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Décisions

CA Rouen, 1re ch. civ., 22 juin 2011, n° 10/03415

ROUEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

IRM Rouennaise (GIE)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Le Boursicot

Conseillers :

M. Gallais, Mme Boisselet

Avoués :

SCP Lejeune Marchand Gray Scolan, SCP Colin Voinchet Radiguet Enault

Avocats :

Me Frezal, Me Gacouin

TGI Rouen, du 5 juill. 2010

5 juillet 2010

Les docteurs Olivier Lamoureux et Fabrice Cuvelier sont médecins radiologues. Ils sont associés au sein d'une Société Civile de Moyens (SCM) et sont membres du GIE IRM Rouennaise. Les docteurs Jacqueline Agratina, François Charles Alleaume, Jean-Christophe Boyer, Pierre Brandicourt, Pierre Henri Guillem, Sophie Deleris épouse Doreau, Catherine Desbois, Jean-Yves Legoff, Michèle Morval, Eric Morval, Michel Rogler, Jean-Pierre Samain, et Patrick Villers sont également membres du GIE IRM Rouennaise dont le règlement intérieur prévoit un calendrier d'utilisation correspondant aux horaires du service du l'IRM et une répartition des horaires entre les différentes SCM. Jusqu'au 31 mars 2008, le GIE était constitué de cinq SCM.

Lors de l'assemblée générale ordinaire du GIE IRM Rouennaise du 31 mars 2008, il a été constaté le retrait des associés de deux SCM entraînant une nouvelle répartition d'utilisation entre les différents praticiens. Lors de l'assemblée générale ordinaire du 4 juin 2008, a été adoptée la résolution n°2 indiquant la répartition provisoire des plages horaires laissées vacantes par le retrait des deux SCM.

Les docteurs Cuvelier et Lamoureux ont estimé que ce nouveau planning d'utilisation et la répartition leur étaient défavorables.

Les 5, 6, 7 et 9 janvier 2008, les docteurs Cuvelier et Lamoureux ont assigné l'IRM Rouennaise et les docteurs Brandicourt, Guillem, M. et Mme Morval, Samain, Rogler, Legoff, Deleris, Agratina, Villers, Alleaume, Desbois et Boyer devant le tribunal de grande instance de Rouen aux fins de voir annuler la délibération de l'assemblée générale du 4 juin 2008 et réparer les préjudices subis, ceci sur le fondement des articles 1134 du code civil et L 251-5 et L251-10 du code de commerce.

Par jugement du 5 juillet 2010, le tribunal de grande instance de Rouen, aux motifs essentiels que l'article I-C du règlement intérieur ne devait pas trouver application, puisqu'il ne s'agit pas en l'espèce de la non utilisation d'une plage horaire par un groupe titulaire du GIE, mais de la nouvelle répartition des plages horaires que les groupes devaient adopter compte tenu du départ de deux SCM, à l'unanimité moins un conformément à l'article 15 des statuts du GIE, que le préjudice matériel allégué par les docteurs Cuvelier et Lamoureux n'est pas justifié et que le paragraphe 3 de l'article 15 du règlement intérieur exclut la compétence du juge judiciaire pour l'établissement d'un nouveau planning de répartition des plages horaires d'utilisation de l'IRM, a :

annulé la résolution n°2 de l'assemblée générale ordinaire du 4 juin 2008,

condamné l'IRM Rouennaise et les docteurs Brandicourt, Guillem, M. et Mme Morval, Samain, Rogler, Legoff, Deleris, Agratina et Villers, à payer aux docteurs Cuvelier et Lamoureux la somme de 2 000 € chacun,

débouté les docteurs Cuvelier et Lamoureux de leurs autres demandes,

débouté l'IRM Rouennaise et les docteurs Brandicourt, Guillem, M. et Mme Morval, Samain, Rogler, Legoff, Deleris, Agratina, Villers, A lleaume, Desbois et Boyer de leurs demandes reconventionnelles,

condamné l'IRM Rouennaise et les docteurs Brandicourt, Guillem, M. et Mme Morval, Samain, Rogler, Legoff, Deleris, Agratina et Villers à payer aux docteurs Cuvelier et Lamoureux la somme de 1 500 € chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Le 20 juillet 2010, le GIE IRM Rouennaise, M. Brandicourt, M. Guillem, M. et Mme Morval, M. Samain, M. Rogler, M. Villers, M. Legoff, M. Alleaume, Mme Deleris épouse Doreau, Mme Agratina, Mme Desbois et M. Boyer ont interjeté appel de ce jugement.

