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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 19 décembre 2023, n° 22/01661

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Lacme (SAS)

Défendeur :

Leménager (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Contamine

Conseillers :

Mme Clément, Mme Jeorger-Le Gac

Avocats :

Me Lhermitte, Me Micallef, Me Courzadet, Me Bado

CA Rennes n° 22/01661

18 décembre 2023

FAITS ET PROCEDURE :

Les sociétés Lacmé et [V] Leménager sont toutes deux spécialisées dans la production et la commercialisation de matériels de clôture pour animaux et, plus particulièrement, de conducteurs électriques.

Il convient de rappeler l'existence d'un précédent litige qui a opposé ces sociétés.

La société Lacmé, reprochant à la société [V] Leménager de commercialiser divers modèles de cordon conducteur qui mêlent un cordon bleu et un cordon blanc reproduisant de manière quasi servile ses propres produits, l'a assignée en paiement de dommages-intérêts pour concurrence déloyale et parasitisme.

Par jugement du 20 octobre 2015, le tribunal de commerce de Saint-Malo :

- S'est déclaré compétent pour statuer sur le litige et a :

- Dit la société Lacmé recevable mais non fondée en ses demandes en principal,

- Dit que la société [V] Leménager n'a pas commis d'actes de concurrence déloyale ou parasitaire à l'encontre de la société Lacmé,

- Rejeté la demande reconventionnelle de la société [V] Leménager pour procédure abusive,

- Condamné la société Lacmé au paiement de la somme de 2.500 euros au profit de la société [V] Leménager, en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la société Lacmé aux entiers dépens.

La société Lacmé a interjeté appel le 16 novembre 2015.

Par arrêt du 22 mai 2018 la cour d'appel de Rennes a :

- Rejeté la demande formée par la société Lacmé tendant à faire écarter les pièces et conclusions déposées le 6 mars 2018 par la société [V] Leménager.

- Infirmé dans l'intégralité de ses dispositions le jugement,

Statuant à nouveau :

- Dit que la société [V] Leménager en proposant les conducteurs STAR B6 a commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société Lacmé,

- Interdit à la société [V] Leménager de fabriquer, importer, détenir, distribuer, commercialiser, utiliser les conducteurs STAR B6 incriminés, sous quelque forme, de quelque manière et à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, par toute personne morale ou physique interposée, et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- Ordonné la confiscation et la remise à la société Lacmé, dans les 48 heures de la signification de l'arrêt à intervenir et ce, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, des produits incriminés actuellement détenus par la société [V] Leménager ou toute autre entité, en vue de leur destruction sous contrôle d'huissier et aux frais de la société [V] Leménager,

- Ordonné la confiscation et la remise à la société Lacmé, en vue de leur destruction sous contrôle d'huissier aux frais de la société [V] Leménager, de tout document, papier commercial, publicité, etc. portant une reproduction des produits incriminés ou une référence à ceux-ci et se trouvant entre ses mains, ou de ses représentants ou de ses préposés, et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, dans les 48 heures de la signification de l'arrêt à intervenir,

- Ordonné le retrait de toutes références et images reproduisant les produits incriminés sur tout site Internet détenu ou contrôlé par la société [V] Leménager, et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, dans les 48 heures de la signification de l'arrêt à intervenir,

- Ordonné à la société [V] Leménager de rappeler l'ensemble des produits incriminés de tous circuits commerciaux, et notamment en intervenant auprès des magasins distributeurs et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, dans les 10 jours de la signification de l'arrêt à intervenir,

- Ordonné la publication du dispositif de l'arrêt à intervenir dans trois revues ou journaux au choix de la société Lacmé et aux frais de la société [V] Leménager, sans que le coût global de ces insertions ne puisse excéder la somme de 8.000 euros hors taxes,

- Condamné la société [V] Leménager à verser à la société Lacmé la somme de 30.000 euros, en réparation du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale,

- Débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- Condamné la société [V] Leménager à verser à la société Lacmé la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Mis l'intégralité des dépens à la charge de la société [V] Leménager, dont distraction au profit des avocats à la cause en ayant fait la demande.

Par arrêt du 14 octobre 2020, la Cour de cassation a :

- Rejeté les pourvois principal et incident,

- Condamné la société [V] Leménager aux dépens.

