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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 21 décembre 2023, n° 21/09306

PARIS

Arrêt

Autre

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Recoules

Conseiller :

Mme Leroy

Avocats :

SELARL HUET & ASSOCIES, Me DOS SANTOS, SCP BLUM COLOMBEL

TJ Paris, du 25 mars 2021

25 mars 2021

Selon sous seing privé du 10 mars 2000, Monsieur [G] [O] et son épouse Mme [X] [O] ont consenti à la société [M], représentée par son dirigeant, leur fils M. [Y] [O], un bail commercial portant sur divers locaux situés dans un immeuble édifié [Adresse 7], à [Localité 12], pour une durée de neuf années à compter du 1er avril 2000, pour l'exercice d'une activité de fabrication et vente de bijouterie, joaillerie.

Le bail a été consenti en contrepartie du versement d'un loyer annuel de 7.317,55 euros (48.000 francs) HT et HC payable trimestriellement, outre une provision trimestrielle sur charges de 182,93 euros (1.200 francs). Parvenu à son terme contractuel, le 31 mars 2009, le bail s'est tacitement prolongé.

Monsieur [G] [O] puis son épouse sont décédés, cette dernière le 17 juin 2015, laissant pour leur succéder leurs cinq fils, M. [Y] [O], M. [E] [O], M. [K] [O], M. [N] [O] et M. [D] [O], lesquels sont ainsi venus aux droits de leurs parents en leur qualité de bailleur de la société [M].

La succession des époux [O] n'a pas été liquidée à ce jour en raison de différends opposant M. [Y] [O] et ses quatre frères.

Le 30 janvier 2018, M. [E] [O], M. [K] [O], M. [N] [O] et M. [D] [O], ci-après désignés les consorts [O], agissant au nom de l'indivision successorale de M. [G] [O] et Mme [X] [O], ont conclu un mandat de gestion locative avec la société fiduciaire [A] portant sur le bien immobilier objet du bail consenti à la société [M].

Par courrier du 1er octobre 2018, la société fiduciaire [A] a notifié à la société De Gralie la révision triennale légale du loyer prévue par le bail, portée provisoirement à la somme de 12.733,49 euros « à affiner après parution (de l'indice) du 4ème trimestre 2018 ». Par ailleurs, le mandataire de l'indivision indiquait qu'il n'avait pas trouvé trace du paiement des sommes payées par la société [M] depuis le début de l'année 2016 et invitait cette dernière à en justifier.

La société [M] n'a pas donné suite à ce courrier.

Par lettre recommandé avec accusé de réception du 4 décembre 2018, la société fiduciaire [A] a mis en demeure la société [M] de payer un arriéré locatif de 28.880,64 euros. Cette demande étant restée infructueuse, les consorts [O], agissant au visa de l'article 815-3 du code civil en leur qualité de titulaires de plus des deux-tiers de l'indivision successorale de Monsieur [G] [O] et de Mme [X] [O] ont fait signifier à la société [M], par acte du 20 décembre 2018, un commandement de payer la somme de 28.880,64 euros visant la clause résolutoire.

Par courriers officiels des 4 et 7 janvier 2019, le conseil de la société [M] a indiqué à son confrère intervenant dans l'intérêts des consorts [O] que sa cliente contestait la révision du loyer et proposait de solder sa dette locative par un paiement de 15.704,16 euros au moyen de versements mensuels de 300 euros. Par courrier officiel du 8 janvier 2019, le conseil des consorts [O] a réfuté les contestations de la société [M] et écarté la proposition de règlement échelonné.

Par acte du 18 janvier 2019, la société [M] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris les consorts [O], pris en leur qualité de titulaires de plus des deux-tiers de l'indivision successorale aux fins essentielles de voir annuler le commandement de payer.

Par courrier du 28 mars 2019, la société fiduciaire [A] a informé le preneur que l'indice du coût de la construction du 4ème trimestre 2018 venait d'être publié, de sorte qu'elle était en mesure de lui notifier le montant du loyer révisé le 1er octobre 2018, porté à 11.603,15 euros par an.

Pendant le cours de l'instance, par acte du 26 avril 2019, la société [M] a notifié à M. [Y] [O], M. [E] [O], M. [K] [O], M. [N] [O] et M. [D] [O] en leur qualité de co-indivisaires une demande de renouvellement de bail, sans préciser dans l'acte la date d'effet. Aucune suite n'a été donnée à cette demande.

Par ordonnance du 6 mars 2020, le juge de la mise en état, statuant à la demande de la société [M], a autorisé cette dernière à consigner à la Caisse des Dépôts et Consignations, au plus tard le 5 du mois suivant la signification de l'ordonnance, la somme de 6.036,96 euros correspondant aux loyers des trois premiers trimestres 2016 dont le preneur conteste être redevable, jusqu'à ce qu'une décision au fond intervienne sur l'exigibilité de cette somme.

Par jugement du 25 mars 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :

- dit M. [Y] [O] recevable en son intervention volontaire ;

- débouté la société [M] de l'ensemble de ses demandes ;

- débouté M. [Y] [O] de l'ensemble de ses demandes ;

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial du 10 mars 2000 portant sur des locaux situés [Adresse 7], à [Localité 12], avec effet au 21 janvier 2019 ;

- en conséquence, ordonné à la société [M] de libérer les lieux susvisés dans le délai de trois mois à compter de la signification de la décision ;

- dit qu'à défaut de départ volontaire, la société [M] pourra être expulsée à la requête de M. [E] [O], M. [K] [O], M. [N] [O] et M. [D] [O], agissant pour le compte de l'indivision successorale de M. [G] [O] et de Mme [X] [O], ainsi que tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier ;

- dit que le sort des meubles sera régi conformément aux articles L. 433-1 et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

- condamné la société [M] à payer à M. [E] [O], M. [K] [O], M. [N] [O] et M. [D] [O] agissant pour le compte de l'indivision successorale de M. [G] [O] et de Mme [X] [O], à compter du 21 janvier 2019 et jusqu'à la complète libération des lieux, une indemnité d'occupation d'un montant égal au montant du dernier loyer, outre toutes taxes et charges locatives précédemment exigibles ;

