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Décisions

CA Grenoble, ch. soc. -A, 19 décembre 2023, n° 21/04067

GRENOBLE

Arrêt

Autre

CA Grenoble n° 21/04067

19 décembre 2023

C1

N° RG 21/04067

N° Portalis DBVM-V-B7F-LBUG

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL BAUDELET PINET

Me Pascale HAYS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 19 DECEMBRE 2023

Appel d'une décision (N° RG F 20/00112)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Valence

en date du 02 septembre 2021

suivant déclaration d'appel du 27 septembre 2021

APPELANT :

Monsieur [S] [C]

né le 17 février 1969 à [Localité 5] (Guadeloupe)

[Adresse 4]

[Localité 6]

représenté par Me Pierre-Marie BAUDELET de la SELARL BAUDELET PINET, avocat au barreau de VALENCE,

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/011395 du 13/10/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de GRENOBLE),

INTIMEE :

SA LA POSTE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège ,

SIRET N° : 356 000 000 00048

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Pascale HAYS, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,

et par Me Céline VACHERON de la SELARL ALTICIAL, avocat plaidant au barreau de SAINT-ETIENNE,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère faisant fonction de Présidente

Madame Gwenaelle TERRIEUX, Conseillère,

M. Frédéric BLANC, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 30 octobre 2023

Madame Gwenaelle TERRIEUX, Conseillère, en charge du rapport et Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère faisant fonction de Présidente, ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistées de M. Fabien OEUVRAY, Greffier, en présence de Mme [R] [D], Greffière stagiaire et Mme [U] [H], stagiaire en 2e année de lycée, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 19 décembre 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 19 décembre 2023.

EXPOSE DU LITIGE

M. [S] [C] a été embauché par la société anonyme (SA) La Poste le 1er juillet 2002, par contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de facteur.

Au dernier état de la relation contractuelle, il était positionné au grade ACC12 de la convention commune de La Poste.

Il a exercé ses fonctions au sein de la plate-forme du courrier de [Localité 6].

A la fin de l'année 2016, la direction de la plate-forme du courrier de [Localité 6] a mis en place une réorganisation des tournées de distribution.

M. [C] s'y est opposé, formulant une demande de révision de la tournée T15 qui lui était affectée, l'employeur lui répondant qu'un point serait fait après trois mois de mise en œuvre.

Le 1er février 2017, lors d'une visite auprès du médecin du travail, M. [C] a indiqué qu'il effectuait trop d'heures supplémentaires.

Le médecin du travail a rendu un avis préconisant la diminution de 20% de l'emploi, de la longueur de la tournée et des points de distribution, suite auquel la SA La Poste a dispensé M. [C] de distribution dans certaines rues de son secteur pour diminuer sa charge de travail.

Le 4 septembre 2017, le médecin du travail a indiqué que les mesures prises par la SA La Poste concernant M. [C] étaient adaptées à ses préconisations.

Le 6 février 2018, M. [C] a sollicité le médecin du travail, pour se plaindre de ses conditions de travail, et de douleurs à l'épaule et au coude, le médecin redéfinissant alors de nouvelles préconisations.

Le 1er mars 2018, M. [C] a été placé en arrêt de travail pour maladie, lequel était régulièrement prolongé jusqu'au 18 juillet 2018.

Lors de la visite de reprise, le médecin du travail a attesté que la reprise, envisagée le 19 juillet 2018, était possible sur un poste adapté.

M. [C] a été maintenu à domicile par l'employeur pendant la recherche d'un poste adapté aux restrictions formulées par le médecin du travail.

Le 1er septembre 2018, M. [C] a refusé toutes propositions de poste adapté à sa situation.

Le 3 septembre 2018, il a été placé en arrêt de travail, jusqu'au 6 novembre 2018.

Le 7 septembre 2018, à la demande de M.[C], la SA La Poste a ouvert un protocole harcèlement.

Le 7 novembre 2018, M. [C] a passé une visite de reprise où il a été jugé apte aux fonctions de facteur sans restriction d'horaires.

Le 21 novembre 2018, M. [C] a demandé que soit menée en urgence une enquête du CHSCT quant aux risques accidentels générés par une route empruntée pour sa tournée.

Le 22 novembre 2018, un protocole harcèlement a été ouvert à l'encontre de M. [C].

Du 1er décembre 2018 au 30 mars 2019, M. [C] a été placé en arrêt de travail.

M. [C] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 11 février 2019, auquel il ne s'est pas présenté.

Le 29 mars 2019, la SAS La Poste a notifié à M. [C] son licenciement pour faute grave.

Le 13 mai 2020, M. [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Valence, aux fins de contester le bien-fondé de son licenciement et obtenir les indemnités afférentes.

Par jugement du 02 septembre 2021, le conseil de prud'hommes de Valence a :

- Requalifié le licenciement pour faute grave de M. [C] en un licenciement pour cause réelle et sérieuse,

- Condamné la SA La Poste à payer à M. [C] les sommes suivantes :

- 5.737,17 € à titre d'indemnité de préavis,

- 573,71 € au titre des congés payés afférents,

- 14.661,66 € à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 900,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté M. [C] du surplus de ses demandes,

- Débouté la SA La Poste de ses demandes reconventionnelles,

- Condamné les parties par moitié aux dépens de l'instance.

La décision a été notifiée aux parties et M. [C] en a interjeté appel.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 20 décembre 2021, M. [C] demande à la cour d'appel de :

« - Recevoir M. [C] en son appel et l'y déclarer bien fondé,

Y faisant droit,

- Infirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a :

- Condamné la SA La Poste à payer à M. [C] les sommes suivantes :

- 5.737,17 € à titre d'indemnité de préavis ;

- 573,71 € au titre des congés payés afférents ;

- 14.661,66 € à titre d'indemnité légale de licenciement ;

- 900,00 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Débouté la SA La Poste de ses demandes reconventionnelles ;

Statuant à nouveau,

Sur la discrimination syndicale et/ou le harcèlement moral

- Dire et juger que la SA La Poste s'est rendue coupable d'agissements de discrimination syndicale et/ou de harcèlement moral à l'encontre de M. [C],

- Condamner en conséquence, la SA La Poste, à payer à M. [C] les sommes suivantes :

- 3.824,78 € à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de prévention des risques professionnels en matière de discrimination syndicale et/ou de harcèlement moral ;

- 7.649,56 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral causé par les agissements de discrimination syndicale et/ou de harcèlement moral ;

A titre subsidiaire,

- Dire et juger que la SA La Poste a manqué à son obligation de prévention des risques professionnels en ce qui concerne M. [C],

- Condamner en conséquence la SA La Poste à payer à M. [C] la somme de 3.824,78 € à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de prévention des risques professionnels,

Sur le licenciement pour faute grave nul ou sans cause réelle et sérieuse

- Dire et juger que le licenciement pour faute grave de M. [C] est nul ou sans cause réelle et sérieuse,

Sur la réintégration de M. [C] en cas de licenciement nul pour cause de discrimination syndicale - Ordonner la réintégration de M. [C] dans son emploi de facteur,

- Condamner en conséquence, la SA La Poste à payer à M. [C] la somme de 63.108,87 € à titre d'indemnité d'éviction dû entre le 30/03/2019 et le 29/12/2021,

- Dire et juger que cette indemnité d'éviction sera augmentée du montant des rémunérations que M. [C] aurait dû percevoir entre le 30/12/2021 et la date effective de sa réintégration,

- Ordonner à la SA La Poste de remettre à M. [C] un bulletin de paie conforme au jugement à intervenir,

- Assortir cette mesure d'injonction d'une astreinte de 50,00 € par jour de retard passé le délai de huitaine suivant la notification du jugement à intervenir ;

- Se réserver la liquidation de cette astreinte ;

Sur la réintégration de M.[C] en cas de licenciement nul pour cause de harcèlement moral

- Ordonner la réintégration de M. [C] dans son emploi de facteur ;

