CA Bordeaux, 4e ch., 12 décembre 2023, n° 23/00500
BORDEAUX
Arrêt
Autre
PARTIES
Demandeur :
AUTOCLASSIC (S.A.S.U.)
Défendeur :
CIGIMMO (S.C.I.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. FRANCO
Conseillers :
Mme GOUMILLOUX, Mme MASSON
Avocats :
Me CAVEDON, SELARL BIROT-RAVAUT ET ASSOCIES
Par acte du 30 janvier 2019, à effet au 1er février 2019, la SCI CIGIMMO a donné à bail commercial à la SASU Autoclassic, des locaux situés à Blanquefort, pour notamment exercer une activité de tôlerie, de carrosserie et de peinture sur tout véhicule, prévoyant un loyer annuel d'un montant de 23 760 euros hors taxes et un dépôt de garantie d'un montant de 5 940 euros.
L'article 21 du contrat a stipulé une clause résolutoire et l'article 28, la répartition des travaux d'aménagement entre le preneur et le bailleur.
Par actes d'huissier des 06 juin et 09 août 2019, la société CIGIMMO a fait signifier au preneur, trois commandements d'avoir à payer le dépôt de garantie, les loyers des deuxième et troisième trimestres de l'année 2019 et d'avoir à justifier d'une assurance, en visant la clause résolutoire.
Par acte d'huissier de justice du 12 septembre 2019, la société Autoclassic a fait assigner à jour fixe son bailleur devant le tribunal judiciaire de Bordeaux afin de faire prononcer la nullité des trois commandements de payer.
Par jugement contradictoire du 20 février 2020, le tribunal a statué comme suit :
- déboute la société Autoclassic de l'ensemble de ses chefs de demande,
- condamne la société Autoclassic à payer à la société CIGIMMO une somme de 10 000 euros au titre des loyers impayés, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
- déboute la société CIGIMMO des autres chefs de sa demande reconventionnelle, à l'exception des frais d'installation du compteur par la société Enedis qui resteront à la charge de la société Autoclassic,
- dit que chaque partie conserve à sa charge les frais engagés non compris dans les dépens,
- condamne la société Autoclassic aux dépens,
- dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire.
Selon déclaration du 16 mars 2020, la société Autoclassic a interjeté appel de cette décision, énonçant les chefs de la décision expressément critiqués, intimant la société CIGIMMO. La société Autoclassic a rectifié sa déclaration d'appel le 15 juin 2020. Les deux dossiers ont été joints sous le numéro RG 20/02007.
La société CIGIMMO a formé appel incident.
Par ordonnance de référé du 12 juillet 2021, le président du tribunal judiciaire de Bordeaux a débouté la société CIGIMMO de sa demande tendant notamment à faire constater la résiliation du bail commercial et à faire ordonner l'expulsion du preneur.
Par arrêt contradictoire du 27 janvier 2023 rendu sur requête afin de déféré, la cour d'appel de Bordeaux a infirmé l'ordonnance du 13 octobre 2022 rendue par le conseiller chargé de la mise en état de la chambre commerciale de la cour d'appel de Bordeaux aux termes de laquelle ont été déclaré nulles les conclusions d'appelant régularisées le 15 juin 2020 par la société Autoclassic.
