CA Paris, Pôle 5 - ch. 3, 14 décembre 2023, n° 21/09546
PARIS
Arrêt
Autre
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Recoules
Conseillers :
Mme Leroy, Mme Lebée
Avocats :
Me Etevenard, Me Baradez
FAITS ET PROCÉDURE
Aux termes d'un acte authentique du 30 décembre 1982, Madame [I] [P] et Monsieur [M] [N] et Madame [A] [N] ont donné à bail à la SA Caisse régionale de crédit agricole mutuel de [Localité 9] et d'Île-de-France divers locaux commerciaux situés [Adresse 8], à usage d'agence bancaire et accessoirement et éventuellement d'agence de voyage, pour une période de neuf années à effet du 1er mars 1983 pour expirer le 28 février 1992, moyennant un loyer annuel en principal hors taxes et hors charges de 66.000 francs (10.000 €), payable d'avance et trimestriellement.
Par acte authentique du 30 avril 1996, Madame [L] [N] et Monsieur [M] [N], venus aux droits de Madame [I] [P], ont renouvelé le bail consenti au Crédit agricole, pour une nouvelle durée de neuf années entières et consécutives à effet rétroactif du 1er avril 1995 pour expirer le 31 mars 2004, moyennant un nouveau loyer en principal hors taxes et hors charges de 150.000 francs (22.867,35 €), payable d'avance et trimestriellement.
Les bailleurs ont délivré un congé pour le terme du bail soit 31 mars 2004 avec offre de renouvellement au 1er avril 2004 pour une nouvelle période de neuf années, moyennant un loyer déplafonné de 46.000 €.
Par jugement du 10 mars 2006, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance d'Evry a fixé le montant du loyer de renouvellement à la somme annuelle en principal de 31.500 € hors taxes et hors charges à compter du 1er avril 2004.
Selon exploit d'huissier du 29 juin 2017, la société locataire a sollicité le renouvellement de son bail commercial pour une durée de 9 années à effet du 1er juillet 2017, moyennant un nouveau loyer annuel de 24.250 € hors taxes et hors charges.
Suivant acte extrajudiciaire du 20 septembre 2017, les bailleurs ont accepté le principe du renouvellement du bail à compter du 1er juillet 2017 mais ont toutefois sollicité un loyer de renouvellement annuel hors taxes et hors charges de 48.000 €.
Aucun accord n'ayant pu être trouvé entre les parties concernant le nouveau loyer, la société locataire a notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 22 mars 2018, un mémoire préalable moyennant un loyer annuel renouvelé en principal de 24.250 € HT HC, à compter du 1er juillet 2017.
C'est dans ces conditions que selon exploit d'huissier en date du 19 juin 2018, la locataire a fait assigner les bailleurs devant le tribunal de grande instance d'Évry aux fins de fixation du loyer renouvelé.
Par un jugement avant dire droit du 18 janvier 2019, le juge des loyers commerciaux près le tribunal de grande instance d'Évry a ordonné une expertise et désigné Monsieur [U] [W] en qualité d'expert avec pour mission de donner son avis sur la valeur locative des locaux loués à la date du 1er juillet 2017, lequel a déposé son rapport le 30 juin 2020.
Par jugement du 14 mai 2021, le tribunal judiciaire d'Évry a :
- fixé le montant du loyer du bail renouvelé entre la SA Caisse régionale de crédit agricole mutuel de [Localité 9] et d'Île-de-France d'une part et Madame [A] [N] et Monsieur [K] [H] d'autre part, portant sur les locaux commerciaux situés [Adresse 8] à [Localité 11], à la somme de 48.000 € par an, HT, et HC, à compter du 1er juillet 2017 ;
- rappelé que la décision est exécutoire à titre provisoire en application des dispositions de l'article 514 du code de procédure civile ;
- rejeté les demandes plus amples ou contraires des parties ;
- dit que chacune des parties gardera la charge définitive des dépens et des frais irrépétibles qu'elle a exposés et que les frais de l'expertise judiciaire seront supportés par moitié d'entre elles.
Par déclaration du 20 mai 2021, la SA Caisse régionale de crédit agricole mutuel de [Localité 9] et d'Île-de-France a interjeté appel du jugement.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Vu les conclusions déposées le 06 janvier 2023 par la SA Caisse régionale de crédit agricole mutuel de [Localité 9] et d'Île-de-France, appelante, demande à la Cour de :
- réformer le jugement rendu par le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire d'Évry du 07 mai 2021 en ce qu'il a :
fixé le montant du loyer du bail renouvelé au 1er juillet 2017 à la somme de 48.000 € par an HT et HC,
rejeté les demandes plus amples ou contraires de la SA Caisse régionale de crédit agricole mutuel de [Localité 9] et d'Île-de-France,
dit que chacune des parties gardera la charge définitive des dépens et des frais irrépétibles qu'elle a exposés et que les frais de l'expertise judiciaire seront supportés par moitié entre elles.
