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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 3, 21 décembre 2023, n° 21/18742

PARIS

Arrêt

Autre

PARTIES

Défendeur :

HOTEL LIBERTY (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Recoules

Conseillers :

Mme Leroy, Mme Lebée

Avocats :

Me DUPRE DE PUGET, Me JAMBU-MERLIN, Me Tanguy, Me INGOLD, Me POTTIEE-SPERRY

TJ Paris, du 14 sept. 2021, n° RG12/0782…

14 septembre 2021

FAITS ET PROCÉDURE

La SARL Hotel Liberty exploite un fonds de commerce d'hôtel de tourisme dans un immeuble sis à [Adresse 2] en vertu :

- d'un bail du 09 octobre 2001, consenti par la société Square, pour une durée de neuf ans à compter du 1er janvier 2002, moyennant un loyer annuel de 11.433,68 € HT, portant sur * un rez de chaussée à usage de réception et de salle de petit déjeuner pour les clients de l'hôtel, comportant un accès sur le hall commun de l'immeuble ; * un sous-sol à usage de cave, accessible par les parties communes de l'immeuble ;

- d'un bail du 24 juin 2003, consenti par la société Stell, pour une durée de neuf ans à compter du 1er juillet 2003, portant sur les 1er, 2ème, 3ème, 4ème et 5ème étages, à usage de chambres, WC, douches et lingerie, moyennant un loyer annuel de 45.734,71 € HT.

Par courrier du 17 juin 2003 émanant de la société Stell et approuvé par le gérant de la SARL Hotel Liberty, les parties avaient convenues que le loyer serait fixé à la somme de 45.734,71 € HT en contrepartie, notamment, de l'accord de la société preneuse pour faire son affaire personnelle sans répétition contre le bailleur « des travaux et réparations ordonnés par l'administration, notamment de sécurité et de conformité ».

Le 20 octobre 2004, la société civile[Adresse 1] a acquis l'entier immeuble occupé par l'hôtel.

Par acte du 30 décembre 2010, la société civile[Adresse 1] a fait délivrer à la SARL Hotel Liberty un congé avec refus de renouvellement et offre d'indemnité d'éviction, à effet du 30 juin 2011, portant sur les locaux en rez-de-chaussée et sous-sol.

Par acte du 04 juillet 2011, la société civile[Adresse 1] a fait délivrer à la SARL Hotel Liberty un congé avec refus de renouvellement et offre d'indemnité d'éviction, à effet du 30 juin 2012 portant sur les locaux en étage.

Aucun accord amiable n'ayant été trouvé sur le montant des indemnités d'éviction, la société civile[Adresse 1] a, par acte du 25 mai 2012, fait assigner la SARL Hotel Liberty aux fins de voir :

- valider les congés délivrés pour les deux baux conclus sur les locaux inclus dans l'immeuble situés [Adresse 1] à Paris (10) ;

- fixer les indemnités d'éviction qui seraient dues au cas où l'ensemble des conditions requises seraient remplies ;

- fixer les indemnités d'occupation prévues par l'article L. 145-28 du code de commerce.

Sur demande de la bailleresse, le juge de la mise en état a, par ordonnance du 10 décembre 2012, désigné M. [N] [O] en qualité d'expert judiciaire avec mission notamment de fournir tous éléments permettant de déterminer le montant de l'indemnité d'éviction ainsi que le montant de l'indemnité due par le locataire pour l'occupation des lieux, objet du bail depuis le 30 juin 2011 ou le 30 juin 2012 jusqu'à leur libération effective.

L'expert a rendu son rapport le 21 mai 2015 considérant que les travaux imposés par la réglementation étaient à la charge du bailleur et concluant, à une indemnité d'éviction de 2.445.000 € et à une indemnité d'occupation annuelle de 84.000 € hors taxes et hors charges pour les étages et 24.000 € hors taxes et hors charges pour le rez-de-chaussée.

La société civile[Adresse 1] a, parallèlement, fait établir une expertise amiable par M [R] qui a conclu à une indemnité d'éviction de 1.072.600 € et une indemnité d'occupation annuelle de 100.250 € pour les étages au 1er octobre 2012 et 25.750 € pour le rez-de-chaussée et le sous-sol au 1er juillet 2011, et mandaté le bureau d'études Aliénor Ingénierie aux fins d'identifier et d'évaluer les travaux de mise aux normes nécessaires.

Elle a en outre sollicité la réouverture des opérations d'expertise afin que l'estimation de l'indemnité d'éviction tienne compte, d'une part de la minoration qu'elle estimait devoir résulter du transfert au preneur, en application des termes du courrier du 17 juin 2003, de la charge des travaux de mise aux normes, et d'autre part, de l'impact, sur l'hôtellerie parisienne, des attentats de novembre 2015.

Par ordonnance du 23 mai 2017, le juge de la mise en état a fait droit à cette demande et élargi la mission de M. [O] aux points ci-après :

1) Dire si l'Hotel Liberty a réalisé les travaux de mise en conformité des locaux au regard de la réglementation applicable aux établissements recevant du public ; évaluer avec l'assistance d'un sapiteur le coût des travaux nécessaires à la mise en conformité des locaux,

2) Dire si les attentats de novembre 2015 ont eu un impact sur la fréquentation de l'hôtel en consultant notamment les sites tels que celui de l'office du tourisme de [Localité 6],

3) Au vu des éléments susvisés, déterminer le montant de l'indemnité d'éviction entraînant perte de fonds et le montant de l'indemnité d'occupation en prenant en compte les données financières les plus récentes.

Par ordonnance du 08 janvier 2018, M. [W] [M] a été désigné en qualité de sapiteur pour assister l'expert judiciaire aux fins de :

- dire si, à la date du congé, l'hôtel était en conformité avec les mesures de sécurité et, à défaut de déterminer les travaux nécessaires pour y remédier ;

- dire, si à ce jour, l'hôtel a réalisé les travaux de mise en conformité au regard des normes de sécurité et à la réglementation applicable aux établissements recevant du public, et, à défaut, déterminer le coût des travaux nécessaires pour y remédier.

Le 24 mai 2019, M. [M] a été remplacé par M. [J] [Z], qui, le 29 août 2019 a déposé son rapport au terme duquel il conclut :

- que la Préfecture de police, dans son avis du 22 octobre 2019 identifie un certain nombre d'éléments devant être améliorés en ce qui concerne la sécurité incendie ;

- que l'hôtel a obtenu de la Préfecture de police deux dérogations à la réglementation PMR et peut donc être considéré « accessible PMR » ;

- que certains éléments (la hauteur du garde-corps de la cage d'escalier, l'isolement de la paroi de la chaufferie, l'adaptation de la banque d'accueil aux PMR et l'amélioration des contrastes visuels) tout en étant conformes à la réglementation, pourraient être améliorés.

Il chiffre les travaux à réaliser à 39.000 € TTC au titre de la sécurité incendie et 17.500 € TTC au titre des autres travaux.

Il précise que la réalisation des ouvrages préconisés par le bureau d'études Alienor Ingenierie apporterait un gain qualitatif à l'exploitation de l'hôtel mais ne relève pas d'une mise en conformité absolument nécessaire.

M. [O] a déposé son pré-rapport le 31 octobre 2019, et son rapport définitif le 31 décembre 2019.

Il ressort des rapports du 21 mai 2015 et du 31 décembre 2019 de M. [O] que:

- l'éviction entrainera la perte du fonds de commerce ;

- l'indemnité d'éviction totale s'élève à la somme de 2.305.500 € dont 2.065.000 € au titre de l'indemnité principale, 200.000 € au titre des frais de remploi, 3.000 € au titre des frais de déménagement, 35.000 € au titre du trouble commercial, 2.500 € au titre des réfactions diverses, outre les frais de licenciement sur justificatifs.

- l'indemnité d'occupation s'élève :

* pour les locaux au rez-de-chaussée et au sous-sol, objets du bail du 09 octobre 2001 à 24.000 € HT par an à compter du 1er juillet 2011,

* pour les locaux en étage, objets du bail du 24 juin 2003 à 537.465 € HT pour la période allant du 30 juin 2012 au 31 décembre 2018 et 82.200 € HT par an à compter du 1er janvier 2019, l'indemnité étant modulée pour tenir compte de l'évolution de la conjoncture liée, notamment, aux attentats de 2015.

Par jugement du 14 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :

- dit que l'éviction entraîne la perte du fonds de commerce exploité par la SARL Hotel Liberty dans les locaux sis ,[Adresse 1] à [Localité 5] ;

- fixé l'indemnité d'éviction à la somme de 2.493.000 €, soit :

* indemnité principale : 2.244.166,67 €

* frais de remploi : 224.000 €

* trouble commercial : 22.871 €

* réfactions diverses : 2.500 €

outre les frais de licenciement qui seront payés sur justificatif,

- dit que la SARL Hotel Liberty est redevable à l'égard de la société civile[Adresse 1] d'une indemnité d'occupation, à compter du 1er juillet 2012 pour la partie rez-de-chaussée et sous-sol louée par bail du 09 octobre 2001, et à compter du 1er juillet 2011 pour les étages loués par bail du 24 juin 2003 ;

- rejeté la demande de la SARL Hotel Liberty de voir fixer une indemnité d'occupation globale pour l'ensemble des locaux ;

- fixé le montant l'indemnité d'occupation :

- pour les locaux du rez-de-chaussée et du sous-sol, objets du bail du 09 octobre 2001

* pour la période comprise entre le 1er juillet 2011 et le 31 décembre 2018 à la somme de 182.574 € hors taxes-hors charges,

* à partir du 1er janvier 2019, à la somme annuelle de 16.830 € hors taxes hors charges,

- pour les locaux en étage, objets du bail du 24 juin 2003

* pour la période comprise entre le 1er juillet 2012 et le 31 décembre 2018 à la somme de 483.718 € hors taxes-hors charges,

* à partir du 1er janvier 2019, à la somme annuelle de 74.520 € hors taxes hors charges,

- débouté la société civile[Adresse 1] de sa demande d'indexation de l'indemnité d'occupation ;

- dit que la compensation entre le montant de l'indemnité d'éviction et celui de l'indemnité d'occupation, s'opérera de plein droit ;

- condamné la société civile[Adresse 1], aux entiers dépens, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire ;

- condamné la société civile[Adresse 1] à payer à la SARL Hotel Liberty la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

- rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires.

