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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 20 décembre 2023, n° 21/10329

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Selarl Alliance MJ (ès qual.), Kaméléon Marketing et Promotion (SAS)

Défendeur :

France Matériaux (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

Mme Depelley, M. Richaud

Avocats :

Me Teytaud, Me Teston, Me Boccon Gibod, Me Leroy, Me Di Galante

T. com. Lyon, du 4 mai 2021, n° 2019J200…

4 mai 2021

FAITS ET PROCEDURE

La SAS Kaméléon Marketing et Promotion exerçait, jusqu'à sa liquidation judiciaire prononcée par jugement du 1er juillet 2021 rendu par le tribunal de commerce de Lyon, une activité de marketing et de communication, en particulier dans le secteur du bâtiment et des matériaux, ainsi que de développement digital.

La SAS France Matériaux est un groupement de négoces indépendants en matériaux, généralistes ou spécialistes, qui compte 153 adhérents pour 247 points de vente. Animatrice du réseau, elle a donné mandat de négociation des conditions d'achat profitant à tous ses adhérents au groupement Centrale Innovante des Négoces en Bois et Matériaux Indépendants et consacre de ce fait l'essentiel de son activité au marketing du réseau.

La SAS France Matériaux a confié dès 2008 à la SAS Kaméléon Marketing et Promotion la réalisation de prestations marketing et de communication. La relation commerciale n'était encadrée par aucun contrat et était constituée d'une succession de devis acceptés sur la base de budgets préalablement négociés.

Par courriel du 20 septembre 2019, la SAS Kaméléon Marketing et Promotion s'inquiétait de l'absence de visibilité sur les campagnes de l'année 2020 et dénonçait la baisse des commandes de la SAS France Matériaux ainsi que la dégradation de leurs échanges et de leurs relations.

Après une rencontre organisée le 8 octobre 2019, la SAS France Matériaux informait la SAS Kaméléon Marketing et Promotion qu'elle lui confiait trois opérations en 2020 (organisation et gestion de l'événement Carrefours des Partenaires, rédaction et mise en page des magazines semestriels spécialisés Mat'info et Equipro, programme de fidélisation La Boutique Cadeaux et Horizons) et qu'elle recourrait, pour les opérations commerciales, à des appels d'offres auxquels elle l'invitait à participer. 

Par courrier de son conseil du 8 novembre 2019, la SAS Kaméléon Marketing et Promotion indiquait à la SAS France Matériaux que, dans l'hypothèse où elle entendait rompre la relation commerciale, ainsi que la baisse de chiffre d'affaires de 80 % pour l'année 2020 le laissait entendre, un préavis de 18 mois était requis.

Alors que la SAS France Matériaux lui précisait par courriel du 13 novembre 2019 qu'elle entendait poursuivre le partenariat commercial en modifiant néanmoins sa "manière de fonctionner", la SAS Kaméléon Marketing et Promotion annonçait par courriel de son conseil du 26 novembre 2019 l'introduction prochaine d'une action en justice. En réponse, par lettre du 27 novembre 2019, la SAS France Matériaux contestait toute rupture brutale en regrettant la tournure contentieuse donnée par cette dernière à leurs relations.

Par courrier du 10 janvier 2020, la SAS France Matériaux a notifié à la SAS Kaméléon Marketing et Promotion la rupture de leurs relations commerciales à compter du 1er janvier 2021.

Entretemps, dénonçant la rupture brutale partielle des relations commerciales par la SAS France Matériaux le 27 novembre 2019, la SAS Kaméléon Marketing et Promotion l'a, par acte d'huissier signifié le 6 décembre 2019, assignée devant le tribunal de commerce de Lyon en réparation de ses préjudices.

Par jugement du 4 mai 2021, le tribunal de commerce de Lyon a statué en ces termes :

- "dit que la société Kaméléon Marketing et Promotion est responsable de la rupture brutale de la relation commerciale établie qu'elle avait avec la société France Matériaux ;

- juge en conséquence infondée la demande de préavis de 18 mois sollicitée par la société Kaméléon Marketing et Promotion ;

- déboute la société Kaméléon Marketing et Promotion de l'intégralité de ses demandes sur le fondement de l'article L. 442 II du code de commerce ;

- juge que la société Kameleon Marketing et Promotion n'a pas agi de mauvaise foi, ni avec l'intention de nuire à la société France matériaux ;

- rejette en conséquence la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive de la société France Matériaux ;

- rejette comme non fondés tous autres moyens fins et conclusions contraires des parties ;

- condamne la société Kaméléon Marketing et Promotion à payer à la société France Matériaux la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamne la société Kaméléon Marketing et Promotion aux entiers dépens de l'instance et de ses suites au titre des articles 695 et 696 du code de procédure civile".

Par déclaration reçue au greffe le 1er juin 2021, la SAS Kaméléon Marketing et Promotion a interjeté appel de ce jugement. Son liquidateur judiciaire, la Selarl Alliance MJ, intervenait volontairement à l'instance le 31 août 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 23 octobre 2023, la SAS Kaméléon Marketing et Promotion, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, demande à la cour, au visa des articles L. 442-1 II, L. 442-4 et D. 442-3 du code de commerce et 1104 du code civil :

- d'infirmer purement et simplement le jugement du tribunal de commerce de Lyon du 4 mai 2021 en ce qu'il a :

* dit que la SAS Kaméléon Marketing et Promotion était responsable de la rupture brutale de la relation commerciale établie qu'elle avait avec la SAS France Matériaux ;

* jugé infondée la demande de préavis de 18 mois sollicitée par la SAS Kaméléon Marketing et Promotion ;

* débouté la SAS Kaméléon Marketing et Promotion de l'intégralité de ses demandes sur le fondement de l'article L. 442 II du code de commerce ;

* rejeté comme non fondés tous autres moyens contraires des parties ;

* condamné la SAS Kaméléon Marketing et Promotion à payer à la SAS France Matériaux la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* condamné la SAS Kaméléon Marketing et Promotion aux entiers dépens de l'instance et de ses suites au titre des articles 695 et 696 du code de procédure civile ;

- de confirmer le jugement du tribunal de commerce de Lyon du 4 mai 2021 en ce qu'il a :

* jugé que la SAS Kaméléon Marketing et Promotion n'a pas agi de mauvaise foi, ni avec l'intention de nuire à la SAS France Matériaux ;

* rejeté en conséquence la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive de la SAS France Matériaux ;

- statuant à nouveau, de :