Le 17 mars 2022, la société Autoclassic a été radiée d'office du registre du commerce et des sociétés.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 23 février 2023, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Autoclassic, demande à la cour de :
vu les articles 117 et suivants du code de procédure civile,
vu les articles 1186, 1219 et suivants et 1741 et suivants du code civil,
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,
- rejeter les conclusions signifiées le 25 mai 2022 par la société CIGIMMO en raison de leur caractère tardif et dilatoire en ce qui concerne la demande de nullité des actes de sa procédure et des moyens nouvellement développés au fond,
- condamner la société CIGIMMO à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts par application des dispositions de l'article 118 du code de procédure civile,
- débouter la société CIGIMMO de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et prétentions tirées d'une prétendue nullité des actes de sa procédure et sa radiation,
- réformer le jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de ses chefs demandes,
- réformer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamné à payer à la société CIGIMMO la somme de 10 000 euros au titre des loyers,
- réformer le jugement en ce qu'il l'a condamné à supporter les frais d'installation du compter électrique,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société CIGIMMO de sa demande reconventionnelle,
- réformer le jugement en ce qu'il l'a condamné aux dépens,
- en conséquence, statuant à nouveau et y ajoutant,
- à titre principal,
- prononcer la résolution du bail aux torts exclusifs de la société CIGIMMO, notamment pour défaut de délivrance, résiliation et expulsion abusives,
- à titre subsidiaire,
- prononcer la caducité du bail pour défaut de jouissance,
- à titre très subsidiaire,
- dire et juger qu'elle est fondée à se prévaloir de l'exception d'inexécution pour s'opposer au règlement du montant des loyers,
- en toutes hypothèses,
- débouter la société CIGIMMO de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et prétentions,
- prononcer la nullité des commandements de payer et de communiquer une assurance,
- condamner la société CIGIMMO à lui payer la somme de 15 240 euros en remboursement des loyers versés depuis la signature du bail,
- condamner la société CIGIMMO à lui payer la somme de 80 012,79 euros au titre de son préjudice matériel, se décomposant comme suit :
- 7 845,24 euros au titre des échéances de prêt n°09011606 qu'elle a dû payer en pure perte, soit 8 échéances,
- 72 167,55 euros avec intérêts au taux contractuel de 1,70 % à compter du 28 novembre 2020 jusqu'à parfait paiement, au titre de sa condamnation en vertu du jugement rendu par le tribunal de commerce de Dax en date du 16 mars 2021,
- condamner la société CIGIMMO à lui payer la somme de 25 000 euros au titre des travaux réalisés en vue d'exercer son activité au sein du local loué,
- condamner la société CIGIMMO à lui payer la somme de 5 940 euros au titre du dépôt de garantie versé à la signature du bail,
- condamner la société CIGIMMO à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice d'image,
- condamner la société CIGIMMO à lui verser la somme de 30 000 euros au titre de son préjudice moral,
- condamner la société CIGIMMO à lui verser la somme de 182 504 euros au titre de son préjudice de perte d'exploitation,
- condamner la société CIGIMMO à verser la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en suite de l'éviction forcée, sans droit ni titre, des locaux donnés à bail,
- condamner la société CIGIMMO à lui verser la somme de 25 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société CIGIMMO aux entiers dépens de la procédure, en ce compris les frais de première instance et d'appel.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 15 mai 2023, auxquelles la cour se réfère expressément, la société CIGIMMO, demande à la cour de :
vu le bail commercial,
vu les dispositions de l'article L. 145-41 du code de commerce,
vu les articles 1227 et suivant du code civil,
vu les articles 117 et 908 du code de procédure civile,
- sur l'appel de la société Autoclassic,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux (RG n°19/08601) en ce qu'il a :
- débouté la société Autoclassic de sa demande de nullité des commandements de payer du 06 juin 2019 et 09 août 2019, et du commandement pour défaut d'assurance du 09 août 2019,
- débouté la société Autoclassic de sa demande visant à voir juger qu'elle a manqué à ses obligations contractuelles et ses obligations de délivrance conforme des locaux loués,
- débouté la société Autoclassic à se prévaloir de l'exception d'inexécution,
- en conséquence,
- débouter la société Autoclassic de ses demandes de remboursement de loyers ainsi que de l'ensemble de ses demandes indemnitaires,
- juger que la demande de caducité du contrat de bail constitue une demande nouvelle formulée pour la première en cause d'appel,
- en conséquence,
- juger que la société Autoclassic est irrecevable à formuler une demande de caducité du bail,
- à titre subsidiaire, juger que la société Autoclassic est infondée à se prévaloir de la caducité du bail,
- en conséquence,
- débouter la société Autoclassic de sa demande de caducité du bail,
- sur son appel incident,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux (RG n°19/08601) en ce qu'il a :