Par deux déclarations du 27 octobre 2021 enregistrées sous les numéros RG n° 21/18742 et n° 21/18743, la société civile[Adresse 1] a interjeté partiel du jugement.

Par ordonnance du 26 janvier 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la jonction des procédures, lesquelles se poursuivent désormais sous le numéro RG 21/18742.

Par conclusions déposées le 25 avril 2022, la SARL Hotel Liberty a interjeté appel incident du jugement.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 11 octobre 2023.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Vu les conclusions déposées le 10 octobre 2023, par lesquelles la société civile[Adresse 1], appelante à titre principal et intimée à titre incident, demande à la Cour de :

- infirmer le jugement du 14 septembre 2021 du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a :

* dit que l'éviction entraîne la perte du fonds de commerce exploité par la société Hotel liberty dans les locaux sis [Adresse 1] à [Localité 5],

* fixé l'indemnité d'éviction à la somme de 2.493.000 €, soit

' indemnité principale : 2.244.166,67 €

' frais de remploi : 224.000 €

' trouble commercial : 22.871 €

' réfactions diverses : 2.500 €

outre les frais de licenciement qui seront payés sur justificatif,

* dit que la SARL Hotel Liberty est redevable à l'égard de la société [Adresse 1] d'une indemnité d'occupation, à compter du 1er juillet 2012 pour la partie rez-de-chaussée et sous-sol louée par bail du 9 octobre 2001, et à compter du 1er juillet 2011 pour les étages loués par bail du 24 juin 2003,

* rejeté la demande de la SARL Hotel Liberty de voir fixer une indemnité d'occupation globale pour l'ensemble des locaux ;

* fixé le montant l'indemnité d'occupation

' pour les locaux du rez-de-chaussée et du sous-sol, objets du bail du 9 octobre 2001

o pour la période comprise entre le 1er juillet 2011 et le 31 décembre 2018 à la somme de 182.574 € hors taxes-hors charges,

o à partir du 1er janvier 2019, à la somme annuelle de 16.830 € hors taxes hors charges,

' pour les locaux en étage, objets du bail du 24 juin 2003

o pour la période comprise entre le 1er juillet 2012 et le 31 décembre 2018 à la somme de 483.718 € hors taxes-hors charges,

o à partir du 1er janvier 2019, à la somme annuelle de 74.520 € hors taxes hors charges,

* débouté la société civile[Adresse 1] de sa demande d'indexation de l'indemnité d'occupation ;

* dit que la compensation entre le montant de l'indemnité d'éviction et celui de l'indemnité d'occupation, s'opérera de plein droit ;

* condamné la société civile[Adresse 1] aux entiers dépens, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire ;

* condamné la société civile[Adresse 1] à payer à la SARL Hotel Liberty la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Le reprenant et y ajoutant,

A titre principal,

- fixer le montant de l'indemnité d'éviction due à la SARL Hotel Liberty pour perte de fonds de commerce à la somme de 1.305.631,41 € se décomposant comme suit :

' Indemnité principale : 1.162.514,25 €

' Frais de remploi : 116.251,42 €

' Trouble commercial : 24.365,74 €

' Réfactions diverses : 2.500 €

' Total : 1.305.631,41 €

- fixer le montant de l'indemnité d'occupation due par la SARL Hotel Liberty à la société civile[Adresse 1] pour la période antérieure au 31 décembre 2018 à la somme totale de 1.151.873,40 € HT HC se décomposant comme suit :

o 906.881,91 € HT HC au titre des locaux objets du bail commercial du 24 juin 2003 (période du 1er juillet 2012 au 31 décembre 2018), et,

o 244.991,50 € HT HC au titre des locaux objets du bail commercial du 9 octobre 2001 (période du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2018)

- fixer le montant de l'indemnité d'occupation due par la SARL Hotel Liberty à la société civile[Adresse 1] pour la période débutant au 1er janvier 2019 à la somme de 170.683 € HT HC / an se décomposant comme suit :

o 143.776 € HT HC / an au titre des locaux objets du bail commercial du 24 juin 2003, et,

o 26.907 € HT/HC / an au titre des locaux objets du bail commercial du 9 octobre 2001.

- ordonner la compensation des sommes réciproquement dues par les parties au titre de l'indemnité d'éviction et de l'indemnité d'occupation ;

A titre subsidiaire, à supposer que le montant de l'indemnité d'éviction doive être calculé sur la base du chiffre d'affaires moyen pondéré des exercices 2017/2018 à 2019/2020,

- fixer le montant de l'indemnité d'éviction due à la SARL Hotel Liberty pour perte de fonds de commerce à la somme de 1.315.226,72 € se décomposant comme suit :

' Indemnité principale : 1.171.237,25 €

' Frais de remploi : 117.123,73 €

' Trouble commercial : 24.365,74 €

' Réfactions diverses : 2.500 €

' Total : 1.315.226,72 €

- fixer le montant de l'indemnité d'occupation due par la SARL Hotel Liberty à la société civile[Adresse 1] pour la période antérieure au 31 décembre 2018 à la somme totale de 1.151.873,40 € HT HC se décomposant comme suit :

o 906.881,91 € HT HC au titre des locaux objets du bail commercial du 24 juin 2003 (période du 1er juillet 2012 au 31 décembre 2018), et,

o 244.991,50 € HT HC au titre des locaux objets du bail commercial du 9 octobre 2001 (période du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2018) ;

- fixer le montant de l'indemnité d'occupation due par la SARL Hotel Liberty à la société civile14-16 Rue de Nancy pour la période débutant au 1er janvier 2019 à la somme de 170.683 € HT HC / an se décomposant comme suit :

o 143.776 € HT HC / an au titre des locaux objets du bail commercial du 24 juin 2003, et,

o 26.907 € HT/HC / an au titre des locaux objets du bail commercial du 9 octobre 2001.

- ordonner la compensation des sommes réciproquement dues par les parties au titre de l'indemnité d'éviction et de l'indemnité d'occupation ;

En tout état de cause,

- débouter la SARL Hotel Liberty de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- ordonner l'expulsion, le cas échéant avec l'assistance d'un serrurier et de la force publique, de la SARL Hotel Liberty et de tous occupants de son chef des locaux qu'elle occupe sis [Adresse 1] ' 75010 Paris, trois mois après le paiement de l'indemnité d'éviction ou sa consignation entre les mains d'un séquestre, conformément aux dispositions de l'article L. 145-29 du code de commerce ;

- désigner à cette fin tel séquestre qu'il lui plaira dans les conditions de l'article L. 145-29 du code de commerce ;

- ordonner, en cas d'expulsion de la SARL Hotel Liberty, la séquestration des meubles aux frais, risques et périls de cette dernière ;

- condamner la SARL Hotel Liberty à verser à la société [Adresse 1] la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction sera faite au profit de la SCP FTMS Avocats par application de l'article 699 du même code.

Vu les conclusions déposées le 25 septembre 2023, par lesquelles la SARL Hotel Liberty, intimée à titre principal et appelante à titre incident, demande à la Cour de :

- confirmer le jugement rendu le 14 septembre 2021 par la 18ème chambre du tribunal judiciaire de Paris, en ce qu'il a :

« *Dit que l'éviction entraîne la perte du fonds de commerce exploité par la SARL Hotel Liberty dans les locaux sis [Adresse 1] à [Localité 5], [']

* Condamné la société civile[Adresse 1], aux entiers dépens, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire,

* Condamné la société civile[Adresse 1] à payer à la SARL Hotel Liberty la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire, ['] »

- infirmer le jugement rendu le 14 septembre 2021 par la 18ème chambre du tribunal de judiciaire de Paris, en ce qu'il a :

« ['] * Fixé l'indemnité d'éviction à la somme de 2.493.000 €, soit

- Indemnité principale : 2.244.166,67 €

- Frais de remploi : 224.000 €

- Trouble commercial : 22.871 €

- Réfactions diverses : 2.500 €

- Outre les frais de licenciement qui seront payés sur justificatif,

* Dit que la SARL Hotel Liberty est redevable à l'égard de la société civile[Adresse 1] d'une indemnité d'occupation, à compter du 1er juillet 2012 pour la partie rez-de-chaussée et sous-sol loué par bail du 9 octobre 2001, et à compter du 1er juillet 2011 pour les étages loués par bail du 24 juin 2003,

* Rejeté la demande de la SARL Hotel Liberty de voir fixer une indemnité d'occupation globale pour l'ensemble des locaux,

* Fixé le montant de l'indemnité d'occupation

- Pour les locaux du rez-de-chaussée et du sous-sol, objet du bail du 9 octobre 2001

' Pour la période comprise entre le 1er juillet 2011 et le 31 décembre 2018 à la somme de 182.574 € hors taxes-hors charges,

' A partir du 1er janvier 2019, à la somme annuelle de 16.830 € hors taxes hors charges,

- Pour les locaux en étage, objets du bail du 24 juin 2003

' Pour la période comprise entre le 1er juillet 2012 et le 31 décembre 2018 à la somme de 483.718 € hors taxes-hors charges,

' A partir du 1er janvier 2019, à la somme annuelle de 74.250 € hors taxes hors charges,

* Débouté la société civile[Adresse 1] de sa demande d'indexation de l'indemnité d'occupation,