Sur le premier moyen du pourvoi incident de la société Lacmé, la Cour a retenu que la cour d'appel de Rennes avait omis de statuer sur les chefs de demande relatifs aux actes de concurrence déloyale qui auraient été commis par la société [V] Leménager en commercialisant les produits Btape 12 et Btresse 3 :

Sur le premier moyen du pourvoi incident,

Enoncé du moyen,

6. La société Lacmé fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes au titre de la concurrence déloyale pour les produits Btape 12 et Btresse 3, alors :

« 1o/ que dans ses conclusions d'appel, la société Lacmé faisait valoir qu'il existait de fortes ressemblances entre le produit "Btresse 3" de la société[V] Leménager et son produit "Tressofil" ainsi qu'entre le produit "Btape 12" de la société [V] Leménager et ses produits "RF 999" et "Ruban Bleu" de la société Lacmé, du fait de la reprise des mêmes combinaisons de couleurs bleue et blanche et que ces ressemblances entraînaient un risque de confusion; qu'elle demandait, en conséquence, à la cour d'appel de dire que la société [V] Leménager a commis des actes de concurrence déloyale en proposant les conducteurs "Btape 12" et "Btresse 3" et d'Ordonnér diverses mesures réparatrices visant ces produit, qu'en se contentant de retenir que la confusion entre les produits 'Star B6" et "Extrableu" était renforcée dès lors notamment que la société [V] Leménager propose à la vente deux types de ruban et cordon tressé [à savoir les produits « Btape » 12 et "Btresse 3"] qui, en utilisant là encore cette couleur [le bleu], créent un effet de gamme' et de relever que 'la commercialisation par la société [V] Leménager de deux autres produits intégrant la couleur bleue' a pour effet de renforcer la confusion générée par le produit "Star B6", sans rechercher, comme elle y était invitée, si les produits "Btape 12" et "Btresse 3" de la société [V] Leménager ne reproduisaient pas les combinaisons de couleurs bleue et blanche utilisées par elle pour ses produits "Tressofil" , "RF 999" et "Ruban Bleu", dans des conditions de nature à créer un risque de confusion, et si la société [V] Leménager n'a pas ainsi également commis des actes de concurrence déloyale en proposant ces produits "Btape 12" et "Btresse 3", la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile,

2o/ qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que la confusion entre les produits "Star B6" et "Extrableu" était renforcée dès lors notamment que "la société [V] Leménager propose à la vente deux types de ruban et cordon tressé qui, en utilisant là encore cette couleur, créent un effet de gamme", et que "la commercialisation par la société [V] Leménager de deux autres produits intégrant la couleur bleue" a pour effet de renforcer la confusion générée par le produit "Star B6", constatant ainsi que la commercialisation, par la société [V] Leménager des produits "Btape 12" et "Btresse 3" était de nature à renforcer le risque de confusion entre les produits "Star B6" et "Extrableu", qu'il résultait ainsi de ses propres constatations que la société [V] Leménager a commis des actes de concurrence déloyale, non pas seulement en commercialisant les produits 'Star B6" mais également en commercialisant les produits "Btape 12" et 5 526 "Btresse 3", qu'en rejetant néanmoins les demandes de concurrence déloyale de la société Lacmé visant ces deux derniers produits, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 1382, devenu 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

7. En dépit de la formule générale du dispositif qui « déboute les parties du surplus de leurs demandes », l'arrêt n'a pas statué sur les chefs de demande relatifs aux actes de concurrence déloyale qui auraient été commis par la société [V] Leménager en commercialisant les produits Btape 12 et Btresse 3 dès lors qu'il ne résulte pas des motifs de la décision que la cour d'appel les ait examinés.

Le 31 décembre 2020, la société Lacmé a saisi la cour d'appel de Rennes d'une requête en omission de statuer.