- Condamner en conséquence, la SA La Poste à payer à M. [C] la somme de 22.131,64 € nets à titre d'indemnité d'éviction dû entre le 30/03/2019 et le 29/12/2021, diminuée des revenus de remplacement,

- Dire et juger que cette indemnité d'éviction sera augmentée du montant des rémunérations que Monsieur [S] [C] aurait dû percevoir entre le 30/12/2021 et la date effective de sa réintégration, diminué des revenus de remplacement,

- Ordonner à la SA La Poste de remettre à M. [C] un bulletin de paie conforme au jugement à intervenir,

- Assortir cette mesure d'injonction d'une astreinte de 50,00 € par jour de retard passé le délai de huitaine suivant la notification du jugement à intervenir,

- Se réserver la liquidation de cette astreinte,

A titre subsidiaire, sur l'indemnisation d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse

- Condamner la SA La Poste à payer à M. [C] la somme de 32.510,63 € nets de CSG et de CRDS à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,

- Ordonner à la SA La Poste de remettre à M. [C] les documents sociaux suivants :

- Un bulletin de paie conforme au jugement à intervenir ;

- Un certificat de travail rectifié mentionnant une date de sortir au 29/06/2019, au lieu du 29/03/2019 ;

- Une attestation d'employeur destinée à Pôle emploi rectifiée ;

- Assortir cette mesure d'injonction d'une astreinte de 50,00 € par jour de retard passé le délai de huitaine suivant la notification du jugement à intervenir ;

- Se réserver la liquidation de cette astreinte ;

Sur les frais de procédure

- Condamner la SA La 'Poste à payer à M. [C] la somme de somme de 3.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens. »

Par conclusions en réponse notifiées par voie électronique le 1er mars 2022, la SA La Poste demande à la cour d'appel de :

« Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a :

- Débouté M.[C] de ses demandes au titre du harcèlement moral et de la discrimination,

- Débouté M.[C] de ses demandes au titre de l'obligation de prévention des risques professionnels,

- Débouté M. [C] de ses demandes au titre d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Refusé d'écarter des débats la pièce adverse n°73

- Requalifié le licenciement pour faute grave en un licenciement pour cause réelle et sérieuse,

- Condamné la SA La Poste à payer à M. [C] les sommes suivantes :

- 5.737,17 € à titre d'indemnité de préavis,

- 573,71 € au titre des congés payés afférents,

- 14.661,66 € à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 900,00 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Débouté la Sa La Poste de ses demandes reconventionnelles,

Statuant à nouveau :

- Dire et juger que la pièce adverse n°73 doit être écartée des débats,

- Dire et juger le licenciement pour faute grave bien-fondé,

En tout état de cause :

- Débouter M. [C] de l'intégralité de ses demandes,

- Accueillir la demande reconventionnelle de l'employeur et condamner M. [C] à lui verser 3 000 € au titre de l'article 700 CPC »

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 26 septembre 2023.

L'affaire, appelée à l'audience du 30 octobre 2023, a été mise en délibéré au 19 décembre 2023.

SUR QUOI :

Sur la demande tendant à voir écarter la pièce n°73 :

En application des articles 9 et 16 du code de procédure civile, il appartient au juge d'écarter toute pièce obtenue de manière déloyale, notamment lorsqu'elle est susceptible de résulter d'une infraction pénale.

L'article L.226-13 du code pénal dispose que :

« La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende »

L'article R.8124-22 du code du travail précise que :

« Soumis au devoir de discrétion professionnelle, les agents du système d'inspection du travail s'abstiennent de divulguer à quiconque n'a le droit d'en connaître les informations dont ils ont connaissance dans l'exercice de leurs fonctions, sous réserve de l'article 8 de la loi n° 20161691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ».

L'article R.8124-23 du même code indique que :

« Les agents sont soumis au secret professionnel dans les conditions prévues par la loi »

L'article 311-6 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : « Ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs :

1° Dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, au secret médical et au secret des affaires, lequel comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles et est apprécié en tenant compte, le cas échéant, du fait que la mission de service public de l'administration mentionnée au premier alinéa de l'article L. 300-2 est soumise à la concurrence ;

2° Portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable ;

3° Faisant apparaître le comportement d'une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice.

Les informations à caractère médical sont communiquées à l'intéressé, selon son choix, directement ou par l'intermédiaire d'un médecin qu'il désigne à cet effet, dans le respect des dispositions de l'article L. 1111-7 du code de la santé publique. »

En l'espèce, la SA La Poste soutient que M. [C] produit aux débats un courrier du 26 juin 2020 qui lui a été adressé par l'inspection du travail, lequel n'est que le « copier-coller » d'une lettre d'observations adressée par ce même inspecteur à l'employeur, dont le contenu avait vocation à rester confidentiel et couvert par le secret professionnel, de sorte qu'elle doit être écartée.

Or la cour constate que si la lettre litigieuse adressée par l'inspection du travail à M.[C] le 26 juin 2020 reprend in extenso les observations figurant dans un autre courrier adressé le même jour par l'inspecteur du travail à la SA La Poste, M. [C] ne commet aucune infraction pénale en la communiquant, puisqu'il est intéressé par le contenu de cette lettre qui lui a été adressée directement, au même titre que la société La Poste, et qu'il n'a pas la qualité de tiers au sens des dispositions précitées.

La demande de la SA La Poste est donc rejetée, par confirmation du jugement entrepris.

Sur la discrimination syndicale :

D'une première part, il résulte de l'article 1132-1 du code du travail qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison notamment de ses activités syndicales.

L'article 1er de la loi du 27 mai 2008 dispose :

Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son origine, de son sexe, de sa situation de famille, de sa grossesse, de son apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son patronyme, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, de son état de santé, de sa perte d'autonomie, de son handicap, de ses caractéristiques génétiques, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable.

Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés.

La discrimination inclut :

1° Tout agissement lié à l'un des motifs mentionnés au premier alinéa et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant;

2° Le fait d'enjoindre à quiconque d'adopter un comportement prohibé par l'article 2.

En application de l'article L 2141-5 du code du travail, il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

Cette interdiction doit être entendue de manière large : elle s'applique non seulement aux discriminations syndicales protégeant toute personne ayant une activité syndicale mais aussi aux discriminations exercées en raison d'un mandat représentatif que le salarié soit syndiqué ou non.

Aux termes de l'article L.1134-1 du même code, il appartient en cas de litige au salarié concerné de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008, et il incombe alors à l'employeur, au vu des éléments ainsi produits, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

L'appréciation des éléments doit être globale de sorte que les éléments produits par le salarié ne doivent pas être analysés isolément les uns des autres.

L'existence d'une discrimination n'implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d'autres salariés.

Si l'interdiction des discriminations en raison des activités syndicales ainsi que les obligations résultant du principe d'égalité de traitement sont distinctes par leur objet, la méconnaissance concomitante de chacune d'elles n'ouvre droit à des réparations spécifiques que dans la mesure où cette méconnaissance entraîne des préjudices distincts.

Selon l'article L.1333-3 du même code, les différences de traitement fondées sur l'inaptitude constatée par le médecin du travail en raison de l'état de santé ou du handicap ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectives, nécessaires et appropriées.

D'une seconde part, l'article L 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

La faute grave est définie comme celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.

La charge de la preuve de la faute grave incombe à l'employeur, qui doit prouver à la fois la faute et l'imputabilité au salarié concerné.

La procédure pour licenciement pour faute grave doit être engagée dans un délai restreint après la découverte des faits.

En vertu de l'article L 1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement fixe les termes du litige.

Au cas d'espèce, M. [C] soutient qu'il a été victime de discrimination commis par la Direction de la Plateforme de Courrier de [Localité 6] à raison de son appartenance syndicale et de son militantisme syndical.

Il avance, comme éléments laissant supposer l'existence d'une discrimination à raison de ses activités syndicales, les faits suivants :

- L'employeur a refusé de réviser la tournée T15 qui lui était affectée, pour remédier à la réalisation d'heures supplémentaires prohibées par le médecin du travail en raison des problèmes de santé du salarié et de sa grande fatigabilité.

