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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 19 décembre 2023, n° 22/00978

RENNES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Akena (SAS)

Défendeur :

Les Chênes Verts (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Contamine

Conseillers :

Mme Clément, Mme Jeorger-Le Gac

Avocats :

Me Garnier, Me Georges, Me Sirot, Me Charbonnier-Jamet, Me Poquillon

T. com. Nantes, du 22 nov. 2021

22 novembre 2021

Le 12 septembre 2003, la SARL LES CHENES VERTS concluait un contrat de franchise hôtelière avec la société SN PROMOGEST (Enseigne AKENA HOTELS), sous la licence de la marque « AKENA », sis [Adresse 4].

Le contrat était conclu pour une durée initiale de 10 ans à compter de son entrée en vigueur, renouvelable par tacite reconduction à l'issue de chaque période de 5 ans et ainsi de suite, sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties, adressée par lettre recommandée avec accusé de réception, six mois au moins avant l'expiration de chaque période, cette dénonciation prenant effet à l'expiration de la période contractuelle.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 20 mars 2018, la SARL LES CHENES VERTS informait son franchiseur de sa volonté de quitter son réseau à l'issue du contrat en cours, soit à la date du 11 septembre 2018.

Ce courrier a donc été envoyé avec neuf jours de retard.

Des échanges ont eu lieu entre les parties sur la date à laquelle pourrait s'envisager une sortie de la franchise.

Puis, par courrier en date du 10 octobre 2018, faisant suite à de nouveaux échanges entre les parties et autres négociations, la rupture du contrat de franchise était actée d'un commun accord entre les parties au 31 décembre 2018.

La société LES CHENES VERTS n'aurait toutefois pas respecté ses obligations post-contractuelles.

Après une mise en demeure du 20 juin 2019, la société AKENA a assigné la société LES CHENES VERTS afin de la voir condamner à lui payer la somme de 45.038,80 euros au titre de redevances impayées, de la résiliation du contrat de franchise et des préjudices résultant de la violation de ses obligations post-contractuelles.

Par jugement du 22 novembre 2021, le tribunal de commerce de Nantes a :

- Condamné la SARL LES CHENES VERTS à payer à la SAS AKENA la somme de 9 542,89 euros au titre de l'indemnité de résiliation du contrat de franchise et de la réparation du préjudice né de la violation de ses obligations post contractuelles, déduction faite du paiement déjà effectué ;

- Dit que l'exécution provisoire est de droit, nonobstant appel et sans caution;

- Condamné la SARL LES CHENES VERTS à verser à la SAS AKENA à la somme de 1.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux dépens ;

- Débouté les parties pour le surplus de leurs demandes ;

- Débouté la SAS AKENA de sa demande visant à déroger aux dispositions du Décret du 10 mai 2007 n° 207-774 modifiant le Décret du 12 Décembre 1996 ;

- Condamné la SARL LES CHENES VERTS aux entiers dépens dont frais de Greffe liquidés à 73.23 euros toutes taxes comprises.

Appelante de ce jugement, la société AKENA, par conclusions du 04 novembre 2022, a demandé à la Cour de :

- infirmer le jugement déféré,

- recevoir la société AKENA en ses demandes et les dire bien fondées,

- débouter la société SARL CHENES VERTS de son appel incident et toutes ses demandes plus amples ou contraires aux présentes,

- condamner la société SARL CHENES VERTS à verser à la société AKENA la somme de 42 944,85 euros (Avant déduction de la somme de 4 074,20 euros d'ores et déjà versée au titre de 2019) au titre de redevances impayées du contrat de franchise en date du 12 septembre 2003 et de l'indemnisation conventionnelle du 10 octobre 2018 ;

- contester l'inexécution par la société SARL CHENES VERTS de ses obligations post contractuelles, résultant du contrat de franchise en date du 12 septembre 2003 et achevé le 31 décembre 2018 ;

- condamner la société SARL CHENES VERTS à verser à la société AKENA la somme de 6 168,15 euros, par application de la clause pénale, au titre des préjudices nés de la violation de ses obligations post contractuelles ;

- condamner la société SARL CHENES VERTS à verser à la société AKENA la somme de 2 000 euros au titre des frais prévus à l'article 700 du CPC ;

- condamner enfin la même en l'intégralité des dépens ;

- condamner la société SARL LES CHENES VERTS, dans l'hypothèse où à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la décision à intervenir, une exécution forcée serait nécessaire, à supporter le montant des sommes retenues par l'huissier par application des articles 10 et 12 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 n° 96/1080 relatif au tarif des huissiers.

Par conclusions du 4 août 2022, la société LES CHENES VERTS a demandé à la Cour de :

- INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a :

Condamné la société LES CHENES VERTS à verser la somme de 9.542,89 euros à la société AKENA au titre de l'indemnité de résiliation du contrat de franchise et de la réparation du préjudice né de la violation de ses obligations post contractuelle, déduction faite u paiement déjà effectué ;

Débouté la SAS LES CHENES VERTS de ses demandes ;

Condamné la société CHENES VERTS à verser la somme de 1.000 € à la SAS AKENA sur le fondement de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux dépens.