Par arrêt du 15 juin 2021, la cour d'appel de Rennes a :

- Dit que l'arrêt du 22 mai 2018 comporte une omission de statuer et, statuant sur les demandes omises,

- Dit que seuls devront être pris en compte les pièces déposées ainsi que les prétentions et moyens exposés dans le cadre de l'instance ayant abouti à l'arrêt du 22 mai 2018,

- Dit que la société [V] Leménager en proposant les conducteurs BTAPE 12 et BTRESSE 3 a commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société Lacmé,

- Interdit à la société [V] Leménager de fabriquer, importer, détenir, distribuer, commercialiser, utiliser les conducteurs BTAPE 12 et BTRESSE 3 incriminés, sous quelque forme, de quelque manière et à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, par toute personne morale ou physique interposée, et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, 

- Ordonné la confiscation et la remise à la société Lacmé, dans les 48 heures de la signification de l'arrêt à intervenir et ce, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, des produits incriminés actuellement détenus par la société [V] Leménager ou toute autre entité, en vue de leur destruction sous contrôle d'huissier et aux frais de la société [V] Leménager,

- Ordonné la confiscation et la remise à la société Lacmé, en vue de leur destruction sous contrôle d'huissier aux frais de la société [V] Leménager, de tout document, papier commercial, publicité, etc. portant une reproduction des produits incriminés ou une référence à ceux-ci et se trouvant entre ses mains, ou de ses représentants ou de ses préposés, et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, dans les 48 heures de la signification de l'arrêt à intervenir,

- Ordonné le retrait de toutes références et images reproduisant les produits incriminés sur tout site Internet détenu ou contrôlé par la société [V] Leménager , et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, dans les 48 heures de la signification de l'arrêt à intervenir,

- Ordonné à la société [V] Leménager de rappeler l'ensemble des produits incriminés de tous circuits commerciaux, et notamment en intervenant auprès des magasins distributeurs et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, dans les 10 jours de la signification de l'arrêt à intervenir,

- Condamné la société [V] Leménager à payer à la société Lacmé la somme de 5.000 euros, en réparation du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale résultant de la commercialisation des produits BTAPE 12 et BTRESSE 3,

- Dit n'y avoir lieu à publication de la présente décision,

- Rejeté les demandes de condamnation formées au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Dit que la présente décision sera mentionnée en marge de la minute et des expéditions de l'arrêt de la cour d'appel de Rennes en date du 22 mai 2018,

- Laissé les dépens de la présente procédure en omission de statuer à la charge du Trésor Public.

Estimant que la société [V] Leménager avait commercialisé un produit sous les références Star G60, Seclos Blue, Clo G60 et Clo Blue, reprenant les caractéristiques de son produit Superbleu, la société Lacmé l'a assignée en paiement de dommages-intérêts pour concurrence déloyale et parasitisme, confiscation des marchandises concernées et interdiction de fabrication et de commercialisation.

Par jugement du 21 février 2022, le tribunal de commerce de Saint Brieuc a :

- Dit que la société Lacmé ne justifie pas d'un préjudice réel, ni du lien de causalité entre les agissements de la société [V] Leménager, et des éventuels préjudices de la société Lacmé, dont elle ne justifie ni la réalité ni le quantum,

- Jugé que la société Lacmé ne peut légitimement se prévaloir de l'exclusivité de l'utilisation de la couleur 'bleu' pour arguer d'un comportement en concurrence déloyale ou de parasitisme de ses concurrents,

- Dit que l'utilisation de la couleur "bleu" par la société [V] Lemenager n'est pas à elle seule constitutive d'un acte de concurrence déloyale, ni d'un acte de parasitisme,

- Dit que la preuve n'est pas apportée d'agissements délictuels de la société [V] Lemenager à1'encontre de la société Lacmé au titre de la concurrence déloyale ou de parasitisme,

- Jugé que la société [V] Leménager n'a pas commis de faute au titre de la concurrence déloyale à l'encontre de la société Lacmé, ni au titre du parasitisme,

- Constaté l'absence de preuve apportée par la société Lacmé de tout préjudice direct, ayant impacté les résultats ou l'activité de la société Lacmé,

- Rejeté toutes les prétentions, fins et demandes de la société Lacmé à l'encontre de la société [V] Leménager,

- Dit que la société Lacmé ne justifie pas d'une situation de concurrence déloyale de la Société [V] Leménager au détriment de la société Lacmé,

- Dit que la société Lacmé n'apporte pas la preuve d'un préjudice direct au titre de la concurrence déloyale,