- condamné la société [M] à payer à M. [E] [O], M. [K] [O], M. [N] [O] et M. [D] [O] agissant pour le compte de l'indivision successorale de M. [G] [O] et de Mme [X] [O], les sommes suivantes à titre d'arriéré locatif :

10.769,76 euros à titre d'arriéré de loyers et de charges selon décompte arrêté au 4ème trimestre 2018 inclus, outre les intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2018 ;

6.391,04 euros à titre d'arriéré de loyers, charges et indemnités d'occupation, pour la période courant du 1er trimestre 2019 au 2ème trimestre 2020 inclus, outre les intérêts au taux légal à compter du 28 mai 2020 ;

- condamné in solidum la société [M] et M. [Y] [O] à payer à M. [E] [O], M. [K] [O], M. [N] [O] et M. [D] [O] agissant pour le compte de l'indivision successorale de M. [G] [O] et de Mme [X] [O] la somme totale de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté M. [E] [O], M. [K] [O], M. [N] [O] et M. [D] [O] agissant pour le compte de l'indivision successorale de M. [G] [O] et de Mme [X] [O] du surplus de leurs demandes ;

- condamné in solidum la société [M] et M. [Y] [O] aux dépens de l'instance, en ce compris le coût de l'état d'endettement et le coût du commandement de payer visant la clause résolutoire du 20 décembre 2018 ;

- ordonné l'exécution provisoire de la décision, hormis en ses dispositions susvisées ordonnant l'expulsion de la société [M] et des occupants de son chef.

Par déclaration du 17 mai 2021, la société [M] a interjeté appel partiel du jugement.

Par conclusions du 8 septembre 2021, les consorts [O] a interjeté appel incident partiel du jugement.

L'ordonnance de clôture doit être prononcée le 11 octobre 2023.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Aux termes de ses conclusions signifiées le 23 juin 2023, la société [M] et M. [Y] [O] demandent à la cour de :

- déclarer la société [M] et Monsieur [Y] [O] recevables et bien fondés dans leur appel;

Y faisant droit :

Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 25 mars 2021 en ce qu'il a :

- débouté la société [M] de l'ensemble de ses demandes ;

- débouté M. [Y] [O] de l'ensemble de ses demandes ;

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial du 10 mars 2000 portant sur des locaux situés [Adresse 7], à [Localité 12], avec effet au 21 janvier 2019 ;

En conséquence, ordonné à la société [M] de libérer les lieux susvisés dans le délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision ;

- dit qu'à défaut de départ volontaire, la société [M] pourra être expulsée à la requête de M. [E] [O], M. [K] [O], M. [N] [O] et M. [D] [O] agissant pour le compte de l'indivision successorale de M. [G] [O] et de Mme [X] [O], ainsi que tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier ;

- dit que le sort des meubles sera régi conformément aux articles L. 433-1 et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

- condamné la société [M] à payer à M. [E] [O], M. [K] [O], M. [N] [O] et M. [D] [O] agissant pour le compte de l'indivision successorale de M. [G] [O] et de Mme [X] [O], à compter du 21 janvier 2019 et jusqu'à la complète libération des lieux, une indemnité d'occupation d'un montant égal au montant du dernier loyer, outre toutes taxes et charges locatives précédemment exigibles ;

- condamné la société [M] à payer à M. [E] [O], M. [K] [O], M. [N] [O] et M. [D] [O] agissant pour le compte de l'indivision successorale de M. [G] [O] et de Mme [X] [O], les sommes suivantes à titre d'arriéré locatif :

- 10.769,76 € à titre d'arriéré de loyers et de charges selon décompte arrêté au 4ème trimestre 2018 inclus, outre les intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2018 ;

- 6.391,04 € à titre d'arriéré de loyers, charges et indemnités d'occupation, pour la période courant du 1er trimestre 2019 au 2ème trimestre 2020 inclus, outre les intérêts au taux légal à compter du 28 mai 2020,

- condamné in solidum la société [M] et M. [Y] [O] à payer à M. [E] [O], M. [K] [O], M. [N] [O] et M. [D] [O] agissant pour le compte de l'indivision successorale de M. [G] [O] et de Mme [X] [O] la somme totale de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum la société [M] et M. [Y] [O] aux dépens de l'instance, en ce compris le coût de l'état d'endettement et le coût du commandement de payer visant la clause résolutoire du 20 décembre 2018 ;

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;

Statuant à nouveau :

- déclarer que le commandement comporte des erreurs sur la créance réclamée ;

- prononcer la nullité du commandement de payer délivré le 20 décembre 2018 ;

- déclarer que la société [M] est de bonne foi ;

- déclarer que la clause résolutoire a été mise en œuvre de mauvaise foi par les bailleurs ;

- débouter les bailleurs de leur demande en constatation de la résiliation d'un bail par application de la clause résolutoire en raison de la mauvaise foi de ceux-ci ;

En conséquence déclarer que la clause résolutoire n'est pas acquise en l'espèce, le bail n'est pas résilié et se poursuit aux conditions antérieures ;

- déclarer non écrite la clause de révision de loyer contenue dans le bail commercial ;

- prononcer la nullité de la demande en révision du loyer du 1er octobre 2018 et la juger inopposable;

- déclarer que la société [M] est de bonne foi, déclarer que le commandement n'est pas resté infructueux, la société [M] a versé des règlements au titre des sommes non contestées, puis a réglé l'intégralité des causes du commandement ;

- fixer le loyer à la somme trimestrielle de 1.829,39€ et les charges à un montant trimestriel de 182,93€ ;

- déclarer qu'aucun loyer n'est dû au titre des premier, deuxième et troisième trimestres 2016 ;

- déclarer que la dette locative de la société [M] s'élevait à la somme de 18.110,88 euros ;

- constater le parfait paiement des sommes réclamées et non contestées ;

- déclarer que la somme de 6.036,96€ n'est pas due par la société [M] ;

- déclarer que la résiliation du bail ne saurait en conséquence être acquise ni prononcée en l'espèce ;

- débouter Monsieur [K] [O], Monsieur [D] [O], Monsieur [N] [O] et Monsieur [E] [O] de toutes leurs demandes à l'encontre de la société [M] ;

Subsidiairement,

Si par extraordinaire, la cour jugeait qu'un loyer était bien dû par la société locataire pour les trois premiers trimestres de l'année 2016,