- La SA La Poste a refusé de le réintégrer après ses différents arrêt maladie, à son poste de facteur sur la tournée dont il était titulaire, en lui imposant des horaires décalés.

- La SA La Poste a décidé unilatéralement du changement de moyen de locomotion, puis du changement de tournée.

- La SA La Poste a refusé d'instruire le protocole de prévention harcèlement moral qu'il a déclenché le 7 septembre 2018.

- La SA La Poste lui a notifié son licenciement pour faute grave.

2-1 Sur le motif prohibé de discrimination syndicale :

Pour que le régime de la preuve applicable à la discrimination syndicale soit retenu, il incombe au préalable au salarié de démontrer que son employeur avait connaissance de son appartenance syndicale ou de ses activités syndicales.

Aussi il convient de préciser que l'interdiction définie par l'article L 2141-5 du code du travail inclut les discriminations exercées en raison d'un mandat représentatif du personnel que le salarié soit syndiqué ou non.

En l'espèce, M. [C] justifie avoir été nommé membre du conseil de la caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme, en tant que représentant suppléant des assurés sociaux, sur désignation de la confédération générale du travail (CGT) par arrêté préfectoral en date du 26 avril 2016. Il soutient qu'il avertissait ainsi sa supérieure Mme [T] de ses absences pour se rendre aux réunions de la CPAM, laquelle confirme avoir eu connaissance de ce mandat en indiquant « Ancienne responsable de Mr [S] [C] de mars 2016 à novembre 2017, je vous informe avoir eu connaissance de son mandat d'administrateur au sein de la CPAM ». M.[C] produit en outre des courriels relatifs à des réunions auxquelles il a assisté, notamment les 14 octobre 2016 à 14h ou le 13 décembre 2016.

M. [C] justifie aussi qu'il était militant syndical depuis plusieurs années, tant au syndicat départemental Force Ouvrière jusqu'en 2017, qu'au syndicat SUD PTT 26/07/42.

Plusieurs personnes, collègues ou militants, notamment M. [I], Mme [Y], M. [E] et Mme [K] confirment qu'à ce titre, il apportait conseil et assistance à ses collègues, et que la direction était informée de son appartenance syndicale.

Le 13 mars 2018, Mme [X], a d'ailleurs adressé un courrier au nom du secrétariat Sud PTT 26/07 au directeur en charge du site de distribution de courrier de [Localité 6], l'alertant sur les conditions de travail des agents, en rappelant que M.[S] [C] est militant syndical depuis de nombreuses années.

En outre, par courrier de l'inspecteur du travail le 11 juin 2018 et de l'avocat du salarié le 27 juillet 2018, il a été rappelé à la société La Poste le mandat d'administrateur de la CPAM de M. [C].

Dès lors, la SA La Poste soutient à tort qu'elle n'était pas informée du mandat d'administrateur externe au sein de la CPAM de M. [C], et qu'il l'aurait évoqué pour la première fois par voie de conclusions, outre qu'elle était informée de sa qualité de militant syndical.

2-2 Sur les faits avancés par le salarié :

2-2-1 Sur le fait d'avoir subi une situation de surcharge de travail :

D'une première part, M. [C] justifie, ce qui n'est pas contesté, qu'à la fin de l'année 2016, la direction de la plate-forme du courrier de [Localité 6] a mis en place une réorganisation des tournées de distribution dont celle de M. [C], qui a sollicité la révision de la tournée qui lui était attribuée.

Il produit ainsi un courrier adressé par son employeur le 9 décembre 2016, lui indiquant que sa demande de révision de tournée serait instruite à l'issue d'un bilan de trois mois, soit à la mi-janvier 2017.

D'une deuxième part, M. [C] justifie de ce que le 9 décembre 2016, le médecin du travail, Mme [A], a adressé une recommandation à la SA La Poste, d'éviter d'imposer à M. [C] de réaliser des heures supplémentaires en raison d'une grande fatigabilité liée à une hypertension artérielle et un diabète insulino-dépendant. Elle indique ainsi « le respect des horaires réguliers et de la pause repas est strict, les heures supplémentaires sont à éviter le plus possible ».

D'une troisième part, M. [C] démontre qu'en dépit des recommandations du médecin, il continuait de réaliser des heures supplémentaires.

Ainsi, il produit le compte rendu de ses examens devant le médecin du travail, lequel indique que le salarié « vient lui dire qu'il continue de faire des heures supplémentaires malgré ma demande », le 1er février 2017, « me dit qu'il fait beaucoup d'heures supplémentaires » le 6 février 2018.

Aussi, M. [C] produit son relevé d'heures du mois de janvier 2018, lequel met en évidence un dépassement journalier de 20 min à 2 h.

Il justifie en outre que cette situation de surcharge a été signalée à l'inspecteur du travail M. [N] par plusieurs salariés, faisant état d'une situation de souffrance au travail liée à la durée des tournées et à la réalisation répétée d'heures supplémentaires, lequel a écrit à l'employeur le 12 février 2018.

Dans un courrier en date du 11 juin 2018, l'inspecteur du travail rappellera d'ailleurs à l'employeur que la procédure de révision de la tournée de M. [C] avait alors mis en évidence un dépassement de 38 minutes.

Mme [Y], titulaire d'une autre tournée, atteste elle aussi avoir demandé la révision de sa tournée suite à la réorganisation, et avoir subi, comme M. [C], une situation de surcharge liée à cette réorganisation, sans que la société La Poste ne prenne de mesures effectives durables pour remédier à la situation.

Il résulte donc de l'ensemble de ces éléments que M. [C] justifie avoir réalisé régulièrement des heures supplémentaires et signalé à plusieurs reprises à son employeur, au médecin du travail et à l'inspection du travail une situation de surcharge au travail, entre le début de l'année 2017 et le mois de février 2018.

2-2-2 Sur le fait d'avoir modifié les horaires de travail de M. [C] :

Il convient de rappeler que les horaires collectifs de travail applicables au sein de l'établissement de [Localité 6], pour les salariés du service de distribution, commençaient à 06h50 pour finir à 13h11.

Le 6 février 2018, suite à un examen médical de M. [C], le médecin du travail a préconisé l'organisation d'une tournée réservée ne devant pas dépasser 5h20 par jour (travaux intérieurs et extérieurs) au lieu de 6h20, en contre-indiquant une prise de poste avant 6h45 et l'utilisation des moyens de locomotion 3RM, VAE, quadéo.

Le 12 février 2018, l'employeur a adressé un courrier à M. [C], en lui indiquant qu'en raison des préconisations du médecin, il serait, à compter du 5 mars 2018, toujours affecté sur la tournée T15, mais avec des horaires du lundi au vendredi de 9h00 à 15h15, et le samedi, de 8h45 à 14h00, ces horaires comprenant une pause méridienne à son domicile de 12h à 12h45.

Or M. [C] justifie que son médecin traitant, le docteur [P] [M] a établi deux certificats médicaux, les 9 mars et 27 juillet 2018, indiquant notamment dans le premier que « M. [C] a adapté son mode de vie et de traitement, impactés par le diabète, à ses horaires de travail, fixes depuis de nombreuses années, avec un bon résultat sur sa santé. Il faut absolument conserver ces horaires, en particulier un travail tôt le matin finissant tôt dans la journée, sans pause méridienne. ».

De même, par courriers du syndicat Sud PTT 26/07/42 le 13 mars 2018, de l'inspecteur du travail le 11 juin 2018 et de l'avocat du salarié le 27 juillet 2018, il a été demandé à la société La Poste de revenir sur la modification d'horaires, en rappelant notamment que M. [C] était un salarié protégé et que la modification de ses horaires s'analysait en une modification de son contrat de travail qui ne pouvait lui être imposée.

