Livv
Décisions

CA Versailles, 12e ch., 20 décembre 1995, n° 1081/93

VERSAILLES

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Office industriel pour les entreprises (GIE)

Défendeur :

156 avenue de la République Montrouge (SCI)

CA Versailles n° 1081/93

19 décembre 1995

Rappel des faits et de la procédure

Le 1er février 1988, la SCI, 156 avenue de la République à Montrouge, et le GIE Office industriel pour les entreprises, ont signé une convention par laquelle la SCI donnait en location au GIE, à titre précaire, un local, pour une période de 23 mois, soit jusqu'au 31 décembre 1989.

Le 16 janvier 1990, la SCI adressait au GIE, sommation de quitter les lieux sous astreinte.

Exposant que la SCI avait, dans la semaine suivante, condamné l'accès aux locaux, le GIE se plaignait de n'avoir pu récupérer le matériel et les dossiers qui y étaient entreposés.

C'est dans ces conditions que le GIE a assigné la SCI à comparaître devant le tribunal d'instance d'Antony aux fins d'obtenir restitution d'une part, de l'intégralité du matériel et des outils de travail se trouvant dans les locaux loués, et d'autre part, en restitution du dépôt de garantie, outre une somme de 10 000 F en réparation du préjudice subi.

Par le jugement soumis à l'appréciation de la Cour, le tribunal d'instance a condamné la SCI à restituer au GIE, les meubles et objets mobiliers dont elle est encore en possession dans ses locaux.

Il a en outre condamné la défenderesse à payer 12 000 F en remboursement du dépôt de garantie.

Exposé des thèses en présence et des demandes des parties

Le GIE a interjeté appel de cette décision en faisant valoir qu'aucune négligence ne peut être retenue à son encontre dès lors que dès le mois de décembre 1989, il s'était mis en quête de nouveaux locaux, et qu'il en avait d'ailleurs trouvé un pour le 1er février;

Il ajoute avoir subi un grave préjudice étant privé par la rétention de son matériel d'une grande partie de son activité, le préjudice ainsi subi serait équitablement réparé par une somme de 100 000 F.

Il sollicite enfin 8 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La SCI a d'abord soulevé un incident de nullité d'appel en faisant valoir que le GIE n'est pas immatriculé au registre du commerce et n'a donc pas la personnalité morale.

Cet incident a été rejeté par ordonnance du conseiller de la mise en état, prononcée le 4 octobre 1994.

Subsidiairement au fond, la SCI souligne la négligence du GIE auquel aucun délai pour quitter les lieux n'avait été accordé et qui a attendu un mois avant l'expiration du bail pour se mettre en quête de nouveaux locaux.

En réalité le GIE a abandonné le matériel se trouvant dans les locaux.

La SCI demande à la Cour :

-  de déclarer le GIE irrecevable en son appel pour défaut de capacité juridique d'ester en justice,

-  subsidiairement, au fond, de le déclarer mal fondé,

-  de confirmer le jugement entrepris,

-  de lui allouer 4 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur ce, la Cour

Sur la recevabilité de l'appel

Considérant que le GIE n'acquiert la jouissance de la personnalité morale qu'à partir de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés (article 3 de l'ordonnance n° 67-821 du 23 septembre 1967);

Considérant qu'il n'est pas contesté que le GIE Office industriel pour les entreprises, appelant, n'a pas été immatriculé au registre du commerce; que pour échapper aux conséquences du défaut d'existence juridique du GIE sur la recevabilité de son appel, il avait été soutenu, devant le conseiller de la mise en état, que le GIE devait être considéré comme une société créée de fait et qu'elle était fondée à agir en justice par l'intermédiaire de son représentant légal, Monsieur Philippe d'Aval;

Considérant cependant, d'une part, que si l'existence d'une société créée de fait suppose que soient établies les trois caractéristiques du contrat de société (apport, partage des bénéfices et des pertes, affectio societatis), aucune précision n'est apportée à cet égard;

Considérant d'autre part, que la société de fait, même à supposer établie son existence, est soumise par l'article 1873 du Code civil au même régime que la société en participation, laquelle n'a pas la personnalité morale, en ce qui rend l'argument invoqué par le GIE à l'appui de la recevabilité de son appel, inopérant;

Considérant enfin qu'en tout état de cause, la référence à un représentant légal qui aurait agi au nom du GIE ou de la société créée de fait suppose que l'identité de celle-ci ne puisse faire l'objet de contestations; qu'il apparaît en l'espèce que l'identité de Monsieur Philippe d'Aval, indiqué comme gérant du GIE dans la convention d'occupation précaire est pour le moins sujette à caution puisque l'intéressé se nomme d'Aval de Portal, 10 rue d'Aval sur son passeport, et Daval sur son permis de conduire, chacun de ces documents indiquant en outre une adresse différente;

Considérant en résumé que le GIE Office industriel pour les entreprises n'étant pas immatriculé au registre du commerce et des sociétés, il ne peut ester en justice; que son appel interjeté dans de telles conditions est irrecevable;

Sur l'amende civile et l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

Considérant la responsabilité du « gérant » du GIE Office industriel pour les entreprises qui a passé l'acte litigieux, se trouve engagée; qu'en effet, à défaut d'immatriculation, l'administrateur du groupement reste personnellement tenu à l'écart des tiers;

Considérant qu'il convient dès lors de condamner Monsieur Philippe d'Aval à 4 000 F au titre de l'article 700 du NCPC;

Considérant que l'intéressé, n'a pas hésité à poursuivre une procédure dont il ne pouvait sérieusement ignorer qu'elle était viciée par les raisons ci-dessus exposées; qu'il connaissait incontestablement la faiblesse de son argumentation puisqu'il a fait déposer son dossier à l'audience, interdisant par là même à la Cour, de pouvoir obtenir de sa part, des précisions notamment sur son identité;

Considérant qu'une telle légèreté de l'intéressé dans l'exercice de l'appel qu'il a interjeté est constitutive d'une faute, ce qui justifie sa condamnation à une amende civile de 10 000 F;

Par ces motifs :

Statuant publiquement et contradictoirement,

Déclare le GIE Office industriel pour les entreprises, irrecevable en son appel par défaut de capacité d'ester en justice;

Condamne Monsieur Philippe d'Aval, se présentant comme gérant du GIE Office industriel pour les entreprises, à 4 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Le condamne en outre à une amende civile de 10 000 F et aux entiers dépens;

Ordonne à toutes fins utiles, la communication de la procédure au Parquet.