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Décisions

CA Rouen, ch. civ. et com., 21 décembre 2023, n° 21/04372

ROUEN

Arrêt

Autre

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme FOUCHER-GROS

Conseillers :

M. URBANO, Mme MENARD-GOGIBU

Avocats :

Me BART, Me CARDON

TJ Dieppe, du 20 oct. 2021

20 octobre 2021

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Suivant acte sous seing privé du 31 mars 2010, les époux [T] ont consenti aux époux [E] un bail commercial pour une durée de neuf ans à compter du 1er octobre 2009 portant sur un immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 6]

Le 31 mai 2010, les époux [E] ont vendu aux époux [C] leur fonds de commerce connu sous l'enseigne « Le Tabac du Puits Salé » et leur droit au bail sous couvert de l'accord des propriétaires de l'immeuble.

Par acte d'huissier du 3 juillet 2017, les époux [C] ont sollicité des époux [T] le renouvellement de leur bail commercial auquel ces derniers se sont opposés par acte d'huissier du 27 juillet 2017.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 4 juillet 2017, les époux [T] ont mis en demeure les époux [C] d'avoir à procéder à la mise en conformité des installations électriques de l'ensemble de l'immeuble et par acte du 20 septembre 2017 visant la clause résolutoire du bail, ils les ont enjoint de cesser certaines activités de vente de jeux de grattage et de journaux et de procéder à l'entretien et aux réparations du local et de leur adresser les certificats de ramonage des cheminées de l'immeuble.

Par acte d'huissier du 8 novembre 2017, les époux [T] ont fait assigner les époux [C] devant le président du tribunal de grande instance de Dieppe, statuant en référé, aux fins de constat de l'acquisition de la clause résolutoire du bail de ces derniers et d' expulsion de leurs locataires.

Par ordonnance du 21 mars 2018, le juge des référés a débouté les époux [T] de leurs demandes et leur a enjoint de délivrer aux époux [C] les quittances de loyer des mois d'octobre 2017 à janvier 2018 ainsi qu'un avis d'imposition relatif à la taxe foncière 2017 et il les a condamnés au règlement de 1000 euros à titre provisionnel en indemnisation de leur préjudice.

Par acte d'huissier du 30 mars 2018, les époux [T] ont fait délivrer aux époux [C] un congé avec refus de renouvellement de bail commercial pour motifs graves et légitimes sans offre d'indemnité d'éviction prenant effet le 30 septembre 2018.

Par acte du 11 décembre 2018, les époux [C] ont fait assigner les époux [T] devant le tribunal de grande instance de Dieppe aux fins notamment de constat de l'irrégularité du congé délivré le 30 mars 2018, de paiement d'une indemnité d'éviction, d'expertise et d'indemnisation.

Par jugement du 20 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Dieppe a :

- Constaté la nullité du congé avec refus de renouvellement sans offre d'indemnité d'éviction en date du 30 mars 2018 délivré à Monsieur [C] et à Madame [O] épouse [C] pour défaut de motifs graves et légitimes,

- En conséquence, ledit congé ayant valablement mis fin au bail commercial, Monsieur [T] et Madame [S] épouse [T] seront condamnés solidairement à payer à Monsieur [C] et à Madame [O] épouse [C] une indemnité d'éviction,

- Ordonné une mesure d'expertise et désigné en qualité d'expert inscrit sur la liste de la Cour d'appel de Rouen, Monsieur [B] [Z], autorisé à s'adjoindre tout spécialiste de son choix sous réserve d'en informer le juge chargé du contrôle de l'expertise et les parties, avec pour mission de déterminer la valeur de l'indemnité d'occupation au titre du refus du renouvellement du bail commercial relatif à l'immeuble sis [Adresse 3], rapporter toutes constatations utiles et donner le cas échéant son avis sur les comptes entre les parties,

- Fait injonction à Monsieur [M] [T] et à Madame [P] [S] épouse [T] de délivrer à Monsieur [U] [C] et à Madame [G] [O] épouse [C] les quittances de loyer de mars 2018 jusqu'à la restitution effective des lieux sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'échéance d'un délai de 8 jours courant à compter de la signification de la présente décision,

- Condamné solidairement Monsieur [M] [T] et Madame [P] [S] épouse [T] à payer à Monsieur [U] [C] et à Madame [G] [O] épouse [C] la somme de 10.000 euros en indemnisation de leur préjudice pour procédure abusive,

- Débouté Monsieur [M] [T] et Madame [I] [S] épouse [T] de l'ensemble de leurs demandes.

Les époux [T] ont interjeté appel du jugement par déclaration du 17 novembre 2021.

Par arrêt du 16 mars 2023, la cour a révoqué l'ordonnance de clôture du 8 décembre 2022, renvoyé l'affaire à la conférence de mise en état du 16 mai 2023, invité les époux [T] à conclure sur le montant définitif de l'indemnité d'éviction.