- Jugé que la société [V] Leménager n'a pas commis d'agissements condamnables au titre de la concurrence déloyale à1'encontre de la société Lacmé,

- Débouté la Société Lacmé de toutes ses demandes et prétentions au titre de la concurrence déloyale,

- Dit que la société Lacmé ne justifie pas d'une situation de parasitisme de la société [V] Leménager au détriment de la société Lacmé,

- Dit que la Société Lacmé n'apporte par la preuve d'un préjudice direct au titre du parasitisme,

- Jugé que la Société [V] Leménager n'a pas commis d'agissements condamnables au titre du parasitisme au détriment de la société Lacmé,

- Débouté la Société Lacmé de toutes ses demandes et prétentions au titre du parasitisme,

- Dit que la société [V] Leménager n'apporte pas d'élément probant à1'appui de ses demandes reconventionnelles,

- Débouté la société [V] Leménager de ses demandes reconventionnelles,

- Condamné la Société Lacmé à verser à la société [V] Lemenager la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la Société Lacmé aux entiers dépens de la procédure,

- Débouté les parties de leurs plus amples demandes ou contraires aux dispositifs du présent jugement.

La société Lacmé a interjeté appel le 9 mars 2022.

Les dernières conclusions de la société Lacmé sont en date du 21 septembre 2023. Les dernières conclusions de la société [V] Leménager sont en date du 21 septembre 2023.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 septembre 2023.

PRETENTIONS ET MOYENS :

La société Lacmé demande à la cour de :

- Infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes formées par la société Lacmé au titre de la concurrence déloyale et parasitaire et sur la condamnation de la société Lacmé au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Rejeter l'appel incident de la société [V] Leménager,

Et statuant à nouveau :

- Dire et juger qu'en proposant les conducteurs de clôture électrique Star G60, Seclos Blue, Clo G60 et Clo Blue, la société [V] Leménager commet des actes de concurrence déloyale et de parasitisme au préjudice de la société Lacmé ,

En conséquence,

- lnterdire à la société [V] Leménager de fabriquer, importer, détenir, distribuer, commercialiser et promouvoir les conducteurs référencés G60, Seclos Blue, Clo G60 et Clo Blue ou toute autre référence qui leur serait substituée, sous quelque forme, de quelque manière et à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, par toute personne morale ou physique interposée, et ce sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- Ordonner la confiscation et la remise à la société Lacmé, dans les 48 heures de la signification de l'arrêt à intervenir et ce, sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard, des conducteurs référencés G60, Seclos Blue, Clo G60 et Clo Blue, ou toute autre référence qui leur serait substituée actuellement détenus par la société [V] Leménager ou toute autre entité, en vue de leur destruction sous contrôle d'huissier et aux frais de la société [V] Leménager,

- Ordonner à la société [V] Leménager de rappeler I'ensemble des conducteurs référencés G60, Seclos Blue, Clo G60 et Clo Blue, ou toute autre référence qui leur serait substituée de tous circuits commerciaux, notamment en intervenant auprès de tous revendeurs, en en justifiant auprès de la société Lacmé, et ce sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard, dans les 10 jours de la signification de l'arrêt à intervenir, en vue de leur destruction sous contrôle d'huissier et aux frais de la société [V] Leménager.

La société [V] Leménager demande à la cour de :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a :

- Dit que la société Lacmé ne justifie pas d'un préjudice réel, ni du lien de causalité entre les agissements de la société [V] Leménager, et des éventuels préjudices de la société Lacmé, dont elle ne justifie ni la réalité ni le quantum,

- Jugé que la société Lacmé ne peut légitimement se prévaloir de l'exclusivité de l'utilisation de la couleur bleue pour arguer d'un comportement en concurrence déloyale ou de parasitisme de ses concurrents,

- Dit que l'utilisation de la couleur « bleu » par la société [V] Leménager n'est pas à elle seule constitutive d'un acte de concurrence déloyale ni d'un acte de parasitisme,

- Dit que la preuve n'est pas apportée d'agissements délictuels de la société [V] Leménager à l'encontre de la société Lacmé au titre de la concurrence déloyale ou de parasitisme,

- Jugé que la société [V] Leménager n'a pas commis de faute au titre de la concurrence déloyale à l'encontre de la société Lacmé, ni au titre du parasitisme,