La société La Poste, arguant alors de ce qu'elle venait d'être informée du mandat d'administrateur à la CPAM de M. [C] et de son statut de salarié protégé, lui a adressé un courrier le 2 août 2018, en lui indiquant qu'elle lui proposait les mêmes aménagements horaires, qu'il a refusés par courriel du 9 août 2018.

La société La Poste lui a alors proposé, par courrier du 27 août 2018, de nouveaux aménagements horaires, soit de 8h45 à 14h10 du lundi au vendredi, et de 8h45 à 14h00 le samedi, avec une pause méridienne à son domicile de 12h à 12h45, cet aménagement ayant été validé par le médecin du travail, qu'il a de nouveau refusés par courrier du 1er septembre 2018, la SA La Poste l'invitant en réponse à rester à son domicile à compter de l'issue de son arrêt maladie.

Il est donc démontré que la SA La Poste a modifié les horaires de M. [C].

2-2-3 Sur le fait d'avoir modifié la tournée de M. [C] :

M. [C] justifie qu'à l'issue de sa visite de reprise, le 7 novembre 2018, le médecin du travail a indiqué que « Le retour au travail sur un poste de facteur est compatible avec l'état de santé. Le départ en distribution est possible en 4RM automatique, les distributions 3RM, VAE, Quadeo, piétonne restent contre-indiqués pour une durée indéterminée ».

Le lendemain, jour de sa reprise, M. [F], directeur du site, a adressé à M. [C] une proposition temporaire de poste sur la tournée 76 au motif que la tournée T15 dont il était titulaire était une tournée en Staby, non compatible avec son état de santé, l'invitant à rester à son domicile dans l'attente de sa réponse.

Par courriel du même jour, M. [C] a refusé cette proposition, rappelant que la tournée T15 dont il est titulaire s'effectuait en 4RM automatique lorsqu'il était en activité, et contestant la décision de l'employeur de le maintenir à domicile en attendant son affectation.

Or il résulte d'un courriel adressé par l'inspecteur du travail à M.[F] le 9 novembre 2018 que :

- L'employeur a unilatéralement mis en place le Staby sur la tournée T15, sans que ce sujet n'ait été évoqué précédemment,

- Le CHSCT a été consulté postérieurement à cette décision, suite à un signalement de M.[I] faisant d'ailleurs valoir la dangerosité de cette tournée en Staby

- Le procès-verbal du CHSCT de la PDC de [Localité 6] du mercredi 6 octobre 2018 mentionne que d'une part le Staby est adapté sur la tournée T15, et que d'autre part le président M.[F] a confirmé aux membres du CHSCT que « lors de son retour, le titulaire de la tournée 15 se fera bien en voiture conformément aux préconisations du médecin du travail le concernant. »

Or par courriel du 20 novembre 2018, adressé en copie à l'inspecteur du travail, l'employeur a demandé à M. [C] de se présenter le 21 novembre 2018 à la PDC de [Localité 6] pour sa prise de service sur la tournée T76, ses horaires étant de 6h50 à 13h11, en lui précisant que cette tournée répondait à son engagement contractuel et ne correspondait pas à une proposition de poste, de sorte que s'il ne se présentait pas, il serait considéré en absence injustifiée.

M. [C] justifie ainsi qu'en remplaçant durant son absence le véhicule 4RM utilisé initialement sur la tournée T15, par un véhicule Staby 3RM, non compatible avec les préconisations du médecin du travail, l'employeur a modifié sa tournée.

2-2-4 Sur le fait de ne pas avoir instruit le protocole de prévention harcèlement moral déclenché par M. [C] le 7 septembre 2018 :

M. [C] justifie avoir, le 7 septembre 2018, sollicité la mise en place d'un protocole d'intervention relatif au harcèlement moral concernant M.[F], son directeur.

Or en réponse à une demande de l'inspection du travail, la société La Poste lui a indiqué par courriel du 19 octobre 2018, qu'au regard des éléments inscrits dans la requête de M. [C], ce dossier devait être mené par des personnes travaillant au siège de la branche service courrier colis de La Poste, lesquels lui avaient demandé des éléments complémentaires qu'elle devait leur transmettre la semaine suivante, afin qu'ils puissent entamer la procédure.

Aussi, dans le courrier adressé au salarié le 26 juin 2020, l'inspecteur du travail relève que l'instruction du protocole de harcèlement moral déposé le 7 septembre 2018 par M. [C] n'a finalement débuté qu'au mois de décembre 2018 après 12 semaines d'attente, alors que le Bulletin Ressources Humaines (BRH) qui encadre cette procédure, prévoit un délai impératif de traitement de 10 semaines maximum.

Dans ce même courrier, l'inspecteur relève en outre plusieurs irrégularités dans la mise en œuvre de ce protocole, et notamment que :

- M.[W] a instruit seul ce protocole, en violation des règles édictées par le BRH prévoyant la mise en place d'un groupe pluridisciplinaire, piloté par le DRH et constitué d'un assistant social et du médecin du travail,

- en l'absence de groupe pluridisciplinaire, M. [W] a rédigé son rapport de synthèse sans avoir réuni au préalable « tous les acteurs ayant mené les entretiens avec les personnes concernées » en vue de procéder à une évaluation globale, de recueillir leurs avis et leurs propositions de mesures à mettre en œuvre,

- M. [C] n'a pas fait l'objet de mesures de protection, tandis qu'il s'est vu muter à titre conservatoire le 30 novembre 2018, suite au dépôt du protocole de harcèlement de M. [O],

- M.[W] n'a pas entendu les quatre témoins que M. [C] lui avait présentés.

Dès lors, M. [C] caractérise l'absence d'instruction du protocole de prévention harcèlement moral qu'il avait déclenché le 7 septembre 2018, conformément à la procédure prévue par le Bulletin Ressources Humaines.

2-2-5 Sur le licenciement :

M. [C] établit que la SA La Poste l'a convoqué le 18 janvier 2019 à un entretien préalable en vue d'une éventuelle sanction pouvant aller jusqu'au licenciement, qu'elle a fixé au 11 février 2019.

Elle l'a ensuite licencié le 29 mars 2019, pour faute grave, lui reprochant d'avoir exercé une pression constante sur un collègue de travail, d'avoir volontairement percuté le véhicule d'une autre collègue de son service qu'il aurait au préalable invectivée de façon autoritaire et méprisante, et d'avoir mal exécuté sa mission.

M. [C] conteste le bien-fondé de l'ensemble des griefs qui lui sont reprochés, et soutient que la décision de rompre son contrat de travail, prise dans un contexte de tension avec son employeur sur les modalités de reprise de son activité, a été prise en considération de ses activités syndicales.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que M. [C] établit la matérialité de faits qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une discrimination dont il fait grief à son employeur à raison de ses activités syndicales s'agissant du fait de ne pas avoir remédié à une situation de surcharge de travail, d'avoir modifié ses horaires de travail et sa tournée, de ne pas avoir instruit le protocole harcèlement qu'il avait déclenché le 7 septembre 2018, et au fait de l'avoir licencié.

2-3 Sur les éléments de justification présentés par l'employeur :

2-3-1 Sur le fait de ne pas avoir remédié à une situation de surcharge de travail :

La SA La Poste conteste ne pas avoir remédié à la situation de surcharge de travail de M. [C], affirmant qu'au contraire, elle a prévu trois aménagements successifs de la tournée T15, afin de réduire la charge de travail de M. [C], tous avalisés par le médecin du travail.

D'une première part, elle démontre que lorsque le médecin du travail a préconisé un allégement de 20 %, à compter du 1er février 2017, elle a réalisé une étude de l'aménagement de la tournée T15, aboutissant à supprimer des rues.

La cour d'appel observe d'ailleurs que M. [C] a été partie prenante de cette réflexion, puisque dans un courriel en date du 10 février 2017, il est mentionné que « suite à son entretien avec [L], M. [C] propose une variante ».