- procéder à la compensation visée et majorer, à titre subsidiaire, les sommes dues d'un montant de 2.883,04€, la dette locative ressortirait ainsi, subsidiairement, au maximum à la somme de 20.993,92€ (18.110,88€ + 2.883,04€) ;

- juger que cette somme est soldée par la société [M] ;

En tout état de cause,

- déclarer que la société [M] n'est débitrice d'aucune somme à l'égard de Monsieur [K] [O], Monsieur [D] [O], Monsieur [N] [O] et Monsieur [E] [O] ;

- débouter Monsieur [K] [O], Monsieur [D] [O], Monsieur [N] [O] et Monsieur [E] [O] de toutes leurs demandes à l'encontre de la société [M] ;

- écarter l'application de la clause résolutoire ;

- déclarer que le bail se poursuit ;

- déclarer inopposable à Monsieur [Y] [O] le mandat conclu par Monsieur [D] [O], Monsieur [N] [O], Monsieur [K] [O] et Monsieur [E] [O] avec le cabinet [A] par acte sous seing privé en date du 30 janvier 2018 ;

- déclarer que Monsieur [D] [O], Monsieur [N] [O], Monsieur [K] [O] et Monsieur [E] [O] devront supporter seuls la charge de ce mandat avec le Cabinet [A] par acte sous seing privé en date du 30 janvier 2018 sur leurs deniers personnels ;

- autoriser la société [M] à verser la quote part du loyer dû à Monsieur [Y] [O] directement entre les mains de celui-ci ;

Si par impossible la cour jugeait que les causes du commandement n'étaient pas réglées dans le délai d'un mois suivant celui-ci,

A titre principal,

- accorder des délais de paiement rétroactifs à la société [M] ;

- suspendre, pendant le délai accordé, le jeu de la clause résolutoire, s'agissant des arriérés non encore acquittés par la société [M] ;

- déclarer que la clause résolutoire ne produira aucun effet dès lors que les causes du commandement de payer notifié le 20 décembre 2018 seront acquittées pendant les délais accordés ;

- débouter les bailleurs de leur demande d'acquisition de la clause résolutoire et de résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges ;

- déclarer la société [M] bien fondée à se maintenir dans les locaux ;

Subsidiairement,

- déclarer que la société [M] a entièrement réglé les causes du commandement du 20 décembre 2018 dans les délais accordés rétroactivement ;

- déclarer en conséquence qu'en raison de l'exécution des causes du commandement dans les délais accordés rétroactivement, la clause résolutoire est dépourvue d'effet ;

- débouter les bailleurs de leur demande d'acquisition de la clause résolutoire et de résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges ;

- déclarer la société [M] bien fondée à se maintenir dans les locaux ;

En tout état de cause,

- condamner Monsieur [K] [O], Monsieur [D] [O], Monsieur [N] [O] et Monsieur [E] [O] à verser à la société [M] et à Monsieur [Y] [O], chacun, la somme de 2.500€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile pour l'appel ;

- condamner solidairement Monsieur [K] [O], Monsieur [D] [O], Monsieur [N] [O] et Monsieur [E] [O] aux entiers dépens d'appel ;

- débouter Monsieur [K] [O], Monsieur [D] [O], Monsieur [N] [O] et Monsieur [E] [O] de toutes leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens d'appel.

Au soutient de leurs prétentions, les appelants font valoir :

sur le paiement des sommes, que la société [M] a rencontré des difficultés financières à la suite du versement à l'un de ses salariés d'une indemnité de licenciement, lequel a été imposé par la médecine du travail dans le cadre d'une incapacité professionnelle ; que la crise des gilets jaunes ainsi que la crise sanitaire n'ont pas facilité la reprise d'activité ; que malgré ces difficultés, la société [M] a toujours démontré sa volonté d'apurer sa dette locative ; qu'avant la survenance de l'épidémie, la dette locative était éteinte ; que les causes du commandement du 20 décembre 2018 sont définitivement soldées ;

sur la nullité du commandement de payer, d'une part, que le commandement de payer litigieux est erroné au regard de la période sur laquelle s'étend la dette du fait de l'acceptation de la succession, dans le cadre de laquelle a été signée une déclaration le 9 septembre 2016, laquelle ne stipule aucune créance locative à l'encontre de la société [M], de sorte que le commandement de payer ne pouvait commencer au premier trimestre 2016 ; qu'à titre subsidiaire, les frères [O] avouent dans leurs conclusions que leur mère a indûment perçu une somme de 394,24 euros par trimestre de la société [M], qui doit nécessairement être compensée avec la prétendue créance de la succession sur cette dernière, soit un montant dû de 2.883,04 euros ; d'autre part, que le montant réclamé est erroné en ce que le commandement de payer indique des loyers à devoir d'un montant de 2.223,79 euros par trimestre alors que le loyer trimestriel jusqu'alors acquitté par la société [M] était d'un montant de 1.829,39 euros ; que les frères [O] ne rapportent pas la preuve de la révision du loyer ; qu'il est d'ordre public qu'une révision de loyer ne prenne effet qu'à compter de la date de demande de révision, de sorte qu'elle ne peut rétroagir au sens de l'article L. 145-38 du code de commerce ; que la société [M] a été informée d'une demande en révision le 1er octobre 2018, de sorte que la révision ne peut rétroagir jusqu'à la période de 2016 ;

sur la mise en œuvre de mauvaise foi de la clause résolutoire, que la clause résolutoire a été mise en œuvre de mauvaise foi par les consorts [O] qui ont rejeté toutes les demandes amiables formulées par les appelants et leur conseil en violation des « accords familiaux » et compte tenu du contexte familial ; que la clause résolutoire n'est désormais pas acquise ;