Dans leurs dernières conclusions signifiées le 12 avril 2011, aux termes desquelles il est fait expressément référence pour l'exposé complet des moyens, le GIE IRM Rouennaise, M. Brandicourt, M. Guillem, M. et Mme Morval, M. Samain, M. Rogler, M. Villers, M. Legoff, M. Alleaume, Mme Doreau, Mme Agratina, Mme Desbois et M. Boyer font valoir en substance que :

- la situation a changé puisque l'assemblée générale de l'IRM réunie le 17 décembre 2010 a adopté à l'unanimité le planning proposé par le conseil d'administration réuni le 29 novembre 2010,

- le paragraphe C du règlement intérieur a vocation à résoudre provisoirement des situations de vacances de plages horaires sans distinguer entre les causes de ces vacances et, en particulier, sans exclure les vacances découlant de retraits de SCM, et ce, dans l'attente d'un vote à l'unanimité tel qu'exigé par les statuts pour l'adoption définitive d'un nouveau planning,

- la décision prise par l'assemblée générale du 4 juin 2008 ne porte strictement aucune atteinte ni à l'objet social du GIE, ni à l'égalité entre les associés et les docteurs Cuvelier et Lamoureux ne démontrent pas que les associés de la SCM du Cèdre auraient délibérément violé les statuts dans le but d'abuser de leur majorité,

- les critères généralement admis de l'abus de minorité apparaissent réunis en ce que l'obstruction des docteurs Cuvelier et Lamoureux fait échec à la réalisation d'une opération essentielle à l'exécution de l'objet social du GIE, sur la base de considérations purement égocentriques,

- depuis le 2 janvier 2011, date de la nouvelle répartition des plages horaires acceptée par tous, ils continuent à laisser vacantes des plages horaires.

Ils demandent donc à la cour de :

- dire que l'article 1-C du règlement intérieur du GIE a vocation à s'appliquer à toutes les situations de délaissements d'heures d'IRM, y compris du fait du retrait de membres,

- débouter les docteurs Cuvelier et Lamoureux de leur demande d'annulation de l'assemblée générale du 4 juin 2008,

- réformant le jugement entrepris, les débouter de leurs demandes indemnitaires y compris celles présentées à titre incident devant la cour,

- subsidiairement, sur le préjudice, au cas où par impossible la cour confirmerait l'annulation de l'assemblée générale du 4 juin 2008, voir dire que les intimés sont les seuls responsables du délaissement indu, médicalement et moralement inacceptable, d'heures d'IRM au détriment des patients susceptibles de bénéficier de l'outil et les débouter de leurs demandes de dommages et intérêts tant à l'égard du GIE que des associés ayant adopté le planning provisoire,

en tout état,

- constater que l'attitude des intimés a dégénéré en abus de minorité,

- dire que la non-utilisation des heures d'IRM, la non mise à disposition des autres membres du GIE desdites heures, conformément aux statuts, constituent une faute dont les intimés doivent réparation, qu'il en est de même de l'accaparement de matinées du samedi qui ne leur étaient pas affectées,

- condamner messieurs Cuvelier et Lamoureux, conjointement et solidairement ou l'un à défaut de l'autre à verser au GIE IRM Rouennaise une somme de 58 367,28 €,

- les condamner à verser à chacun des appelants une somme de 6 000 € au titre du préjudice résultant des perturbations de leurs emplois du temps, du préjudice professionnel, notamment à l'égard de leurs patients, outre une somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- pour le GIE, il est sollicité une somme de 20 000 € ainsi qu'une somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner messieurs Cuvelier et Lamoureux aux entiers dépens.