Il est donc manifeste que la tournée de M. [C] a été diminuée de 20 %, le médecin du travail indiquant d'ailleurs, lors de l'examen réalisé le 04 septembre 2017 « actuellement fait 20% de ' avec 1 4RM (c'est une tournée 3 RM en fait) et cela va bien. On me demande de le revoir dans quelque temps /pérennité de ma demande de ( ') de 20 %, cela va-t-il être reconduit ' (a priori oui) (') »

Pour autant, l'examen des bulletins de salaire de M. [C] démontre qu'en dépit de cette diminution de sa tournée, il a continué à réaliser des heures supplémentaires, chaque mois à compter du mois de février 2017, ( 41,92 h au mois de février 2017, 10,67 h au mois de mars 2017, 27,67 h au mois d'avril 2017, 11,09 h au mois de mai 2017, 14,08 h au mois de juin 2017, 9,08 h au mois de juillet 2017, 4 heures au mois d'août 2017, 18,34 h au mois d'octobre 2017, 9,17 h au mois de novembre 2017), étant observé par comparaison, que du mois de janvier 2016 au mois d'octobre 2016, il faisait une moyenne de 4/5 h supplémentaires chaque mois.

En outre, dans un courrier en date du 11 juin 2018, l'inspecteur du travail a rappelé que la procédure de révision de la tournée de M. [C] avait mis en évidence un dépassement de 38 minutes.

Dès lors, force est de constater qu'en dépit de la demande expresse du médecin du travail le 1er février 2017, M. [C] a continué de réaliser des heures supplémentaires, de sorte que les mesures prises par l'employeur étaient manifestement insuffisantes, ce qu'il ne pouvait ignorer puisque durant une année, il a continué à payer au salarié des heures supplémentaires.

D'une deuxième part, la SA La Poste soutient avoir pris de nouvelles mesures lorsque le médecin du travail a préconisé, le 6 février 2018, de limiter la durée du travail de M. [C], de prohiber les prises de poste matinales avant 6h45 et recommandé la réalisation des tournées en véhicule 4RM.

Cependant, l'aménagement alors décidé par la SA La Poste n'a jamais été appliqué, M. [C] ayant été placé en arrêt de travail pour maladie ordinaire de façon quasi-continue du 1er mars 2018 au 18 juillet 2018, à l'exception de deux jours les 8 et 10 et mars 2018.

Ainsi, la SA La Poste échoue à démontrer qu'entre les mois de février 2017 et février 2018, les mesures prises pour remédier à la surcharge de travail du salarié, manifestement insuffisantes, étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination liée à ses activités syndicales.

2-3-2 Sur la modification des horaires de travail de M. [C] :

La SA La Poste affirme que les modifications d'horaires proposées à M. [C] ne sont que la conséquence de l'application des restrictions du médecin du travail.

Elle produit ainsi un courriel adressé au médecin du travail le 27 août 2018, lui soumettant la proposition d'adaptation de poste de M. [C], sur la tournée T15, prévoyant des horaires de 8h45 à 14h15 du lundi au vendredi, et de 8h45 à 14h00 le samedi, avec une pause méridienne à son domicile de 12h à 12h45, sur laquelle le médecin a répondu que cette proposition d'adaptation « est compatible avec l'état de santé de M. [C] »

Pour autant, la cour constate que si l'amplitude horaire est effectivement conforme aux préconisations du médecin du travail, force est de constater que la SA La Poste n'explique et a fortiori ne justifie par aucune pièce ni aucun élément objectif, les raisons pour lesquelles le choix a été fait de décaler les horaires du salarié.

En effet, la SA La Poste indique qu'il a été prévu une prise de poste plus tardive (8h45 contre 6h50 en horaire collectif), afin de permettre la prise d'un petit déjeuner compte tenu de la pathologie de l'appelant, alors qu'aucun des éléments médicaux produits aux débats ne met en avant cette préconisation. A l'inverse, il a été rappelé que le médecin traitant de M. [C] avait, par deux fois, rappelé la nécessité pour le salarié de travailler tôt le matin et de finir tôt dans la journée, sans pause méridienne.

Aussi, la cour observe que dans la dernière proposition d'aménagement faite au salarié le 20 novembre 2018, l'employeur a finalement repris ses horaires initiaux, de 6h50 à 13h11, de sorte que l'argument tiré de la nécessité de prendre un petit déjeuner est totalement inopérant.

Enfin, alors que le salarié avait signalé à son employeur que le choix d'horaires décalés l'isolait de ses collègues soumis à l'horaire collectif, l'employeur ne lui a jamais apporté aucune explication ni justification sur le choix opéré de décaler ses horaires.

Ainsi, la SA La Poste échoue à démontrer que la modification des horaires de tournée proposée par deux fois à M. [C], le 12 février 2018 et le 2 août 2018, était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination liée à ses activités syndicales.

2-3-3 Sur la modification de la tournée de M. [C] :

La SA La Poste conteste avoir modifié le mode de locomotion de la tournée T15 affectée à M. [C], en validant le passage en Staby 3 RM de cette tournée, afin qu'elle ne réponde plus à la préconisation du médecin du travail imposant le concernant des tournées en voiture, ce qui par suite, permettait de justifier de lui affecter une autre tournée.

Elle produit ainsi le procès-verbal de réunion du CHSCT du 6 octobre 2018, validant le passage en Staby de la tournée T15, en raison de la dangerosité d'une distribution en véhicule 4RM, lequel indique :

« Le stationnement en voiture nécessite l'empiètement sur la voie de circulation et la sortie du véhicule, par la gauche, côté voie de circulation, pour distribuer à pied.

Le staby est donc plus approprié : il est bien équipé de warning et les phares s'allument automatiquement.

La descente peut se faire par la droite, en toute sécurité, pour distribuer à pied. »

La SA La Poste justifie en outre que cette tournée est à ce jour toujours réalisée au moyen du Staby.

Pourtant, il convient de rappeler que la tournée T15 était réalisée en véhicule 4 RM par M. [C] lorsqu'il était en activité.

Or le passage en Staby a été décidé par l'employeur avant l'avis du CHSCT du 6 octobre 2018, et durant l'arrêt maladie de M. [C], sans que l'employeur ne produise aucun élément expliquant les motifs de ce changement, validé a posteriori par le CHSCT.

En outre, contrairement à l'affirmation de l'employeur, M. [I] avait effectivement exercé son droit de retrait le 1er octobre sur la tournée T15, qu'il estimait dangereuse, mais il se trouvait déjà en Staby, de sorte que la motivation sécuritaire de l'employeur est insuffisante pour justifier le choix de ce moyen de locomotion.

Surtout, le procès-verbal de réunion du CHSCT du 6 octobre 2018 mentionne expressément que « Le président nous a certifié que lors de son retour le titulaire de la tournée 15 la fera bien en voiture conformément aux préconisations du médecin du travail, le concernant. ».

L'inspecteur du travail a d'ailleurs rappelé à l'employeur, le 8 novembre 2018, qu'il devait réintégrer M. [C] à son poste, avec usage d'une voiture.

Enfin, M.[I] a constaté, et mentionné sur le registre d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le 14 novembre 2018, que deux facteurs avaient effectué le 13 novembre 2018 la tournée T15 en 4RM, alors que l'employeur refusait ce mode de locomotion à M. [C] et obligeait les autres « rouleurs » à effectuer cette tournée en Staby. Ainsi, cet élément sur lequel la SA La Poste n'apporte aucune explication, contredit ses affirmations sur le choix sécuritaire de ne plus permettre l'usage du véhicule 4RM sur la tournée T15.

Dès lors, il résulte de ces éléments que la SA La Poste échoue à démontrer que la modification de la tournée de M. [C], consistant à remplacer l'utilisation d'un véhicule 4RM par un véhicule Staby 3RM, rendant ainsi impossible la réintégration du salarié à son poste, était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

2-3-4 Sur le refus d'instruire le protocole de prévention harcèlement moral qu'il a déclenché le 7 septembre 2018 :

La SA La Poste justifie la prise en compte tardive du protocole harcèlement déclenché par M. [C] le 7 septembre 2018, en indiquant qu'il était absent pour maladie ou maintenu à domicile dans l'attente de l'aménagement de son poste de travail, du 3 septembre 2018 au 19 novembre 2018.