- condamné la société Autoclassic à lui payer une somme de 10 000 euros au titre des loyers impayés, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
- l'a débouté des autres chefs de demande reconventionnelle, à l'exception des frais d'installation du compteur par la société Enedis qui resteront à la charge de la société Autoclassic,
- statuant à nouveau,
- condamner la société Autoclassic au paiement des sommes suivantes :
- loyers impayés : 68 019,92 euros,
- factures à la charge du preneur : 4 732,13 euros,
- électricité : 1 292,64 euros,
- frais d'huissier : 2 487,33 euros,
- facture ACL nettoyage : 984 euros,
- facture Rieublanc : 1 714,80 euros
- soit un total de 79 230,82 euros,
- ordonner la capitalisation des intérêts,
- constater le jeu de la clause résolutoire à effet au 06 juillet 2019,
- constater la résiliation du bail consenti par elle à la société Autoclassic pour défaut de paiement des loyers et charges à la date du 06 juillet 2019,
- à défaut,
- constater les manquements graves du preneur étant de nature à justifier le prononcé de la résolution judiciaire du bail,
- en conséquence,
- prononcer la résiliation du bail,
- en tout état de cause,
- ordonner l'expulsion du locataire, de tous occupants de son chef ainsi que de ses biens, de justifier de l'acquit des charges locatives et de remettre les clefs avec si besoin le concours de la force publique et d'un serrurier,
- condamner la société Autoclassic à payer une indemnité d'occupation mensuelle à compter du prononcé de la décision et ce jusqu'à la libération effective des lieux, a la valeur d'un quart d'une annuité de loyer conformément aux dispositions du bail,
- dire que si l'occupation devait se prolonger plus d'un an après l'acquisition du jeu de la clause résolutoire, l'indemnité d'occupation ainsi fixée serait indexée sur l'indice trimestriel du coût de la construction, publié par l'INSEE, s'il évolue à la hausse, l'indice de base étant le dernier indice paru à la date de l'acquisition de la clause résolutoire,
- condamner la société Autoclassic au paiement d'une indemnité de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les dépens de la première instance.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 octobre 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 31 octobre 2023.
Vu la note en délibéré adressée par la société CIGIMMO le 2 novembre 2023,
Vu la note en délibéré adressée par la société Autoclassic le 8 novembre 2023,
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la procédure :
1- Dans ses dernières conclusions notifiées le 15 mai 2023, postérieures à l'arrêt rendu sur déféré le 23 janvier 2023, la société CIGIMMO ne demande plus à la cour de déclarer la déclaration d'appel caduc, et elle ne présente plus aucune prétention relative à la nullité des actes de procédure et à la radiation de la société Autoclassic.
2- Dès lors, les développements de la société Autoclassic sur ces points sont sans objet
Concernant la demande de résolution du bail :
3- Se fondant sur les dispositions des articles 1227, 1719 alinéa 1er et 1741 du code civil, la société Autoclassic soutient que le bailleur a manqué à son obligation principale de délivrance, compte tenu de l'insuffisance de la puissance électrique disponible lors de la signature du bail, et de la carence de la société CIGIMMO à faire réaliser comme elle s'y était engagée les travaux d'installation d'un nouveau compteur, dans une clause spéciale du contrat.
Elle ajoute qu'en toutes hypothèses, la clause serait contraire aux règles impératives de répartition des travaux entrepreneur et bailleur, telle que prévue par l'article R. 145 -35 du code de commerce, si elle devait être interprétée comme imposant au preneur l'obligation de prendre en charge les travaux relatifs à la pose du compteur électrique.
4- La société CIGIMMO réplique que l'accord convenu à l'article 28 du bail mettait à la charge du preneur les travaux consistant à amener le câblage électrique et à réaliser ensemble des travaux nécessaires pour permettre la pose du nouveau compteur, ce qui a été confirmé par les premiers échanges.
Elle ne conteste pas que la pose du compteur individuel devait rester à sa charge, mais soutient que le locataire s'est trouvé dans l'impossibilité de fournir le certificat de conformité de son installation électrique (Consuel), en dépit de plusieurs réclamations.
Sur ce :
5- Selon les dispositions de l'article 1719-1° du code civil, le bailleur est obligé par la nature du contrat et sans que soit besoin d'aucune stipulation particulière de délivrer au preneur la chose louée.
6- Selon les dispositions de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
7- En l'espèce, il incombait à la société CIGIMMO, bailleur, de délivrer à la société un local à usage d'entrepôt et de bureaux et permettant au preneur d'exercer les activités suivantes, rappelées à l'article 4 du bail :
- la réalisation de tous travaux de tôlerie, carrosserie, la peinture sur tout véhicule,
- la restauration de véhicules historiques et de collection,
- le négoce de véhicules d'occasion.
8- L'état des lieux d'entrée signé par les parties le 31 janvier 2019 mentionne que l'électricité est en bon état pour les sanitaires, et en état d'usage pour la partie entrepôt; il est en outre spécifié que le compteur EDF est commun, et qu'après la mise en service du compteur privatif électrique, il n'y aura plus de participation au pro rata des surfaces pour ce local.