* condamner la SAS France Matériaux à payer entre les mains de la Selarl Alliance MJ, ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS Kaméléon Marketing et Promotion, la somme de 241 364,86 euros en réparation du préjudice subi au titre du manque à gagner ;

* condamner la SAS France Matériaux à payer entre les mains de la Selarl Alliance MJ, ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS Kaméléon Marketing et Promotion, la somme de 30 000 euros, en réparation du préjudice subi au titre de la déloyauté commise par la SAS France Matériaux ;

* condamner la SAS France Matériaux à payer à la Selarl Alliance MJ, ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS Kaméléon Marketing et Promotion, la somme de 30 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- en toute hypothèse, de :

* rejeter les demandes de la SAS France Matériaux ;

* condamner la SAS France Matériaux aux entiers dépens dont distraction au profit de maître [G] [U] dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

En réponse, dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 6 octobre 2023, la SAS France Matériaux demande à la cour, au visa des articles L. 442-1 II du code de commerce, 1104 du code civil et 700 du code de procédure civile :

- à titre principal, de confirmer, le jugement entrepris en ce qu'il a :

* dit que la SAS Kaméléon Marketing et Promotion était responsable de la rupture brutale de la relation commerciale établie qu'elle avait avec la SAS France Matériaux ;

* jugé en conséquence infondée la demande de préavis de 18 mois sollicitée par la SAS Kaméléon Marketing et Promotion ;

* débouté la SAS Kaméléon Marketing et Promotion de l'intégralité de ses demandes sur le fondement de l'article L. 442-1 II du code de commerce ;

* condamné la SAS Kaméléon Marketing et Promotion à payer à la SAS France Matériaux la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; * condamné la SAS Kaméléon Marketing et Promotion aux entiers dépens de l'instance et de ses suites au titre des articles 695 et 696 du code de procédure civile ;

- à titre subsidiaire, de :

* juger que les relations entre les parties n'ont pas été rompues brutalement, même partiellement, par la SAS France Matériaux au sens de l'article L 442-1 II du code de commerce ;

* juger, en conséquence, que la demande de préavis de 18 mois de la SAS Kaméléon Marketing et Promotion n'est pas fondée ;

* rejeter, en conséquence, l'intégralité des demandes formulées par la SAS Kaméléon Marketing et Promotion sur le fondement de l'article L. 442-1 II du code de commerce, en particulier sa demande de dommages et intérêts de 251 567,84 euros ;

- à titre infiniment subsidiaire, de :

* déclarer irrecevable l'action de la SAS Kaméléon Marketing et Promotion faute d'intérêt à agir ;

* juger, en tout état de cause, que la SAS Kaméléon Marketing et Promotion ne démontre pas la réalité de son prétendu préjudice sur le fondement de l'article L. 442-1 II du code de commerce ;

* rejeter, en conséquence, l'intégralité des demandes formulées par la SAS Kaméléon Marketing et Promotion sur le fondement de l'article L. 442-1 II du code de commerce, en particulier sa demande de dommages et intérêts de 251 567,84 euros ;

- en tout état de cause :

* de juger que la SAS France Matériaux n'a commis aucun acte de déloyauté lors de la cession des marques Festi'pro, Equipro, Mat Info, Batipassion et Programme Horizon ;

* de rejeter, en conséquence, la demande d'indemnisation de la SAS Kaméléon Marketing et Promotion au titre de l'article 1104 du code de civil ;

* d'ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir mais seulement en ce qu'elle aura été rendue au bénéfice de la SAS France Matériaux ;

* de condamner la SAS Kaméléon Marketing et Promotion à payer à la SAS France Matériaux la somme de 30 000 euros (à parfaire) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ;

- reconventionnellement :

* d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* jugé que la SAS Kaméléon Marketing et Promotion n'avait pas agi de mauvaise foi, ni avec l'intention de nuire à la SAS France Matériaux ;

* rejeté en conséquence la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive de la SAS France Matériaux ;

* statuant à nouveau, de condamner la SAS Kaméléon Marketing et Promotion à payer à la SAS France Matériaux la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice qu'elle subit en raison de la procédure abusivement introduite à son encontre par l'appelante.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions visées pour un exposé détaillé du litige et des moyens des parties.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 novembre 2023. Les parties ayant régulièrement constitué avocat, l'arrêt sera contradictoire en application de l'article 467 du code de procédure civile.

MOTIVATION

1°) Sur la rupture brutale des relations commerciales établies

Moyens des parties

Au soutien de son appel, la SAS Kaméléon Marketing et Promotion, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, expose que, dès septembre 2019, la SAS France Matériaux a cessé de lui confier les missions qu'elle assurait depuis 14 ans (développement de l'interface Digipro/Ecrans points de vente, montage et construction de la campagne d'animation commerciale 2020) et l'a évincée de sa stratégie de communication. Elle ajoute que les prestations évoquées dans le courriel du 18 octobre 2019 étaient déjà facturées et exécutées pour l'essentiel, les budgets de l'année étant systématiquement négociés durant l'été de l'année précédente, et qu'elle n'avait ainsi aucune nouvelle tâche à accomplir en 2020, ses différents devis demeurant sans réponse et ses interrogations nées de l'ambiguïté de la position de la SAS France Matériaux n'étant pas dissipées avant le 10 janvier 2020. Alors que le flux d'affaires générait avec constance un chiffre d'affaires annuel avoisinant 350 000 euros depuis 14 ans et qu'elle bénéficiait d'une exclusivité de fait, elle estime que le fait de procéder par appel d'offres pour des prestations qui lui étaient jusqu'alors confiées caractérise une rupture partielle de la relation qui était brutale faute d'avoir été précédée d'un préavis. Elle ajoute que cette rupture existe malgré l'absence de baisse effective du chiffre d'affaires dès lors que la diminution significative des commandes (80 %) est acquise à sa date, peu important les éléments qui lui sont postérieurs, ce dont elle déduit l'actualité de son intérêt à agir au jour de l'assignation. Elle précise que la rupture, qu'elle situe le 10 janvier 2020, est exclusivement imputable à la SAS France Matériaux faute pour elle de prouver une quelconque carence dans l'exécution de ses différentes prestations et d'établir que la crise sanitaire liée à l'épidémie de Covid 19 ait causé la diminution du flux d'affaires, des commandes ayant été passées auprès de concurrents.

