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Décisions

Cass. 3e civ., 13 décembre 2006, n° 05-20.281

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Weber

Rapporteur :

M. Assié

Avocat général :

M. Guérin

Avocats :

SCP Baraduc et Duhamel, SCP Choucroy, Gadiou et Chevallier

Aix-en-Provence, du 8 avr. 2005

8 avril 2005

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 8 avril 2005), que la société civile immobilière Splendid Hôtel (la SCI), propriétaire de locaux à usage commercial donnés à bail à la société Hôtel Splendid, a assigné cette dernière pour faire fixer le loyer du bail renouvelé à compter du 1er octobre 2001 ;

Sur les deux moyens, réunis :

Attendu que la société Hôtel Splendid fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à expertise et, évoquant, de fixer le loyer du bail renouvelé à une certaine somme, alors, selon le moyen :

1 / que le principe de la contradiction s'impose aux juges en toutes circonstances, y compris lorsque la demande d'une partie est déclarée irrecevable, ce qui ne saurait la priver de droit de contester la demande distincte de la partie adverse ; qu'en l'espèce, le fait que les prétentions de la société anonyme Hôtel Splendid aient été déclarées irrecevables par le premier jugement du 19 juin 2003 pour omission de la formalité du mémoire figurant à l'article 29-1 du décret du 30 septembre 1953, ne pouvait avoir pour effet de priver cette société de contester l'appel par la société civile immobilière Splendid Hôtel du second jugement du 8 mars 2004, dès lors que cette contestation était faite par conclusions régulièrement signifiées opposant à la SCI la nécessité d'une expertise au contradictoire en l'état de la seule expertise officieuse et non contradictoire versée aux débats par celle-ci dont la recevabilité était ainsi contestée et sur laquelle l'arrêt ne pouvait donc exclusivement se fonder, comme il l'a fait, en violation de l'article 16 du nouveau code de procédure civile ;

2 / que l'arrêt a en outre méconnu les droits de la défense en faisant l'impasse, dans son évaluation du loyer du bail commercial renouvelé, sur les lacunes manifestes de l'expertise non contradictoire, résultant notamment, comme le précisaient les conclusions, de ce que ce rapport n'avait tenu "aucun moyen des clauses non libérales du bail, des obligatons rigoureuses mises à la charge de la société locataire, des charges exorbitantes incombant au locataire, des travaux réalisés par ce locataire dans le cadre de la loi du 1er juillet 1964 et de ceux imposés par la commission de sécurité" pas plus que "des diverses crises internationales ayant affecté l'activité touristique (attentat du 11 septembre 2001(...)" ; que l'arrêt est donc entaché d'un défaut de base légale au regard de l'article 16 du nouveau code de procédure civile ;

3 / que l'arrêt ne pouvait déduire implicitement de l'irrecevabilité des demandes de la société anonyme Hôtel Splendid prononcée par le jugement non contesté du 19 juin 2003 en l'absence de la formalité du mémoire visé à l'article 29-1 du décret du 30 septembre 1953, son acquiescement aux demandes de la SCI Splendid Hôtel, l'acquiescement ne se présumant pas et impliquant une volonté certaine et non équivoque de reconnaître le bien-fondé des prétentions adverses, ce qui est incompatible avec les contestations d'appel de la société anonyme Hôtel Splendid au vu de la confirmation du jugement du 8 mars 2004 ayant ordonné une expertise au contradictoire ;

que l'arrêt a donc au besoin violé l'article 408 du nouveau code de procédure civile ;

4 / que tout plaideur a droit à un procès équitable ; que l'arrêt a illégalement privé le locataire d'un hôtel qu'il exploite dans le même immeuble depuis plus d'un demi-siècle de son droit à bénéficier d'un procès équitable à l'occasion du renouvellement de son bail commercial sur une offre du bailleur exigeant pour la première fois depuis 1946 le doublement du dernier loyer annuel ; qu'en effet, l'arrêt a pratiquement interdit à ce locataire de présenter sa défense au prétexte inopérant que sa demande initiale était irrecevable pour défaut de formalisme d'un mémoire, qu'à défaut de mémoire il n'y avait pas lieu d'ordonner préalablement une expertise au contradictoire et partant que seul le mémoire du bailleur et son expertise officieuse et non contradictoire pouvaient être retenus et devaient l'être à hauteur d'une augmentation de loyer de près de 80 % depuis 2001, ce qui met ainsi en péril la pérennité de l'exploitation de l'hôtel ; que l'arrêt a donc violé l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu qu'ayant relevé que les prétentions de la société Hôtel Splendid faites par conclusions avaient été déclarées irrecevables par des dispositions non critiquées du jugement du 19 juin 2003 pour violation des dispositions de l'article 29-2 du décret du 30 septembre 1953 et en ayant déduit, à bon droit, que la société Splendid Hôtel était irrecevable à faire valoir des moyens au fond, la cour d'appel, qui, appréciant souverainement les éléments de preuve qui lui étaient soumis par le bailleur, a retenu que l'organisation d'une mesure d'expertise n'était pas justifiée en l'absence de divergence portant sur des points de faits, a, sans violer le principe de la contradiction, ni méconnaître les exigences du droit à un procès équitable, légalement justifié sa décision en fixant le montant du loyer du bail renouvelé à une certaine somme ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.