EXPOSE DES PRETENTIONS

Vu les conclusions du 15 juin 2023, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de Monsieur [M] [T] et Madame [I] [S] épouse [T] qui demandent à la cour de :

- déclarer Monsieur [M] [T] et à Madame [I] [T] née [S] recevables et bien fondés en leur appel,

Y faisant droit,

- infirmer la décision déférée en ses dispositions suivantes :

- constate la nullité du congé avec refus de renouvellement sans offre d'indemnité d'éviction en date du 30 mars 2018 délivré à Monsieur [U] [C] et à Madame [G] [O] épouse [C] pour défaut de motifs graves et légitimes,

- en conséquence, ledit congé ayant valablement mis fin au bail commercial, Monsieur [M] [T] et Madame [P] [S] épouse [T] seront condamnés solidairement à payer à Monsieur [U] [C] et à Madame [G] [O] épouse [C] une indemnité d'éviction,

- ordonne une mesure d'expertise et désigne en qualité d'expert inscrit sur la liste de la Cour d'appel de Rouen, Monsieur [B] [Z], autorisé à s'adjoindre tout spécialiste de son choix sous réserve d'en informer le juge chargé du contrôle de l'expertise et les parties, avec pour mission de déterminer la valeur de l'indemnité d'occupation au titre du refus du renouvellement du bail commercial relatif à l'immeuble sis [Adresse 3], rapporter toutes constatations utiles et donner le cas échéant son avis sur les comptes entre les parties,

- fait injonction à Monsieur [M] [T] et Madame [P] [S] épouse [T] de délivrer à Monsieur [U] [C] et à Madame [G] [O] épouse [C] les quittances de loyer de mars 2018 jusqu'à la restitution effective des lieux sous astreinte de 100 € par jour de retard à l'échéance d'un délai de 8 jours courant à compter de la signification de la présente décision,

- condamne solidairement Monsieur [M] [T] et Madame [P] [S] épouse [T] à payer à Monsieur [U] [C] et à Madame [G] [O] épouse [C] la somme de 10 000 euros en indemnisation de leur préjudice pour résistance abusive o Déboute Monsieur [M] [T] et Madame [P] [S] épouse [T] de l'ensemble de leurs demandes,

- dit que l'affaire sera rappelée à la mise en état du mardi 15 mars 2022 à 9 h15,

- réserve les frais irrépétibles et les dépens,

- ordonne l'exécution provisoire,

En conséquence, statuant à nouveau,

A titre principal,

- déclarer Monsieur [U] [C] et Madame [G] [C] née [O] irrecevables à demander la nullité du congé, faute d'avoir préalablement demandé la nullité du congé,

- par conséquent, Débouter Monsieur [U] [C] et Madame [G] [C] née [O] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire,

- déclarer valable le congé délivré le 30 mars 2018, car reposant sur des motifs graves et légitimes,

- par conséquent, Débouter Monsieur [U] [C] et Madame [G] [C] née [O] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour devait considérer qu'une indemnité d'éviction est due aux époux [C],

- limiter cette indemnité d'éviction à la somme de 94 664 euros,

En tout état de cause,

- ordonner en conséquence l'expulsion de Monsieur [U] [C] et de Madame [G] [C] née [O], ainsi que de tout occupant introduit de leur chef, avec, au besoin, l'assistance de la force publique et d'un serrurier,

- ordonner l'enlèvement des biens et facultés mobilières se trouvant dans les lieux en un lieu approprié, aux frais risques et périls des défendeurs qui disposeront d'un délai d'un mois pour les retirer à compter de la sommation qui sera délivrée par l'huissier chargé de l'exécution ;

- assortir l'obligation de quitter les lieux d'une astreinte d'un montant de cent (100) euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir et ce jusqu'au jour de complète libération des lieux et de remise des clés,

- condamner solidairement Monsieur [U] [C] et Madame [G] [C] née [O] à verser à Monsieur [M] [T] et à Madame [I] [T] née [S] une indemnité mensuelle d'occupation égale au double du loyer mensuel à compter du 1er octobre 2018 et ce jusqu'au jour de complète libération des lieux et de remise des clés,

- condamner solidairement Monsieur [U] [C] et Madame [G] [C] née [O] à payer aux époux [T] la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter Monsieur [U] [C] et Madame [G] [C] née [O] à de toutes leurs demandes, fins et conclusions.

Vu les conclusions du 16 mai 2023, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de Monsieur [U] [C] et Madame [G] [O] épouse [C] qui demandent à la cour de :

- confirmant le jugement attaqué après l'avoir rectifié en son erreur matérielle relative à l'absence de reprise par oubli dans le dispositif de la décision de première instance de la condamnation de Monsieur et Madame [M] [T] à verser à Monsieur et Madame [U] [C] une indemnité provisionnelle de 100 000 euros,

- dire et juger irrégulier, nul de nul effet et quoi qu'il en soit sans fondement le congé avec refus de renouvellement sans paiement d'une indemnité d'éviction signifiée le 30 mars 2018 par Monsieur et Madame [M] [T] à Monsieur et Madame [U] [C] en raison de l'absence de motif grave et légitime,

- dire et juger qu'en conséquence de l'absence de renouvellement du bail, Monsieur et Madame [M] [T] sont redevables d'une indemnité d'éviction et les condamner à verser à ce titre à Monsieur et Madame [U] [C] la somme de