Au regard de la durée de la relation (14 ans) et du chiffre d'affaires annuel moyen généré à son occasion (350 000 euros) ainsi que de sa situation de dépendance économique (ce dernier représentant 50 % de son chiffre d'affaires global), elle évalue le préavis éludé à 18 mois. Elle ajoute que le délai de 12 mois que lui a accordé la SAS France Matériaux pour répondre aux appels d'offres n'est pas un préavis puisque les conditions de la relation étaient substantiellement modifiées. Elle précise que, au regard de la date de négociation des budgets annuels, les années de référence pour calculer son manque à gagner couvrent la période 2016 à 2018 à l'exclusion de l'année 2019 déjà affectée par la rupture. Elle applique au chiffre d'affaires moyen ainsi dégagé (347 497,66 euros par an) son taux de marge sur coûts variables (75,78 %) et déduit du résultat les commandes honorées en 2020 (202 738,28 euros).

En réponse, la SAS France Matériaux expose que, au jour de l'assignation, la SAS Kaméléon Marketing et Promotion ne souffrait d'aucune baisse de son chiffre d'affaires (302 719,03 euros pour l'exercice clos le 31 décembre 2019), les budgets n'étant pas systématiquement et intégralement négociés durant l'année précédente et l'envoi d'un devis par cette dernière n'impliquant pas son acceptation automatique. Elle ajoute que les prestations promises dans son courriel du 18 octobre 2019 garantissaient son périmètre d'action et que la date précise de la rupture n'est pas clairement fixée par la SAS Kaméléon Marketing et Promotion qui visait le 27 novembre 2019 dans son assignation puis le 10 janvier 2020 devant le tribunal et enfin le 1er décembre 2019, le 30 septembre 2019 ou le 10 janvier 2020 devant la cour d'appel. Elle précise que la SAS Kaméléon Marketing et Promotion, qui a sans raison valable donné une orientation contentieuse à leurs échanges et a rompu toute confiance en l'assignant prématurément, est seule à l'origine de la rupture.

Subsidiairement, elle estime que le préavis de 12 mois accordé le 10 janvier 2020 était suffisant au regard de la durée de la relation (11 ans au regard de la date d'immatriculation de la SAS Kaméléon Marketing et Promotion), de l'absence d'exclusivité en droit et de dépendance économique subie, des facilités offertes par le secteur pour réorienter son activité ainsi que de l'inexistence d'investissements dédiés prouvés. Elle ajoute avoir exécuté loyalement le préavis en contemplation du contexte économique dégradé par la crise sanitaire et des prix parfois excessifs pratiqués par la SAS Kaméléon Marketing et Promotion.

A défaut, elle expose que cette dernière n'avait pas un intérêt né et actuel au jour de l'assignation en l'absence de toute rupture, même partielle, à cette date et que son préjudice n'est pas prouvé. Elle indique que les calculs proposés par la SAS Kaméléon Marketing et Promotion sont erronés, l'assiette de chiffre d'affaires devant intégrer l'année 2019 et la marge sur coûts variables n'étant pas justifiée.

Réponse de la cour

En application de l'article L. 442-1 II du code de commerce, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l'absence d'un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels. En cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l'auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d'une durée insuffisante dès lors qu'il a respecté un préavis de dix-huit mois. Les dispositions du présent II ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure.

- Sur la recevabilité de l'action

Une fin de non-recevoir s'entendant, au sens de l'article 122 du code de procédure civile, de tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix ou la chose jugée, l'examen du moyen tiré de l'absence d'intérêt né et actuel de la SAS Kaméléon Marketing et Promotion opposé par la SAS France Matériaux, qui touche à la caractérisation de son droit d'agir, doit précéder celui du fond de l'affaire malgré son invocation à titre subsidiaire.

Conformément aux articles 30 à 32 du code de procédure civile, l'action, qui est le droit pour l'auteur d'une prétention d'être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée et pour son adversaire celui de discuter son bien-fondé, est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé, toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir étant irrecevable.

L'intérêt, comme de la qualité, à agir, condition de recevabilité de l'action, n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bienfondé de l'action, condition de son succès (en ce sens, confirmant une position constante : 1ère Civ., 27 novembre 2019, n° 18-21.532).

Aux termes de son assignation signifiée le 6 décembre 2019 (pièce 31 de la SAS France Matériaux), la SAS Kaméléon Marketing et Promotion invoquait l'existence d'une rupture partielle brutale le 27 novembre 2019. Il est indifférent que cette date ait évolué au fil de la procédure, notamment à la faveur de la rupture définitive notifiée le 10 janvier 2020 par la SAS France Matériaux (sa pièce 32), ou qu'elle ne corresponde en fait à aucune cessation effective, totale ou partielle, des relations commerciales, l'appréciation de l'existence et de l'imputabilité de la rupture participant du succès des prétentions au fond. La SAS Kaméléon Marketing et Promotion avait ainsi un intérêt né et actuel à solliciter la réparation du préjudice causé par une rupture brutale antérieure à l'introduction de l'instance. Son action n'était en ce sens pas préventive.

Par ailleurs, le défaut d'intérêt à agir est une cause d'irrecevabilité régularisable au sens de l'article 126 du code de procédure civile. Or, à la date où la cour statue, la rupture est certaine au 10 janvier 2020, peu important les flottements de la SAS Kaméléon Marketing et Promotion dans la fixation de celle qu'elle invoque. Aussi, la cause de l'irrecevabilité a quoi qu'il en soit disparu.

En conséquence, la fin de non-recevoir opposée par la SAS France Matériaux sera rejetée.

- Sur les caractéristiques de la relation commerciale

Au sens de l'article L. 442-1 II du code de commerce, la relation, notion propre du droit des pratiques restrictives de concurrence qui n'implique aucun contrat (en ce sens, Com., 9 mars 2010, n° 09-10.216) et n'est soumise à aucun formalisme quoiqu'une convention ou une succession d'accords poursuivant un objectif commun puisse la caractériser, peut se satisfaire d'un simple courant d'affaires, sa nature commerciale étant entendue plus largement que la commercialité des articles L 110-1 et suivants du code de commerce comme la fourniture d'un produit ou d'une prestation de service (en ce sens, Com., 23 avril 2003, n° 01-11.664). Elle est établie dès lors qu'elle présente un caractère suivi, stable et habituel laissant entendre à la victime de la rupture qu'elle pouvait raisonnablement anticiper, pour l'avenir, une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial (en ce sens, Com., 15 septembre 2009, n° 08-19.200 qui évoque "la régularité, le caractère significatif et la stabilité de la relation commerciale").

Les parties s'accordent sur le caractère établi de la relation mais s'opposent sur sa durée ainsi que sur les modalités de détermination des budgets encadrant l'émission des devis soumis à l'acceptation de la SAS France Matériaux.