- JUGER que le contrat de franchise a fait l'objet d'une rupture amiable entre les parties ;

- DÉBOUTER en conséquence la société AKENA de sa demande d'indemnité forfaitaire au titre de l'article X.6 du contrat de franchise ;

- CONDAMNER la société AKENA à rembourser la concluante de la somme de 4.574,20 euros déjà versée au titre de cette indemnité ;

- DÉBOUTER la société AKENA de sa demande fondée sur la clause XI du contrat de franchise ;

- DÉBOUTER plus généralement la société AKENA de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

A titre subsidiaire :

- JUGER que la clause X.6 du contrat de franchise est une clause pénale ;

- JUGER que l'indemnité prévue par cette clause pénale est manifestement excessive au regard de sa rédaction et des faits d'espèces ;

- MODÉRER en conséquence le montant de l'indemnité à une somme ne pouvant excéder la somme de 4.574,20 euros ;

- JUGER que l'indemnité de retard prévue par la clause XI du contrat de franchise constitue également une clause pénale :

- JUGER que l'indemnité prévue par cette clause pénale est manifestement excessive au regard des diligences effectuées par le franchisé pour honorer ses engagements et du préjudice réellement subi par le franchiseur ;

- MODÉRER en conséquence le montant de la pénalité à de plus justes proportions, ne pouvant excéder la somme de 20 euros par jour de retard, soit 360 euros au total.

En tout état de cause :

- DÉBOUTER la société AKENA du surplus de ses demandes ;

- CONDAMNER la société AKENA à verser à la concluante la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il est constant que le contrat de franchise arrivait à échéance le 12 septembre 2018 et que pour être régulièrement dénoncé, la lettre de non-renouvellement aurait dû être postée avant le 12 mars 2018.

Or, elle l'a été le 20 mars, la privant de toute efficacité.

Pour autant, la société AKENA et la société LES CHENES VERTS ont engagé des pourparlers au sujet d'une sortie anticipée.

Au mois de juillet 2018, la société LES CHENES VERTS a écrit à la société AKENA pour demander quel serait le montant des indemnités à verser en cas de sortie anticipée, s'engageant à détruire tout élément portant l'enseigne AKENA.

Le 6 septembre 2018, les dirigeants de la société LES CHENES VERTS ont écrit à la société AKENA « suite à nos différents échanges, nous quitterons finalement la chaîne AKENA au 31 décembre 2018 ».

Le 10 octobre 2018, la société AKENA a répondu en prenant acte de cette décision et en rappelant les dispositions des articles XI (suppression des enseignes et changement de ligne téléphonique dans un délai d'un mois suivant la résiliation) et X du contrat (application d'une clause de résiliation).

Au 31 décembre 2018, la société AKENA a facturé une « redevance franchise restant à courir 2019 » de 4.574,20 euros, qui lui a été payée.

Cette somme était nettement inférieure à ce que permettaient les dispositions de l'article X du contrat.

La société AKENA prétend désormais avoir réalisé une facturation erronée.

A l'examen des courriers ayant précédé la facturation, il ne s'agissait pas d'une erreur mais d'une indemnité transactionnelle : la société AKENA permettait à la société LES CHENES VERTS, conformément à la volonté de cette dernière, de sortir par anticipation du contrat de franchise, en lui facturant une indemnité de sortie qu'il lui était loisible de fixer au montant qu'elle souhaitait.

En l'espèce, ce montant, inférieur, permettait à la société LES CHENES VERTS, de poursuivre sa volonté de changement d'enseigne pour un coût acceptable économiquement.

Toutefois, après avoir payé l'indemnité demandée, la société LES CHENES VERTS n'a pas respecté l'accord intervenu avec la société AKENA.

D'une part, elle n'a pas procédé avant le 31 janvier 2019 au changement d'enseigne non plus qu'au changement de ligne téléphonique, comme en témoignent les constats d'huissiers versés aux débats datés des 11 et 18 février 2019.

A l'examen des pièces versées aux débats :

- le 8 février 2019, il a été procédé au changement d'enseigne,

- le 11 février 2019, toutefois, l'hôtel était toujours photographié avec l'enseigne AKENA présente sur ses façades sur différents sites internet, y compris les centrales de réservations, tout en y figurant sous l'enseigne BRIT HOTEL,

- le 18 février 2019, la société LES CHENES VERTS utilisait toujours son ancien numéro de téléphone pour prendre des réservations au nom de BRIT HOTEL.

D'autre part, la société LES CHENES VERTS a fait adresser le 03 avril 2019 à la société AKENA, un courrier rédigé par son avocat, contestant que le courrier de résiliation du 20 mars 2018 ait été tardif et la mettant « formellement en demeure » de restituer la somme de 4.574,20 euros, qui aurait été demandée et payée indûment.