Il ressort des productions, et en particulier du rapport de constatations rédigé par M. [W] le 16 avril 2021, que la société Autoclassic disposait, lors de son entrée dans les lieux, via son branchement sur le compteur commun de l'immeuble, de la puissance nécessaire à son installation et à son exploitation.
9- Au surplus, il ne ressort pas des pièces produites que la société Autoclassic se soit plaint d'une insuffisance de puissance électrique, après son entrée dans les lieux, et elle n'a requis un huissier de justice le 21 mars 2019 que pour faire constater la réalisation de travaux en cours, concernant notamment l'installation électrique, en mentionnant que l'électricité était 'pour l'instant commune à l'ensemble des locataires de ces locaux, avec un seul compteur général.'
10- En conséquence, la société Autoclassic ne peut utilement soutenir que le bailleur ait manqué à son obligation de délivrance, la seule présence d'un compteur unique ne l'empêchant pas d'utiliser les locaux conformément à leur destination convenue (l'existence d'un compteur individuel ne pouvant être considérée comme un accessoire essentiel à l'exploitation du preneur).
Requis par la société Autoclassic le 2 aout 2019, Maître [U], huissier de justice, a constaté que lorsqu'un petit compresseur était mis en toute, 'tout saute (sic) car il n'y a pas assez de puissance distribuée'.
Toutefois, ces constatations, techniquement imprécises, ne sont pas de nature à démontrer un défaut de délivrance imputable au bailleur, puisqu'elles sont intervenues alors que le gérant de la société Autoclassic avait réalisé lui-même depuis mars 2019 des travaux de dépose au moins partielle de l'installation existante, en réalisant une nouvelle installation, avec câblage sous goulottes avec boîtes de dérivation, tubes fluorescents sur la périphérie du garage, prises de force et tuyauterie pour air comprimé.
11- Il résulte enfin des productions qu'en dépit de nombreuses diligences et relances adressées par le bailleur, la société Autoclassic n'a pas adressé au Consuel (comité national pour la sécurité des usagers de l'électricité) une attestation de conformité relative à l'installation de consommation qu'il avait réalisée, alors qu'il s'agissait d'un préalable indispensable au raccordement par Enedis du poste de livraison, ainsi que cela résulte de la proposition de raccordement adressée à CIGIMMO le 16 juillet 2019 (pièce 30 de la société CIGIMMO), des mentions figurant sur la facture dressée le 19 septembre 2019 par la société WattsHome à l'occasion des travaux de préparation au raccordement de l'installation de la société Autoclassic ('avant la mise sous tension de l'installation nous vous conseillons de demander une attestation de conformité d'un bureau de contrôle. Sans cette attestation nous ne raccorderons pas le tableau divisionnaire du client'), et des conclusions de M. [W], expert, dans son rapport du 16 avril 2021 (pages 10 et 11).
12 - Il apparaît ainsi que seule la carence persistante de la société Autoclassic explique le défaut de raccordement à un compteur individuel.
13- Au dispositif de ses conclusions, la société Autoclassic mentionne également que la résolution du bail devrait être prononcée 'pour cause de résiliation et expulsion abusives'.
Ce moyen n'est pas invoqué dans la partie Discussion des conclusions, la cour n'a donc pas à l'examiner, en application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile.
14- Il convient en conséquence de rejeter la demande formée par la société Autoclassic tendant à voir prononcer la résolution du bail pour défaut de délivrance conforme, et celle de restitution des loyers.
15- Par ailleurs,le bail commercial conclu entre les parties le 30 janvier 2019 comporte une clause rédigée comme suit :
'le bailleur participera à hauteur de 5000 euros hors-taxes aux travaux d'aménagement du preneur. Cette participation sera directement réglée aux entreprises par le bailleur sur travaux réellement exécutés visés par le preneur. Ces travaux comprendront entre autres la création d'un bureau, amenée câblage électrique et divers en vue pose nouveau compteur, volets roulants électriques métalliques réparation, modification ou changement, travaux d'isolation et divers.'
16- Ces travaux ne peuvent être considérés comme des grosses réparations relevant de l'article 606 du code civil, dès lors qu'elles ne concernent pas les gros murs, les voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières, ni le rétablissement de digues de mur de soutènement ou de clôture.