Sur la durée de la relation,

La poursuite de la relation par une personne distincte de celle qui l'a nouée initialement ne fait pas obstacle à sa stabilité en présence d'une transmission universelle de patrimoine et, à défaut, si des éléments démontrent que la commune intention des parties était de continuer la même relation (en ce sens, Com., 10 février 2021, n° 19-15.369).

Aux termes de son extrait Kbis (sa pièce 1), la SAS Kaméléon Marketing et Promotion a été créée le 25 juillet 2008 puis immatriculée le 28 juillet 2008. Pour néanmoins solliciter une ancienneté remontant à l'année 2003, la SAS Kaméléon Marketing et Promotion produit :

- l'attestation de l'ancien "directeur général du groupe France Matériaux SAS" de 2011 à 2018 qui rapporte un début de collaboration en 2005 (sa pièce 92) ;

- le traité d'apport partiel d'actifs de la société Kaméléon Promotion à la SAS Kaméléon Marketing et Promotion, alors dénommée Kaméléon, conclu le 22 octobre 2008 (sa pièce 119) ;

- un courriel du 12 décembre 2005 adressé par un tiers à la société Kaméléon évoquant la création d'un logo "FM" (sa pièce 95).

Outre le fait que l'absence de toute données comptables ou financières ne permet pas d'apprécier qualitativement et quantitativement la relation antérieurement nouée avec la société Kaméléon Promotion dont rien n'indique qu'elle n'était pas alors sporadique ou de faible intensité, ces éléments épars sont très insuffisants pour caractériser une commune intention des parties de poursuivre cette dernière avec la SAS Kaméléon Marketing et Promotion.

En conséquence, la relation a débuté le 28 juillet 2008, date d'immatriculation de la SAS Kaméléon Marketing et Promotion.

Sur les modalités concrètes d'organisation de la relation et le flux d'affaires,

Il est constant que la relation commerciale n'était encadrée par aucun contrat, ne reposait sur aucune exclusivité juridique et n'impliquait aucun engagement de volume, les partenaires négociant un budget global maximal en vertu duquel la SAS Kaméléon Marketing et Promotion soumettait ses devis à l'acceptation de la SAS France Matériaux.

Aux termes de son attestation, l'ancien président de la SAS France Matériaux précise que, "chaque année, fin octobre au plus tard, [cette dernière] et Kaméléon connaissaient le montant maximum des dépenses et le contenu de l'action commerciale de l'année suivante" (pièce 92 de la SAS Kaméléon Marketing et Promotion déjà citée). Cette affirmation est confortée par :

- le courriel du 24 août 2018 qui définit le budget pour l'année 2019 (pièce 86 de la SAS Kaméléon Marketing et Promotion), son caractère prévisionnel découlant de la comparaison qu'il comprend entre le budget 2018 et les commandes effectivement passées qui révèle un écart de 344 726 euros à la date de son établissement et de 213 710 euros au regard des projections pour la fin de l'année ;

- le courriel du 27 octobre 2017 qui procède identiquement pour l'année 2018 en retenant, à la date de son émission, une différence entre les prévisions antérieures et le chiffre d'affaires réel de 269 205 euros (pièce 88 de la SAS Kaméléon Marketing et Promotion) ;

- le courriel du 5 octobre 2016 qui détaille le budget de l'année suivante (pièce 87 de la SAS Kaméléon Marketing et Promotion).

Les devis étaient adressés et acceptés parfois postérieurement, au gré des prestations effectivement réalisées. Ainsi, si les différents devis relatifs à la campagne annuelle 2017 ont été adressés entre septembre et octobre 2016 (pièce 35 de la SAS France Matériaux), ceux portant sur l'opération le Carrefour des Partenaires organisée en 2018 et 2019 l'ont été respectivement entre le 27 novembre 2017 et le 2 janvier 2018, et entre le 6 juin et le 19 décembre 2018 (pièces 8 et 9.a à 9.i de la SAS France Matériaux), le dernier devis relatif au renouvellement de l'évènement en 2020 ayant été transmis le 16 janvier 2020 (pièce 83 de la SAS France Matériaux). Les devis concernant les magazines Mat'Info et Equipro étaient pour leur part communiqués lors de la publication de chacune de leurs éditions (pièces 8 et 89 de la SAS France Matériaux).

Ces éléments révèlent que, si des budgets étaient usuellement définis par la SAS Kaméléon Marketing et Promotion elle-même à l'autonome de l'année n-1, ils n'étaient que prévisionnels et étaient sujet à évolution ainsi qu'elle le reconnaît dans ses écritures (page 67), les prestations n'étant acquises et leur paiement dû qu'après acceptation des devis par la SAS France Matériaux. De ce fait, cette organisation offrait à la SAS Kaméléon Marketing et Promotion une visibilité réelle sur le chiffre d'affaires susceptible d'être généré l'année suivante mais lui ne lui garantissait aucune certitude sur le montant des prestations qui lui seraient finalement confiées, ce que confirment les écarts constatés entre ses prévisions et les commandes effectivement passées.

Aux termes de l'attestation du commissaire aux comptes de la SAS Kaméléon Marketing et Promotion et de ses comptes annuels 2016 à 2018 (ses pièces 55 à 58, 103 et 108 non utilement contredites), le chiffre d'affaires généré par cette relation commerciale avoisinait en moyenne 350 000 euros par an avec une stabilisation à 300 000 euros en 2017 et 2018 (454 645 euros en 2016, 298 550 euros en 2017 et 289 550 en 2018, l'année 2016 apparaissant ainsi exceptionnelle et peu représentative). Pour l'année 2019, ce dernier atteignait 302 719,03 euros (pièce 91 de la SAS Kaméléon Marketing et Promotion).

- Sur la réalité et l'imputabilité de la rupture,

L'article L. 442-1 II du code de commerce sanctionne non la rupture, qui doit néanmoins être imputable à l'agent économique à qui elle est reprochée, mais sa brutalité qui résulte de l'absence de préavis écrit ou de préavis suffisant. Ce dernier, qui s'apprécie au moment de la notification de la rupture, doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser, soit pour préparer le redéploiement de son activité, trouver un autre partenaire ou une solution de remplacement. Les critères pertinents sont notamment l'ancienneté des relations et les usages commerciaux, le degré de dépendance économique, le volume d'affaires réalisé, la progression du chiffre d'affaires, les investissements effectués, l'éventuelle exclusivité des relations et la spécificité du marché et des produits et services en cause ainsi que tout obstacle économique ou juridique à la reconversion. La rupture peut être totale ou partielle, la relation commerciale devant dans ce dernier cas être modifiée substantiellement (en ce sens, Com. 31 mars 2016, n° 14-11.329 ; Com 20 novembre 2019, n° 18-11.966, qui précise qu'une modification contractuelle négociable et non imposée n'est pas la marque d'une rupture partielle brutale).

