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Décisions

CA Colmar, 3e ch. civ. A, 4 novembre 2013, n° 12/04348

COLMAR

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Cofime (SA)

Défendeur :

Groupe Alsace Logistique Transport (GIE)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Litique

Conseillers :

Mme Mazarin-Georgin, Mme Schneider

Avocats :

Me Harter, Me Pernet, Me Wetzel

TI Colmar, du 8 déc. 2011

8 décembre 2011

La SA Cofime a requis et obtenu le 26 avril 2010 une ordonnance enjoignant au GIE Groupe Alsace Logistique Transport de payer la somme de 6.555,28 € correspondant à deux factures de travaux de comptabilité.

Le GIE Groupe Alsace Logistique Transport a formé opposition à cette ordonnance et devant le Tribunal d'Instance de COLMAR, elle a conclu au rejet de la demande et a formé une demande reconventionnelle en remboursement d'acomptes perçus à hauteur de 1.878,60 € ainsi qu'en paiement d'une somme de 3.000 € à titre de dommages-intérêts.

Elle fait valoir que la SA Cofime réclame le paiement de factures relatives à des travaux de commissariat aux comptes ainsi que d'autres travaux de comptabilité et que ce cumul d'activités est interdit par le code de déontologie.

Par jugement du 8 décembre 2011, le Tribunal d'Instance de COLMAR a rappelé que la créance alléguée se rapportait à une facture du 7 octobre 2008 pour des prestations de commissaire aux comptes à hauteur de 5.908,24 € et une facture du 18 mai 2009 relative à une mission d'expert comptable pour 647,04 €.

Le tribunal a indiqué que la SA Cofime n'avait pas rédigé de lettre de mission contrairement aux exigences de l'arrêté du 21 décembre 2005, que les déclarations des parties permettaient de considérer que la mission de la SA Cofime portait sur le contrôle des comptes, soit une mission de commissaire aux comptes et que si la prévision d'un commissaire aux comptes n'était pas obligatoire dans le cadre d'un GIE elle n'était pas nécessairement inutile.

Le tribunal a relevé que parmi les diligences accomplies par la SA Cofime en 2007 et 2008 figuraient des prestations ponctuelles telles que 'bulletins importés', 'paie' 'TVA' 'charges sociales', voire des consultations juridiques, changement d'administrateur, courriers de relances à clients, et que ces prestations ont été effectuées non pas dans le cadre d'une mission de commissaire aux comptes mais d'expert comptable.

Le tribunal a considéré qu'une telle intervention était incompatible avec la mission de commissaire aux comptes manquant d'objectivité pour contrôler sa propre activité.

Le tribunal a relevé que, si la SA Cofime admettait implicitement cette incompatibilité, elle prétendait qu'aucune somme n'avait été réclamée pour ce contrôle de gestion, ce qui était contredit par l'intitulé de ses notes d'honoraires, et que ses interventions comptables apparaissaient comme récurrentes sur ces deux exercices.

Le tribunal en a conclu que, s'agissant de la première facture, il n'était pas établi que la SA Cofime ait exercé véritablement une mission de commissaire aux comptes mais plutôt d'expert-comptable, et qu'ayant déjà perçu des provisions de 3.660 € elle ne démontrait pas avoir réalisé des prestations pour des honoraires excédant cette somme.

Le tribunal a estimé s'agissant des prestations d'expert-comptables facturées pour la période du 1er avril 2008 au 31 mars 2009 pour un montant de 647,04 € que GIE Groupe Alsace Logistique Transport avait déjà payé pour la même période des provisions de 1.878,60 €, et qu'il en résultait un trop-perçu de 1.231,56 €.

Le tribunal a débouté la SA Cofime de ses demandes, l'a condamnée à payer à GIE Groupe Alsace Logistique Transport la somme de 1.231,56 € avec intérêts au taux légl à compter du 3 novembre 2010, a débouté GIE Groupe Alsace Logistique Transport du surplus de sa demande reconventionnelle et a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

La SA Cofime a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions de l'appelante la SA Cofime reçues au greffe le 16 avril 2013 tendant à l'infirmation du jugement déféré, et à ce que la Cour condamne GIE Groupe Alsace Logistique Transport à lui payer la somme de 6.555,28 € en principal, la somme de 29,33 € au titre des intérêts échus, la somme de 163,01 € au titre des frais de sommation, la somme de 52,62 € au titre de la requête en injonction de payer, le tout avec intérêts au taux légal à compter de la requête en injonction de payer, et la condamne en outre au paiement d'une somme de 3.000 € à titre de dommages-intérêts ainsi qu'un montant de 2.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions de l'intimé GIE Groupe Alsace Logistique Transport reçues au Greffe le 20 mai 2013 tendant à la confirmation du jugement déféré et à l'allocation d'une somme de 2.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les pièces de la procédure ;

Attendu qu'au soutien de son appel, la SA Cofime fait valoir qu'elle a été nommée contrôleur des comptes et non commissaire aux comptes, et que cette fonction n'est pas soumise aux mêmes incompatibilités que le commissaire aux comptes et qu'ainsi ses prestations l'ont été dans le strict respect de la réglementation et répondait de surcroît à une obligation légale ;

qu'elle indique que les prestations qui ont été fournies en matière sociale ou comptable l'ont été ponctuellement, dans l'urgence, à la demande expresse du GIE à raison de la défaillance de son chef d'exploitation, et que ces prestations dont la réalité n'est pas contestée ont été payées sans difficultés les années précédentes ;

qu'elle conteste la note d'honoraires du nouvel expert-comptable du GIE Groupe Alsace Logistique Transport sachant que l'activité du GIE génère de 70 à 120 heures de travail pour le contrôleur aux comptes, soit des honoraires de 7.000 à 12.000 € HT.