138 500 euros,

- ordonner à Monsieur et Madame [M] [T] de remettre à Monsieur et Madame [U] [C] les quittances des loyers à partir de février 2018 jusqu'à la restitution effective des lieux par les époux [C], sous astreinte de 100 euros par document et par jour de retard constaté à compter de la signification de la décision à intervenir,

- condamner Monsieur et Madame [M] [T] à payer à Monsieur et Madame [U] [C] la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour attitude abusive, malveillante et dilatoire,

- condamner Monsieur et Madame [M] [T] à payer à Monsieur et Madame [U] [C] la somme de 15 000 euros au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens,

- débouter Monsieur et Madame [M] [T] de leurs demandes, fins et conclusions contraires,

- condamner Monsieur et Madame [M] [T] aux dépens, en ce compris le coût de 82,84 euros de la demande de renouvellement de bail commercial du 3 juillet 2017.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, la cour retient que c'est par une erreur de plume que les époux [T] demandent à la cour dans le dispositif de leurs conclusions de déclarer les époux [C] irrecevables à demander la nullité du congé, faute d'avoir préalablement demandé la nullité du congé et qu'il convient de lire qu'ils demandent à la cour de déclarer les époux [C] irrecevables à demander la nullité du congé, faute d'avoir préalablement demandé la nullité de la mise en demeure ainsi qu'ils l'indiquent dans leurs conclusions en page 10 dans le paragraphe ''en fait''.

Sur l'irrecevabilité de l'action des époux [C] :

Les époux [T] soutiennent que :

* les époux [C] n'ont pas préalablement à la demande de nullité du congé, invoqué la nullité de la mise en demeure du 20 septembre 2017 qui est un acte de procédure ; ils sont donc irrecevables à invoquer la nullité du congé ;

* le tribunal n'a pas statué sur cette irrecevabilité.

Les époux [C] font valoir que :

* au titre de leur appel incident, ils ont repris dans leurs premières conclusions, leur demande présentée devant le premier juge et tendant à ce que la demande de congé délivrée le 30 mars 2018 soit jugée irrégulière et de nul effet ;

Réponse de la cour :

Par acte du 11 décembre 2018, les époux [C] ont fait assigner les époux [T] devant le tribunal aux fins notamment de juger irrégulier, nul et de nul effet quoi qu'il en soit sans fondement, le congé délivré le 30 mars 2018, de condamner les époux [T] au paiement d'une indemnité provisionnelle d'éviction.

Les époux [T], les époux [C] ont aux termes de cette assignation demandé que soit jugé irrégulier, nul et de nul effet le congé délivré le 30 mars 2018 au premier motif de l'absence de mise en demeure préalable et ensuite en l'absence de motif grave et légitime au titre de l'inexécution des obligations contractuelles.

Dans leurs conclusions devant le premier juge, les époux [T] ont demandé à titre principal de déclarer les époux [C] irrecevables à demander la nullité du congé à défaut d'avoir préalablement invoqué la nullité de la mise en demeure.

Le premier juge a omis de statuer sur cette fin de non-recevoir, de sorte que le jugement doit être complété sur ce point.

En premier lieu, les époux [C] qui ne demandent ni l'infirmation ni l'annulation du jugement n'ont formé aucun appel incident. La cour est saisie de l'appel des époux [T], les époux [C] demandant que le jugement qui a constaté la nullité du congé soit confirmé.

En second lieu, les époux [C] soutiennent que le congé délivré le 30 mars 2018 est nul en l'absence de mise en demeure préalable, considérant que le bailleur ne pouvait se prévaloir la mise en demeure du 20 septembre 2017. Dès lors qu'ils se prévalent d'une absence de mise en demeure, ils sont recevables à agir en nullité du congé sans avoir, avant toute défense au fond, invoqué le moyen tiré de la nullité d'une mise en demeure.

La fin de non-recevoir sera rejetée.

Sur l'existence d'une mise en demeure préalable

Les époux [C] soutiennent que

* les époux [T] ne pouvaient se prévaloir au titre de cette demande de congé de la mise en demeure du 27 septembre 2017 délivrée au titre de l'inexécution d'obligations locatives dans le cadre de la procédure de résiliation-expulsion du bail commercial engagée le 8 novembre 2017 dont ils ont été déboutés par ordonnance de référé du 21 mars 2018 ;

* ils devaient faire signifier une nouvelle mise en demeure en pointant les éventuels nouveaux manquements de leurs locataires y compris ceux qui se seraient poursuivis ou renouvelés postérieurement à la mise en demeure du 20 septembre 2017.

Réponse de la cour :

Aux termes de l'article L 145-9 alinéa 5 du code de commerce, '' le congé doit être donné par acte extrajudiciaire. Il doit, à peine de nullité, préciser les motifs pour lesquels il est donné et indiquer que le locataire qui entend, soit contester le congé, soit demander le paiement d'une indemnité d'éviction, doit saisir le tribunal avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné.''