Statuant à nouveau,
- fixer le loyer du bail renouvelé au 1er juillet 2017 à un montant annuel de 24.250 € (vingt quatre mille deux cent cinquante euros) en principal, hors charges et hors taxes,
- débouter les bailleurs intimés de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
- condamner les bailleurs au paiement d'une somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les bailleurs aux dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire, dont distraction au profit de l'avocat soussigné en vertu de l'article 699 du code de procédure civile.
Vu les conclusions déposées le 19 octobre 2021 par Madame [A] [H], née [N] et Monsieur [K] [H], intimés, par lesquelles ils demandent à la Cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement en date du 07 mai 2021 ;
Y ajoutant,
- condamner la SA Caisse régionale de crédit agricole mutuel de [Localité 9] et d'Île-de-France au paiement de la somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais d'expertise.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 11 octobre 2023.
SUR CE
Sur la fixation du loyer
Aux termes de l'article L.145-33 du Code de commerce, le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative qui, à défaut d'accord, est déterminée d'après :
1° les caractéristiques du local considéré, lesquelles s'apprécient en considération des critères fixés à l'article R. 145-3 du même code ;
2° la destination des lieux ;
3° les obligations respectives des parties ;
4° les facteurs locaux de commercialité ;
5° les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
L'article R. 145-6 du code de commerce dispose que les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire.
Le loyer ainsi obtenu doit cependant être plafonné selon les conditions posées par l'article L. 145-34 du code de commerce lequel prévoit, dans sa rédaction applicable au litige, qu'à moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré de l'indice national trimestriel mesurant le coût de la construction ou, s'il est applicable, de 1'indice trimestriel des loyers commerciaux.
En vertu des articles L. 145-34 et R. 145-10 du code de commerce les dispositions relatives au plafonnement et critères d'évaluation de la valeur locative ne sont plus applicables lorsque, par l'effet d'une tacite prolongation, la durée du bail excède douze ans ou si le local est construit en vue d'une utilisation, le prix pouvant être dans ce dernier cas fixé en considération des usages en vigueur dans l'activité considérée.
Aux termes du jugement entrepris, le premier juge a dit que le loyer du bail renouvelé devait correspondre à la valeur locative et l'a fixé à compter du 1er juillet 2017 à la somme annuelle de 48.000 € hors charges et taxes après avoir considéré que :
- l'expert a relevé que [Localité 11] est une commune extrêmement bien desservie par les transports en commun et traversée par la RN7,
- le bien à estimer se situe au [Adresse 6], en centre-ville et à l'est de la gare SNCF,- - le commerce se situe dans une zone avec commercialité de quartier soutenue au c'ur de la ville, à proximité de parkings, de la gare, du tribunal de proximité et du marché, dans un secteur en pleine expansion,
- la ville est en pleine restructuration urbaine et l'avenue d'Estienne d'Orves est en complète rénovation, les pavillons habités par une population vieillissante faisant place à des immeubles de belle allure,
- le bien est une maison de ville comprenant de façade, sur le côté gauche du bâtiment, un passage cocher partagé avec les propriétaires et où sont installés les compteurs de l'agence,
- le bâtiment construit en pierres meulières est élevé sur sous-sol partiel d'un rez-de-chaussée et comprend un étage droit et un second sous comble,
- au rez-de-chaussée se situe la boutique accueil clients, avec à gauche un salon accueil, un bureau conseiller clientèle, un bureau directeur d'agence, un troisième bureau, un bureau aveugle, un local technique aveugle, un local social, des sanitaires aveugles, un espace découvert clos et une salle forte à droite du couloir,
- l'expert précise qu'un précédent jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Evry en date du 10 mars 2006, qui lui a été communiqué par les parties, a déjà précisé que la surface pondérée des locaux était de 150 m² et que sa mission ne comprend pas un nouveau calcul de surface utile ou pondérée, ce pourquoi il retiendra la surface de 150 m2,
- si le preneur soutient que le tribunal a commis une erreur en 2006, en intégrant dans l'assiette des locaux loués une partie dont la locataire est propriétaire, la décision de 2006 est cependant définitive et il n'est pas démontré que depuis cette date, la consistance des locaux ait changé, de sorte qu'il convient de retenir une surface pondérée de 150 m²,
- l'expert a retenu, compte tenu du fait que l'activité essentielle d'une banque est d'ordre comptable, administratif et juridique et n'est pas affecté, comme un magasin classique, par la réception des clients, et eu égard au très bon emplacement de l'agence pour le secteur, une valeur locative de 320 €, soit un loyer de renouvellement de 48.500 € pour tenir compte de la présence du compteur dans le passage cocher des bailleurs ; s'il convient de retenir la valeur locative ainsi retenue par l'expert, la somme de 500 € rajoutée par lui en raison de la présence du compteur dans le passage cocher n'apparaît pas justifiée.