Attendu que la somme de 6.555,28 € réclamée à GIE Groupe Alsace Logistique Transport se rapporte à une facture d'honoraires du 7 octobre 2008 d'un montant de 5.908,24 € se rapportant à des prestations de 'Commissariat aux comptes, contrôle des comptes, examen des conventions réglementées, autres vérifications exigées par la loi, analyse du contrôle interne, assistance à l'inventaire physique et rédaction de rapports' ainsi qu'à une facture du 18 mai 2009 d'un montant de 647,04 € se rapportant à l'établissement des paies, charges et DADS ;

que bien que la facture du 7 octobre 2008 fasse expressément mention d'une mission d'expert-comptable et que le libellé de la facture détaille les missions inhérentes à ces fonctions, la SA Cofime se défend en réalité d'avoir été le commissaire aux comptes du GIE, reconnaissant en cela l'incompatibilité d'une telle fonction avec celle d'expert-comptable et indique qu'en réalité elle assumait la mission de contrôleur des comptes ;

qu'il résulte effectivement des statuts du GIE qu'un contrôleur des comptes devait être désigné et que les procès-verbaux d'assemblées générales font apparaître que la SA Cofime était précisément contrôleur des comptes, avec pour mission de faire un rapport à l'assemblée générale des comptes de l'entreprise qu'elle a contrôlés ;

que selon les statuts, le rôle du contrôleur des comptes est de vérifier la régularité et la sincérité des comptes annuels ;

que le décret du 16 novembre 2005 portant code de déontologie de la profession de commissaire aux comptes prévoit l'interdiction pour ce dernier de 'procéder à la demande de la personne dont il certifie les comptes, à toute prestation de nature à le mettre en position d'avoir à se prononcer dans sa mission de certification sur des documents qu'il aurait contribué à élaborer, (à l'interdiction de procéder) à la tenue de comptabilité, à la préparation et à l'établissement des comptes, à la fourniture de toute prestation de service notamment de conseil en matière juridique, financière ou fiscale...' ;

que si la profession de contrôleur des comptes n'est pas une profession réglementée comme l'est celle de commissaire aux comptes, la même incompatibilité de fonctions existe entre des prestations de tenue de comptabilité et de contrôle des comptes, puisque précisément le contrôleur des comptes ne peut être amené à contrôler les comptes qu'il a contribué à élaborer ;

que le détail de la facturation tel qu'il figure dans le détail de la facture sous l'intitulé 'Fiche synthétique mission' fait apparaître que les prestations suivantes ont été effectuées : tenue courant, saisie, TVA, bilan, audit légal, paies, charges sociales, juridique courant, modifications, consultations, courriers,.....' ;

que le détail au 'temps passé' démontre que les prestations comptables, juridiques et sociales ont représenté l'essentiel du temps passé, en sus de la préparation des assemblées générales ;

que contrairement aux allégations de la SA Cofime ces prestations se sont étalées sur toute la durée de l'exercice, et n'apparaissent ni ponctuelles ni réalisées dans l'urgence pour pallier une défaillance temporaire ;

qu'en toute hypothèse, il n'en demeure pas moins que la SA Cofime ne pouvait dans le cadre de sa mission de contrôleur des comptes facturer des prestations comptables puis contrôler les comptes qu'elle avait élaborés ;

que même si les factures des années précédentes ont été honorées sans difficultés, et même si la réalité des prestations comptables ou de contrôle n'est pas discutée, il n'en demeure pas moins que le cumul de missions inconciliables par une même personne ne permet pas de retenir la légitimité de la créance, étant rappelé que GIE Groupe Alsace Logistique Transport avait d'ores et déjà réglé des provisions de 3.660 €.

Attendu que s'agissant de la facture du 18 mai 2009 relative à l'établissement de documents sociaux d'un montant de 647,04 €, celle-ci ne fait l'objet d'aucune discussion et que son montant a été plus que couvert par les acomptes versés, ce qui n'est pas davantage contesté ;

que le jugement doit être confirmé.

Attendu qu'il paraît inéquitable de laisser à la charge de l'intimé l'intégralité des frais non compris dans les dépens ;

qu'il y a lieu de lui allouer la somme de 1.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

DÉCLARE l'appel recevable,

Au fond le DIT mal fondé et le REJETTE,

CONFIRME le jugement déféré,

CONDAMNE la SA Cofime à payer à GIE Groupe Alsace Logistique Transport la somme de 1.000 € (mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SA Cofime aux dépens d'appel.