sur la nullité de la demande en révision adressée par le cabinet [A], d'une part, sur le caractère non écrit de la clause, que les modalités de révision appliquées par le cabinet [A], mandaté par les frères [O], en application de la clause de révision contenue dans le contrat de bail commercial sont erronées et dès lors inapplicables, de sorte que la demande en révision est nulle ; que le terme du bail a été atteint le 1er avril 2018 de sorte que le bail est soumis aux mesures de plafonnement de la loi Pinel, que la clause du bail mise en application par le cabinet a prévu la prise en compte d'une période de variation de l'indice supérieure à la durée effective du bail, soit une variation indiciaire de 19 ans et 2 trimestres à un bail d'une durée effective de 18 ans et 2 trimestres, de sorte que la clause doit être réputée non écrite au sens de l'article L. 112-1 du code monétaire et financier ; d'autre part, sur la nullité et l'inopposabilité de la révision, qu'en ayant fait une mauvaise application des règles d'ordre public résultant de la combinaison des articles L. 145-38 du code de commerce et L. 112-2 du code monétaire et financier, la demande de révision est nulle et inopposable, le critère de clarté devant être écarté ; que le loyer trimestriel demeure fixé à la somme de 1.829,39 euros, faute de révision régulière et opposable notifiée ; enfin, sur le plafonnement du loyer, que la loi Pinel du 18 juin 2014 s'applique dès lors que le terme a été atteint le 1er avril 2018, de sorte que devront être appliqués l'indice institué par cette loi, à savoir l'indice des loyers commerciaux, et en cas de fixation du loyer à sa valeur locative, un plafonnement de l'augmentation à raison de 10 % par année ;

sur le décompte de la dette de la société [M], que la somme réclamée est inexacte dans la mesure où la dette de la société [M] s'élève à la somme de 18.110,88 euros ; que cette dette a été entièrement soldée en ce qu'elle a déboursé la somme de 31.710 euros ; que le juge de la mise en état avait accepté sa demande de séquestre ce qui témoigne de sa bonne foi ;

sur les demandes de M. [Y] [O], sur l'inopposabilité du mandat conclu au profit de M. [Y] [O], que l'unanimité des indivisaires est requise pour les actes d'administration qui ne relèvent pas d'une exploitation normale du bien indivis de sorte que les indivisaires qui n'ont pas donné leur consentement peuvent faire juger l'acte inopposable ; que la durée du mandat, sa rémunération et sa mise en perspective factuelle, excluent une exploitation normale ; sur le règlement de sa quote-part de loyer, que Monsieur [Y] [O] entend supporter l'exploitation de la société [M], soutenant que les 4/5e de la somme lui revenant au titre des loyers dus à la Société ne doivent pas être réglés au cabinet [A], mais inscrits à son compte-courant d'associé dans les livres ouverts de la société, afin que la société puisse consacrer cette somme au désintéressement de ses frères, les charges demeurant dans leur entièreté perçues par le cabinet [A] pour éviter toute difficulté de gestion ; sur la suspension des effets de la clause résolutoire et l'octroi de délais de paiement rétroactifs, que la société [M] est à jour du règlement de ses loyers et charges ; que le chiffre net de 2019 à 2020 a diminué de 13,70 %, étant observé que les locaux ont été spécialement aménagés pour exploiter l'activité de bijouterie joaillerie ; que la société occupe les locaux au titre de deux fondements distincts, étant précisé qu'il existe une unité entre les baux, de sorte que la perte du bail entraînera la perte de l'ensemble, ce qui justifie des délais de paiement rétroactifs.

Aux termes de leurs conclusions signifiées le 4 août 2023, les consorts [O] demandent à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

débouté la société [M] et M. [Y] [O] de l'ensemble de leurs demandes ;

constaté l'acquisition de la clause résolutoire, ordonné à la société [M] de libérer les lieux susvisés dans le délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision, dit qu'à défaut, la société [M] ainsi que tous occupants de son chef, pourra être expulsée au besoin avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier, et dit que le sort des meubles sera régi conformément aux articles L. 433-1 et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

condamné la société [M] à payer à M. [E] [O], M. [K] [O], M. [N] [O] et M. [D] [O] agissant pour le compte de l'indivision successorale de M. [G] [O] et de Mme [X] [O], à compter du 21 janvier 2019 et jusqu'à la complète libération des lieux, une indemnité d'occupation d'un montant égal au montant du dernier loyer, outre toutes taxes et charges locatives précédemment exigibles ;

condamné la société [M] à payer à M. [E] [O], M. [K] [O], M. [N] [O] et M. [D] [O] agissant pour le compte de l'indivision successorale de M. [G] [O] et de Mme [X] [O], les sommes suivantes à titre d'arriéré locatif :

10.769,76 € à titre d'arriéré de loyers et de charges selon décompte arrêté au 4ème trimestre 2018 inclus, outre les intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2018;

6.391,04 € à titre d'arriéré de loyers, charges et indemnités d'occupation, pour la période courant du 1er trimestre 2019 au 2ème trimestre 2020 inclus, outre les intérêts au taux légal à compter du 28 mai 2020 ;

condamné in solidum la société [M] et M. [Y] [O] à payer à M. [E] [O], M. [K] [O], M. [N] [O] et M. [D] [O] agissant pour le compte de l'indivision successorale de M. [G] [O] et de Mme [X] [O] la somme totale de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné in solidum la société [M] et M. [Y] [O] aux dépens de l'instance, en ce compris le coût de l'état d'endettement et le coût du commandement de payer visant la clause résolutoire du 20 décembre 2018 ;

débouter la société [M] et M. [Y] [O] de l'ensemble de leurs demandes ;

débouter la société [M] (sic) de sa demande tendant à voir juger ;

dire sans objet la demande de la société [M] tendant à voir juger nulle et inopposable la demande de révision notifiée le 1er octobre 2018 et non écrite la clause de révision de loyer et subsidiairement les en débouter ;

autoriser Messieurs [K] [O], [D] [O], [N] [O] et [E] [O] à appréhender la somme de 6.036,96 € que la société [M] a été autorisée à consigner si cette dernière somme est consignée ;

Subsidiairement,

- condamner la société [M] à payer à Messieurs [K] [O], [D] [O], [N] [O] et [E] [O], pour le compte de l'indivision successorale de Monsieur [G] [O] et de Madame [X] [O] la somme de 10.061,60 €, correspondant à la somme de 6.036,96 € au titre du commandement et 4.024,64 € pour la période du 1er janvier 2019 au 30 juin 2020, augmentée des intérêts au taux légal à compter du commandement pour les sommes visées dans le commandement et à compter des conclusions du 28 mai 2020 pour le surplus ;

- autoriser Messieurs [K] [O], [D] [O], [N] [O] et [E] [O] à appréhender la somme de 6.036,96 € que la société [M] a été autorisée à consigner si cette dernière somme est consignée ;