La SA Caisse régionale de crédit agricole mutuel de [Localité 9] et d'Île-de-France sollicite l'infirmation du jugement entrepris de ce chef et la fixation à sa charge du loyer du bail renouvelé à la somme annuelle de 24.250 € en principal HT/HC à compter du 1er juillet 2017.
Au soutien de ses prétentions, la SA Caisse régionale de crédit agricole mutuel de [Localité 9] et d'Île-de-France expose pour l'essentiel qu'en vertu de l'article R. 145-11 du code de commerce, le loyer du bail renouvelé doit être fixé à valeur locative à la baisse par rapport au loyer plafonné sans avoir à justifier d'un autre motif de déplafonnement.
Elle conteste la surface pondérée retenue tant par l'expert que par le premier juge, de 150 m², supérieure à la surface utile des locaux, le jugement du 10 mars 2006 ayant retenu cette surface incluant cependant des locaux contigus dont la SA Caisse régionale de crédit agricole mutuel de [Localité 9] et d'Île-de-France est elle-même propriétaire, de sorte que la surface retenue par l'expert judiciaire puis le juge ne correspondrait pas à la surface des locaux objets du bail, seule surface devant être prise en compte pour le calcul de la valeur locative.
Or, il ressort des plans de M. [F], géomètre-expert, que la surface utile du local loué à Madame [A] [N] et Monsieur [K] [H] est de 147 m², indépendamment des lots vendus par les consorts [N] à la SA Caisse régionale de crédit agricole mutuel de [Localité 9] et d'Île-de-France, notamment le lot n° 1 correspondant au local commercial au rez-de-chaussée appartient bien à la SA Caisse régionale de crédit agricole mutuel de [Localité 9] et d'Île-de-France et ne pouvant donc pas être pris en compte dans la surface des locaux donnés à bail .
Elle ajoute que l'agence a fait objet de travaux de réaménagement et qu'il convient de corriger l'erreur de surface utile et d'appliquer une pondération aux surfaces conformes à la charte de l'expertise parue en mars 2017, et notamment, en matière de bureau-boutique, qui aboutirait à une surface pondérée de 97 m².
La SA Caisse régionale de crédit agricole mutuel de [Localité 9] et d'Île-de-France souligne par ailleurs que l'autorité de chose jugée ne s'attache pas à la pondération des locaux judiciairement fixée à l'occasion des renouvellements précédents et que les demandes formulées dans le cadre de la procédure en 2006 et la présente procédure n'auraient pas le même objet puisque la première tendait à la fixation du loyer de renouvellement au 1er avril 2004 et la seconde à la fixation du loyer de renouvellement au 1er juillet 2017, de sorte que l'autorité de chose jugée ne pourrait être invoquée pour lier le juge par la pondération des locaux réalisée en 2006, ce d'autant qu'elle a communiqué des éléments nouveaux à l'appui de son argumentation.
Enfin, la SA Caisse régionale de crédit agricole mutuel de [Localité 9] et d'Île-de-France relève que si la gare de [Localité 11] est une gare importante de transports de voyageurs et de marchandises, il n'est pas justifié d'une évolution importante des flux de chaland, et que les travaux de la gare, non achevés en 2017, au jour du renouvellement du bail, ne sauraient pas davantage être pris en considération dans l'appréciation de la valeur locative du bien au 1er juillet 2017.
Elle observe que les locaux ne se situent pas en plein c'ur du centre-ville et qu'une augmentation de la population en 1999 ne devrait pas être prise en compte pour la période de 2004 à 2017, pas plus que l'expansion de la commune postérieure à 2017.
Elle relève que les loyers fixés judiciairement sont moins élevés que les loyers de marché et que retenir un prix unitaire de 320 €/m² consacrerait une très forte augmentation des prix du secteur, alors que rien ne justifierait une telle évolution en l'absence de changements majeurs intervenus au cours du bail écoulé, un compteur dans le passage cocher n'ayant aucun impact sur la valeur locative des lieux loués, de sorte qu'il conviendrait de retenir un prix unitaire de 250 €/m²p par an, soit une valeur locative de 24.250 € HT et HC/an.