La SAS Kaméléon Marketing et Promotion entretient une certaine confusion sur la date de la rupture qu'elle allègue. Ainsi, après l'avoir située le 27 novembre 2019 dans son assignation puis le 10 janvier 2020 dans ses écritures soutenues oralement devant le tribunal (pièces 31 et 37 de la SAS France Matériaux), elle précise désormais que, "en évoquant l'intention de recourir pour 2020 à des appels d'offres pour certaines prestations qu'elle lui confiait jusqu'alors, la société FRANCE MATERIAUX aurait dû respecter un délai de prévenance afin de préserver la relation commerciale" (page 42, §69). Soutenant qu'une simple diminution des commandes peut caractériser une rupture partielle sans égard pour une baisse effective du chiffre d'affaires, elle ajoute que, "dès le mois de septembre 2019, soit bien avant la signification de l'assignation délivrée à FRANCE MATERIAUX le 6 décembre 2019, cette dernière refusait de lui confier la stratégie de communication et de marketing et procédait désormais, et sans préavis, à des appels d'offres" (page 45, §75).

Ces hésitations, qui procèdent d'une assimilation infondée entre proposition des budgets et acceptation effective des commandes, le caractère prévisionnel des premiers excluant toute incidence nécessaire et décisive sur la réalité des secondes, sont à l'origine d'une incohérence : tout en optant finalement pour une rupture partielle au 10 janvier 2020 pour l'évaluation de son manque à gagner (page 68, §119), elle allègue une baisse de son chiffre d'affaires dès la fin de l'année 2019 (page 69, §120) pour l'exclure de son assiette de calcul. Ces deux assertions sont toutefois inexactes :

- la rupture notifiée le 10 janvier 2020 est totale et non partielle, la SAS France Matériaux annonçant la fin définitive des relations à l'issue d'un préavis d'un an. Le débat ne porte pas sur la caractérisation d'une rupture partielle, dont la date serait quoi qu'il en soit indéterminable, mais sur la suffisance du préavis et l'effectivité de son exécution aux conditions antérieures ;

- l'année 2019 n'est pas affectée par une anticipation de la rupture postérieure en l'absence de perte de chiffre d'affaires démontrée, son montant étant même légèrement supérieur à celui des deux années précédentes (pièce 91 de la SAS Kaméléon Marketing et Promotion).

A supposer que la SAS Kaméléon Marketing et Promotion allègue en réalité une rupture partielle suivie d'une rupture totale, la première ne pourrait résider que dans la perte de visibilité sur l'année suivante et l'annonce de l'organisation d'appels d'offres pour une part seulement des prestations qu'elle servait habituellement. Mais, les inquiétudes qu'elle exprimait dans son courriel du 20 septembre 2019 étaient partiellement infondées, faute de diminution alors actuelle de son chiffre d'affaires et de droit acquis à l'acceptation systématique de ses différents devis, et trop précoces au regard de la date d'établissement de ses budgets 2017 et 2018 (sa pièce 7) et de mise en ligne de la vidéo censée établir la perte de la définition de la stratégie de communication (sa pièce 104 qui mentionne une publication le 30 septembre 2019 et ses écritures qui évoquent page 13 une découverte en mai 2020).

En introduisant le recours systématique à une mise en concurrence pour les opérations commerciales et en se limitant à des prestations avoisinant globalement 161 000 euros tout en intégrant des services pour partie déjà facturés, le courriel de la SAS France Matériaux du 18 octobre 2019 (pièce 11 de l'appelante) pouvait inquiéter la SAS Kaméléon Marketing et Promotion (pièces 117 et 118 de l'appelante). Cependant, son action au fond en réparation au titre de la responsabilité civile de la SAS France Matériaux au sens de l'article L. 442-1 II du code de commerce ne peut prospérer sans qu'une telle crainte de baisse de commandes, aussi légitime soit-elle, ne se concrétise. Or, cette modification des relations, confirmées par courriel du 5 novembre 2019 (pièce 25 de l'intimée), était encore incertaine et objet de discussions nourries entre les partenaires commerciaux. Celles-ci ont manifestement échoué à raison, non de l'ambigüité de la position de la SAS France Matériaux qui a toujours été claire sur sa volonté de poursuivre les relations tout en en adaptant le cadre à ses nouvelles orientations, mais de la posture contentieuse prématurément adoptée par la SAS Kaméléon Marketing et Promotion, d'abord dans le courrier de son conseil du 8 novembre 2019 (pièce 26 de l'intimée) puis dans l'assignation signifiée le 6 décembre 2019. Inexistante dans les faits, la rupture partielle antérieure serait imputable à la SAS Kaméléon Marketing et Promotion qui n'a pas permis une pleine négociation sur les prestations de l'année 2020 qui n'étaient pas intangibles en l'absence de toute exclusivité de droit et d'engagement de volume et pouvaient, sous réserve qu'elles ne soient pas modifiées substantiellement, faire l'objet d'une réévaluation par les parties.

Dès lors, l'unique rupture établie est celle, totale, notifiée le 10 janvier 2020 par la SAS France Matériaux (pièce 59 de la SAS Kaméléon Marketing et Promotion).

Si le comportement de la SAS Kaméléon Marketing et Promotion a pu altérer la confiance mutuelle nécessaire à la poursuite sereine des relations, élément pertinent pour apprécier la durée du préavis à raison de la précarisation légère mais réelle qu'elle induit, elle n'est pour autant pas la cause de leur cessation. En effet, outre le fait que le recours à l'appel d'offres a été envisagé avant le premier courrier de son conseil et que l'introduction d'une action en justice n'est pas en soi de nature à justifier une rupture, la SAS France Matériaux motive explicitement sa décision par l'insatisfaction des adhérents à l'endroit de sa stratégie d'animation commerciale, l'insuffisance du développement digital dans l'accompagnement qu'elle leur propose et l'absence de perspectives d'évolution offertes par la SAS Kaméléon Marketing et Promotion. Ces motifs, dont la pertinence importe peu puisque la légitimité de la rupture n'est pas en débat, sont impropres à rendre la rupture, notifiée à l'initiative de la SAS France Matériaux sans alerte préalable, imputable à la SAS Kaméléon Marketing et Promotion.

Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé en ce qu'il a dit que la SAS Kaméléon Marketing et Promotion était responsable de la rupture brutale de la relation commerciale établie avec la SAS France Matériaux.

- Sur la suffisance du préavis,

Le préavis suffisant au sens de l'article L. 441-2 II du code de commerce s'entend du temps nécessaire au partenaire victime pour réorienter son activité en bénéficiant, sauf circonstances particulières, d'un maintien des conditions antérieures (en ce sens, Com., 10 février 2015, n° 13-26.414), les éléments postérieurs à la notification de la rupture ou à sa matérialisation ne pouvant être pris en compte pour déterminer sa durée (en ce sens, Com, 1er juin 2022, n° 20-18960). Ainsi, au regard de la fonction du préavis, la date d'appréciation de la suffisance de sa durée est celle de la notification de la rupture qui correspond à l'annonce faite par un cocontractant à l'autre de sa volonté univoque de cesser la relation à une date déterminée, seule information qui peut permettre au second de se projeter et d'organiser son redéploiement ou sa reconversion en disposant de la visibilité indispensable à toute anticipation.

La relation commerciale nouée entre la SAS Kaméléon Marketing et Promotion et la SAS France Matériaux a duré 11 ans et 5 mois au jour de la notification de la rupture. L'année 2019 n'est pas affectée par celle-ci et doit être intégrée dans la détermination du chiffre d'affaires moyen de référence à la différence de l'année 2016, trop ancienne et peu représentative par comparaison avec les trois années suivantes. Entre 2017 et 2019 incluses, la part du chiffre d'affaires généré par cette relation commerciale, qui s'établissait en moyenne à 296 855,69 euros (pièce 91 de la SAS Kaméléon Marketing et Promotion), avoisinait 43 % du chiffre d'affaires global de la SAS Kaméléon Marketing et Promotion (comparaison de ses pièces 55 à 58, 91, 103 et 105 ainsi que de la pièce 17 de la SAS France Matériaux).

A ce titre, l'état de dépendance économique, pour l'essentiel défini pour les besoins de l'application de l'article L. 420-2 du code de commerce qui n'est pas en débat mais devant être apprécié de manière uniforme en tant que situation de fait servant ici, non de condition préalable mais d'élément d'évaluation de la durée du préavis éludé, s'entend de l'impossibilité, pour une entreprise, de disposer d'une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu'elle a nouées avec une autre entreprise (en ce sens, Com., 12 février 2013, n° 12-13.603). Son existence s'apprécie en tenant compte notamment de la notoriété de la marque du fournisseur, de l'importance de sa part dans le marché considéré et dans le chiffre d'affaires du revendeur, ainsi que de l'impossibilité pour ce dernier d'obtenir d'autres fournisseurs des produits équivalents (en ce sens, Com., 12 octobre 1993, n° 91-16988 et 91-17090). La possibilité de disposer d'une solution équivalente s'entend de celle, juridique mais aussi matérielle, pour l'entreprise de développer des relations contractuelles avec d'autres partenaires, de substituer à son donneur d'ordre un ou plusieurs autres donneurs d'ordre lui permettant de faire fonctionner son entreprise dans des conditions techniques et économiques comparables (Com., 23 octobre 2007, n° 06-14.981).

Le taux retenu, supérieur à 40 %, traduit une certaine dépendance économique de la SAS Kaméléon Marketing et Promotion à l'égard de la SAS France Matériaux. Celle-ci, qui ne trouvait sa cause dans aucune exclusivité juridique, est néanmoins tempérée par les deux éléments suivants qui révèlent que cette situation n'était pas subie et n'était en rien imposée par la SAS France Matériaux ou la nature de leur collaboration commerciale :

- la SAS Kaméléon Marketing et Promotion ne produit pas le moindre élément, autre que l'attestation de l'ancien directeur de la SAS France Matériaux qui indique en toute généralité qu'elle ne pouvait "profiter de [leur] collaboration pour développer son chiffre d'affaires avec [des] concurrents" (sa pièce 92), étayant la difficulté à réorienter son activité et à trouver un nouveau partenaire de poids équivalent à la SAS France Matériaux. En revanche, cette dernière démontre que le marché du bâtiment, qui constitue le secteur privilégié de l'intervention de la SAS Kaméléon Marketing et Promotion selon ses propres allégations promotionnelles qui évoquent un fichier de 6 000 clients (pièces 6 et 42 de la SAS France Matériaux), est particulièrement dynamique et comprend une multitude d'acteurs, caractéristiques laissant entrevoir des possibilités nombreuses de remplacement aisé du client perdu (pièces 5a et b de la SAS France Matériaux) ;

- la SAS Kaméléon Marketing et Promotion ne justifie d'aucun investissement matériel ou humain spécifique réalisé pour les besoins de la relation commerciale, le logiciel Digipro, de création ancienne et dont rien ne démontre l'absence d'amortissement au jour de la notification de la rupture, étant exploité avec l'ensemble de ses partenaires (pièces 6, 40, 41 et 90 de la SAS France Matériaux).

Aussi, rien n'explique l'absence de diversification de sa clientèle par la SAS Kaméléon Marketing et Promotion qui exploitait pourtant divers sites internet à destination d'un public varié constitué d'artisans, de fabricants et de distributeurs (pièces 45 et 84 à 87 de la SAS France Matériaux).

Au regard de ces éléments combinés et de l'absence d'usage professionnel contraire, le seul élément produit à ce titre par la SAS France Matériaux révélant l'existence d'un préavis plus court (sa pièce 39), le préavis accordé le 10 janvier 2020 et expirant le 1er janvier 2021, de près de 12 mois, était suffisant. Le jugement entrepris sera confirmé, par ces motifs substitués, en ce qu'il a retenu que la rupture n'était pas brutale de ce chef.

Demeure ainsi la seule question de l'exécution effective du préavis accordé.

- Sur l'exécution du préavis,

Ainsi qu'il a été dit, l'exécution effective du préavis suppose, pendant toute sa durée, le maintien des conditions antérieures, les modifications apportées à la relation ne devant de ce fait pas être substantielles à défaut d'être justifiées par le comportement du partenaire victime de la rupture ou des circonstances économiques exogènes (en ce sens, Com., 7 septembre 2022, n° 21-12.704).