Elle ajoute que le 30 novembre 2018, M. [O] a demandé lui aussi l'ouverture d'un protocole harcèlement à l'encontre de M. [C] et qu'elle a alors décidé d'instruire conjointement les deux protocoles, qui concernaient les mêmes protagonistes.

Or il résulte du Bulletin Ressources Humaines de la Poste du 1er juillet 2014, relatif à la prévention et au traitement des situations de harcèlement sexuel et moral produit aux débats, que :

- suite à une demande dénonçant un harcèlement moral présumé, la phase d'analyse de la situation, la réunion de synthèse et la restitution des conclusions de l'analyse à la victime présumée et à la personne désignée doivent se dérouler dans un délai de dix semaines hors cas d'urgence,

- l'analyse de la situation se déroule sous la responsabilité du directeur du NOD qui met en place un groupe pluridisciplinaire. Il est piloté par le Directeur des ressources humaines et constitué de l'assistant social et du médecin du travail et le cas échéant d'un responsable RH.

Or en l'espèce, contrairement aux dispositions précitées, aucune mesure n'a été prise s'agissant du protocole harcèlement déclenché le 7 septembre 2018 par M. [C] avant le mois de décembre 2018, soit durant douze semaines.

Et la SA La Poste ne peut se contenter de faire valoir que le salarié était en maladie ou absent pour justifier sa carence, alors que l'absence de M. [C] n'empêchait pas le déclenchement de l'intervention, et qu'en tout état de cause, à compter du 7 novembre 2018, M. [C] était apte à reprendre son travail, mais maintenu à domicile à la demande de son employeur.

En outre, la SA La Poste n'apporte aucune explication au fait que l'analyse du protocole harcèlement a été pilotée uniquement par M.[W], en charge des relations sociales au service de La Poste, et qu'aucune équipe pluridisciplinaire n'a été mise en place.

Ainsi, il résulte de l'ensemble de ces éléments que la SA La Poste échoue à démontrer que le refus d'instruction du protocole harcèlement déclenché par M. [C] dans les délais et selon les modalités imparties, était justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination liée à ses activités syndicales.

2-3-5 Sur le licenciement :

En l'espèce, la SA La Poste affirme que la décision de licencier le salarié, prise aux motifs que l'employeur lui reproche d'avoir exercé une pression constante sur un collègue de travail, M.[O], d'avoir volontairement percuté le véhicule d'une autre collègue de son service Mme [J], assistante RH, le 29 novembre 2018, qu'il aurait au préalable invectivée de façon autoritaire et méprisante, et d'avoir commis des faits de négligence dans l'exercice de ses fonctions, est justifiée, et étrangère à toute discrimination.

- Sur le grief reproché au salarié d'avoir exercé une pression constante sur un collègue de travail,

La SA La Poste produit un courriel adressé le 23 novembre 2018 par M. [O] à sa direction, indiquant que la veille, M. [C] a tenu des propos menaçants sur les suites de son affectation sur la tournée 76. M. [O] indique ainsi que M. [C] a déclaré : « Etant donné que je fais partie d'une commission juridique, je connais mes droits et je sais que je vais revenir sur la tournée en 15 en voiture'De plus comme Mr le directeur a voulu s'en prendre en moi, il a réveillé le diable qui est en moi. Il va en subir les conséquences, ce sera lui ou moi et je sais que je suis dans mes droits et que je vais gagner »

La SA La Poste produit en outre une attestation établie par M. [O] le 27 février 2019, dans laquelle il indique « ['] je tiens à vous faire part des difficultés et du mal être qu'a engendré l'attitude néfaste de Monsieur [C] dans mon travail.

Il s'avère que je travaille à LA POSTE depuis 18 ans, je suis passé par les fonctions de facteur, FE, FQ encadrant et maintenant responsable mais jamais je n'étais arrivé à un tel degré de lassitude et de dégoût dans mon métier. ['] A peine arrivé sur le site qu'il faut lui dire et lui réexpliquer ce qu'on attend d'un facteur, il faut aller voir le cahier CHSCT pour constater ses écrits, qui soit dit en passant sont à l'encontre de la personne qui lui dit ce qu'il doit faire [sic : Monsieur [O] lui-même], puis à la fin des mails à chaque fin de tournée.

Tout cela mis bout à bout, j'ai fini par perdre le sommeil, perdre mon optimisme, ne plus croire en personne, m'énerver de rien et tout simplement avoir envie de changer de métier. La pression constante que met Monsieur [C] sur les différentes personnes qu'il croise quotidiennement engendre une fatigue et le ras-le bol s'installe insidieusement dans la vie des personnes les plus investies.

Voilà pourquoi j'ai dû baisser les bras en cette fin novembre et aller voir mon Médecin le 30 novembre pour un arrêt de 15 jours. ».

La SA La Poste produit enfin un arrêt de travail de M. [O] d'une durée de 15 jours en date du 30 novembre 2018.

La SA La Poste rappelle que M. [O] a lui aussi sollicité l'ouverture d'un protocole harcèlement de la part de M. [C] le 30 novembre 2018, qu'elle a instruit en parallèle du protocole harcèlement initié par M. [C] le 7 septembre 2018, et dont le document de synthèse conclut que le comportement de M. [C] peut être qualifié de harcelant.

Ainsi, il résulte du document de synthèse établi par M. [W] dans le cadre de l'instruction du protocole harcèlement, que M.[O] lui a fait part d'une situation tendue avec [S] [C] suite à la mise en place de la nouvelle organisation, décrivant « des sollicitations incessantes, par mail, téléphone et en vis-à-vis, qui s'apparentent à une forme de harcèlement de la part de [S] [C] à son encontre. »

Or la cour constate que l'employeur s'appuie uniquement sur ces déclarations de M. [O] pour retenir ce grief. Il ne produit aucune pièce, aucun mail, aucun écrit, et aucun témoignage de tiers, permettant d'apprécier, le volume et/ou la nature des pressions exercées par M. [C] à l'encontre de M. [O], ni même les circonstances de leur commission.

Le manque de précision de ce grief a d'ailleurs été relevé par l'inspecteur du travail dans le courrier adressé à l'employeur le 26 juin 2020. Pour autant, la SA La Poste n'a pas davantage apporté de précisions en réponse, ni dans ses écritures, sur la nature des pressions exercées.

Dès lors, la cour d'appel retient que ce grief reproché à M. [C] n'est pas démontré.

- Sur le grief reproché, d'avoir volontairement percuté le véhicule de Mme [J], qu'il aurait au préalable invectivée de façon autoritaire et méprisante,

La SA La Poste affirme que le 29 novembre 2018, sur le parking intérieur de l'établissement de [Localité 6], avec son véhicule de service, M. [C] a enfoncé le parechoc et la plaque d'immatriculation du véhicule de Mme [J], assistante RH.

L'employeur ajoute que M. [C] utilisait de longue date un ton autoritaire et méprisant avec elle, la tenant responsable d'un litige relatif aux heures supplémentaires.

Or là encore, la cour d'appel constate que la SA La Poste ne démontre par ce grief.

En effet, elle produit uniquement un courriel adressé par Mme [J] à son employeur le 30 novembre 2018, dans lequel elle explique avoir eu une altercation en début d'année avec M. [C] concernant le paiement de ses heures supplémentaire, indiquant que « C'est lors du rappel de l'application du code du travail sur le paiement des heures supplémentaires et du règlement intérieur que nous avions eu cette altercation, utilisant un ton très autoritaire, et méprisant à mon égard que j'avais déjà mal vécu. (') ».