- Constaté l'absence de preuve apportée par la société Lacmé de toute préjudice direct ayant impacté les résultats ou l'activité de la société Lacmé,

- Rejeté toutes les prétentions, fins et demandes de la société Lacmé à l'encontre de la société [V] Leménager devaient être rejetées,

Précisément sur la concurrence déloyale :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a :

- Dit que la société Lacmé ne justifie pas d'une situation de concurrence déloyale de la société [V] Leménager au détriment de la société Lacmé,

- Dit que la société Lacmé n'apporte pas la preuve d'un préjudice réel et certain, au titre de la concurrence déloyale,

- Jugé que la société [V] Leménager n'a pas commis d'agissements condamnables au titre de la concurrence déloyale à l'encontre de la société Lacmé,

- Débouté la société Lacmé de toutes ses demandes, fins et prétentions au titre de la concurrence déloyale,

Précisément sur le parasitisme :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a :

- Dit que la société Lacmé ne justifie pas d'une situation de parasitisme de la société [V] Leménager au détriment de la société Lacmé,

- Dit que la société Lacmé n'apporte pas la preuve d'un préjudice direct et quantifié au titre du parasitisme,

- Jugé que la société [V] Leménager n'a pas commis d'agissements condamnables au titre du parasitisme au détriment de la société Lacmé,

- Débouté la société Lacmé de toutes ses demandes et prétentions au titre du parasitisme,

- Infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la condamnation de la société Lacmé à payer à la société [V] Leménager la somme de 80.000 euros à titre de dommages intérêt,

Statuant à nouveau :

- Débouter la société Lacmé de l'ensemble de ses prétentions et

- Confirmer que la société [V] Leménager n'a commis aucun acte de concurrence déloyale ou de parasitisme à l'encontre de la société Lacmé en commercialisant les produits STAR G 60 et SECLO BLUE sous la marque [V] Leménager et les produits CLO G 60 et CLO BLUE sous la marque CLOTSEUL,

A titre reconventionnel :

- Condamner la société Lacmé au paiement de de la somme de 80.000 euros au bénéficie de la société [V] Leménager pour procédure abusive au titre de sa position dominante,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société Lacmé au paiement de la somme de 25.000 euros au profit de la société [V] Leménager,

Vu l'article 699 du code de procédure civile :

- Condamner la société Lacmé aux entiers dépens de la procédure dont distraction est requise.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.

DISCUSSION :

Sur la concurrence déloyale :

La société Lacmé commercialise des fils pour clôtures électriques destinées aux bétails. Elle a, depuis de nombreuses années, eu recours à des fils à dominance de couleur bleue pour se différencier de la concurrence.

La société Lacmé reproche à la société [V] de commercialiser sous sa marque et sous celle de Clotseul des produits Star G60 et Clo G60 qui ressembleraient au produit Lacmé Superbleu, entraînant un risque de confusion.

Il apparaît que le produit Superbleu est constitué de fils torsadés associant les couleurs bleue et noire. Les produits Stard G60 et Clo G60 sont constitués de fils torsadés associant les couleurs bleue et gris foncé.

Les produits sont destinés à une même clientèle de personnes ayant besoin de clôture électriques pour bétail et animaux sauvages. Ils sont vendus à travers des réseaux de distribution similaires.

Les parties font valoir que la couleur bleue serait mieux vue du bétail et des animaux. Les pièces produites devant la cour ne permettent pas de se prononcer clairement sur le fait qu'un animal perçoive ou non mieux la couleur bleue qu'une autre couleur, tout particulièrement de nuit et donc sensiblement la moitié du temps d'une journée.

Le fait que le choix de la couleur soit imposé par l'usage du produit n'est pas établi, même si les deux parties l'invoquent ou ont pu l'invoquer dans des communications publicitaires.

Il est justifié que sur le marché des fils pour clôture électrique, différentes couleurs sont proposées, par exemple blanche, orange, verte ou rouge. Le choix d'une couleur apparaît plus tendre à satisfaire le consommateur, qui en est l'acheteur, qu'être lié à une nécessité d'efficacité découlant de la perception des gammes de couleurs par les animaux.

Il apparaît ainsi que le choix de recourir à la couleur bleue a été fait librement par les parties.