Aux termes de l'article L 145-17 du code de commerce, ''le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d'aucune indemnité : 1° S'il justifie d'un motif grave et légitime à l'encontre du locataire sortant. Toutefois, s'il s'agit soit de l'inexécution d'une obligation, soit de la cessation sans raison sérieuse et légitime de l'exploitation du fonds, compte tenu des dispositions de l'article L. 145-8, l'infraction commise par le preneur ne peut être invoquée que si elle s'est poursuivie ou renouvelée plus d'un mois après mise en demeure du bailleur d'avoir à la faire cesser. Cette mise en demeure doit, à peine de nullité, être effectuée par acte extrajudiciaire, préciser le motif invoqué et reproduire les termes du présent alinéa. (').''

A défaut de mise en demeure préalable, le congé n'est pas nul mais empêche le bailleur de se prévaloir du motif légitime invoqué dans l'acte donnant congé.

Par acte extra judiciaire du 20 septembre 2017 visant la clause résolutoire du bail et l'article L 145-17 du code de commerce, les époux [T] ont mis en demeure les époux [C], sous un mois, de cesser certaines activités et de procéder à l'entretien et aux réparations du local et de leur adresser les certificats de ramonage des cheminées de l'immeuble.

Par courrier du 25 octobre 2017, l'huissier de justice a informé le bailleur de l'absence de réponse et de document justificatif de la bonne exécution des obligations visées par la mise en demeure.

Les époux [T] qui ont engagé une action en référé aux fins de constatation de la clause résolutoire engagée le 8 novembre 2017 en ont été déboutés le 21 mars 2018. Cette ordonnance de référé, qui au surplus a statué sur un objet différend de celui du présent litige, n'a pas l'autorité de la chose jugée sur la question de la validité du congé. Elle n'a pas non plus pour effet de contraindre les bailleurs à délivrer une nouvelle mise en demeure.

Par acte du 30 mars 2018, les époux [T] ont fait délivrer aux époux [C] un congé avec refus de renouvellement de bail commercial sans indemnité pour motifs graves et légitimes reprenant les inexécutions des obligations d'entretien et de réparation locatives et de présentation des certificats de ramonage y étant ajouté ''malgré une mise en demeure du 20 septembre 2017''.

Il en résulte que le congé délivré par les appelants a effectivement été précédé d'une mise en demeure conformément aux dispositions de l'article L 145-17 du code de commerce.

Sur le congé avec refus de renouvellement du bail sans indemnité d'éviction :

Les époux [T] font valoir que :

* le procès verbal du 13 avril 2017de Me [X], huissier de justice démontre un défaut d'entretien manifeste des locataires qui se rapporte aux réparations locatives ;

* les époux [C] avaient la charge des travaux de mise aux normes de l'installation électrique comme prévu par le bail et l'acte de cession du fonds de commerce ; il ne leur est pas demandé de procéder à une installation électrique aux 2ème et 3ème étages qui y est déjà présente mais de la mettre en conformité ; les travaux listés dans le devis entrent dans la catégorie des réparations locatives ;

* l'existence d'une cheminée résulte du constat d'huissier du 1er juin 2010 et le bail rappelle l'obligation de ramonage ; les époux [C] n'ont pas produit de certificat de ramonage.

Les époux [C] répliquent que :

* le constat d'huissier d'entrée dans les lieux du 1er juin 2010 fait par Me [V], huissier de justice fait ressortir une grande vétusté des lieux ; si le commerce du rez de chaussée est exploité, les étages n'ont jamais pu être utilisés ;

* ils ont satisfait aux travaux électriques et le dispositif d'électricité du rez de chaussée et du 1er étage est en état de fonctionnement ; l'intention réelle des époux [T] était de leur faire supporter la réfection de l'électricité aux quatre niveaux de l'immeuble ; les 2ème et 3ème étages n'ont jamais été desservis par une électricité en état d'usage ;

* à supposer que l'installation électrique soit effectivement vétuste et nécessite une reprise totale et générale ainsi qu'une remise en conformité, cela incomberait au bailleur tenu, en application des articles 1719 et 1720 du code civil, d'une obligation générale de sécurité, de procéder aux travaux rendus nécessaires par les vices affectant l'installation électrique, la réfection d'une telle installation constituant une grosse réparation au sens de l'article 606 du code civil ;

* les foyers, orifices et conduits qui existaient ont été bouchés et enfermés sans qu'ils ne les aient jamais vus puisque cela a été fait avant qu'ils n'entrent dans les lieux ;

Réponse de la cour

Il appartient au bailleur de prouver le caractère réel des motifs invoqués et de justifier de ce que, compte tenu de leur gravité, pris séparément ou dans leur ensemble, ils constituent des ''motifs graves et légitimes'' justifiant le refus de renouvellement du bail sans indemnité d'éviction, le motif grave et légitime de l'article L.145-17 du code de commerce se définissant comme une faute du locataire et s'appréciant à la date du refus de renouvellement soit, en l'occurrence, au 30 mars 2018, date de délivrance du congé.

