de la clause d'exclusivité du contrat de franchise au profit du franchisé sur la commune de [Localité 6] telle que prévue à l'article 2 et à l'annexe 1 dudit contrat, ainsi que de l'obligation de bonne foi et de loyauté dans l'exécution du contrat, nonobstant le fait que les autres griefs allégués par M. [S] ne sont pas démontrés à savoir la prétendue passivité de la société ACE à lui fournir les conventions bancaires, et le supposé refus de versement de commissions, le responsable de l'activité courtage de LCL ayant justifié son refus du fait d'irrégularités qui avaient été rappelées à M. [S] dès le 7 mai 2015.

Il résulte des développements qui précèdent qu'il y a lieu de dire que la résiliation intervenue le 3 avril 2017 l'a été aux torts partagés du franchiseur et du franchisé, le jugement entrepris étant dès lors infirmé de ce chef.

La résiliation étant intervenue aux torts partagés du franchiseur et du franchisé qui ont commis de graves manquements à leurs obligations respectives, et ce dès les premiers mois du contrat, il n'y a pas lieu à faire droit à leur demandes respectives de dommages-intérêts du fait de ladite résiliation. Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il condamné la société Prem's et M. [R] [S] au titre du manque à gagner de la société ACE Patrimoine suite à la résiliation anticipée.

Sur la responsabilité délictuelle de la société GD9,

La société ACE Patrimoine soutient que la société GD9, qui a travaillé au soutien de l'activité d'ACE Crédit de la société Prem's Courtage, s'est rendue complice de la violation des obligations de non concurrence, de loyauté et de confidentialité du franchisé ce qui est de nature à engager sa responsabilité délictuelle ; qu'elle a commis en outre des manœuvres déloyales en faisant usage de l'enseigne ACE Crédit, sans aucune autorisation, en reproduisant de manière servile le site internet d'ACE Crédit, et en exploitant le signe ACE Crédit dans le titre d'une annonce Google Adwords ; que son activité concurrente s'est faite à l'insu de la société ACE Patrimoine.

La société GD9 fait valoir que son activité d'apporteurs d'affaires de 2015 à 2016 n'est pas constitutive d'un acte de concurrence déloyale, et que la société ACE en a directement tiré profit puisqu'elle percevait les commissions de son franchisé sur les contrats ainsi conclus par la société Prem's grâce aux contacts que GD9 lui transmettait pour des ouverture de dossiers ; que le lancement de l'activité de courtage par M. [E] [S] à travers sa société GD9 n'est nullement constitutif d'une concurrence déloyale alors qu'il n'est tenu par aucune obligation de non concurrence, et que la société GD9 a développé son activité de courtage dans un secteur distinct de celui de l'agence ACE de [Localité 6] puisqu'elle s'est installée à [Localité 10] ; que ni la société GD9 ni M. [E] [S] ne sont responsables de fautes reprochées aux franchisés dans l'exécution de leur contrat de franchise auquel ils ne sont pas parties ; que la société ACE Patrimoine ne peut invoquer la circonstance que d'anciens clients auraient fait appel à la société GD9 pour prétendre à des actes déloyaux alors que le métier de courtier est fondé sur l'intuitu personae et que tout client est libre de s'adresser au courtier de son choix ; que les deux sites n'ont rien de commun ; que le référencement incriminé n'est pas imputable à la société GD9, outre qu'il a été tout de suite supprimé.

Sur ce,

C'est par de justes motifs approuvés par la cour que le tribunal, après avoir relevé qu'en matière de courtage de crédit ou d'assurance l'intuitu personae joue un rôle prépondérant et que la société ACE Patrimoine a renoncé expressément à toute clause de non-concurrence à l'égard de M. [E] [S] dans le cadre de la rupture conventionnelle, a jugé que M. [E] [S] était donc libre de développer sa clientèle et son activité de courtage dans le cadre de la société GD9 qu'il a créée, et que pour la période d'octobre 2015 au printemps 2016, l'activité d'apporteur d'affaire de la société GD9, qui était traitée par la société Prem's Courtage dans le cadre de la franchise et bénéficiait à la société ACE Patrimoine qui percevait ses commissions, n'était pas constitutive d'agissement déloyaux ou parasitaires.

Après avoir rappelé que l'activité de courtage développée ensuite par la société GD9 n'était pas fautive par elle-même compte tenu de l'absence de clause de non-concurrence de M. [E] [S], le tribunal a pertinemment examiné les griefs qui lui étaient reprochés du fait de son activité. C'est également par de justes motifs approuvés par la cour qu'il a considéré qu'il n'était démontré aucun acte fautif de la part de la société GD9 résultant de son site internet Prestia Courtage, du référencement Google, de l'utilisation de locaux communs, et de la prétendue utilisation d'un téléphone commun. La cour, comme le tribunal, considère en outre que les échanges de courriels produits par la société ACE Patrimoine ne permettent pas de conclure à un détournement systématique ou organisé de la clientèle de la société ACE Patrimoine au bénéfice de la société GD9, aucun listing ni même nombre de clients n'étant d'ailleurs invoqué.

De même, le tribunal doit être approuvé en ce qu'il a dit que l'utilisation du logiciel Cifacil utilisé par 90 % de la profession, comme l'identité des barèmes des taux pratiqués habituellement par les courtiers ne caractérisent pas des actes déloyaux et parasitaires.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société ACE patrimoine de toutes ses demandes sur le fondement de la concurrence déloyale et du parasitisme.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a dit que la résiliation est intervenue aux torts exclusifs de la société Prem's Courtage et en ce qu'il a condamné solidairement la société Prem's Courtage et M. [R] [S] au titre du manque à gagner suite à la résiliation et de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Rejette les demandes de la société ACE Patrimoine au titre des redevances manquées du fait de la résiliation anticipée,

Condamne la société ACE Patrimoine aux dépens d'appel, et vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à verser à ce titre, les sommes de 10 000 euros à la société Prem's Courtage, et de 7 000 euros à la société GD9.