Mme [J] ajoute que la veille, alors que son véhicule personnel était garé sur le parking intérieur, deux collègues, M.[O] et M.[Z], sont venus lui montrer des photographies de son véhicule. Elle a alors constaté que « le véhicule de la Poste de la tournée T 76 immatriculé [Immatriculation 3] au retour de tournée était garé contre le mien nez à nez et enfonçait mon pare-chocs avant, ainsi que ma plaque d'immatriculation.

Je vis assez mal cette situation de la part de l'agent responsable de cette évènement M. [C] [S] qui ne pouvant m'attaquer directement comme cela a déjà été fait en début d'année 2018, le fait par un autre moyen de pression.

Aujourd'hui, volontairement il a percuté mon véhicule personnel et s'attaque donc à ma personne en tant que représentant de l'encadrement du PDC de [Localité 6] C'ur de Drôme (') »

Or la SA La Poste ne produit aucune pièce ni aucun élément objectif de nature à démontrer la réalité de l'altercation relatée par Mme [J] dans ce courriel, laquelle l'évoque en des termes généraux, sans aucune précision ni de date, ni de circonstances.

La cour constate en outre que la SA La Poste ne démontre pas davantage que M. [C] a percuté volontairement le véhicule de Mme [J] et l'a endommagé.

En effet, la SA La Poste produit uniquement une impression de photographie de deux véhicules, dont l'un touche l'autre au niveau du pare-choc arrière, sans qu'il en ressorte de dégâts apparents, lesquels ne sont pas justifiés par ailleurs. Elle ne produit pas davantage les attestations des deux collègues qui auraient constaté ces dégâts.

Enfin, il ne résulte nullement de cette seule image que les dégâts occasionnés sur le véhicule de Mme [J], à les supposer avérés, sont le résultat d'un comportement délibéré de M. [C].

Ce grief n'est donc pas établi.

- Sur les faits de négligence dans l'exercice de ses missions :

La SA La Poste invoque enfin la mauvaise exécution de son service par M. [C], en produisant deux réclamations d'usagers situés sur la tournée T76 affectée à M. [C], la première du 30 novembre 2018 à 13h30 indiquant que la cliente n'a pas de collecte ni de distribution de courrier depuis le 29 novembre 2018, et la seconde du 30 novembre à 14h46, pour un usager indiquant que la distribution quotidienne n'a pas été respectée.

La SA La Poste ne produit aucun autre élément au soutien de ce grief, sur lequel elle ne justifie pas de la réalisation de vérification du bien-fondé des reproches des usagers.

En outre, il ressort des pièces produites que M.[F], indique recevoir quatre réclamations de cette nature par jour sur le site.

Dès lors, à supposer les réclamations avérées, elles ne peuvent justifier à elles seules un licenciement pour faute grave, ni même un licenciement pour cause réelle et sérieuse.

La cour constate ainsi que la SA La Poste n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de faits justifiant le licenciement pour faute grave de M. [C], ni de son licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Par conséquent, la SA La Poste échoue à démontrer que la décision de rompre le contrat de travail du salarié en lui notifiant son licenciement pour faute grave, alors que les griefs retenus étaient infondés, était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination liée à ses activités syndicales.

Dans ces circonstances, eu égard aux éléments de fait, pris dans leur globalité, matériellement établis par M. [C], auxquels la SA La Poste n'a pas apporté les justifications utiles, il convient de dire, par infirmation du jugement entrepris, que le salarié a fait l'objet de discrimination syndicale à compter du mois de février 2016.

3- Sur le harcèlement moral :

L'article L.1152-1 du code du travail énonce qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1152-2 du même code dispose qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir les agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Sont considérés comme harcèlement moral notamment des pratiques persécutrices, des attitudes et/ou des propos dégradants, des pratiques punitives, notamment des sanctions disciplinaires injustifiées, des retraits de fonction, des humiliations et des attributions de tâches sans rapport avec le poste.

La définition du harcèlement moral a été affinée en y incluant certaines méthodes de gestion en ce que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en œuvre par un supérieur hiérarchique lorsqu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Le harcèlement moral est sanctionné même en l'absence de tout élément intentionnel.

Le harcèlement peut émaner de l'employeur lui-même ou d'un autre salarié de l'entreprise.

Il n'est, en outre, pas nécessaire que le préjudice se réalise. Il suffit pour le juge de constater la possibilité d'une dégradation de la situation du salarié.

A ce titre, il doit être pris en compte non seulement les avis du médecin du travail mais également ceux du médecin traitant du salarié.

L'article L 1154-1 du code du travail dans sa rédaction postérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 est relatif à la charge de la preuve du harcèlement moral :

« En cas de litige relatif à l'application des articles L 1151-1 à L 1152-3 et L 1152-3 à L 1152-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des éléments de faits qui permettent de supposer l'existence d'un harcèlement moral.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. »

La seule obligation du salarié est de présenter des éléments de faits précis et concordants, à charge pour le juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble et non considérés isolément, permettent de supposer l'existence d'un harcèlement, le juge ne pouvant se fonder uniquement sur l'état de santé du salarié mais devant pour autant le prendre en considération.

En l'espèce, la cour relève que M. [C] développe les mêmes moyens de fait au soutien de sa demande au titre du harcèlement moral, que ceux afférents à ses prétentions au titre de la discrimination.

Or la cour a relevé que M. [C] établissait la matérialité des faits qui, pris dans leur ensemble, laissaient supposer l'existence d'une discrimination, s'agissant du fait par l'employeur de ne pas avoir remédié à une situation de surcharge de travail, au fait d'avoir modifié ses horaires de travail et sa tournée, au fait de ne pas avoir instruit le protocole harcèlement qu'il avait déclenché le 7 septembre 2018, et au fait de l'avoir licencié, de sorte que ces mêmes faits, pris dans leur ensemble, peuvent laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral.

En outre, il a été jugé que la SA La Poste est défaillante à apporter la preuve, qui lui incombe que ces agissements sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Aussi, il convient de constater que l'employeur ne justifie aucun de ces comportements par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Enfin, M. [C] produit le compte rendu des examens devant le médecin du travail, lequel porte mention des visites réalisées les 1er février 2017, 4 septembre 2017 et06 février 2018, lors desquelles M. [C] a évoqué sa fatigue et ses douleurs en lien avec les heures supplémentaires réalisées. De nouvelles visites ont été réalisées les 8 mars et 11 juillet 2018, lors desquelles M. [C] a évoqué son mal être en lien avec l'impossibilité de retrouver son poste, lequel est corroboré par les courriers adressés par M. [C] tant à son employeur qu'à l'inspecteur du travail, dans lesquels il souligne son incompréhension d'être maintenu à domicile, alors qu'il souhaite retrouver son poste.

Dès lors, eu égard aux éléments de fait pris dans leur globalité matériellement établis par M. [C], auxquels l'employeur n'a pas apporté les justifications suffisantes, il convient d'infirmer le jugement entrepris et de dire que M. [C] a subi des agissements constitutifs de harcèlement moral, ayant eu pour objet ou effet une dégradation de ses conditions de travail, avec un impact sur sa santé.

4 - Sur la demande en réparation afférente à la discrimination et au harcèlement moral :

Selon l'article L 2141-8 du code du travail, les dispositions des articles L. 2141-5 à L. 2141-7 sont d'ordre public.

Toute mesure prise par l'employeur contrairement à ces dispositions est considérée comme abusive et donne lieu à dommages et intérêts.

Aux termes de l'article L. 1134-5 du code du travail, l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination. Les dommages-intérêts réparent l'entier préjudice résultant de la discrimination, pendant toute sa durée.

M. [C] sollicite l'indemnisation du préjudice moral subi à raison des agissements discriminatoires et, ensemble, du harcèlement moral subi.

La discrimination syndicale retenue constitue une atteinte à la liberté syndicale qui a valeur constitutionnelle, de sorte que le salarié est bien fondé à demander la réparation du préjudice subi du fait de cette discrimination.

Le préjudice du salarié est aggravé par le fait que M. [C] s'est trouvé, pendant plusieurs mois, soumis à une surcharge de travail, puis dans l'impossibilité d'exercer son travail à son retour d'arrêt maladie, la SA La Poste l'ayant invité à rester à son domicile à deux reprises, faute de le réintégrer dans ses missions.