Le bail contient les stipulations contractuelles suivantes :

Selon l'article 1 du contrat de bail 1) : Etat des lieux-Entretien-jouissance : ''le preneur prendra les lieux loués dans l'état où ils se trouveront le jour de l'entrée en jouissance sans pouvoir exiger du bailleur aucune réparation ni remise en état autres que celles qui seraient nécessaires pour que les lieux soient clos et couverts.''

Selon les points 2 et 8 de ce même article : ''Il les entretiendra en bon état de réparations locatives pendant tout le cours du bail et les rendra à sa sortie dans l'état où il les aura reçus : A cet effet, le preneur reconnaît que les lieux loués sont en bon état.''

(').

Il aura également à sa charge exclusive tous les travaux de mise en conformité des lieux loués et de tous les éléments d'équipements avec toutes normes exigées par quelques administrations que ce soit compte tenu de l'activité autorisée dans les lieux. (').

Aux termes de l'article 4 :Travaux- Réparations- Embellissements 1) : '' (...) il (') entretiendra les lieux loués en bon état de réparations pour les rendre de même à sa sortie. Sont à la charge du preneur : la réparation, la réfection, le remplacement de toutes les installations et équipements, tous les appareils se trouvant dans les lieux loués (').

Selon l'article 11 concernant les bailleurs : ''de leur côté, les bailleurs s'obligent à tenir les lieux loués clos et couverts selon l'usage, tel que défini à l'article 606 du code civil, mais sans que cette obligation déroge à celle sus-énoncée à la charge des preneurs.''

- Sur les défauts d'entretien et de réparation à l'exception de l'installation électrique

S'agissant du sol détérioré au rez de chaussée, des papiers peints et peintures dégradées ou écaillées, des carrelages fêlés et vitres fêlées aux étages visés par la mise en demeure du 20 septembre 2017, le constat d'huissier du 13 avril 2017 fait ressortir le mauvais état des lieux. Toutefois, lors de la prise de possession des lieux par les époux [C] le 1er juin 2010, il avait été constaté par acte d'huissier que l'ensemble des lieux était vétuste, sale et dégradé. Il avait alors été relevé que les murs présentaient des fissures (grenier, cages d'escalier), que les revêtements aux murs, sol, plafond étaient hors d'usage, les peintures écaillées (cages d'escalier, 2ème et 3ème étages), que le carrelage au sol du 1er étage était ancien et usagé. Dans ces conditions, les locaux présentant le 13 avril 2017 un état de vétusté déjà relevé le 1er juin 2010, le motif grave pris d'un manquement contractuel à l'obligation d'entretien et de réparation n'est pas caractérisé et ne constitue dès lors pas un motif légitime de refus de renouvellement du bail sans indemnité d'éviction.

- sur la production des certificats de ramonage

Les époux [C] soutiennent dans leurs écritures que les foyers, orifices et conduits qui existaient ont tous été bouchés et enfermés avant qu'ils n'entrent dans les lieux.

Le bail commercial oblige, en son article 5, le preneur à faire ramoner les cheminées se trouvant dans les lieux loués. Le 1er juin 2010, l'huissier a constaté la présence d'une cheminée au 2ème et 3ème étages sans faire d'autre précision. Le constat du 13 avril 2017 fait à la demande des bailleurs ne mentionne pas les cheminées. A supposer que les cheminées n'aient pas été préalablement condamnées, le défaut de ramonage n'est pas un manquement suffisamment grave pour justifier une refus de renouvellement sans idemnité d'éviction.

- Sur la remise en état de l'installation électrique

Aux termes de l'acte sous seing privé du 31 mai 2010 par lequel, les époux [E] ont cédé aux époux [C] leur fonds de commerce, les vendeurs ont déclaré que ''toutes les installations du dit fonds sont en bon état de marche : eau, gaz, électricité (') et qu'elles sont toutes régulièrement installées et répondent aux normes d'hygiène, de salubrité et de sécurité en vigueur. Dans le cas contraire, les acquéreurs s'engagent à les mettre en conformité à leurs frais exclusifs.'' Il ressort de la facture du 27 avril 2010 établie par l'entreprise d'électricité générale [R] [N] que les vendeurs, les époux [E], avaient fait procéder, lors de la cession du fonds de commerce aux époux [C], à la vérification de l'état de l'installation électrique du premier niveau du bâtiment.

Il ressort du constat d'état des lieux fait le 1er juin 2010 lors de l'entrée des époux [C] par l'huissier de justice mandaté par le bailleur que, les pièces des 2ème et 3ème étages ne sont pas équipées d'électricité ce qui n'est pas efficacement combattu par les clichés photographiques illustrant la présence au 2ème étage notamment d'une prise électrique et de câbles dénudés (pièce 16) et au 3ème étage d'une douille avec ampoule au plafond (pièce 4 de l'appelant) de sorte que les époux [C] ne sauraient être tenus d'obligation de travaux d'électricité pour ces deux étages dépourvus d'installations électriques.

Comme mentionné dans la promesse de vente du fonds de commerce du 28 avril 2017 signée entre les époux [C] et les époux [A], l'installation électrique intérieure présentait des anomalies relevées le 21 avril 2017 par l'entreprise BC2E telles que la prise de terre et l'installation de mise à la terre, la protection contre les surintensités adaptée à la section des conducteurs sur chaque circuit, des matériels électriques vétustes, inadaptés à l'usage, des conducteurs non protégés mécaniquement.