- constater l'acquisition de la clause résolutoire incluse dans le commandement en date du 20 décembre 2018 ;

- ordonner l'expulsion de la société [M] et celle de tout occupant de son chef, avec, si nécessaire, l'assistance de la force publique des locaux qu'elle occupe au [Adresse 7] à [Localité 12] ;

- ordonner la séquestration des meubles et stocks se trouvant dans les locaux dans tout garde meubles au choix des demandeurs, aux frais, risques et périls de la société [M] ;

- fixer une indemnité d'occupation équivalente au dernier loyer exigible à la date de l'acquisition de la clause résolutoire, majorée des charges ;

- condamner la société [M] à son paiement jusqu'à libération totale des lieux et remise des clés ;

En tout état de cause sur la demande de délais et de suspension de la clause résolutoire ;

- débouter la société [M] de sa demande de délais et de suspension de la clause résolutoire ;

Subsidiairement :

- dire qu'à défaut de paiement à bonne date d'une seule mensualité, en sus du loyer courant, l'intégralité de la dette redeviendra exigible et la clause résolutoire reprendra de plein droit ses effets ;

En tout état de cause sur les demandes aux titres des frais irrépétibles et dépens :

- condamner la société [M] à verser à Monsieur [K] [O], Monsieur [D] [O], Monsieur [N] [O] et Monsieur [E] [O], pour le compte de l'indivision successorale de Monsieur [G] [O] et de Madame [X] [O] la somme de 4.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel en sus de la somme allouée par le jugement ;

- condamner M. [Y] [O] à leur payer à Monsieur [K] [O], Monsieur [D] [O], Monsieur [N] [O] et Monsieur [E] [O] une somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civil (sic) ;

- condamner in solidum la société [M] et M. [Y] [O] aux entiers dépens d'instance qui comprendront le coût de l'état d'endettement et du commandement.

Au soutien de leurs prétentions, les intimés opposent :

sur l'intervention de M. [Y] [O], que les développements de M. [O] relatifs à la succession sont hors sujet au regard du litige ; que la somme de 25.000 euros est une trésorerie permettant de régler les dettes indivises liées au bien immobilier dont l'indivision est propriétaire, la rémunération étant fixée à 7,2 % TTC du montant des loyers ; qu'un mandat de gestion d'un bien indivis, résiliable chaque année, pour un coût de 692 €/an ressort d'une exploitation normale et constitue un acte d'administration que le ou les indivisaires titulaires d'au moins 2/3 des droits indivis peuvent conclure afférents aux biens indivis conformément à l'article 815-3 alinéa 1er du code civil ; que la société [M] n'étant pas locataire pour 1/5ème de M. [Y] [O], mais de l'ensemble de l'indivision, elle est bien débitrice de l'intégralité du loyer au profit de l'indivision ;

sur les demandes de la société [M], que la société [M] ne justifie pas de relevés bancaires permettant d'expliquer les difficultés financières alléguées ;

sur la validité du commandement, qu'ils ne sont pas de mauvaise foi dès lors que le preneur n'effectuait plus de paiement depuis trois ans, étant observé qu'il faudra attendre octobre 2022, à la suite du jugement exécutoire, pour que la société solde une dette ayant pris naissance en janvier 2016 ; que la majorité du capital de la société appartient à l'indivision [O] composées des cinq frères qui détiennent 5/8ème des actions, de sorte que [Y] [O] n'a vocation à se voir attribuer qu'un huitième des actions de l'indivision ; sur les périodes et les montants réclamés, que pour chaque trimestre la période est visée, étant distingué les sommes réclamées à titre de loyer et celles réclamées à titre de charges ; sur les montants, que les montants visés par le commandement de payer ne sont contestables ni au regard de la période sur laquelle s'étend la dette, ni sur le montant des loyers dus ; que la preuve d'un accord qui aurait existé entre M. [O] et ses frères n'est pas rapportée ; que la société [M] est bien débitrice des loyers pour les trois premiers trimestres 2016, à savoir la somme de 6.036,96 euros qu'elle a été autorisée à séquestrer sans pour autant y procéder ; que la demande de compensation est mal fondée en l'absence de trop-perçu ; que la révision n'a d'effet qu'à compter de la date à laquelle elle est reçue par le locataire et ne s'appliquera que si les parties s'accordent sur un loyer comme c'est le cas en l'espèce ; que c'est bien sur cette somme de 802,24 euros par mois, soit 2.406,72 euros par trimestre que le commandement a été délivré ;

sur la demande en révision, que la clause litigieuse n'est que la retranscription de la révision triennale légale, selon laquelle le loyer peut être révisé tous les trois ans en fonction de la variation de l'indice INSEE du coût de la construction ; que les modalités de mise en œuvre et l'opposabilité ne prêtent à discussion que dans le cadre d'une procédure judiciaire;

sur leur demande en paiement, que la société [M] est bien débitrice des loyers pour la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018 et que le loyer trimestriel s'élève à la somme trimestrielle de 2.223,79 euros + 182,93 euros au titre des charges, soit 2.406,72 euros par trimestre ; que la créance s'élevait à la date du commandement à la somme de 28.880,64 euros alors que la société [M] n'avait versé qu'une somme de 18.110,88 euros ; qu'à titre subsidiaire, si la cour considérait que loyer trimestriel était de 1.829,39 € et non de 2.223,79 €, il conviendrait alors de déduire la somme de 394,40 € par trimestre sur la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018, sur 12 trimestres, soit une somme de 4 732,80 € ramenant la créance au 01/04/2020 à la somme 6.036,96 € au titre du commandement ; que du 1er janvier 2019 au 30 juin 2020, elle est débitrice de la somme de 6.391,04 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la signification des conclusions du 28 mai 2020 ; qu'à titre subsidiaire, si la cour considérait que loyer trimestriel était de 1.829,39 € et non de 2.223,79 €, il conviendrait alors de déduire la somme de 394,40 € par trimestre sur la période du 1er janvier 2019 au 30 juin 2020, sur 6 trimestres, soit une somme de 2.366,40 €, ramenant la créance au 30/06/2020 à la somme de 4.024,64 € ; que les sommes visées dans le commandement n'ayant pas été payées dans le mois de sa délivrance, ni à la date du jugement, il conviendra de constater l'acquisition de la clause résolutoire et d'ordonner l'expulsion de la société [M] et celle de tout occupant de son chef, avec, si nécessaire, l'assistance de la force publique ;

sur la suspension de la clause résolutoire, qu'une telle demande ne peut être accueillie dès lors que la société [M] n'est pas une débitrice de bonne foi et qu'elle ne justifie pas de sa situation financière ; qu'elle a reçu de son bailleur, la SCI Temple 78, un congé avec refus de renouvellement et offre d'indemnité d'éviction ; qu'à titre subsidiaire, à défaut de paiement à bonne date d'une seule mensualité, en sus du loyer courant, l'intégralité de la dette redeviendra exigible et la clause résolutoire reprendra ses effets.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties. Cependant, pour une meilleure compréhension du présent arrêt, leur position sera succinctement résumée.