Il a été relevé que ces agissements avaient entrainé une dégradation des conditions de travail du salarié, impactant sa santé.

Dès lors, compte tenu des circonstances du harcèlement et de la discriminatoire subis, précédemment décrites, de sa durée, et des conséquences dommageables qu'il a eues pour M. [C] telles qu'elles ressortent des pièces et des explications fournies, le préjudice moral en résultant doit être réparé par l'allocation de la somme de 7 600 euros net à titre de dommages-intérêts. Le jugement est infirmé de ce chef.

5 - Sur le manquement à l'obligation de prévention :

Selon l'article L. 1152-4 du code du travail, l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

Selon l'article L.4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés. Ainsi, l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des salariés dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité.

Sa responsabilité ne peut ainsi être écartée que s'il a mis en oeuvre toutes les mesures de prévention prévues par les articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail, notamment les actions de formation et d'information, et a mis fin au harcèlement dès qu'il en a été avisé.

En l'espèce la SA La Poste ne démontre pas avoir pris toutes les mesures de prévention nécessaires pour éviter le dommage subi par le salarié.

Il a été relevé que lorsque M. [C] a déclenché le protocole harcèlement le 7 septembre 2018, la SA La Poste n'a pas respecté la procédure d'instruction prévue par le Bulletin Ressources Humaines de La Poste du 1er juillet 2014, relatif à la prévention et au traitement des situations de harcèlement sexuel et moral.

Ainsi, et contrairement aux préconisations de cette procédure, la SA La Poste n'a entrepris aucune mesure pendant 12 semaines, soit près de trois mois, outre que l'analyse de ce protocole a été pilotée uniquement par une seule personne, en charge des relations sociales au service de la Poste, et aucune équipe pluridisciplinaire n'a été mise en place.

Enfin, M. [W] s'est contenté d'entendre les personnes ayant déclenché le protocole, sans procéder à aucune audition de tiers ni étayer ses constatations par des éléments objectifs.

Dès lors, il résulte de ces éléments que faute de preuve de mesures sérieuses et suffisantes prises par l'employeur, le manquement à son obligation de prévention des agissements de harcèlement moral est établi.

En effet, M. [C] a été confronté à une situation de souffrance au travail et à une dégradation de ses conditions de travail que l'employeur s'est montré incapable d'empêcher.

Or le manquement à cette obligation de prévention édictée par l'article L. 1152-4 du Code du travail ouvre droit à réparation d'un préjudice distinct de celui résultant des agissements de harcèlement moral et discriminatoires.

Au regard de la durée d'emploi du salarié et de la réalisation du risque, le salarié justifie d'un préjudice certain qu'il convient de réparer par l'octroi d'une indemnité de 3800 euros net à titre de dommages et intérêts.

Le jugement déféré est donc infirmé de ce chef.

6 - Sur la nullité de la rupture du contrat de travail :

L'article L. 1132-4 prévoit que tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance des dispositions du présent chapitre est nul.

Selon l'article L 1235-1 du même code, l'article L. 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

En application de ces dispositions, le salarié dont le licenciement est nul et qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction de l'entreprise et sa réintégration, sans déduire les éventuels salaires ou revenus de remplacement perçus pendant cette période. (Cass.Soc 09 juillet 2014 n°13-16.434).

La cour a retenu que M. [C] a été victime de discrimination et de harcèlement moral au cours de la relation de travail ayant persisté du mois de février 2016 jusqu'à la notification de son licenciement, le 29 mars 2019.

Et il s'évince de ce qui précède que le salarié a suffisamment établi le lien de causalité entre les agissements de harcèlement moral et la discrimination subis et la dégradation tant de ses conditions de travail que de sa santé, établis par les arrêts de travail successifs et les situations de maintien à domicile à la demande de son employeur.

En conséquence le licenciement prononcé produit les effets d'un licenciement nul.

Ce faisant, M. [C] est fondé à demander sa réintégration.

En effet, la SA La Poste ne peut fait valoir aucune impossibilité de réintégrer le salarié, dès lors que les faits de harcèlement moral imputés à M. [C], ne sont pas démontrés par l'employeur.

En outre, M. [C] produit un organigramme de service dans lequel il travaillait, mis à jour au 6 avril 2021, lequel ne fait apparaitre ni M.[F], ni M.[O].

Aussi, et contrairement aux affirmations de l'employeur, le fait que le salarié nécessite un poste adapté et qu'il ait refusé les adaptations précédemment proposées sur la tournée T15 ne suffit pas à caractériser une impossibilité de réintégration.

En outre, M. [C] est fondé à demander le paiement d'une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période s'étant écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé, sans déduction des revenus de substitution.

En effet, c'est par un moyen inopérant que la SA La Poste affirme que M. [C] ne peut recevoir la totalité de son préjudice, au motif qu'il aurait saisi tardivement le conseil de prud'hommes, dès lors que la totalité de ses salaires doit lui être versée, jusqu'à sa réintégration.

Ainsi, outre la réintégration du salarié, la SA La Poste sera condamnée à payer à M. [C] la somme de 63.108,87 euros net à titre d'indemnité d'éviction correspondant à ses rémunérations entre son éviction le 30 mars 2019 et le 29 décembre 2021, outre le montant des rémunérations qu'il aurait dû percevoir entre le 30 décembre 2021 et la date effective de sa réintégration, et ce par infirmation du jugement entrepris.

Par suite, les dispositions du jugement initial relatives à la condamnation de l'employeur à payer à M. [C] des sommes suite à la requalification de son licenciement en licenciement pour cause réelle et sérieuse seront infirmées.

7 - Sur la remise d'un bulletin de salaire, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle emploi rectifié:

Il convient d'ordonner à la SA La Poste de remettre à M. [C] un bulletin de salaire, un certificat de travail et une attestation employeur destinée à Pôle emploi rectifiés et conformes, au présent arrêt.

La demande d'astreinte sera rejetée car elle n'est pas utile à l'exécution dans la présente décision.

8 - Sur les demandes accessoires :

Il convient de confirmer la décision de première instance s'agissant des frais irrépétibles et de l'infirmer s'agissant des dépens.

La SA La Poste, partie perdante qui sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, devra payer à M. [C] la somme de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement contradictoirement, dans les limites de l'appel, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :

- Débouté la SA La Poste de sa demande de voir écarter la pièce 73 produite par M. [S] [C],

- Condamné la SA La Poste à payer à M. [S] [C] la somme de 900,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'INFIRME pour le surplus,

STATUANT à nouveau sur les chefs d'infirmation,

Y ajoutant,

DIT que M. [S] [C] a subi des agissements de dicrimination syndicale et de harcèlement moral,

CONDAMNE la SA La Poste, à payer à M. [S] [C] les sommes suivantes :

- 3.800 euros net à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de prévention des risques professionnels en matière de harcèlement moral,

- 7.600 euros net à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral causé par les agissements de discrimination syndicale et de harcèlement moral.

DIT que le licenciement pour faute grave de M. [S] [C] est nul,

ORDONNE la réintégration de M. [S] [C] dans son emploi,

CONDAMNE la SA La Poste à payer à M. [S] [C] la somme de 63.108,87 euros net à titre d'indemnité d'éviction dû entre le 30/03/2019 et le 29/12/2021,

DIT que cette indemnité d'éviction sera augmentée du montant des rémunérations que M. [S] [C] aurait dû percevoir entre le 30/12/2021 et la date effective de sa réintégration,

ORDONNE à la SA La Poste de remettre à M. [S] [C] un bulletin de paie conforme au présent arrêt,

CONDAMNE la SA La Poste à payer à M. [S] [C] la somme de 2.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE la SA La Poste de sa demande au titre des frais irrépétibles,

CONDAMNE la SA La Poste aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Hélène Blondeau-Patissier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,