Dans leurs dernières conclusions signifiées le 31 mars 2011, aux termes desquelles il est fait expressément référence pour l'exposé complet des moyens, messieurs Cuvelier et Lamoureux répliquent principalement que :

- la deuxième résolution de l'assemblée générale du 4 juin 2008 a été prise dans le seul et unique intérêt des membres de la SCM de radiologie du Cèdre, qui se sont attribués les plages horaires d'utilisation de l'IRM au mépris de la répartition égalitaire et la répartition a abouti à leur accorder presque 7 heures hebdomadaires de plus d'usage de la machine du fait de l'importance prétendue du nombre de leurs prescripteurs et donc de leurs patients,

- la résolution n°2 constitue un détournement des dispositions des statuts et du règlement intérieur du GIE et donc une fraude étant rappelé que 'la fraude corrompt tout',

- une distinction est faite au sein du règlement intérieur entre la situation d'un groupe toujours présent au sein du GIE mais qui n'utilise pas provisoirement les plages horaires qui lui sont octroyées (article I-C du règlement intérieur) et celle, qui a vocation à être définitive, de la répartition des plages horaires de groupes s'étant retirés (article 15 des statuts).

Messieurs Cuvelier et Lamoureux demandent donc à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a annulé la résolution n°2 de l'assemblée générale du 4 juin 2008 et condamné les appelants à leur payer la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter les parties de leurs demandes au titre de la fixation d'un calendrier d'utilisation,

- débouter les appelants de leurs demandes reconventionnelles,

- réformer le jugement en ce qu'il a condamné l'IRM Rouennaise et les docteurs Brandicourt, Guillem, M. et Mme Morval, Samain, Rogler, Legoff, Deleris, Agratina et Villers à leur payer une somme de 2 000 € au titre du préjudice moral,

- condamner l'IRM Rouennaise et/ou les docteurs Brandicourt, Guillem, M. et Mme Morval, Samain, Rogler, Legoff, Deleris, Agratina et Villers à leurs payer les sommes de :

- 10 000 € soit 5 000 € chacun au titre de leur préjudice moral,

- 201 529 € au titre de leur préjudice matériel, soit 100 764 € chacun,

- condamner l'IRM Rouennaise et les Docteurs Brandicourt, Guillem, M. et Mme Morval, Samain, Rogler, Legoff, Deleris, Agratina et Villers à leur payer en cause d'appel une somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 mai 2011.

SUR CE, LA COUR

Attendu qu'en raison de l'adoption à l'unanimité par l'assemblée générale du 17 décembre 2010 d'une nouvelle répartition des plages horaires d'utilisation de l'IRM, en conformité avec l'article 15 du règlement intérieur, seules restent en discussion les demandes indemnitaires des parties pour la période du 4 juin 2008 au 17 décembre 2010 ;

Attendu qu'il est constant qu'en mars 2008, deux SCM se sont retirées du GIE et que c'est la raison pour laquelle l'assemblée générale du 4 juin 2008 a débattu d'une résolution relative à la répartition des plages horaires ; que le règlement intérieur du GIE fixe la répartition des heures d'utilisation entre les groupes et que lui est annexé le planning des vacations ; que son article 1 C prévoit expressément qu'en cas de départ ou d'exclusion d'un groupe au sein du GIE, une nouvelle clef de répartition sera mise en place ; que l'article 15 des statuts du GIE prévoit expressément que tant l'approbation que les modifications ultérieures du règlement intérieur relèvent de la compétence de l'assemblée générale extraordinaire et précise que l'unanimité des membres moins un sera requise pour toute décision de modification du calendrier d'utilisation et de planning de plages horaires fixés au règlement intérieur ; que le tribunal a donc fait une exacte analyse de ces textes pour en déduire que contrairement à ce que continuent à soutenir les appelants, l'article I-C du règlement intérieur ne devait pas trouver application puisqu'il ne s'agissait pas en l'espèce de la non utilisation d'une plage horaire par un groupe titulaire du GIE, mais d'une modification dudit règlement intérieur, et d'une nouvelle répartition des plages horaires que les groupes devaient adopter, compte tenu du départ de deux SCM, à l'unanimité moins un conformément à l'article 15 des statuts du GIE  ; que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a annulé la résolution n°2 de l'assemblée générale du 4 juin 2008 pour violation des règles statutaires ;