Le recours à l'appel d'offres pour une part des prestations n'est pas en soi, alors que la relation n'impliquait ni engagement de volume ni exclusivité et reposait sur l'acceptation de devis successifs, déterminant : il ne peut l'être qu'au regard de ses effets sur le chiffre d'affaires dégagé par la SAS Kaméléon Marketing et Promotion dans ses relations avec la SAS France Matériaux. Durant l'exécution du préavis, celui-ci était de 202 738,28 euros (pièces 84, 91, 102, 115 et 116 de la SAS Kaméléon Marketing et Promotion), accusant ainsi une baisse de près de 32 % par rapport à la moyenne des trois années précédentes. Cette diminution notable caractérise une modification substantielle de la relation économique.

Pour la justifier, la SAS France Matériaux invoque d'une part la réduction d'activité causée par la crise sanitaire de 2020 et d'autre part les carences de la SAS Kaméléon Marketing et Promotion dans l'exécution de ses prestations, dont il est constant que les prix n'ont pas varié (sa pièce 68 non contestée en sa teneur), ainsi que, pour une opération au moins, à raison de leur coût excessif.

Sur l'impact de la crise sanitaire,

La Fédération des négoces de bois et matériaux de construction a souligné le 30 juin 2020 l'impact négatif de l'épidémie de Covid-19 sur l'activité du bâtiment à raison de la fermeture de nombreux négoces et de la reprise d'activité "en mode dégradé" à compter du 23 mars 2020 (pièce 94 de la SAS France Matériaux qui ne mentionne pas le taux de 18 % de baisse d'activité qu'elle avance). Par ailleurs, la SAS France Matériaux démontre avoir, durant cette période, alerté ses différents partenaires (sa pièce 46) sur le fait que son activité était elle-même réduite aux deux tiers et consacrée pour l'essentiel au soutien à ses adhérents. Ainsi, l'édition des magazines Equipro et Mat'Info a été retardée pour permettre l'adaptation de leurs contenus au contexte sanitaire, à l'instar de l'évènement FestiPro à raison des difficultés des fournisseurs (sa pièce 46), les regroupements étant par ailleurs, un temps au moins, proscrits.

L'effet de la crise sanitaire sur la relation commerciale doit néanmoins être tempéré pour deux raisons liées. D'une part, la décision de recourir à l'appel d'offres pour les opérations commerciales était bien antérieure à l'épidémie alors imprévisible de Covid-19 et était explicitement fondée par la SAS France Matériaux sur l'inefficience des prestations de la SAS Kaméléon Marketing et Promotion. D'autre part, la première reconnaît qu'elle a eu recours aux services de tiers pour accomplir des prestations antérieurement confiées à la seconde (page 37 de ses écritures).

Ces éléments combinés expliquent la diminution du chiffre d'affaires dans une proportion estimée, à défaut de renseignements plus précis, à 10 %, les 22 % restants étant réputés sans lien avec la crise sanitaire.

Sur l'exécution de ses obligations par la SAS Kaméléon Marketing et Promotion,

Si la SAS France Matériaux oppose à la SAS Kaméléon Marketing et Promotion des carences dans l'exécution de ses obligations, elle explique dans ses écritures (pages 34 à 37) qu'elle lui a, malgré celles-ci, confié l'intégralité des prestations litigieuses (magazines Equipro et Mat'Info 2020, opérations Travaux d'été 2020 et Festi'Pro 2020), à l'exception de l'opération Printemps 2020. L'opération Carrefour des partenaires 2021 n'est pas pertinente puisqu'elle était censée être organisée postérieurement à la fin des relations. Aussi, la question des manquements éventuels de la SAS Kaméléon Marketing et Promotion comme facteur explicatif de la réduction du flux d'affaires ne se pose que pour cette unique opération dont l'annulation n'est pas établie. Or, cette dernière prouve que le retard dans l'émission de ses devis (pièces 51 à 63 de l'intimée) trouve sa cause dans un surcoût imposé par un prestataire tiers (pièces 83a et b de la SAS France Matériaux). La SAS France Matériaux admet d'ailleurs que la prestation n'a pas été refusée à raison d'un manquement de la SAS Kaméléon Marketing et Promotion mais exclusivement en considération de son coût (page 35 de ses écritures et sa pièce 77).

A cet égard, le maintien des conditions antérieures n'emporte pas l'acceptation automatique des devis émis qui doivent être librement négociés en contemplation des contraintes concurrentielles du marché, logique qui présidait à la relation commerciale qui ne comportait aucun engagement de la part de la SAS France Matériaux et impliquait de ce fait, malgré l'absence d'organisation effective d'appels d'offres, la possibilité d'une mise en concurrence au moins ponctuelle. Or, le prix réclamé par la SAS Kaméléon Marketing et Promotion était effectivement, à prestations équivalentes, très supérieur à celui proposé par un concurrent (pièces 62 et 63 de la SAS France Matériaux : 35 000 euros contre 18 000 euros).

De ce fait, la perte de 35 000 euros est imputable au tarif imposé par la SAS Kaméléon Marketing et Promotion, peu important qu'il soit ou non identique à celui antérieurement pratiqué puisque les parties étaient libres de discuter le montant de chacun des devis en considération des prestations concrètes qu'ils décrivent.

Ainsi, en tenant compte des effets négatifs de la crise sanitaire et du comportement de cette dernière, la réduction du chiffre d'affaires exclusivement imputable à la SAS France Matériaux atteint 49 705,67 euros, soit 16,74 % du chiffre d'affaires global escompté pendant l'exécution du préavis. Ce rapport, certes supérieur à celui observable les trois années précédentes, est voisin de celui relevé par la SAS Kaméléon Marketing et Promotion entre 2015 et 2017 (page 40, §65 de ses écritures : 11 %), et est nécessairement augmenté par l'impossibilité de lui confier l'organisation d'évènements pour l'année 2021 alors qu'une part des devis correspondants sont acceptés en fin d'année n-1. Aussi, cette diminution du chiffre d'affaires ne caractérise pas une modification substantielle des conditions antérieures.

En conséquence, le préavis ayant été effectivement et régulièrement exécuté par la SAS France Matériaux malgré la mise en place d'appels d'offres, aucune rupture brutale n'est caractérisée à ce stade. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes indemnitaires de la SAS Kaméléon Marketing et Promotion au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies.

2°) Sur la déloyauté de la SAS France Matériaux,

Moyens des parties,

Au soutien de sa demande indemnitaire, la SAS Kaméléon Marketing et Promotion, prise en la personne de son liquidateur, expose que la déloyauté de la SAS France Matériaux, qui a obtenu d'elle la cession de diverses marques en lui dissimulant sa volonté de rompre, lui a causé un préjudice distinct.