* Dit que la compensation entre le montant de l'indemnité d'éviction et celui de l'indemnité d'occupation, s'opérera de plein droit, ['] »

Et statuant à nouveau :

- recevoir l'intégralité des moyens et prétentions de la SARL Hotel Liberty ;

- débouter la société civile[Adresse 1] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions;

- fixer l'indemnité d'éviction dont est redevable la société civile[Adresse 1] envers la SARL Hotel Liberty à la somme de 3.650.544 €, soit :

' Indemnité principale : 3.257.200 €

' Indemnités accessoires :

- Frais de remploi : 325.720 €

- Frais de déménagement : 13.050 €

- Trouble commercial : 52.074 €

- Réfactions diverses : 2.500 €

- Outre les frais de licenciement qui seront remboursés sur justificatifs

- fixer l'indemnité d'occupation dont est redevable la SARL Hotel Liberty envers la société civile[Adresse 1] :

' Pour les locaux du rez-de-chaussée et du sous-sol, objet du bail du 09 octobre 2001 :

- Pour la période de 7,5 ans comprise entre le 1er juillet 2011 et 31 décembre 2018 : 180.860,89 €

- A compter du 1er janvier 2019 : 18.284,68 € / an

' Pour les locaux des étages, objet du bail du 24 juin 2003

- Du 1er juillet 2012 au 09 août 2021 : 509.472,59 €

- A compter du 09 août 2021 : 64.974,14 € / an

- condamner la société civile[Adresse 1] à rembourser à la SARL Hotel Liberty la somme de 38.934 €, au titre de la restitution du dépôt de garantie,

- débouter la société civile[Adresse 1] de sa demande de compensation, et à titre subsidiaire, déclarer que la compensation entre le montant de l'indemnité d'éviction et celui de l'indemnité d'occupation s'opérera de plein droit, déduction faite des sommes d'ores et déjà versée par la locataire à titre provisionnel,

- condamner la société civile[Adresse 1] à payer à la SARL Hotel Liberty la somme de 15.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société civile[Adresse 1] aux entiers dépens.

SUR CE,

Le congé avec refus de renouvellement délivré par la bailleresse le 30 décembre 2010 et 04 juillet 2011 a mis fin aux deux baux liant les parties à compter du 30 juin 2021 (bail du rez-de-chaussée) et du 30 juin 2012 (bail relatif aux étages) et a ouvert droit à la SARL Hotel Liberty au maintien dans les lieux dans l'attente du paiement de l'indemnité d'éviction.

1) Sur l'indemnité d'éviction due à la SARL Hotel Liberty

Sur l'indemnité principale

Aux termes de l'article L. 145-14 du code de commerce, en cas de congé avec refus de renouvellement, le bailleur doit payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement, l'indemnité d'éviction étant destinée à permettre au locataire évincé de voir réparer l'entier préjudice résultant du défaut de renouvellement. Elle comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.

Les conséquences de l'éviction s'apprécient in concreto au regard de la possibilité pour le locataire de conserver son fonds de commerce sans perte de clientèle importante, auquel cas l'indemnisation prend la forme d'une indemnité de transfert, ou de la perte du fonds de commerce, auquel cas l'indemnisation prend la forme d'une indemnité de remplacement.

Cette appréciation implique dans un premier temps d'étudier les caractéristiques du bail s'agissant de sa destination, des clauses usuelles ou exorbitantes de droit commun y incluses, et des locaux s'agissant de leur implantation, de leur emplacement, de leur aménagement, et de leur commercialité, ce que le tribunal a opéré par motifs détaillés que la cour adopte et auxquels il est renvoyé.

Il est en outre admis que l'indemnité d'éviction s'évalue à la date la plus proche de l'éviction et que la valeur du fonds de commerce est au moins égale à celle du droit au bail qui s'y trouve incluse.

Sur la valeur marchande du fonds de commerce :

Aux termes du jugement querellé, le premier juge a retenu une valeur du fonds de commerce de 2.280.000 €, après avoir considéré que :

la SARL Hotel Liberty exploite dans les locaux loués une activité d'hôtel et il n'est pas contesté par les parties que l'éviction entraînera la perte de son fonds de commerce, dont l'existence est liée à l'emplacement, entraînant pour elle un droit à une indemnité de remplacement égale, selon l'expert et sans contestation des parties à ce sujet, à la valeur marchande du fonds,

- L'activité prévue au bail du 09 octobre 2001 portant sur les locaux en rez-de-chaussée et sous-sol est " réception et salle de petit déjeuner pour l'hôtel situé dans le même immeuble " et l'activité prévue au bail du 24 juin 2003 portant sur les locaux situés dans les étages est « hôtel meublé », les deux baux contenant les clauses usuelles pour ce type d'activité,

- l'expert relève que les locaux, situés dans un quartier populaire, central et très actif, à proximité de la gare de l'Est, très bien desservis par les transports en commun, bénéficient d'un emplacement favorable pour l'activité exercée mais, de ce fait même, sont confrontés à un environnement très concurrentiel,

- l'expert, conformément à sa mission, a précisé que l' évolution du chiffre d'affaires de la SARL Hotel Liberty fait apparaître des baisses de 14 % et 18,42 % en 2016 et 2017 par rapport à l'exercice clos le 31 mars 2015, démontrant qu'il a été fortement affecté par les attentats de novembre 2015,

- L'expert estime l'indemnité principale en fonction de la valeur marchande du fonds de commerce évaluée, sans que les parties s'y opposent, par rapport au chiffre d'affaires,

- Il calcule la moyenne pondérée des chiffres d'affaires hors taxes des trois derniers exercices, qui ressort à 570.000 €, d'une part en se basant sur les pièces comptables fournies par le preneur, et, d'autre part, pour l'exercice clos au 31 mars 2020 pour lequel le chiffre d'affaires n'est pas encore connu, sur un montant estimé de 600.000 €, et il applique à cette moyenne un coefficient de 4 retenu en considération d'une part de la qualité de l'emplacement et du caractère recherché de ce type d'établissement relevant de l'hôtellerie économique, d'autre part, de la forte concurrence à laquelle l'hôtel est confronté qui impose de procéder à sa modernisation, et de son faible potentiel de développement, et parvient ainsi à une valeur de fonds de commerce de 2.280.000 €,

- Il ressort des pièces comptables figurant au dossier que le chiffre d'affaires de l'hôtel a fortement baissé en 2015 et 2016 du fait de la baisse de la fréquentation touristique liée aux attentats de 2015, puis est reparti à la hausse, faiblement en 2017, de manière plus vigoureuse à partir de 2018, pour dépasser à partir de 2019 les chiffres d'affaires antérieurs aux attentats, le chiffre d'affaires moyen de 570.000 € proposé par l'expert sera donc retenu,

- par ailleurs, les références fournies tant par l'expert judiciaire que par l'expert amiable mandaté par le bailleur ne font apparaître aucune cession de fonds ou fixation d'indemnité d'éviction pour un montant équivalant à 3 fois le chiffre d'affaires depuis 2006, les coefficients retenus au cours des années 2011 à 2019 se situant plutôt entre 4,5 et 6 comme l'indique M. [O], l'expert précisant, dans sa réponse au dire de la société [Adresse 1] du 15 novembre 2019, qu'il a retenu un coefficient de 4, inférieur à la grande majorité des transactions citées comme termes de comparaison, pour tenir compte des éléments défavorables à l'hôtel, notamment l'impossibilité, du fait de la qualité de construction ordinaire et de la structure étroite de l'immeuble qui l'abrite, de passer dans une catégorie supérieure à " une étoile " et donc d'augmenter son chiffre d'affaires, et souligne que si le coefficient retenu par M. [R] en octobre 2016 est de 3, il était de 3,75 en 2013 et de 3,25 en mars 2016, de sorte que le coefficient de 4, préconisé par M. [O] sera donc retenu.

La société civile[Adresse 1] sollicite l'infirmation du jugement de ce chef en arguant qu'une erreur aurait été commise dans le cadre du montant du chiffre d'affaires moyen pondéré à prendre en compte en ce qu'il a été calculé sur la base des exercices 2017/2018 à 2019/2020, alors qu'il aurait dû être procédé à une évaluation plus récente au sens de la jurisprudence ; qu'à titre principal, il y a lieu de réaliser une estimation actualisée du chiffre d'affaires pondéré moyen en prenant en compte les exercices les plus récents, soit 2019/2020 à 2022/2023 (« Hypothèse 1 »), soit une somme de 564.307,33 € HT ; qu'à titre subsidiaire, si la période considérée devait effectivement être constituée des exercices 2017/2018 à 2019/2020, il y aurait tout de même lieu d'apporter des corrections au calcul retenu par le tribunal (« Hypothèse 2 »), le chiffre d'affaire ressortant à 583.335 € HT et non 600.000 €, soit un chiffre d'affaires moyen pondéré à 567.479 €.

Elle ajoute que s'agissant du coefficient multiplicateur, il devrait être minimisé au regard des nombreux défauts de l'immeuble, à savoir la vétusté et le potentiel de développement de l'hôtel, et que les comparaisons retenues par l'expert devraient être écartées en raison de leur différence avec les locaux loués, les comparaisons versées aux débats par la société civile[Adresse 1] concernant des références plus récentes et mieux situées, et étant délimitées entre 3 et 3,5 antérieurement à la pandémie de Covid-19, ce qui justifierait un coefficient de 2,75.

La SARL Hotel Liberty fait valoir quant à elle qu'au titre du chiffre d'affaires moyen pondéré, l'exercice 2020/2021 durant lequel l'exploitation de l'hôtel a été particulièrement impactée par la crise sanitaire liée à la Covid-19 devrait être écarté conformément à la jurisprudence, et que les chiffres d'affaires réalisés durant les exercices 2021/2022 et 2022/2023 devraient être pondérés à l'instar des préconisations de l'Expert, aboutissant à un total de 658.614 €.