La clause ne contrevient donc pas aux dispositions de l'article R. 145-35 du code de commerce, elle était licite et s'imposait donc aux parties.
Sur la demande tendant à voir constater la caducité du bail :
17- Contrairement à ce que soutient la société CIGIMMO, la demande de la société Autoclassic, tendant à voir prononcer la caducité du bail est recevable en cause d'appel conformément aux dispositions de l'article 565 du code de procédure civile, même si elle n'avait pas été formée devant le premier juge statuant au fond, dès lors qu'elle tend aux mêmes fins que celle soumise au premier juge, qui tendait à obtenir la restitution par le bailleur de la totalité des loyers versés depuis la signature du bail.
18- Selon les dispositions de l'article 1186 du code civil, le contrat valablement formé devient caduc si l'un de ses éléments essentiels disparaît.
19- La société Autoclassic ne peut utilement soutenir qu'elle aurait été privée de son droit de jouir du local en raison des agissements du bailleur, et par suite d'une reprise des lieux aux fins de nouvelle location à une entreprise tierce, alors qu'il résulte des procès-verbaux de constat dressé par huissier le 3 juin 2020, le 24 septembre 2020 et le 22 février 2021 que les locaux étaient abandonnés depuis de nombreux mois, un voisin interrogé ayant indiqué que M. [J] avait été vu la dernière fois au mois de décembre 2019. L'huissier de justice a relevé l'absence de toute signalétique et de toute mention relative à la société Auto Classic sur les boîtes aux lettres.
Le dernier constat du 22 février 2021 mentionne l'absence de tout matériel et de toute trace d'activité dans l'entrepôt. Nonobstant la présence d'un vieux fauteuil dans la première pièce et celle d'encombrants laissés à gauche de la
deuxième entrée du local, la société Autoclassic a manifesté durant plusieurs mois de manière non équivoque sa volonté de libérer défintivement les locaux et de ne plus en jouir.
Les locaux ont été de nouveau donnés à bail par la société CIGIMMO en mars 2021, selon les déclarations faites par un employé à un huissier requis par la société AutoClassic, lequel a constaté l'occupation des locaux par une société tierce.
Il n'existe toutefois aucun lien de causalité démontré entre le départ des lieux par la société Autoclassic et un manquement préalable du bailleur à l'une de ses obligations.
20- La demande tendant à voir prononcer la caducité du bail doit donc être rejetée.
Sur la demande tendant à voir constater la résiliation de plein droit du bail:
21- Par des motifs pertinents qui ne sont pas utilement critiqués à hauteur d'appel et que la cour adopte, le premier juge a retenu à juste titre qu'il n'y avait pas lieu de prononcer la nullité des commandements délivrés par le bailleur le 6 juin et 9 août 2019.
22- Par acte en date du 6 juin 2019, la société CIGIMMO a fait signifier à la société Autoclassic un commandement de payer la somme principale de 12'408 euros au titre du dépôt de garantie (5940 euros) et du loyer du deuxième trimestre 2019 (9516 euros), dont à déduire un règlement du 15 mai 2019 (3048 euros); ce commandement visait la clause résolutoire du bail (article 21 du contrat), et rappelait les dispositions de l'article L. 145-41 du code de commerce.
La société Autoclassic ne justifie pas du paiement complet de cette somme dans le délai d'un mois qui lui était imparti.
23- Elle ne justifie pas davantage d'un manquement du bailleur à son obligation de délivrance conforme, ni d'une mauvaise foi de la part de celui-ci dans la mise en oeuvre de la clause résolutoire, et elle ne peut utilement invoquer l'exception d'inexécution.
24- Il convient en conséquence de constater la résiliation de plein droit du bail par l'effet la clause à la date du 7 juillet 2019, sans qu'il y ait lieu d'ordonner l'expulsion, dès lors que les locaux ont manifestement été repris aux fins de location, après délaissement par la société Autoclassic.
Sur la demande en paiement du bailleur :
25- Il conviendra de condamner la société Autoclassic à payer à la société CIGIMMO la somme de 12'408 euros au titre de l'arriéré de loyers exigible à la date de résiliation de plein droit du bail, outre une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer en vigueur à la date de résiliation, jusqu'au 28 février 2021.
Il y aura lieu de déduire le montant du dépôt de garantie, soit 5940 euros.
Le solde ressort à la somme de 6468 euros.