SUR CE,

Conformément aux dispositions des articles 4 et 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions. Il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes aux fins de voir 'déclarer' ou de 'constater', lorsqu'elles ne constituent pas des prétentions visant à conférer un droit à la partie qui les requiert mais ne sont en réalité que de simples allégations ou un rappel des moyens invoqués.

La cour relève que l'intervention volontaire de M. [Y] [O] n'est pas contestée en cause d'appel.

Sur la validité du commandement de payer

Aux termes de l'article 1728 du code civil, le preneur est tenu de deux obligations principales, celle d'user de la chose louée raisonnablement, suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, et de payer le prix du bail aux termes convenus.

L'article L. 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail prévoyant sa résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Le bailleur, au titre d'un bail commercial, demandant la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire comprise dans le bail doit rapporter la preuve de sa créance.

La résiliation de plein droit du bail au titre de la clause résolutoire est acquise si le défaut de paiement de la somme réclamée dans le commandement de payer visant la clause résolutoire est manifestement fautif, si le bailleur est en situation d'invoquer de bonne foi la mise en jeu de cette clause et si la clause résolutoire est dénuée d'ambiguïté.

En l'espèce, comme relevé par le premier juge, le contrat de bail commercial signé le 10 mars 2000 entre les consorts [O] et la société [M] comprend en son article 7 une clause résolutoire applicable en cas de manquement du preneur à l'une de ses obligations.

L'acte délivré le 20 décembre 2018 fait commandement à la société [M] de payer la somme de 28.880,64 euros, basée sur un loyer trimestriel d'un montant de 2.223,79 euros outre une provision pour charges de 182,93euros, au titre d'une dette locative pour les années 2016 à 2018.

Les appelants ne contestent pas l'existence d'une dette locative au jour de la délivrance du commandement de payer ; en revanche, ils en contestent le quantum et font état de la mauvaise foi de l'indivision successorale dans la délivrance du commandement de payer.

Il ressort des conclusions des parties que Mme [X] [O] a été en conflit avec son fils, M. [Y] [O], conflit qui l'oppose aujourd'hui à ses frères dans le cadre de la succession.

M. [Y] [O] allègue, notamment, d'un accord de ses frères au non-paiement du loyer dans la perspective de l'acquisition des locaux pris à bail, vente qui relevait de la volonté de leur défunt père tel que cela ressort d'un document établi le 23 juin 2006 et signé de sa main, versé en pièce n°33, sans toutefois justifier de leur accord. Cependant, le refus de l'indivision [O] de recourir à une mesure de médiation ne saurait caractériser la mauvaise foi, les parties étant libres de consentir ou pas à une mesure de médiation.

Sur la clause de révision du loyer et la demande de révision adressée par le cabinet [A]

Aux termes de l'article L. 145-38 du code de commerce, la demande en révision ne peut être formée que trois ans au moins après la date d'entrée en jouissance du locataire ou après le point de départ du bail renouvelé. La révision du loyer prend effet à compter de la date de la demande en révision.

De nouvelles demandes peuvent être formées tous les trois ans à compter du jour où le nouveau prix sera applicable."

L'article R. 145-20 du code de commerce dispose que la « demande de révision des loyers prévue à l'article L. 145-37 est formée par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Elle précise, à peine de nullité, le montant du loyer demandé ou offert. »

Le premier juge a, par motifs pertinents que la cour adopte et auxquels elle renvoie, considéré que la clause du bail intitulé « Révision triennale du loyer » ne comportait pas de mécanisme d'indexation du loyer mais était soumise aux dispositions de l'article L. 145-38 du code de commerce en ce qu'elle prévoit un mécanisme de révision du loyer en fonction de la valeur locative des locaux, qui ne peut excéder l'indice trimestriel du coût de la construction, indice de référence au jour de la passation du bail, et s'appliquant à chaque échéance triennale du bail.

Ce mécanisme diffère de l'indexation, lequel intervient généralement annuellement, par référence à un indice déterminé par les parties, dont la période de variation doit être inférieure ou égale à la période de variation du loyer au risque d'être réputé non écrite sur le fondement de l'article L. 112-1 du code monétaire et financier, lequel ne s'applique pas aux clauses de révision.

Il en résulte que la validité de cette clause n'est pas contestable.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur cette base, le mandataire de l'indivision successorale a, par courrier en date du 1er octobre 2018 adressé à la société [M], sollicité la révision du loyer aux motifs qu'en vertu des dispositions légales du bail, le montant du loyer est révisable selon l'indice choisi par les parties et indique que « le calcul est provisoirement fait à partir de l'indice de base prévu au titre locatif (2t1999=1074) et le dernier indice paru (2t2018=1699) et sera à affiner après parution du 4ème trimestre 2018 » [' et sur la base du ...] loyer initial de 48.000 francs [soit] 7.317,55 euros, ce qui donne une valeur annuelle hors charges de 11.575€90, que nous portons provisoirement à la somme de 12.733€49, dans l'attente de votre réponse », soit un loyer trimestriel d'un montant de 3.183,37 euros.

Il appert que cette demande est conforme aux dispositions des articles L. 145-37 et R. 145-20 susvisés et ne saurait encourir la nullité. Il appartient au preneur qui entend la contester de saisir le juge des loyers commerciaux, seul compétent pour en connaître aux termes des dispositions de l'article L. 145-23 du code de commerce, de sorte que les demandes de nullité de la demande de révision formées par la société [M] et de plafonnement du loyer ne relève pas de la compétence de la cour.