Elle souligne que l'Expert judiciaire et le Tribunal auraient commis une erreur en retenant un coefficient de 4, rien ne justifiant qu'il soit retenu un coefficient inférieur à la grande majorité des comparaisons citées, dès lors que l'hôtel est particulièrement bien situé, et disposerait d'un potentiel important de développement, de sorte qu'un coefficient de 5 devrait être retenu.

Au cas d'espèce, l'expert relève que le transfert du fonds de commerce est impossible et ce point n'est pas discuté par les parties, et a utilisé la méthode de valorisation par le chiffre d'affaires, méthode pas davantage contestée par les parties.

L'estimation par le chiffre d'affaires s'effectue en affectant un coefficient ou un taux à la moyenne des chiffres d'affaires des trois dernières années. Ce taux varie en fonction des caractéristiques propres du fonds et notamment de la ou des activités contractuellement admises qui y sont effectivement exercées.

L'expert judiciaire retient que le chiffre d'affaire moyen des exercices de 2016 à 2019 était de 530.000 € HT, et que pour les exercices de 2017 à 2020, ce chiffre d'affaires moyen s'élèverait à 570.000 € HT, en tenant compte d'un chiffre d'affaires de l'ordre de 600.000 €, en forte hausse sur 2020.

Néanmoins, il appartient à la cour de statuer en tenant compte des chiffres d'affaires des exercices les plus récents, soit les exercices 2021/2022 et 2022/2023, en excluant l'exercice de l'année 2020, dès lors que les mesures administratives prises dans le cadre de la gestion de la pandémie de la Covid 19 ont eu pour conséquence une baisse de la fréquentation des hôtels à [Localité 6], dont la SARL Hotel Liberty, l'impact de ces mesures pour l'activité de la locataire recevant tant une clientèle de tourisme que d'affaires, ne pouvant s'envisager que de manière temporaire ce qui doit conduire à apprécier l'indemnité d'éviction en fonction des caractéristiques propres du fonds dans le cadre de la poursuite d'une activité normale, ce qu'elle n'a pu faire sur l'année 2020.

Le preneur fournit ses derniers chiffre d'affaires des exercices 2021 à 2022 desquels il ressort un chiffre d'affaire moyen HT de 621.633 € (du 1er avril 2021 au 31 mars 2022 : 510.692 € et du 1er avril 2022 au 31 mars 2023 : 732.575 €), sans qu'il soit besoin d'user de coefficients de pondération retenus par l'expert, dès lors que seuls les deux plus récents exercices sont pris en compte.

Enfin, s'agissant du coefficient multiplicateur applicable, c'est par des motifs dont la pertinence en cause d'appel n'a pas été altérée et que la cour adopte que le premier juge a retenu un coefficient de 4, préconisé par l'expert, dès lors que ce coefficient, certes inférieur à la grande majorité des transactions citées comme termes de comparaison, tient cependant compte des éléments défavorables à l'hôtel, notamment l'impossibilité, du fait de la qualité de construction ordinaire et de la structure étroite de l'immeuble qui l'abrite, de passer dans une catégorie supérieure à " une étoile " et donc d'augmenter son chiffre d'affaires.

En outre, si le coefficient proposé par la société civile[Adresse 1], de 2,75, est fondé sur le rapport de son propre expert amiable, Monsieur [R], ce rapport apparaît toutefois particulièrement peu adapté, l'évaluation faite par Monsieur [R], qui conclut à une perte de la moitié de la valeur du fonds de commerce en trois ans, apparaissant totalement en contradiction tant avec l'activité de l'hôtel, en hausse nette, qu'à l'état du marché, où le coefficient était en octobre 2016 de 3, de 3,75 en 2013 et de 3,25 en mars 2016.

Enfin, si la SARL Hotel Liberty prétend à l'application d'un coefficient de 5, force est de relever, à l'instar de l'expert, que le projet de classement de l'hôtel en catégorie trois étoiles, outre qu'il n'est nullement concrétisé, apparaît techniquement difficile compte tenu de la configuration des locaux, pas équipés d'un ascenseur, qui comprend dix-neuf chambres non équipées de salles de bains, et certaines chambres dont la surface est incompatible avec les règles de cette catégorie.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a retenu le coefficient multiplicateur de 4, et de l'infirmer en ce qu'il a fixé la valeur du fonds de commerce à 2.280.000 €, la cour fixant celle -ci à 2.486.532 €.

Sur les déductions à appliquer

Aux termes du jugement entrepris, le premier juge a déduit de l'indemnité d'éviction principale la somme de 35.833,33 € HT au titre des travaux relatifs à la sécurité incendie et a refusé de déduire les travaux d'accessibilité PMR, après avoir considéré que :

il se déduit de l'article R. 123-43 du code de la construction et de l'habitation disposant que les exploitants sont tenus de s'assurer que les installations ou équipements sont maintenus et entretenus en conformité avec les dispositions du règlement de sécurité prévues à l'article R. 123-12 du même code, que la mise en conformité des locaux est une obligation légale à laquelle l'exploitant ne peut se soustraire,

les travaux visés ne sont pas de simples travaux facultatifs mais sont « ordonnés par l'administration », de sorte que la charge de la mise en conformité incombe à la SARL Hotel Liberty,

après la venue à l'hôtel, le 10 octobre 2014, de son groupe de visite, la Préfecture de police a, par courrier du 22 octobre 2014, émis un avis favorable à la poursuite de l'exploitation mais prescrit divers travaux, relatifs principalement à la remise en état de fonctionnement de l'ouvrant de désenfumage de l'escalier, au bon fonctionnement de l'éclairage de sécurité, à l'amélioration de la sécurité des occupants en tenant compte, à tous les étages, de la distance supérieure à 10 mètres entre la chambre la plus éloignée et l'escalier,

après la visite de l'hôtel par le service d'Inspection de la Salubrité et de la Prévention du Risque Incendie le 4 avril 2017, la Préfecture de police, dans un courrier du 19 avril 2017, a, notamment, attiré l'attention de la société HOTEL LIBERTY sur l'importance de lui transmettre dans un délai de six mois, un dossier visant à l'amélioration de la sécurité des occupants en tenant compte, à tous les étages, de la distance supérieure à 10 mètres entre la chambre la plus éloignée et l'escalier,

le rapport SOCOTEC de vérification des installations de sécurité incendie rédigé le 14 mai 2019 conclut à un état satisfaisant desdites installations,

Monsieur [Z], architecte intervenant en qualité de sapiteur, dans son rapport du 29 août 2010, indique qu'en référence à l'avis de la Préfecture de police du 22 octobre 2014 un certain nombre d'éléments doivent être améliorés :

* la distance des circulations horizontales entre la chambre la plus éloignée et l'escalier, supérieure à 10 mètres, par la mise en place de portes de recoupement à chaque étage,

* l'ouverture de l'ouvrant de désenfumage de la cage d'escalier, par son remplacement,

* l'éclairage de sécurité, par le remplacement des éléments défectueux,

* la fermeture des portes d'isolement, par la révision des ouvrants et la mise en place de ferme-portes,

* les installations électriques par leur mise en conformité suivant rapport SOCOTEC,

Il retient un coût des travaux de mise en sécurité de 35.833,33 € HT, soit 39.000 € TTC,

Il ressort de la réponse apportée par Monsieur [O] au dire récapitulatif du 15 novembre 2019 de la société civile[Adresse 1] que l'évaluation du coût des travaux de mise en conformité réalisée par la société Aliénor, qui représente environ une année de chiffre d'affaires n'est pas réaliste, ce qui est confirmé par le rapport de Monsieur [Z] qui ajoute qu'un certain nombre des ouvrages préconisés apporteraient un gain qualitatif à l'exploitation de l'établissement mais ne relèveraient pas d'une mise en conformité nécessaire,

il résulte également du procès-verbal établi par la commission de sécurité de la Préfecture de police le 29 janvier 2020 que la société HOTEL LIBERTY n'a pas réalisé la totalité des mesures de sécurité incendie demandées à plusieurs reprises depuis le 10 octobre 2014,

les travaux relatifs à la sécurité incendie seront donc déduits du montant de l'indemnité d'éviction à hauteur de 35.833,33 € hors taxes, conformément à l'évaluation qui en a été faite par M. [Z] et retenue par M. [O],

en revanche, les différents procès-verbaux émanant de la préfecture de police révélant que l'accessibilité PMR ne fait l'objet d'aucune demande de travaux, ce qui est confirmé par le rapport de M. [Z] selon lequel l'hôtel ne souffre d'aucun défaut de conformité à ce titre, les travaux d'amélioration au titre de l'accessibilité PMR ne seront pas déduits.

La société civile[Adresse 1] sollicite l'infirmation du jugement attaqué de ce chef et la déduction de travaux à hauteur de 350.430 € HT, en faisant valoir que le montant portant sur les travaux de sécurité aurait été sous-estimé, l'estimation de la société Aliénor, pour un montant de 105.000 €, étant plus appropriée au titre de l'alarme incendie, et l'estimation pour les luminaires, à hauteur de 39.930 € HT, étant également plus adaptée, au sens de l'arrêté du 25 juin 1980, qui distingue, pour la mise en conformité de l'éclairage, l'éclairage de sécurité de l'éclairage normal.

Elle ajoute que l'installation électrique devrait être estimée à la somme de 16.000 €, et que les solutions au titre de l'électricité CFO/CFA, le chauffage et la climatisation, et la ventilation, doivent être mis en conformité, l'ensemble de ces travaux de mise en sécurité s'élevant à la somme de 350.430 € HT.

Enfin, s'agissant des travaux PMR, la société civile[Adresse 1] excipe d'une obligation de mise aux normes ERP au sens de l'ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014, les travaux devant être imputés au preneur à hauteur de 38.900 €.