Ce constat d'anomalies est corroboré, d'une part, par le devis de travaux du 18 juin 2017 établi par la SARL MDrenovation portant notamment sur la fourniture et la pose d'un tableau électrique avec interrupteur différentiel et le passage de câbles et mise à la terre des appareils électriques et d'autre part, par monsieur [Y], de l'entreprise Mdrénovation qui a attesté le 2 décembre 2017 que ''suite à ma visite du mois de juillet pour un contrôle électrique, j'ai constaté qu'il n'y avait aucune installation aux normes actuel.(...)'' Les parties avait convenu que le bénéficiaire de la promesse de vente ferait son affaire personnelle de la mise en conformité de l'immeuble au regard de la réglementation relative à la sécurité de l'installation intérieure d'électricité. La vente n'a pas abouti.

Il ressort du bail que des travaux de remise en état de l'installation électrique tels que décrits au paragraphe qui précède incombent aux preneurs.

Toutefois,le bailleur ne prétend pas et a fortiori ne justifie pas que des incidents sont survenus en raison de cette installation dont l'existence et ses anomalies ont été évoquées par les époux [C] dans la promesse de vente faite aux époux [A] au mois d'avril 2017 qui devaient les prendre en charge.

Dès lors, ce motif invoqué par les époux [T] à l'appui d'un refus de renouvellement de congé sans indemnité ne revêt pas le caractère de gravité exigé par l'article L 145-7 du code de commerce.

Il résulte de tout ceci que les époux [T] ne justifient nullement que les motifs qu'ils invoquent, pris ensemble ou séparément, sont d'une gravité et d'une légitimité qui justifient le refus de renouvellement du bail sans versement d'une indemnité d'éviction.

Le congé dépourvu de motifs graves et légitime n'est pas sanctionné par la nullité du congé, de sorte que le jugement sera infirmé en ce qu'il a constaté la nullité du congé.

Le congé ainsi délivré produit les effets d'un congé avec refus de renouvellement, il met fin au bail et ouvre droit pour le preneur à une indemnité d'éviction

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné solidairement les époux [T] à payer aux époux [C] une indemnité d'éviction et, au regard de l'évolution du litige, il sera statué sur le montant de l'indemnité d'éviction.

Sur l'indemnité d'éviction

Les époux [C] soutiennent que :

* Ils n'ont pas eu la force de relancer leur activité commerciale après la période de crise sanitaire ; il conviendra d'en tenir compte et de retenir l'évaluation de 138 500 euros effectuée par le cabinet d'expertise comptable dont le montant est proche du prix de 130 000 euros que les époux [A] avaient offert à la fin du mois d'avril 2017 ;

* le fonds de commerce a été acquis le 31 mai 2010 au prix de 100 000 euros qui apparaît toujours au bilan comme montant brut des immobilisations corporelles ;

* l'examen comparé des bilans de 2018 à 2021 démontre qu'alors que le chiffre d'affaires progressait avant la période de confinement de 2020, il n'a ensuite jamais pu être rétabli, ce qui n'a pas été pris en compte par l'expert judiciaire.

Les époux [T] répliquent que :

* la cour doit retenir l'évaluation faite par l'expert judiciaire dans son rapport ;

* la date de l'indemnité d'éviction doit être celle la plus proche du départ du locataire soit le mois de mai 2023 ;

* les locaux sont à peine exploités et non entretenus, ce qui diminue inévitablement la valeur du fonds ;

* des travaux de remise en état des locaux sont nécessaires pour un coût de l'ordre de 15.760€ HT, cette somme étant à déduire du montant de l'indemnité d'éviction.

Réponse de la cour :

Il résulte des dispositions de l'article L 145-14 du code de commerce que l'indemnité dite d'éviction est égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement. Elle comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.

Si la consistance du fonds est évaluée à la date du congé, l'indemnité d'éviction est calculée à la date la plus proche de la réalisation du préjudice et donc de l'éviction. Les époux [C] étant encore dans les lieux, le montant de l'indemnité doit être évalué à la date de l'arrêt.

Le premier juge a ordonné une mesure d'expertise et désigné Monsieur [Z] dont le rapport est daté du 4 octobre 2022.

L'expert judiciaire a fixé le montant de l'indemnité à la somme de 112 000 euros en précisant en page 9 de son rapport avoir réajusté ses calculs sur la base du dernier bilan connu 2021. Il expose qu'en se basant sur les références professionnelles la valeur de négociation du fond serait de l'ordre de 100 000 € auxquels il a ajouté les coûts d'une éventuelle réinstallation.

En réponse aux dires des parties, il explique que la valorisation d'un fonds de bar-tabac se fait en fonction des commissions, chiffre d'affaires bar et excédent brut d'exploitation.

Dans la première approche, l'expert évalue le fonds de commerce à 99 183 euros en retenant que les commissions sont de 29 560 euros auxquelles il applique un coefficient de valorisation de 2,5 soit 73 900 euros, que les recettes s'élèvent à 25 283 euros soit en moyenne 300 fois les recettes journalières.