Il résulte de ce qui précède qu'un accord était intervenu pour que le contrat se termine le 31 décembre 2018 moyennant le versement d'une indemnité de 4.574,20 euros et le respect de certaines diligences relatives à l'enseigne et à la ligne téléphonique.

La société LES CHENES VERTS n'a pas respecté cet engagement dans la mesure où le retard pris pour changer d'enseigne et de ligne téléphonique lui est totalement imputable au regard du retard pris dans ses démarches auprès de ses fournisseurs : le devis du changement d'enseigne date du 04 décembre 2018 tandis que le nouveau contrat téléphonique date du 21 février 2019.

Surtout, elle a fait réclamer, par une lettre comminatoire rédigée par un avocat, l'indemnité de résiliation amiable qu'elle avait versée.

En agissant ainsi, elle a dénoncé l'engagement transactionnel qu'elle avait conclu avec la société AKENA, qui est désormais fondée à demander le strict respect de la convention de franchise, dans l'application de ses articles XI et X, qu'elle avait pertinemment rappelés dans son courrier du 10 octobre 2018.

Selon l'article X-6 du contrat, « en cas de résiliation anticipée du contrat, sauf le cas de liquidation judiciaire ou de vente, la partie défaillante versera à l'autre à titre d'indemnité forfaitaire, une somme égale à la redevance restant à courir jusqu'à l'expiration du contrat calculée sur l'année précédant la rupture anticipée, avec ajustement annuel de 5 % pour tenir compte de la croissance normale et minimum de l'activité, sans préjudice de tous les dommages et intérêts complémentaires ».

Cette clause est applicable en ce sens qu'en ayant mis fin au contrat avant la date conventionnellement prévue, la société LES CHENES VERTS est la partie défaillante.

En revanche, elle s'analyse effectivement comme une clause pénale prévue par les dispositions de l’article 1231-5 du code civil, en ce qu'elle stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts.

Compte tenu du fait que le contrat s'était renouvelé le 12 septembre 2018 et que la résiliation a eu lieu le 31 décembre 2018, quasiment cinq années restaient à courir avant l'expiration du contrat et l'application littérale de la clause, d'un montant total de 42.944,85 euros est manifestement excessive.

Le premier juge a réduit l'indemnité à 30 % de son montant, ce qui correspond à l'application d'un préavis d'une durée de dix-huit mois , indemnisant suffisamment le franchiseur des conséquences d'une résiliation anticipée; ce montant est confirmé.

La société LES CHENES VERTS versera dès lors la somme de (42.944,85 /3) - 4.574,20 = 9.740,75 euros au titre de l'indemnité de résiliation,

L'article XI-2 du contrat prévoit par ailleurs que dès la résiliation, pour quelque cause que ce soit, le concessionnaire devra procéder à la suppression, dans un délai d'un mois, des éléments distinctifs de la marque AKENA ainsi que dénuméroter les lignes téléphoniques ayant servi à l'exploitation de la marque AKENA, sous peine d'être redevable de plein droit, par jour de retard, d'une somme égale à la moitié de la redevance mensuelle en vigueur à l'époque de la rupture.

Il a été démontré que le retard pris par la société LES CHENES VERTS pour exécuter ces dispositions lui était imputable.

La clause susvisée, qui entend préserver les intérêts commerciaux légitimes du franchiseur, ne fixe pas une indemnité manifestement excessive.

Il est par conséquent fait droit à la demande en paiement de la somme de 6.168,15 euros calculée comme suit: (685,23/2) x 18 jours.

La société LES CHENES VERTS est par conséquent condamnée à payer à la société AKENA la somme de 15.908,90 euros.

Sur les frais irrépétibles et les dépens d'appel :

La société LES CHENES VERTS, qui succombe, supportera la charge des dépens d'appel et paiera à la société AKENA la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Aucun motif ne justifie qu'elle supporte les frais de recouvrement que le pouvoir réglementaire a mis à la charge des créanciers et la demande émise à ce titre est rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SARL LES CHENES VERTS à payer à la SAS AKENA la somme de 9 542,89 euros au titre de l'indemnité de résiliation du contrat de franchise et de la réparation du préjudice né de la violation de ses obligations post contractuelles, déduction faite du paiement déjà effectué.

Statuant à nouveau :

Condamne la SARL LES CHENES VERTS à payer à la SAS AKENA la somme de 15.908,90 euros au titre de l'indemnité de résiliation du contrat de franchise et de la réparation du préjudice né de la violation de ses obligations post contractuelles, déduction faite du paiement déjà effectué.

Rejette le surplus des demandes.

Condamne la société LES CHENES VERTS aux dépens.

Rejette la demande visant à lui faire supporter les frais de recouvrements imputés réglementairement au créancier.

Condamne la société LES CHENES VERTS à payer à la société AKENA la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.