La SARL Hotel Liberty ne conteste plus en cause d'appel la mise à sa charge des travaux en matière de sécurité dès lors qu'aux termes de la lettre signée par les parties en date du 17 juin 2003, elle s'est notamment engagée à faire « son affaire personnelle des travaux et réparations ordonnés par l'administration, notamment de sécurité et de conformité. Les travaux seront pris en charge par le preneur, sans répétition contre le bailleur ».

Elle conteste néanmoins le quantum réclamé par la société civile[Adresse 1] et sollicite la confirmation du jugement de ce chef, en excipant de la partialité du rapport établi par la société Aliénor, à la demande de la bailleresse et sous ses seules instructions.

Elle souligne par ailleurs que dès lors que ces travaux sont facultatifs et n'ont pas été ordonnés par l'administration, ils ne peuvent être mis à la charge de la société locataire, de sorte que s'agissant des travaux en matière d'accessibilité PMR, ils constitueraient de simples travaux d'amélioration et non de mise en normes ordonnés par l'administration, dont le coût ne saurait être mis à la charge de la société locataire.

Au cas d'espèce, c'est par des motifs dont la pertinence en cause d'appel n'a pas été altérée et que la cour adopte que le premier juge a ainsi statué.

En effet, si le principe d'une prise en charge par la SARL Hotel Liberty des travaux de mise en conformité en matière de sécurité n'est plus contestée en cause d'appel, il convient néanmoins de relever que le coût de travaux de mise en sécurité a été évalué par l'expert sapiteur à la somme de 35.833,33 € HT, le montant de 350.430 € HT réclamé par la société civile[Adresse 1] à ce titre en cause d'appel apparaissant particulièrement excessif et peu réaliste, dès lors qu'il représente plus de la moitié du chiffre d'affaires annuel, et qu'à la lecture du rapport de la société Aliénor, établi à la demande de la société civile14-16 Rue de Nancy, un certain nombre de prestations prévues s'analysant non en des travaux de mises en conformité mais en des travaux d'amélioration.

Dès lors, le montant de 35.833,33 € HT sera retenu et confirmé par la cour au titre des travaux de mise en sécurité.

S'agissant des travaux d'accessibilité, la cour, par adoption de motifs, confirmera le jugement entrepris ayant rejeté les demandes de déduction desdits travaux à hauteur de 19.583,33 € HT, dès lors que lesdits travaux n'apparaissent pas comme ayant été ordonnés par l'administration, mais uniquement préconisés, l'expert sapiteur ayant au demeurant relevé que l'hôtel ne souffrait aucun défaut de conformité à ce titre.

Il en résulte que la valorisation de l'indemnité principale d'éviction sera fixée à 2.450.698,67 € (2.486.532 € - 35.833,33 € HT) et le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur les frais de remploi

Aux termes du jugement querellé, le premier juge a fixé des frais de remploi à la somme de 224.000 €, correspondant à 10 % de l'indemnité d'éviction principale, conformément aux usages et à l'accord des parties sur ce point, l'expert ayant par ailleurs évalué ce chef de demande à 200.000 €, comprenant les frais fiscaux pour un montant de 98.560 €, ainsi que les frais d'agence datent de 5 % pour l'acquisition d'un fonds équivalent pour un montant de 103.250 €.

Si les parties s'accordent sur la fixation des frais de remploi à 10 % de l'indemnité d'éviction, elles sollicitent cependant toutes deux l'infirmation du jugement querellé de ce chef, chacune se fondant sur une indemnité d'éviction au montant différent, de sorte que la société civile[Adresse 1] sollicite la fixation desdits frais à 116.251,42 €, tandis que la SARL Hotel Liberty sollicite de porter ces frais à 325.720 €.

Néanmoins, l'indemnité d'éviction principale étant fixée par la cour à 2.450.698,67 €, le montant des frais de remploi, correspondant à 10 % de ladite indemnité, conformément aux usages, sera dès lors fixé à 245.069 €.

Le jugement sera par conséquent infirmé de ce chef.

Sur les frais de déménagement

L'indemnité pour frais de déménagement a pour objet d'indemniser le preneur des frais exposés pour libérer les locaux dont il est évincé.

La SARL Hotel Liberty réclame la somme de 13.050 € au titre des frais de déménagement, aux motifs que le forfait de 3.000 € tel qu'évalué par l'expert serait insuffisant compte tenu de la surface des locaux de 725,41 m², la somme de 13.050 € devant être retenue.

La société civile[Adresse 1] s'oppose à cette demande en arguant que les frais de réinstallation doivent être exclus en l'absence de devis démontrant la nature et le volume des aménagements spécifiques qu'il pourrait avoir à réaliser dans un nouveau fonds.

Au cas d'espèce, l'expert a retenu une indemnité forfaitaire de 3.000 €.

Si la SARL Hotel Liberty conteste cette évaluation ainsi retenue, force est néanmoins de constater qu'elle ne verse aux débats aucun devis de nature à justifier temps de la nature que du volume des biens à déménager, la seule production de page Internet d'un déménageur faisant état d'un tarif de 3.600 € pour 200 m² pour un déménagement de particuliers étant insuffisante à établir l'inadéquation du forfait proposé par l'expert avec la réalité des frais que la SARL Hotel Liberty devra exposer pour libérer les lieux.

En conséquence, il convient de retenir une indemnité de déménagement de 3.000 €.

Sur l'indemnité pour trouble commercial

Cette indemnité compense le moindre investissement dans l'activité commerciale à raison de l'éviction et le temps qui sera nécessaire pour la recherche d'un nouvel emplacement à l'exclusion des autres postes de préjudices allégués par la preneuse qui n'entrent pas dans la cadre de l'indemnité pour trouble de jouissance.

Pour fixer au profit de la SARL Hotel Liberty une indemnité pour trouble commercial d'un montant de 22.871 €, le premier juge a retenu dans le jugement attaqué que :

Monsieur [O] retient un montant correspondant à 3 mois de l'excédent brut d'exploitation retraité du dernier exercice connu soit, 35.000 € (141.688 x 3/12),

le calcul effectué par Monsieur [R], invoqué par la société civile[Adresse 1], ne peut être retenu car, d'une part, il ne prend pas en compte le montant des dotations aux amortissements et d'autre part, il calcule l'augmentation de loyer qui aurait pu résulter du renouvellement du bail, sur la base d'une valeur locative de 140.000 €/an jugée tout à fait excessive par l'expert, et est en outre basé sur les chiffres des exercices clos les 31 mars 2014, 2015 et 2016 et n'a pas été actualisé,

Or, il ressort des données rapportées par Monsieur [O] en page 32 de son rapport que l'excédent brut d'exploitation retraité de la SARL Hotel Liberty était de 25.084 € pour l'exercice clos au 31 mars 2017, 49.389 € pour l'exercice clos au 31 mars 2018 et 141.688 € pour l'exercice clos au 31 mars 2019,

Eu égard à cette très forte progression, l'indemnité pour trouble commercial sera calculée, conformément à la pratique habituelle, sur la base de l'EBE moyen pondéré des trois derniers exercices, soit 91.487 € [(25.084 x 1) + (49.389 x 2) + (141.688 x 3)] et sera donc fixée à 22.871 € (91.487/12 x3).

La société civile[Adresse 1] sollicite l'infirmation du jugement querellé de ce chef et la fixation d'une indemnité pour trouble commercial de 24.365,74 €, afin de tenir compte de l'actualisation des données comptables de la SARL Hotel Liberty.

La SARL Hotel Liberty, laquelle sollicite l'infirmation du jugement querellé et la fixation à son bénéfice d'une indemnité pour trouble commercial de 52.074 €, fait valoir pour l'essentiel que conformément aux usages, le trouble commercial doit être fixé à un montant correspondant à 3 mois de l'EBE du dernier exercice connu, sans qu'il y ait lieu de pondérer l'EBE sur la base des trois derniers exercices en raison de l'augmentation du chiffre d'affaires de la société locataire.

Or, en retenant 3 mois d'excédent brut d'exploitation retraité (EBE) du dernier exercice connu, lequel s'est établi en 2022/2023 à la somme de 208.298 €, l'indemnité pour trouble commercial s'élèverait ainsi à 52.074 €.

Au cas d'espèce, il échet de relever, à la lecture des liasses fiscales de la SARL Hotel Liberty pour les exercices du 1er avril 2021 au 31 mars 2022 puis du 1er avril 2022 au 31 mars 2023 un EBE respectivement de 42.688 € et de 195.522 €, soit une moyenne sur ces deux derniers exercices de 119.105 €, la cour excluant l'application de tout coefficient de son appréciation ainsi que l'exercice de l'année 2020 en raison de la crise liée au Covid 19, qui, par les mesures administratives prises dans le cadre de la gestion de cette pandémie, ont eu pour conséquence une baisse de la fréquentation des hôtels à [Localité 6], dont la SARL Hotel Liberty, qui n'a pu poursuivre une activité normale au cours de cet exercice.

En conséquence, l'indemnité pour trouble commercial sera fixée à la somme de 29.776,25 €, représentant 3 mois d'EBE, et le jugement sera infirmé en ce qu'il a fixé cette indemnité à 22.871 €.

Les chefs de « réfactions diverses » et de remboursement des frais de licenciement sur présentation de justificatifs n'étant pas contestés en cause d'appel, le jugement sera par conséquent confirmé de ces chefs.

2) Sur l'indemnité d'occupation due par la SARL Hotel Liberty

Il résulte de l'article L. 145-28 et R. 145-7 du code de commerce que le locataire évincé qui se maintient dans les lieux est redevable d'une indemnité d'occupation jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction, qui est égale à la valeur locative compte tenu de tous éléments d'appréciation, notamment les prix couramment pratiqués dans le voisinage concernent des locaux équivalents.