Sur la période de référence de la dette

L'article 792 du code civil prévoit, notamment, que les créanciers de la succession sont tenus de déclarer leurs créances dans le délai de 15 mois à compter de la publication nationale prévue à l'article 788 du même code, sous peine de voir leur créance éteinte à l'égard de celle-ci.

C'est par motifs pertinents que la cour adopte et auxquels elle renvoie que le premier juge a rappelé que l'article 792 du code civil, invoqué par les appelants au soutien de leur moyen tiré d'une erreur sur la période d'étalement de la dette, n'est pas applicable au cas d'espèce en ce que, d'une part, il n'est pas justifié que la succession ait été acceptée à concurrence de l'actif net et, d'autre part, cet article vise les créanciers de la succession, qui par hypothèse sont des tiers à celle-ci, et non les créances de la succession elle-même dont il est état dans le cadre du présent contentieux.

Ainsi, la dette de la succession de Mme [O] n'est pas éteinte et l'indivision est fondée à en réclamer le paiement le période pour la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018.

Sur le montant du loyer exigible au titre du commandement

Il ressort de la mise en demeure adressée le 4 décembre 2018 par le cabinet [A] à la société [M] préalablement à la délivrance du commandement que, faute de justification du paiement des loyers dus sur les années 2016 à 2018, « le compte de [la] société présente [...] un solde débiteur de 28.880,64 euros, sans préjudice de la demande de révision en cours ». Ainsi, contrairement à ce que soutiennent les appelants, le montant des loyers appelés au titre du commandement de payer délivré ne porte pas sur le loyer « révisé » par le cabinet [A] mais sur le loyer appliqué antérieurement par le bailleur.

Aux termes de l'article 3 du bail signé entre M. et Mme [G] [O] et la société [M], le 10 mars 2000, le loyer annuel a été fixé à la somme de 48.000 francs, soit un loyer annuel de 7.317,55 euros ou 1.829,38 euros par trimestre. La provision pour charges a été fixée trimestriellement à la somme de 1.200 francs, soit 182,93 euros.

La révision du loyer ne peut résulter que d'un accord des parties ou de l'application de la procédure légales, laquelle requière le respect du formalise prévu à l'article L. 145-37. Ces dispositions relevant d'un ordre public de protection, non seulement la révision doit être expressément demandée dans ces formes mais elle doit aussi être formellement acceptée par celui à qui elle est demandée. La renonciation à ce droit ne pouvant être que certaine, non équivoque et réalisée en toute connaissance de cause.

Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, d'une part, le contexte particulièrement contentieux du présent litige depuis de nombreuses années exclut l'hypothèse d'un accord des parties sur un nouveau loyer, accord au demeurant non prouvé par le bailleur, d'autre part, le paiement de ce nouveau loyer par le locataire ne peut être considéré comme une renonciation certaine et non équivoque au bénéfice de la protection accordée par les dispositions légales et/ou contractuelle de révision du loyer. Au demeurant, contrairement à ce que visé le premier juge, la société [M] concluait en pages 8 et 10 de l'assignation délivrée à M. [D] [O], le 17 octobre 2012, et reprenait dans le dispositif de ses conclusions au rejet de la demande d'indexation des loyers faute pour le bailleur de n'avoir jamais effectué aucune demande en ce sens et de voir le tribunal reconnaître que la demande du bailleur ne pouvait porter que sur les loyers en dehors de toute révision.

Il infère de ces éléments qu'au cas d'espèce faute pour l'indivision successorale de rapporter la preuve de la réalité et de la validité d'une procédure de révision des loyers ou d'un accord sur sa modification, le commandement de payer délivré le 20 décembre 2018 n'a pu produire effet que pour le montant de la dette locative hors révision, dont une partie est reconnue par la société [M] à hauteur de 18.110,88 euros.

Ainsi, la dette locative sur la période visée au commandement de payer, soit du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018, s'élève à la somme de 24.147,72 [(1.829,38 x 12) + (182,93 x 12)] et les effets du commandement ne peuvent jouer qu'à cette hauteur.

Il n'est pas contesté que la société [M] ne s'est pas acquitté du montant de cette dette dans le délai d'un mois. Cependant, conformément aux dispositions de l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, « compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues".

Il ressort de l'attestation de M. [I], expert-comptable, que la société a dû faire face à des difficultés de trésorerie depuis 2016 et, notamment, avoir dû procéder au licenciement d'un salarié, dont le coût a été de 95.000 euros, somme importante ayant obéré les capacités financières de la société au regard de ses résultats. Ainsi, sont versés aux débats les bilans des années 2019/2020 et 2021/2022, dont il ressort un résultat positif mais somme toute modeste sur les années 2019 (19.346), 2021 (14.738) et 2022 (1.170), négatif sur l'année 2020 (-27.506).

De son côté, l'indivision [M] ne fait état d'aucune difficulté financière particulière ayant pu faire obstacle à l'octroi de délais de paiement, sollicités à hauteur d'appel, et légitime compte-tenu notamment du nombre d'années d'occupation des locaux par ce commerce de bijouterie joaillerie, spécialement aménagés pour ce faire, activité exercée en leur sein depuis plusieurs générations par la famille [O].

En outre, la société [M] verse aux débats :

un chèque en date du 16 décembre 2018 d'un montant de 2.406,72 euros ;

un chèque de 300 euros en date du 4 janvier 2019 ;

un chèque de 2.406,72 euros en date du 11 avril 2019 ;

un chèque de 2.912,32 euros en date du 29 mai 2019 ;

deux chèque d'un montant respectif de 2.012,32 euros et 1.200 euros en date du 12 septembre 2019 ;

un chèque de 12.909,76 euros en date du 8 novembre 2019 ;

un chèque de 2.012,32 euros émis le même jour.

Elle justifie ainsi avoir réglé la somme de 26.160,16 euros, de sorte qu'au 8 novembre 2019 les causes du commandement ont été réglées et une somme de 2.012,44 euros trop-perçue par l'indivision.

Il infère de ces éléments que la société [M] justifie qu'elle peut bénéficier de délais de paiement suspensifs des effets de la clause résolutoire qui lui seront accordés.

Le jugement sera donc infirmé de ce chef et de toutes les conséquences de droit y étant attachées.