26- Au vu des factures versées au débat, et de la clause relative à l'exécution des travaux, la société Autoclassic sera en outre condamnée à payer à la société CIGIMMO la somme de 1292,64 euros au titre de la consommation électrique calculée au prorata des surfaces par rapport aux consommations réelles, avant pose d'un compteur individuel.
27- La demande en paiement d'une somme de 4732,13 euros au titre des frais exposés pour les travaux d'électricité devra être rejetée dès lors qu'elle est inférieure à la participation de 5000 euros hors-taxes convenue au bail aux travaux d'aménagement du preneur.
28- Les procès-verbaux de constat d'huissier dressés les 3 juin 2020, le 24 septembre 2020 et le 22 février 2021 démontrent que les locaux ont été laissés en mauvais état de réparation locative et d'entretien, avec présence de fils électriques sectionnés pendant le long des murs, coupure volontaire des fils d'alimentation des rideaux métalliques automatisés et de l'éclairage extérieur.
29- Il convient en conséquence de faire droit à la demande en paiement au titre des factures dressées le 28 février 2021 par la société ACL Dumas (984 euros pour remise en état des locaux abandonnés et nettoyage) et par l'entreprise Rieublanc Electricité (1714.80 euros), soit la somme de 2698,80 euros.
30- La demande au titre des frais de procédure pour un montant de 2487,33 euros entre dans le cadre de l'indemnité prévue par l'article 700 du code de procédure civile et ne peut donc donner lieu à condamnation distincte.
Sur la demande en paiement de la société Autoclassic :
31- Au regard des motifs précités, il ne peut être utilement soutenu que du fait de l'absence d'exploitation des locaux, la société Autoclassic aurait subi une perte de chiffre d'affaires à l'origine de sa défaillance dans le remboursement d'un prêt contracté auprès de la Banque populaire, alors qu'elle a elle-même quitté les lieux sans justifier d'une impossibilité de les occuper ni défaut de délivrance conforme imputable au bailleur.
32- Il n'existe donc aucun lien de causalité démontré entre l'absence de compteur individuel d'électricité et les préjudices invoqués par la société Autoclassic, par perte d'image, perte d'exploitation, éviction forcée, perte de la valeur de travaux réalisés dans les locaux, ces préjudices ne donnant lieu par ailleurs à aucun justificatif concret au vu des pièces produites.
Il convient dès lors de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes indemnitaires de la société Autoclassic, et condamné la société Autoclassic aux dépens, et de l'infirmer pour le surplus.
Sur les demandes accessoires :
33- Il n'est nullement établi que la société CIGIMMO ait soulevé dans une intention dilatoire une exception de nullité de sorte que la demande de dommages-intérêts formulée sur le fondement de l'article 118 du code de procédure civile devra être rejetée.
34- Il est équitable d'allouer à la société CIGIMMO une indemnité de 6000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Autoclassic supportera les dépens de première instance et d'appel, ainsi que ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort:
Infirme le jugement, sauf en ce qu'il a :
- débouté la société Autoclassic de l'ensemble de ses demandes,
- condamné la société Autoclassic aux dépens de première instance,
Statuant à nouveau, et y ajoutant,
Rejette la demande de la société Autoclassic tendant à voir prononcer la résolution du bail aux torts exclusifs de la société CIGIMMO,
Déclare recevable mais mal fondée la demande de la société Autoclassic tendant voir prononcer la caducité du bail pour défaut de jouissance,
Rejette en conséquence la demande de la société Autoclassic tendant voir prononcer la caducité du bail pour défaut de jouissance,
Dit que la société Autoclassic ne pouvait valablement opposer l'exception d'inexécution,
Constate la résiliation de plein droit du bail à la date du 7 juillet 2019,
Condamne la société Autoclassic à payer à la société CIGIMMO :
- la somme de 12'408 euros au titre de l'arriéré de loyers exigible à la date de résiliation de plein droit du bail le 6 juillet 2019, dont à déduire le montant du dépot de garantie (5940 euros), soit un solde de 6468 euros,
- une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant du loyer en vigueur à la date de résiliation du bail, entre le 6 juillet 2019 et le 28 février 2021,
- la somme de 1292,64 euros au titre de la consommation électrique,
- la somme de 2698,80 euros au titre des frais de remise en état des lieux,
Condamne la société Autoclassic à payer à la société CIGIMMO la somme de 6000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette les autres demandes,
Condamne la société Autoclassic aux dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.