Il n'est pas contesté en cause d'appel par les parties que doivent être calculées séparément les indemnité d'occupation correspondant à chacun des deux baux liant les parties.

a- Pour le bail du rez-de-chaussée et du sous-sol à effet au 1er janvier 2002

- Sur la surface pondérée

Aux termes du jugement querellé, le premier juge a fixé la surface pondérée des locaux loués au rez-de-chaussée et en sous-sol, objet du bail du 9 octobre 2001, à 38,22 m², après avoir retenu que :

* la partie commerciale constituée, au sous-sol, d'une cave non reliée qu'il compte pour mémoire, et au rez-de-chaussée de :

* la réception, d'une surface de 26,6 m2, pondérée à 1,

* la salle des petits déjeuners, d'une surface de 15,54 m2 qu'il pondère à 0,7 soit 10,7 m2

* un sanitaire de 2,49 m2 qu'il pondère à 0,3 soit 0,75 m2

La surface pondérée retenue est donc de 38,22 m2,

* la partie initialement non accessible à la clientèle, qui abritait une buanderie et une réserve, dans laquelle a été aménagée, à la fin de l'année 2018, une chambre PMR dont, en l'absence de plan, il évalue forfaitairement la surface à 20 m2, qui sera toutefois intégrée dans la partie " hôtel ", cette surface ne pouvant donc pas être prise en compte, à partir du 1er janvier 2019, dans le calcul de valeur locative des locaux objets du bail à effet au 1er janvier 2002 pour lesquels M.[O] retient une surface de 46,84 m2,

* si la société [Adresse 1] soutient que doit être retenue la superficie résultant du rapport établi par M. [R] le 3 octobre 2016 qui se base sur les surfaces du cabinet d'architectes MAD, il sera jugé que les surfaces mesurées par un cabinet de géomètre, dont c'est la fonction première, devant être préférées à celles résultant de plans, au demeurant non produits, établis par un cabinet d'architecte, les chiffres proposés par l'expert soit 38,22 m2 pour la partie commerciale et 46,84 m2 pour la partie initialement non accessible à la clientèle, doivent être retenus.

La société civile14-[Adresse 2] conteste en cause d'appel la surface ainsi retenue pour les locaux objets du bail du rez-de-chaussée, en faisant valoir qu'au titre de la partie commerciale de la surface pondérée des locaux, concernant la salle de petit déjeuner, le coefficient retenu devrait être fixé entre 0,8 et 1 dès lors qu'il s'agit d'une zone de vente de plus de 5 mètres ; que s'agissant de la principale source de revenu du Preneur aux termes du Bail RDC, et au regard de la constante stabilité de son chiffre d'affaires de petits-déjeuners, un coefficient de 0,9 devrait être appliqué ; que concernant les WC, s'agissant d'une troisième zone accessible au public, un coefficient de 0,4 à 0,6 devrait être appliqué ; que s'agissant des seuls WC accessibles au public aux termes du Bail RDC, un coefficient de 0,6 devrait être retenu.

Elle ajoute que la cave devrait être réintégrée dans la surface pondérée, le total s'élevant à 52,97 m²B et non 38,22 m²B ; que compte tenu de la création de la chambre PMR en 2018, cet espace doit être transféré dans la valorisation du Bail Hôtel par soucis de cohérence des modes de calculs, et soustrait à la surface du Bail RDC (ce que le Preneur confirme expressément aux termes de ses conclusions d'intimée du 25 avril 2022, page 20), soit 54 m² - 20 m² = 34 m² ; que la chambre PMR fait en réalité 54 m² ;

La SARL Hotel Liberty argue quant à elle sur les locaux loués au rez-de-chaussée, que seule la surface utile telle que mesurée par le Cabinet GE3D, géomètre-expert, devrait être retenue, soit la surface de 90,20 m² pour le rez-de-chaussée ; que sur la partie commerciale, les locaux ne disposant pas de linéaire en vitrine mais uniquement d'une fenêtre et d'une porte, il n'y a pas lieu d'augmenter les coefficients de pondération pour les faire correspondre à la fourchette haute de la Charte de l'expertise, de sorte que la surface retenue est celle de 38,22 m²P ; que compte tenu de la faible commercialité de la rue, Monsieur [N] [O], Expert judiciaire, a retenu un prix unitaire de 260 € et considéré qu'il n'a pas varié au cours de la période écoulée depuis le 30 juin 2011, date d'effet du congé ; que la surface utile de la partie initialement non-accessible au public ne peut être supérieure à 45,57 m² ; que compte tenu de la création de la chambre PMR en 2018, cet espace doit être effectivement transféré dans la valorisation des locaux situés en étage, et doit donc être soustrait à la surface du rez-de-chaussée non-accessible au public 20 m², soit une surface non-accessible au public de 25,57 m².

Au cas d'espèce, si les parties s'accordent sur une surface de 44,63 m² au rez-de-chaussée, elles s'opposent toujours en cause d'appel quant à la surface pondérée à retenir, le premier juge ayant fixé à 38,22 m²P, tandis que la société civile[Adresse 1] demande à ce qu'elle soit retenue à 52,97 m² pondérés, la SARL Hotel Liberty à 38,22 m² pondérés, et sur la prise en compte de la cave.

Cependant, s'agissant de l'absence de prise en compte de la cave par l'expert, la cour relève que si la société civile[Adresse 1] soutient dans ses dernières écritures que la cave présenterait une superficie de 72,6 m², force est néanmoins de constater à la lecture de ses propres pièces, et notamment des rapports établis par Monsieur [R], que la surface s'élèverait à 36,15 m², la cave étant au demeurant accessible uniquement depuis la cour par une échelle de meunier d'une largeur de 0,56 m et comprend des réserves et des locaux techniques.

En l'état de ces éléments, démontrant une absence totale d'accessibilité de cette cave depuis l'hôtel, l'absence de prise en compte sera confirmée.

S'agissant de la pondération critiquée par l'appelante pour la salle du petit déjeuner du rez-de-chaussée, dont elle souhaite voir la surface de 15,54 m², non critiquée par elle, pondérée par un coefficient de 0,90 et non 0,70 comme retenu par le tribunal et l'expert, force est cependant de relever, à la lecture du descriptif des lieux, que cette salle ne se trouve pourvue que d'une fenêtre et d'une porte à l'exclusion d'aucun linéaire, de sorte que, même si elle correspond à une zone de vente de plus de 5 m, son absence de vitrine justifie le coefficient de 0,70 retenu par le tribunal, qui sera donc confirmé.

S'agissant de la pondération critiquée par l'appelante pour les wc du rez-de-chaussée, dont elle souhaite voir la surface de 2,49 m², non critiquée par elle, pondérée par un coefficient de 0,6 et non 0,3 comme retenu par le tribunal et l'expert, force est néanmoins de relever, à la lecture du descriptif des lieux, que ces WC ne sont accessibles qu'à la clientèle et pas par le palier de départ des escaliers de l'hôtel de sorte que les difficultés d'accès justifient l'application d'un coefficient de pondération de 0,30, qui sera donc confirmé.

En conséquence, le jugement querellé sera confirmé en ce qu'il a fixé la superficie pondérée des locaux loués à 38,22 m² pondérés.

- Sur la valeur locative

Aux termes du jugement querellé, le premier juge a retenu une valeur locative pour les locaux du rez-de-chaussée et du sous-sol d'un montant de 182.574 € HT/HC 1er juillet 2011 au 31 décembre 2018, puis à partir du 1er janvier 2019 d'un montant de 16.830 € HT/HC par an, après avoir considéré que :

compte-tenu de la faible commercialité de la rue, M. [O] retient, pour la partie commerciale, une valeur locative de 260 euros/m2 et considère qu'elle n'a pas varié au cours de la période écoulée depuis le 30 juin 2011, date d'effet du congé, et l'évalue donc à 10.000 euros/an (260 x 38,22m²P),

pour la partie initialement non accessible à la clientèle, M.[O] indique moduler le montant de l'indemnité en fonction des évolutions du marché parisien des loyers d'habitation depuis la date d'effet du congé, soit le 30 juin 2011, et parvient au résultat ci-après :

- Indemnité d'occupation du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2011 : 7.000 € HT-HC (25€/ m² x 6 mois x 46,84 m²)

- Indemnité d'occupation du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012 : 14.390 € HT-HC (25,60 €/ m² x 12 mois x 46,84 m²)

- Indemnité d'occupation du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013 : 14.450€ HT-HC (25,70 €/ m² x 12 mois x 46,84 m²)

- Indemnité d'occupation du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014 : 14.500 € HT-HC (25,80 €/ m² x 12 mois x 46,84 m²)

- Indemnité d'occupation du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015 : 14.470 € HT-HC (25,70 €/ m² x 12 mois x 46,84 m²)

- Indemnité d'occupation du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2016 : 14.470 € HT-HC (25,70 €/ m² x 12 mois x 46,84 m²)

- Indemnité d'occupation du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2017 : 14.760 € HT-HC (26,25 € x 12 mois x 46,84 m²)

- Indemnité d'occupation du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2018 : 15.120 € HT-HC (26,90 €/ m² x 12 mois x 46,84 m²)

La chambre PMR étant, comme il a été dit précédemment, prise en compte dans la partie hôtel, le calcul de la valeur locative à partir de l'exercice 2019 ne tient pas compte de cette surface et est basé sur 26,84 m² et non 46,84 m² ; l'indemnité d'occupation du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2019 est donc évaluée à 8.700 € HT-HC (27,00 €/ m² x 12 mois x 26,84 m², de sorte que le montant total des indemnités d'occupation dues entre le 1er juillet 2011 et le 31 décembre 2019 pour les locaux initialement non accessibles au public ressort donc à 117.860 € HT- HC soit 13.860 € par an en moyenne que M. [O] arrondit à 14.000 €,

Le montant global de l'indemnité d'occupation afférente au bail à effet du 1er janvier 2002 estimé par M. [O] est donc de 24.000 € HT-HC par an (10.000 + 14.000),

la société civile[Adresse 1], qui ne conteste pas la valorisation retenue pour les parties initialement non accessibles au public, ne produisant aucune référence à l'appui de son estimation d'une valeur locative de 300€/m2 pour la partie commerciale, l'estimation de 260 €/m2 proposée par M.[O] sera retenue et l'indemnité d'occupation, pour la partie commerciale sera fixée à 10.000 €/an à compter du 1er juillet 2011 et jusqu'à libération complète des locaux, sans qu'il y ait lieu de faire droit à la demande d'indexation de la société civile[Adresse 1],

Pour l'indemnité d'occupation de la partie initialement non accessible au public, la valeur de 14.000 €/an proposée par l'expert correspond à une moyenne calculée sur 8,5 ans, qui est donc erronée à la date du présent jugement qui fixe l'indemnité d'occupation pour une période de plus de 10 ans, de sorte que le tribunal retiendra donc, au titre de l'indemnité d'occupation afférente à la période allant du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2018 le total des chiffres annuels calculés par l'expert soit 117.860 € HT-HC, et à compter du 1er janvier 2019, l'indemnité d'occupation sera calculée sur la base proposée par M. [O] pour l'année 2019 et s'élèvera donc à 8.700 € par an sans qu'il y ait lieu de faire droit à la demande d'indexation présentée par la société civile[Adresse 1].