Sur l'opposabilité du mandat de gestion

Il ressort des dispositions de l'article 815-3 du code civil qu'au moins deux tiers des indivisaires peuvent notamment effectuer les actes d'administration relatifs aux biens indivis et donner à un tiers un mandat général d'administration. Ils sont tenus d'en informer les autres indivisaires sous peine d'inopposabilité des décisions prises. En revanche, le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui excéderait l'exploitation normale des biens indivis ou qui constituerait un acte de disposition.

C'est par motifs détaillés auxquels la cour renvoie et qu'elle adopte que le premier juge a fait une exacte description du mandat de gestion conclu le 30 janvier 2018 par les consorts [O] au nom de l'indivision successorale avec la société Fiduciaire [A].

C'est par motifs tout aussi pertinents que la cour adopte que le premier juge a considéré que si la durée du mandat donné à la société [A] est inhabituelle, aucune disposition de la loi Hoguet ne l'interdisait, et que la faculté de résiliation annuelle prévue au contrat en atténuait les effets. En outre, contrairement à ce que soutiennent les appelants, les honoraires du mandataire ne se montent pas à la somme de 25.000 euros mais, aux termes de l'article 6 du contrat, sont fixés, s'agissant des horaires de gestion courante, à 7,2 % TTC de toutes sommes encaissées hors dépôt de garantie et, pour les honoraires complémentaires, à un pourcentage du montant de l'acte passé ou à un forfait pour la gestion des contentieux. La somme de 25.000 euros invoquée par les appelants représente une provision destinée à assurer le règlement des charges de copropriété, d'imposition et factures diverses.

Ainsi les appelants ne démontrant pas que le mandat conclu excéderait l'exploitation normale d'un bien indivis.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de ce chef.

Sur la demande d'autoriser la société [M] à payer directement entre les mains de M. [Y] [O] 1/5ème du montant du loyer

C'est par motifs pertinents auxquels la cour renvoie et qu'elle adopte que le premier juge a rappelé que la société [M] est la locataire de l'indivision successorale venant aux droits des bailleurs initiaux, M. et Mme [G] [O], laquelle indivision se distingue des droits de chacun des indivisaires qui la compose. Ainsi, les loyers perçus par l'indivision font masse avec l'actif de l'indivision et, après déduction du passif, l'éventuel solde bénéficiaire du compte de gestion est partagé dans les proportions des droits de chacun des indivisaires.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande à ce titre.

Sur les demandes reconventionnelles

Sur la demande de condamnation au titre des sommes dues postérieurement au commandement du 1er janvier 2019 au 30 juin 2020

Aux termes de l'article 1353 du code civil, « celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. »

Les intimés sollicitent la condamnation de la société [M] à payer à l'indivision successorale la somme de 6.391,04 euros représentant un solde restant dû au 30 juin 2020 sur la base d'un loyer trimestriel appelé à hauteur de 2.223,79 euros et, à titre subsidiaire, la somme de 4.024,64 euros sur la base d'un loyer trimestriel de 1.829,39 euros.

Comme précédemment rappelé, faute de procédure régulière de révision du loyer depuis la signature du contrat de bail et en absence d'acceptation par le preneur du loyer révisé revendiqué par l'indivision successorale aux termes du courrier de son mandataire, le cabinet [A], seul le montant du loyer fixé dans le bail, soit la somme de 1.823,39 euros, est exigible.

La société [M], qui ne conteste pas la dette, ne justifie d'aucun paiement de sorte que l'existence d'une dette locative au 30 juin 2020 à hauteur de 4.024,64 euros n'est pas contestable.

En revanche, il convient de déduire de ce montant le trop-perçu d'un montant de 2.012,44 euros, évoqué ci-dessus, qui viendra en compensation, de sorte que la société [M] sera condamnée au paiement de la somme de 2.012,20 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 30 juin 2020.

Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

Sur les sommes consignées

Les intimés sollicitent l'autorisation d'appréhender la somme de 6036,96 euros que la société [M] a été autorisée à consigner.

Faute d'établir la réalité de cette consignation et de justifier d'une créance centaine, liquide et exigible à hauteur de ce montant, il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande.

Sur les demandes accessoires

Le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et chaque partie ayant succombé en ses demandes supportera la charge de ses propres dépens.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties, les frais par elle engagés dans le cadre de la présente instance au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la charge de ses propres dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort ;

Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire le 25 mars 2021 sous le numéro de RG 19/934 en ce qu'il a :

reçu M. [Y] [O] en son intervention volontaire ;

débouté M. [Y] [O] et la société De Graalie de leurs demandes au titre de la nullité du contrat de mandat ;

débouté M. [Y] [O] et la société [M] de leurs demandes au titre de l'inopposabilité du contrat de mandat ;

débouté M. [Y] [O] de sa demande de versement direct entre ses mains d'un cinquième du montant du loyer versé par la société [M] ;

débouté M. [E] [O], M. [K] [O], M. [N] [O] et M. [D] [O], agissant au nom de l'indivision successorale de M. [G] [O] et Mme [X] [O] de leur demande relative à l'appréhension des sommes consignées par M. [Y] [O] ;

L'infirme pour le surplus ;

Statuant de nouveau,

Dit que les demandes relatives à la contestation du montant du loyer dont la révision est sollicitée relèvent de la compétence exclusive du président du tribunal judiciaire ou de son délégataire statuant en ce domaine ;

Constate que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail liant les parties sont réunies ;

Condamne la société [M] à payer à M. [E] [O], M. [K] [O], M. [N] [O] et M. [D] [O], agissant au nom de l'indivision successorale de M. [G] [O] et Mme [X] [O], la somme de 24.147,72 à valoir sur loyers impayés au 31 décembre 2018 ;

Suspend rétroactivement les poursuites et les effets de la clause résolutoire contractuelle ;

Constate que la société [M] s'est acquitté du montant de la dette au 8 novembre 2019 ;

Condamne la société [M] à payer à M. [E] [O], M. [K] [O], M. [N] [O] et M. [D] [O], agissant au nom de l'indivision successorale de M. [G] [O] et Mme [X] [O] la somme de 2.012,20 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 30 juin 2020 ;

Y ajoutant ;

Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens de première instance et d'appel.