Il est justifié que les couleurs bleues utilisées par les deux sociétés sur ces produits n'ont pas le même code hexadécimal du nuancier selon le code d'identification internationalement reconnu Pantone. Le code Pantone de la couleur bleue de la société Lacmé est le 0083C3, le code Pantone de la couleur bleue de la société [V] est le 235BA8.

Le produit Lacmé associe le bleu et le noir, les produits Chapron le bleu et le gris. L'impression d'ensemble donnée par les produits estompe cette distinction, la couleur bleu étant largement dominante sur cette impression.

Le fait d'utiliser la couleur bleue pour réaliser de tels fils n'est cependant pas en soi protégé et ne peut pas faire l'objet d'un monopole, d'autant moins que le code d'identification des couleurs respectivement utilisées différé. Autant l'association des couleurs bleu et blanc est facilement identifiable, ce qui a valu les précédentes décisions de la cour d'appel de Rennes, autant l'association de couleurs sombres, bleue et noire ou bleue et grise foncée, est banale. Ces associations font ressortir nettement la couleur bleue, l'autre étant plus difficilement perçue du fait du caractère dominant du bleu. Cette association ne permet pas une identification particulière du produit comme ayant une origine donnée, même lorsque le consommateur se trouve face à un seul produit sans comparaison possible avec un autre.

En présence d'un de ces produits, un consommateur moyen constatera simplement qu'il s'agit de fil de clôture électrique de couleur dominante bleue, c'est tout.

La société Lacmé reproche également à la société [V] de commercialiser des produit Seclo Blue de Clo Blue, fils de couleur uniquement bleue.

Comme il a été vu supra, l'utilisation de la couleur bleue n'est pas protégée. Un consommateur ne verra dans ces produits que des fils pour clôture électrique de couleur bleue, sans l'associer à une origine particulière.

Il y a donc lieu de rejeter les demandes de la société Lacmé fondées sur une concurrence déloyale.

Sur le parasitisme :

La société Lacmé fait valoir qu'en reprenant le code couleur Lacmé au sein de toute une gamme de produits et donc de stratégie de différenciation de la société Lacmé, la société [V] aurait usurpé une valeur économique lui procurant un avantage concurrentiel.

Comme il a été vu supra, il ne peut être utilement reproché à la société [V] de commercialiser des fils pour clôture électrique de couleur bleue.

La commercialisation des produits Btape 12 et Btresse 3 a déjà fait l'objet de décisions de justice qui ont rejeté à leur sujet la qualification de parasitisme.

La société [V] justifie qu'elle commercialise ses produits sous une gamme variée et que les fils de couleur bleue ne forment pas une gamme à part mais font simplement partie de sa gamme de produits. Elle ne commercialise pas uniquement des fils de couleur bleue. Il n'est pas justifié qu'elle ait eu recours à la mise en place d'une gamme de produits de couleur bleue la plaçant dans le sillage de la société Lacmé.

Les produits incriminés de la société [V] sont identifiés sur leurs emballages comme étant les siens. Les emballages, au-delà des contraintes de présentation résultant du fait qu'il s'agit de bobines de fils, sont spécifiques à la société [V]. La composition des fils est différente, ceux de la société [V] comportant des fils inox alors que ceux de la société Lacmé comportent des fils cuivre, meilleurs conducteurs de l'électricité.

Il n'est ainsi pas établi que la société [V] se soit placée dans le sillage de la société Lacmé pour usurper une valeur économique.

Les faits de parasitisme allégués ne sont pas établis. Il y a lieu de rejeter la demande de paiement de dommages-intérêts formée à ce titre par la société Lacmé.

Sur la procédure abusive :

Il n'est pas justifié que la société Lacmé ait agi en justice dans un but autre que celui de faire valoir ses droits. La demande de paiement de dommages-intérêts formée par la société [V] sera rejetée.

Sur les frais et dépens :

Il y a lieu de condamner la société Lacmé aux dépens d'appel et à payer à la société [V] la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

- Confirme le jugement,

Y ajoutant :

- Rejette les autres demandes des parties,

- Condamne la société Lacmé à payer à la société [V] Leménager la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la société Lacmé aux dépens d'appel.