La société civile[Adresse 1] conteste la valeur locative ainsi retenue, en excipant d'une valeur locative de 300 €/m² qui devrait être retenue en raison de la forte augmentation des prix de l'immobilier à [Localité 6], aboutissant à une valeur locative pour les locaux du rez-de-chaussée de 15.891€/an HT/HC, la chambre PMR étant prise en compte dans le bail « hôtel des étages » à compter du 1er janvier 2019.

La SARL Hotel Liberty s'oppose à cette valorisation et sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a retenu une valeur locative de 260 €/m², dès lors que le rapport de Monsieur [R], sur lequel la société civile[Adresse 1] fonde sa contestation, ne cite aucune référence de comparaison pour ce prix plus élevé.

Au cas d'espèce, c'est à bon droit que le premier juge a retenu une valeur locative unitaire de 260 €/m², résultant du rapport d'expertise établi contradictoirement, et alors que la société civile[Adresse 1] se borne à produire un rapport d'expertise de Monsieur [R], établi non contradictoirement, et dénué de toute référence pour justifier une augmentation de la valeur locative à 300 €/m², la seule circonstance tenant à une « forte augmentation des prix de l'immobilier à [Localité 6] » ne pouvant sérieusement à elle seule fonder une telle demande.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a retenu une valeur locative de 260 €/m² mais infirmé en ce qu'il a fixé une indemnité mensuelle d'occupation de 182.574 € HT/HC du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2018 et de 16.830 € par an à compter du 1er janvier 2019, la cour fixant l'indemnité d'occupation pour le rez-de-chaussée et le sous-sol à la somme de 180.860,89 € HT/HC du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2018 (se décomposant comme suit : 10.000 € pour la partie commerciale x 7,5 ans + 105.860,89 € correspondant à la partie initialement non accessibles au public), puis à partir du 1er janvier 2019 à la somme de 18.284,68 € HT/HC par an (27 € x 12 x 25,57 m² pour la partie initialement non accessible au public + 10.000 € pour la partie commerciale).

b- Pour le bail des étages à effet au 1er juillet 2003

Aux termes du jugement querellé, le premier juge a fixé l'indemnité d'occupation à 537.465 € HT/HC pour la période allant du 1er juillet 2012 au 31 décembre 2018, à laquelle il convient d'ajouter 82.800 €/an HT/HC depuis le 1er janvier 2019, après avoir considéré que :

* l'expert calcule la recette théorique maximum TTC sur la base des tarifs en vigueur au 1er juillet 2012 communiqués par la SARL Hotel Liberty, dont il s'infère une recette journalière maximum de 2.413 € représentant une recette théorique annuelle maximum de 880.745 € TTC, dont il déduit 10 % au titre des remises, les prix affichés étant attractifs et suffisant pour assurer un taux de remplissage satisfaisant,

* du montant ainsi obtenu, soit 792.670 €/an, l'expert déduit la TVA au taux de 7 % et la taxe de séjour d'un montant de 2.394,6 € selon avis d'imposition 2011 et obtient une recette théorique maximum HT de 737.878 €/an,

* l'expert retient ensuite un taux d'occupation de 75 % tenant compte à la fois de la bonne localisation et des tarifs attractifs de l'hôtel, et de son implantation dans un environnement très concurrentiel, qui a pour effet de ramener la recette théorique à 553.408 €/an, à laquelle il applique un pourcentage sur recette de 16,5 % au motif que, si la taille de l'hôtel lui permet d'amortir ses charges fixes dans de bonnes conditions, le preneur assume, en application des stipulations contractuelles, la charge des augmentations de l'impôt foncier et des travaux imposés par l'administration, de sorte que la valeur locative de l'hôtel ressort à 91.312 €/an arrondie à 91.000 € HT-HC,

* l'expert explique enfin que cette valeur locative est représentative d'un hôtel comportant, outre les chambres, une réception et une salle de petits déjeuners : or, les surfaces affectées à cet usage dépendant d'un second bail et leur valeur locative ayant été estimée à 10.000 €/an, il déduit donc ce montant de la somme de 91.000 € et évalue la valeur locative correspondant au bail des étages à 81.000 €/an, soit pour la période de 2 ans, 6 mois et 7 jours considérée : 204.053 € HT-HC,

* En l'absence de données statistiques sur l'hôtellerie parisienne en 2019 autre que le constat d'une fréquentation, sur les six premiers mois, très proche de celle de 2018, l'expert conserve, pour l'exercice 2019 la valeur locative calculée sur 2018 majorée de 2.800 € au titre de la chambre PMR,

et estime donc l'indemnité d'occupation due à compter du 1er janvier 2019 à 82.800 €/an,

* si, compte-tenu de sa capacité d'hébergement, l'hôtel est contraint, pour assurer un taux de remplissage suffisant, d'utiliser les services des sites de réservation en ligne (OTA), et donc de leur verser une commission, il dispose également d'un site internet qui lui permet de louer directement une partie de ses chambres. En outre, eu égard aux tarifs déjà attractifs qu'il pratique, les remises consenties sont nécessairement limitées de sorte que l'abattement de 10 % pour remise sur prix affiché, préconisé par M. [O], sera donc retenu,

* la comparaison des chiffres d'affaires effectivement réalisés par la SARL Hotel Liberty, avec la recette théorique calculée au taux de remplissage de 90 % préconisé par le bailleur, démontre que l'hôtel n'a jamais atteint ce niveau, qui, selon l'expert ne peut concerner que les hôtels non classés pratiquant la location au mois, de sorte que le taux de remplissage de 75 % préconisé par M. [O] sera donc retenu,

* le taux de recette de 16,5 % préconisé par l'expert se situe dans la fourchette des pourcentages appliqués aux hôtels offrant le niveau de confort des " une étoile " (cf rapport M. [O] p 36 et 37 et rapport M. [R] p 13,14 et 15) et sera donc retenu,

* dès lors, il sera jugé que le montant de l'indemnité d'occupation estimée par M. [O] doit être retenu soit 537.465 € HT-HC pour la période allant du 1er juillet 2012 au 31 décembre 2018 à laquelle il convient d'ajouter 82.800 €/an HT-HC depuis le 1er janvier 2019.

La société civile[Adresse 1] soutient que si une baisse de fréquentation a effectivement pu être constatée suite aux attentats de 2015 (entre -5 % et -8 % pendant 2 ans), les effets d'une telle baisse ont été très peu de temps après absorbés par une hausse proportionnelle (entre 6 % et +7 %).

Elle conteste, au titre de la recette théorique maximum, l'application d'une minoration de 10 % compte tenu du caractère particulièrement bas des prix pratiqués par le preneur, étant observé que le taux de TVA est de 10 % en matière hôtelière, de sorte que la recette théorique maximum s'élèverait à la somme de 815.907,15 €.

Elle souligne qu'un taux de 90 % devrait être retenu au titre du taux d'occupation compte tenu du taux d'occupation moyen et du standing de l'hôtel et qu'un taux de recette de 19 % doit être retenu conformément à la jurisprudence et des éléments de comparaison proposés par l'expert.

Elle relève enfin s'agissant de la chambre PMR, qu'il conviendrait d'appliquer à cette recette théorique maximum les taux d'occupation et de recette justifiés supra, l'absence de déduction du montant du loyer acquitté pour les locaux situés au rez-de-chaussée devant être retenue en ce que l'incidence de recettes ou de locaux permettant de servir des petits-déjeuners est neutre dans le calcul de la valeur locative d'un hôtel, et que les charges exorbitantes de droit commun ne doivent pas être prises en compte dès lors que le preneur ne justifie pas du quantum de la décote.

La SARL Hotel Liberty soutient pour l'essentiel que la recette théorique maximum TTC s'élève à la somme de 880.745 € et que bien qu'elle dispose d'un site internet qui lui permette de louer directement ses chambres et pratique des prix attractifs, il ne saurait être appliqué un taux de remise inférieur à 10 %, un taux de TVA de 10 % devant être retenu et la taxe de séjour de 2.934,90 € devant être déduite.

Elle fait valoir que l'hôtel n'a jamais atteint un niveau de remplissage de 90 % qui serait irréaliste et ne pourrait concerner que les hôtels non classés qui pratiquent la location de chambres au mois, de sorte qu'un taux de 75 % devrait être retenu, ainsi qu'un taux de recette de 16,5 % en raison de la qualité de l'immeuble et du nombre de chambres de l'hôtel.