Dans la deuxième approche, il l'évalue 101 099 euros en retenant un excédent brut moyen sur trois ans de 33 699 euros auquel il applique un multiple de 3.

L'expert ajoute des frais de commission d'agence de l'ordre de 6500 euros et le trouble commercial estimé à trois mois de rentabilité soit 5 500 euros.

Les époux [C] sollicitent que l'indemnité d'éviction soit fixée à la somme de

138 500 euros conformément au chiffrage proposé le 13 septembre 2018 par Monsieur [H], expert comptable qui a procédé à une moyenne de deux approches.

Monsieur [H] explique que selon l'usage, l'évaluation d'un fonds de commerce de bar tabac s'appréhende, d'une part, par la méthode dite de l'excédent brut d'exploitation auquel il convient d'appliquer un multiple entre 2 et 4,5 et d'autre part, par l'approche sur le chiffre d'affaires qui consiste à additionner certains critères d'activité par activité : 3 à 4 années de remise tabac, 100% du CA tabletterie TTC.

Puis Monsieur [H] précise, en premier lieu, que l'excédent brut d'exploitation depuis trois ans représente environ 27 224 euros qu'il multiple par 4 compte tenu de l'emplacement du fonds de commerce ce qui donne 109 000 euros, en deuxième lieu, que l'activité de l'entreprise comprend un bar et la vente de tabac, de tabletterie, de jeux de loterie et d'activités accessoires, ce qui donne, eu égard à l'emplacement du fonds de commerce et du critère propre de chaque activité une évaluation de 168 000 euros.

Monsieur [H] a effectué son évaluation en janvier 2022 en tenant compte des bilans 2018, 2019, 2020 et en appliquant la moyenne des deux approches, d'une part, au titre de l'excédent brut d'exploitation une évaluation de 91 000 euros et, d'autre part, au titre de l'approche sur le chiffre d'affaires une évaluation de 175 000 euros, il retient une valorisation moyenne de 133 000 euros.

L'expert judiciaire a rappelé que les époux [C] avaient en avril 2017 signé une promesse de vente pour 130 000 euros.Monsieur [C] étaient alors âgés de 67 ans et Madame [C] de 75 ans Ils sont aujourd'hui âgés de 73 ans pour le mari et de 81 ans pour l'épouse ce qui qui est ne nature à expliquer que le fonds de commerce soit moins exploité.

L'évaluation de l'indemnité d'éviction devant être effectuée en fonction des éléments les plus récents, la cour retient les chiffres actualisés de l'expert judiciaire qui a tenu compte du bilan 2021.

En ce qui concerne l'excédent brut d'exploitation, l'expert a additionné l'EBE des années 2019,2020,2021 soit respectivement 27 726 € + 23 124 € + 50 249 € ce qui donne une moyenne de 33 699 euros.

La cour applique à cet excédent brut d'exploitation, le multiple de 4 retenu par Monsieur [H] qui a, à la différence de l'expert judiciaire, motivé le choix de ce multiple en raison de l'emplacement du commerce qui est par ailleurs illustré par les clichés photographiques annexées au procès verbal de constat ci-dessus mentionné. Ainsi sur la base de l'excédent brut d'exploitation la valorisation du fonds de commerce s'élève à 134 796 euros.

En ce qui concerne, la deuxième approche, le chiffre proposé par l'expert sera retenu en ce que, à la différence de Monsieur [H], il expose sa méthodologie pour parvenir à une valorisation de 99 183 euros.

La moyenne des deux méthodes donne dès lors une évaluation de 116 989 euros (99 183 euros + 134 796)= 233 979 /2) qui sera retenue, aucune indemnité accessoire n'étant due compte tenu du départ à la retraite des époux [C].

Les frais de remise en état n'ayant pas lieu d'être pris en compte dans l'évaluation de l'indemnité d'éviction, la somme de 116 989 euros ne sera pas diminuée du montant du coût des travaux.

Il résulte de tout ceci que les époux [T] seront condamnés à payer aux époux [C] la somme de 116 989 euros.

En raison de l'évolution du litige, la demande d'indemnité provisionnelle est sans objet. Le premier juge avait omis de reprendre ce point au dispositif du jugement. La demande de rectification d'une omission matérielle est elle-même sans objet.

Sur la demande tendant à l'expulsion des locataires et sur l'indemnité d'occupation

Ces demandes avaient été présentées devant le premier juge qui a omis de statuer sur ces points.

Aux termes de l'article L145-28 du code de commerce : « Aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d'éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l'avoir reçue. Jusqu'au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré. Toutefois l'indemnité d'occupation est déterminée conformément aux dispositions des sections VI et VII, compte tenu de tous les éléments d'appréciation (') »

Monsieur et Madame [C] ayant droit au maintien dans les lieux jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction, Monsieur et Madame [T] seront déboutés de leur demande tendant à l'expulsion des locataires. L'indemnité d'occupation doit être déterminée conformément aux dispositions des sections VI et VII du chapitre 5, du titre 4, du livre 1er du code de commerce, compte tenu de tous éléments d'appréciation, et doit donc correspondre, à défaut de convention contraire, à la valeur locative.