Attendu que le fait d'invoquer le non-respect des règles statutaires à l'appui d'une demande de nullité d'une résolution de l'assemblée générale constitue l'exercice d'un droit dévolu à tout membre du GIE et ne saurait être qualifié d'abus de minorité ;

Attendu qu'en raison de l'annulation de la résolution n°2 de l'assemblée générale du 4 juin 2008, les appelants ne sont pas fondés à reprocher à Messieurs Cuvelier et Lamoureux de ne pas avoir utilisé les plages horaires telles que définies par cette résolution ou d'avoir utilisé l'IRM les samedis matins, entre le 4 juin 2008 et jusqu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle clef de répartition à la fin de l'année 2010 ; que les appelants seront donc déboutés de leur demande d'indemnisation à ce titre s'élevant au total à 58 367,28 € ;

Attendu que M. Brandicourt, M. Guillem, M. et Mme Morval, M. Samain, M. Rogler, M. Villers, M. Legoff, M. Alleaume, Mme Deleris épouse Doreau, Mme Agratina, Mme Desbois et M. Boyer, qui ne rapportent pas la preuve d'une faute commise à leur encontre par messieurs Cuvelier et Lamoureux, seront déboutés de leur demande en réparation des préjudices allégués, résultant des perturbations de leurs emplois du temps et professionnel ; que pour le même motif, le GIE IRM Rouennaise sera débouté de sa demande en paiement de la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts ;

Attendu que Messieurs Cuvelier et Lamoureux sollicitent une indemnisation de leur préjudice matériel à hauteur de 100 764 € ; que toutefois, pas davantage qu'ils ne l'avaient fait en première instance, ils ne justifient du montant des sommes réclamées, les documents comptables versés aux débats ne permettant pas d'établir le coût de la prestation intellectuelle pour chaque patient ; que le jugement sera confirmé en ce qu'ils les a déboutés de leur demande de réparation au titre du préjudice matériel ;

Attendu que c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu l'existence d'un préjudice moral subi par Messieurs Cuvelier et Lamoureux, qu'ils ont exactement évalué à la somme de 2 000 € pour chacun d'eux ;

Attendu que le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions ;

Attendu qu'eu égard à l'équité, les appelants seront condamnés à verser à Messieurs Cuvelier et Lamoureux une indemnité complémentaire de 1 500 € chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que les appelants qui succombent en leur appel seront condamnés aux dépens d'appel ;

Par ces motifs

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 5 juillet 2010 par le tribunal de grande instance de Rouen,

Y ajoutant,

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,

Condamne le GIE IRM Rouennaise, M. Brandicourt, M. Guillem, M. et Mme Morval, M. Samain, M. Rogler, M. Villers, M. Legoff, M. Alleaume, Mme Deleris épouse Doreau, Mme Agratina, Mme Desbois et M. Boyer à verser à Messieurs Cuvelier et Lamoureux la somme de 1 500 € à chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne le GIE IRM Rouennaise, M. Brandicourt, M. Guillem, M. et Mme Morval, M. Samain, M. Rogler, M. Villers, M. Legoff, M. Alleaume, Mme Deleris épouse Doreau, Mme Agratina, Mme Desbois et M. Boyer aux dépens d'appel avec droit de recouvrement au profit de la SCP Colin-Voinchet Radiguet-Thomas Enault avoués à la cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.