Elle ajoute que les surfaces affectées à cet usage relèvent du bail du 09 octobre 2001 et que leur valeur locative est évaluée à la somme de 10.000 €, somme qu'il convient de déduire de la valeur locative des locaux en étages évaluée à la somme de 87.920,41 €.

C'est par des motifs dont la pertinence en cause d'appel n'a pas été altérée et que la cour adopte que le premier juge a ainsi statué.

En effet, si les parties s'accordent en cause d'appel sur une recette théorique maximum TTC de 880.745 €, et qu'elles s'opposent sur l'application d'une remise de 10 % sur les prix affichés, cette remise apparaît cependant justifiée en l'état de l'utilisation par la SARL Hotel Liberty de sites de réservation en ligne appliquant des commissions variant entre 15 et 18 %, en sus de son propre site internet, qui lui permet de louer directement ses chambres à des prix attractifs.

Par ailleurs, les parties s'accordent sur le taux de TVA à déduire de 10 % en matière hôtelière et non de 7 % comme retenu par le tribunal et sur la déduction de la taxe de séjour de 2.934,90 €.

En conséquence, il en résulte une recette théorique de 710.468,10 € (880.745 € - 10 % - 7 %- 2.934,90 €).

Or, s'agissant du taux d'occupation, si la société civile[Adresse 1] conteste le taux de 75 % retenu par le tribunal, ce taux apparaît justifié eu égard à la catégorie de l'hôtel et à son activité réelle, démontrant qu'il n'a jamais atteint un taux de remplissage de 90 %.

Par ailleurs, si la société civile[Adresse 1] conteste le taux de recette de 16,5 % retenu par le tribunal, et sollicite l'application d'un taux de 19 %, ce taux apparaît toutefois particulièrement justifié au regard de la catégorie d'hôtellerie économique dont fait partie la SARL Hotel Liberty, de l'état de l'immeuble et du nombre de chambres.

Enfin, si la SARL Hotel Liberty soutient que la crise sanitaire a eu un impact sur la fréquentation des touristes et ainsi sur la valeur locative des locaux commerciaux, et en particulier dans le domaine de l'hôtellerie, ce qui justifierait un taux de dégradation de 50 % à compter du 16 mars 2020, cette argumentation ne saurait sérieusement prospérer alors même qu'il résulte de la seule lecture des liasses fiscales de la SARL Hotel Liberty que le chiffre d'affaires de cette dernière a connu un net accroissement depuis 2020, de sorte qu'aucune dégradation n'apparaît établie concernant la preneuse.

En conséquence, la valeur locative s'élève à 87.920,41 € (532.851 € x 0,165), dont il convient de déduire la somme de 10.000 € afférente aux locaux situés au-rez-de-chaussée accessibles à la clientèle, sans appliquer un taux de dégradation de 50 % sollicité par la SARL Hotel Liberty.

c- Sur les abattements

* Sur l'abattement de précarité

Aux termes du jugement querellé, le premier juge a appliqué un abattement de 10 % pour précarité après avoir considéré que l'absence de titre locatif, si elle n'a pas nui à la poursuite de l'activité du preneur, lui a toutefois interdit, depuis huit ans de céder son fonds.

La SARL Hotel Liberty fait valoir qu'un abattement pour précarité de 10 % est justifié dès lors que la concluante se trouve empêchée de céder son fonds de commerce depuis la délivrance de congés, soit depuis plus de 12 ans, ce à quoi la société civile[Adresse 1] s'oppose, en invoquant l'âge avancé du gérant de la SARL Hotel Liberty, qui pourra percevoir l'indemnité d'éviction correspondant à la valeur de son fonds de commerce tout en arrêtant son activité, et alors même que la SARL Hotel Liberty a continué son activité et a réalisé un meilleur chiffre d'affaires en 2019/2020 qu'en 2011/2012.

Au cas d'espèce, c'est par des motifs dont la pertinence en cause d'appel n'a pas été altérée et que la cour adopte que le premier juge a ainsi statué, dès lors que la SARL Hotel Liberty se trouve dépourvue de tout titre d'occupation depuis plus de 12 ans, l'empêchant ainsi de céder son fonds de commerce amiablement, justifiant ainsi un abattement de 10 %, le jugement étant confirmé de ce chef.

- Sur l'abattement pour charges exorbitantes

En application de l'article R. 145-8 du code de commerce, il convient de tenir compte des clauses du bail transférant sur le preneur des charges attachées à la qualité de propriétaire qui constituent un facteur de diminution de la valeur locative, l'affirmation selon laquelle ces clauses seraient habituelles ne permet pas d'écarter l'application de ce facteur de minoration, chaque contrat de bail constituant un ensemble d'obligations réciproques spécifique.

La SARL Hotel Liberty sollicite le bénéfice d'un abattement lié à l'existence de clauses exorbitantes du droit commun, en soulignant que le bail met à sa charge les augmentations de l'impôt foncier, ce qui constituerait une charge exorbitante du droit commun et qu'aux termes de l'avenant du 17 juin 2003, elle se serait engagée à faire « son affaire personnelle des travaux et réparations ordonnés par l'administration, notamment de sécurité et de conformité. Les travaux seront pris en charge par le preneur, sans répétition contre le bailleur », de sorte que le transfert de cette charge relèverait de l'obligation de délivrance et justifierait un taux de 10 %.

La société civile[Adresse 1] s'oppose à cette demande, en arguant que le preneur ne justifierait pas du quantum de cette décote et que le bail renouvelé ne mettrait plus à sa charge les grosses réparations de l'article 606 du code civil, réduisant ainsi sa quote-part dans les travaux.

Au cas d'espèce, il résulte de la lecture du contrat de bail litigieux que la taxe foncière est mise à la charge du preneur, qui doit également prendre à sa charge « toutes les grosses et menues réparations » et réaliser « à ses frais la peinture de la devanture et de la fermeture des lieux loués ainsi que les ravalements intérieurs et extérieurs des lieux loués », le preneur s'étant par ailleurs engagé par avenant du 17 juin 2003 à « faire son affaire personnelle des travaux et réparations ordonnés par l'administration, notamment de sécurité et de conformité » et ce, « sans répétition contre le bailleur », transférant ainsi sur la SARL Hotel Liberty une partie conséquente des obligations de la société civile14-16 Rue de Nancy, notamment dans le cadre de son obligation de délivrance.

Dès lors, l'application d'un abattement de 10% lié à l'existence de cette clause exorbitante du droit commun apparaît justifiée, et sera ordonnée par la cour.

Dès lors la valeur locative, après l'ensemble de ces abattements, s'élève à 63.115,53 €, puis à 64.974,14 € par an à compter du 09 août 2021, conformément à la demande de la SARL Hotel Liberty.

En conséquence, l'indemnité mensuelle d'occupation mise à la charge de la SARL Hotel Liberty sera fixée ainsi pour les locaux « hôtel » :

- du 1er juillet 2012 au 09 août 2021: 555.043,49 €

- à compter du 09 août 2021 : 64.974,14 €/an

3) Sur le dépôt de garantie

Les lieux n'ayant pas encore été restitués au bailleur, la demande de restitution du dépôt de garantie formulée par la SARL Hotel Liberty sera rejetée, aucun élément ne permettant de s'assurer qu'aucune réparation locative ne sera nécessaire.

4) Sur la compensation

En ce qui concerne la demande de compensation entre l'indemnite' d'e'viction et l'indemnite' d'occupation, le bailleur bénéficiant d'un droit de repentir, l'indemnité d'éviction n'est pas à ce jour certaine ni exigible et il n'y a donc pas lieu d'ordonner la compensation.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il l'a ordonnée.

5) Sur les demandes accessoires

Il n'apparaît pas inéquitable de condamner la société civile[Adresse 1] aux dépens d'appel. Les dépens de première instance resteront répartis ainsi que décidé par le premier juge.

En outre, la société civile[Adresse 1] sera condamnée au paiement d'une indemnité de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et déboutée de sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, après débats en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu le 14 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Paris sous le n°RG12/07822 sur l'indemnité d'éviction, l'indemnité d'occupation et la compensation ;

Statuant à nouveau,

Fixe l'indemnité d'éviction due par la société civile[Adresse 1] à la SARL Hotel Liberty à la somme de 2.731.043,92 €, soit :

- indemnité principale 2.450.698,67 €

- frais de remploi : 245.069 €

- frais de déménagement : 3.000 €

- trouble commercial : 29.776,25 €

- réfactions diverses : 2.500 €

Fixe le montant l'indemnité d'occupation due par la SARL Hotel Liberty à la société civile[Adresse 1] à la somme suivante :

- pour les locaux du rez de chaussée et du sous-sol, objets du bail du 09 octobre 2001

pour la période comprise entre le 1er juillet 2011 et le 31 décembre 2018 à la somme de 180.860,89 € hors taxes-hors charges,

à partir du 1er janvier 2019, à la somme annuelle de 18.284,68 € hors taxes hors charges,

- pour les locaux en étage, objets du bail du 24 juin 2003

pour la période comprise entre le 1er juillet 2012 et au 09 août 2021: 555.043,49 € HT/HC,

à partir du 09 août 2021, à la somme annuelle de 64.974,14 € / an hors taxes hors charges,

Dit n'y avoir lieu à compensation entre l'indemnité d'éviction et l'indemnité mensuelle d'occupation ;

Confirme la décision en toutes ses dispositions non contraires au présent arrêt ;

Y ajoutant

Déboute la SARL Hotel Liberty de sa demande de restitution du dépôt de garantie ;

Condamne la société civile[Adresse 1] à verser à la SARL Hotel Liberty la somme de 10.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la société civile[Adresse 1] de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société civile[Adresse 1] aux dépens d'appel.

Dit que les dépens de première instance resteront répartis ainsi que décidé par le premier juge.