En réponse, la SAS France Matériaux conteste toute déloyauté dans la cession des marques à son profit qui est intervenue au prix fixé par la SAS Kaméléon Marketing et Promotion et conformément aux usages du secteur, et nie la réalité du préjudice allégué à ce titre.

Réponse de la cour,

Conformément aux articles 1103 et 1104 du code civil (anciennement 1134), les conventions légalement formées, qui tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise, doivent être exécutées de bonne foi, celle-ci étant présumée. Et, en vertu des dispositions des articles 1231-1 à 3 du code civil (anciennement 1147, 1149 et 1150), le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part, les dommages et intérêts dus au créancier étant, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé et le débiteur n'étant tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n'est point par son dol que l'obligation n'est point exécutée.

La SAS Kaméléon Marketing et Promotion déduit de la chronologie des faits ayant abouti à la cessation des relations la dissimulation par la SAS France Matériaux de sa volonté de rompre ces dernières lors de la cession des marques à son profit négociée entre les mois de juillet et d'octobre 2019. Cette argumentation, particulièrement imprécise, manque en fait et en droit car :

- rien ne prouve que la SAS France Matériaux, qui avait certes le désir de développer une nouvelle stratégie de communication et d'adapter pour ce faire sa relation commerciale avec la SAS Kaméléon Marketing et Promotion, ait formé celui de rompre avant que son partenaire n'ait prématurément emprunté une voie contentieuse ;

- en admettant même une dissimulation caractéristique d'une déloyauté, la SAS Kaméléon Marketing et Promotion, qui ne précise pas la nature patrimoniale ou morale du préjudice qu'elle allègue, n'explique pas son incidence sur la relation commerciale elle-même ou sur la cession de ses droits de propriété intellectuelle dont elle a librement déterminé le prix. Elle ne prétend pas non plus qu'ils seraient utiles à l'exercice de son activité postérieurement à la rupture.

Dès lors, aucune déloyauté n'étant prouvée, la demande indemnitaire complémentaire de la SAS Kaméléon Marketing et Promotion, qui ne justifie par ailleurs ni du principe ni de la mesure du préjudice dont elle poursuit la réparation et dont ni la nature ni la consistance ne sont explicitées, est infondée. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il l'a rejetée.

3°) Sur la procédure abusive,

Moyens des parties,

Au soutien de sa demande reconventionnelle, la SAS France Matériaux expose que la SAS Kaméléon Marketing et Promotion "a tout mis en place, dès septembre 2019, pour judiciariser la relation en pleines négociations commerciales, de sorte qu'il est permis de douter de sa réelle volonté de poursuivre depuis cette date, un courant d'affaires pérenne avec [elle]". Elle ajoute que le succès de l'action, intentée malgré l'absence de rupture et de baisse de chiffre d'affaires, conduirait à l'allocation d'une rente sans contrepartie ainsi qu'à une augmentation artificielle du prix de cession des marques et caractériserait un détournement de la loi et une atteinte à son image.

En réponse, la SAS Kaméléon Marketing et Promotion, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, précise qu'elle n'a donné aucune publicité à son action et n'a jamais sollicité le paiement d'une rente et soutient qu'elle a agi en défense de ses droits violés.

Réponse de la cour,

En vertu des dispositions des articles 1240 et 1241 (anciennement 1382 et 1383) du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

Au sens de ces textes, l'exercice d'une action en justice constitue par principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur équipollente au dol.

Si l'action de la SAS Kaméléon Marketing et Promotion était effectivement prématurée et n'était pas de nature à favoriser la poursuite des relations qu'elle appelait de ses vœux, elle était néanmoins l'expression des inquiétudes légitimement nées à l'occasion de la détermination du budget pour l'année 2020. Dans cette logique, ses exigences de prévisibilité ne traduisent pas un désir de percevoir une rente sans contrepartie mais expriment l'espérance de sécuriser la relation pour l'avenir et d'échapper à toute mise en concurrence. Si elles étaient juridiquement infondées, elles ne caractérisent pas pour autant une faute dans l'exercice de son action imputable à la SAS Kaméléon Marketing et Promotion qui s'est simplement méprise sur l'étendue et la portée de ses droits. Par ailleurs, la SAS France Matériaux ne démontre ni le principe et la mesure du préjudice qu'elle allègue, ni qu'il soit distinct de celui né de la nécessité de se défendre en justice qui est intégralement réparé par l'allocation d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile.

En conséquence, la demande indemnitaire reconventionnelle de la SAS France Matériaux doit être rejetée et le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

4°) Sur les frais irrépétibles et les dépens,

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions sur les frais irrépétibles et les dépens.

En application de l'article L. 622-22 du code de commerce auquel renvoie l'article L. 641-3 en matière de liquidation judiciaire, sous réserve des dispositions de l'article L. 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.

Et, en vertu de l'article L. 622-17 I du code de commerce auquel renvoie l'article L. 641-13 en matière de liquidation judiciaire, les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance.

Le critère de détermination du caractère postérieur ou antérieur des créances au sens du droit des procédures collectives est leur fait générateur ainsi que l'induit la référence expresse à leur naissance. La loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 a néanmoins ajouté un critère d'utilité au critère chronologique.

Introduite pour accroître l'actif de la SAS Kaméléon Marketing et Promotion, l'action était, en son principe, utile à la procédure collective et à la satisfaction des intérêts des créanciers. Aussi, les créances au titre des dépens et des frais irrépétibles, constituées par l'arrêt, peuvent être considérées comme nées pour les besoins du déroulement de la procédure.

Succombant au litige, la SAS Kaméléon Marketing et Promotion, dont la demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée, sera condamnée à payer à la SAS France Matériaux la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

Rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir né et actuel de la SAS Kaméléon Marketing et Promotion opposée par la SAS France Matériaux ;

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions soumises à la Cour, sauf en ce qu'il a dit que la SAS Kaméléon Marketing et Promotion était responsable de la rupture brutale de la relation commerciale établie avec la SAS France Matériaux ;

Statuant à nouveau du chef infirmé,

Dit que la SAS France Matériaux n'a pas engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article L. 442-1 II du code de commerce au titre de la rupture brutale des relations commerciales ;

Y ajoutant,

Rejette la demande de la SAS Kaméléon Marketing et Promotion, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, au titre des frais irrépétibles ;

Condamne la SAS Kaméléon Marketing et Promotion, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, à payer à la SAS France Matériaux la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS Kaméléon Marketing et Promotion, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, à supporter les dépens d'appel.