Par ailleurs, les époux [C] qui ont droit au maintien dans les lieux ne sont pas occupants sans droit ni titre de sorte que la clause pénale du contrat de bail qui prévoit le versement au bailleur d'une indemnité par jour de retard égale à deux fois le loyer ne leur est pas applicable.

A défaut de tout élément sur la valeur locative du bien autre que le renouvellement du bail du 1er octobre 2099. La valeur locative sera du montant du dernier loyer annuel outre le remboursement de la taxe foncière. Les époux [C] seront condamnés à ce paiement par fraction mensuelle de cette indemnité jusqu'à leur départ des lieux.

Sur la délivrance sous astreinte des quittances de loyer depuis février 2018

Il est justifié à hauteur d'appel de la communication par les époux [T] des quittances de loyer depuis le mois de février 2018 jusqu'au mois de novembre 2021.

Les époux [T] produisent en pièce 15 une lettre simple du 15 mars 2019, du conseil des époux [T] à celui des époux [C], aux fins de remise au époux [C] les quittances de loyer du mois d'octobre 2018 au mois de février 2019. Cette remise en cours de première instance ne rapporte pas la preuve d'une remise des quittances en temps utile depuis le mois de février 2018.

La délivrance complète des quittances n'ayant été effectuée qu'en exécution du jugement entrepris, ce jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Les époux [C] font valoir que :

* l'attitude des bailleurs est malveillante alors qu'ils cherchent à céder leur fonds de commerce depuis plusieurs années ce qu'ils ne peuvent pas faire puisque l'existence même de leur bail est en discussion ;

* ils ont régularisé un appel dilatoire les entravant encore plus dans le projet de cession de leur fonds de commerce ;

* ils ont refusé de verser la somme provisionnelle de 100 000 euros clairement prononcée dans les motifs du jugement entrepris mais non repris dans le dispositif par simple omission.

Les époux [T] répliquent que :

* au vu des manquements graves des époux [C] à leurs obligations contractuelles, l'indemnisation pour procédure abusive est infondée.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 1240 du Code civil, ''tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un préjudice, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.''

Une partie ne peut engager sa responsabilité pour avoir exercé une action en justice ou s'être défendue que si l'exercice de son droit a dégénéré en abus. L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'étant pas, en soi, constitutive d'une faute.

L'absence d'exécution d'une condamnation qui n'a pas été reprise au dispositif du jugement entrepris n'est pas de nature à caractériser un appel dilatoire.

Monsieur et Madame [T] ont pu, de bonne foi, se méprendre sur les motifs de congé qu'ils ont invoqué, de sorte que le caractère abusif de leur résistance n'est pas démontré.

Il convient d'infirmer le jugement qui a accordé aux époux [C] la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive et les époux [C] seront déboutés de ce chef de demande.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire ;

Infirme partiellement le jugement entrepris, le complétant reprenant l'intégralité du dispositif pour une meilleur compréhension et statuant par disposition nouvelles au regard de l'évolution du litige ;

Déclare recevable l'action des époux [C] ;

Déboute Monsieur et Madame [C] de leur demande tendant à la nullité du congé ;

Dit que le congé délivré le 30 mars 2018 ne repose pas sur un motif grave et légitime ;

Fait injonction à Monsieur [M] [T] et à Madame [P] [S] épouse [T] de délivrer à Monsieur [U] [C] et à Madame [G] [O] épouse [C] les quittances de loyer de mars 2018 jusqu'à la restitution effective des lieux ;

Dit que cette obligation est assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de 8 jours depuis la signification du jugement ;

Condamne à l'issue de l'expertise ordonnée par le premier juge, Monsieur et Madame [T] à payer à Monsieur et Madame [C] la somme de 116 989 euros au titre de l'indemnité d'éviction ;

Dit que la demande au titre de l'indemnité provisionnelle est sans objet et que la demande de rectification matérielle sur ce point est sans objet ;

Déboute Monsieur et Madame [T] de leur demande tendant à l'expulsion de Monsieur [U] [C] et de Madame [G] [C] née [O], ainsi que de tout occupant introduit de leur chef et à l'enlèvement des biens et facultés mobilières se trouvant dans les lieux ;

Condamne Monsieur et Madame [C] à payer à Monsieur et Madame [T] une indemnité d'occupation égale montant du dernier loyer annuel outre le remboursement de la taxe foncière. Les époux [C] et ceci par fractions mensuelles de cette indemnité jusqu'à leur départ des lieux.

Déboute Monsieur et Madame [C] de leur demande au titre de la procédure abusive ;

Y ajoutant

Condamne Monsieur et Madame [T] aux dépens de première instance et d'appel en eux compris le coût de l'acte d'huissier du 3 juillet 2017 d'un montant de 82,84 euros délivré dans le cadre de la demande de renouvellement du bail commercial et les frais de l'expertise judiciaire;

Condamne Monsieur et Madame [T] à payer Monsieur et Madame [C] la somme de 8000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.