Madame [A] [N] et Monsieur [K] [H] s'opposent à ce chef de demande et concluent à la confirmation du jugement querellé de ce chef, en excipant en substance que la décision rendue en 2006 est définitive et que l'autorité de chose jugée ne peut être opposée lors d'une révision postérieure à la précédente que si des événements postérieurs sont venus modifier la situation, ce qui ne serait pas le cas en l'espèce.
S'agissant de la valeur locative retenue, Madame [A] [N] et Monsieur [K] [H] relèvent que l'appréciation de l'évolution des facteurs de commercialité est déterminée par l'article R. 145-7 code de commerce dont il résulte que seuls les éléments véritablement significatifs doivent être recherchés dans les locaux de même nature dans le voisinage.
Ils observent à ce titre que le loyer d'une agence bancaire est nécessairement inférieur à celui des boutiques traditionnelles en raison du fait qu'elles ne bénéficient pas d'un loyer de renouvellement automatiquement déplafonné, et qu' il résulte des dispositions de l'article R. 145-7, alinéa 3 du code de commerce que les références doivent porter sur des prix de marché, de renouvellement amiable et des prix fixés judiciairement.
Or, Madame [A] [N] et Monsieur [K] [H] font valoir qu'au sein de la commune louée, cinq des six éléments récents retenus par l'expert ne comportent pas de date, que la fourchette des prix unitaires selon les références plus anciennes varie entre 129 €/m² p (2014) et 280,25 €/m² p (2008) et que ces références ne portent pas sur des locaux à usage de banque ou se situent sur la commune de [Localité 14], très éloignée et plus riche que la commune de [Localité 11], de sorte qu'il conviendrait de corriger ces références ainsi retenues.
Ils ajoutent que les références retenues par la preneuse ne porteraient pas sur le même territoire communal et ne seraient pas vérifiables, alors que le nombre d'habitants de Juvisy-Sur-Orge a augmenté de 17,11 % pour la période de 2006 à 2011, que l'avenue sur laquelle se situent les locaux est en cours de rénovation, certains immeubles ayant été achevés avant 2017, que la gare de [Localité 11], gare très importante, voit sa fréquentation augmenter depuis plusieurs années, antérieurement à 2017, de sorte qu'il ne s'agirait dès lors pas d'une zone de commercialité moyenne et qu'il conviendrait de fixer le loyer renouvelé à la somme de 48.000 € à compter du 1er juillet 2017.
Au cas d'espèce, il convient de reprendre point par point les griefs invoqués par la SA Caisse régionale de crédit agricole mutuel de [Localité 9] et d'Île-de-France à l'encontre du jugement attaqué.
Sur fixation du loyer à la valeur locative
Le premier juge a retenu que le loyer du bail renouvelé devait être fixé à la valeur locative, hors de tout plafonnement, conformément aux dispositions de l'article L. 145-34 du code de commerce, ce qu'aucune des parties ne conteste en cause d'appel, les parties s'opposant uniquement sur les surfaces et pondérations retenues, ainsi que sur la valeur locative unitaire.
Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a retenu que le loyer devait être fixé à la valeur locative.
Sur la superficie des locaux loués et les pondérations
Aux termes de l'article 1355 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.
Par application de l'article 480 du code de procédure civile, cette autorité de la chose jugée est cependant limitée à ce qui a été tranché dans le dispositif de la décision de façon explicite et ne saurait être étendue à ce qui a été implicitement jugé ou aux motifs de la décision, y compris lorsqu'ils sont décisoires ou décisifs.
Les parties s'opposent toujours en cause d'appel quant à la surface pondérée à retenir, le premier juge ayant fixé à 150 m² pondéré, tandis que la SA Caisse régionale de crédit agricole mutuel de [Localité 9] et d'Île-de-France demande à ce qu'elle soit retenue à 97 m² pondérés (et 147 m² utiles).
Si Madame [A] [N] et Monsieur [K] [H] excipent de l'autorité de la chose jugée attachée à la décision du 10 mars 2006, qui a fixé la surface pondérée à 150 m², et qui ferait obstacle dès lors à ce que la surface réelle soit débattue à nouveau dans le cadre de la présente instance, à défaut de modification dans la consistance des locaux depuis lors, force est néanmoins de rappeler qu'en vertu des dispositions précitées, bien que la présente instance et celle ayant abouti au jugement du 10 mars 2006 interviennent entre les mêmes parties et présentent une identité dans les demandes et les causes, à savoir la fixation judiciaire d'un loyer renouvelé, il n'en demeure pas moins que l'autorité de la chose jugée n'est attachée qu'au dispositif du jugement du 10 mars 2006, et ne s'étend pas aux motifs de cette décision, notamment les surfaces retenues alors par le juge des loyers.
Dès lors, l'autorité de la chose jugée ne saurait être opposée aux contestations élevées par la SA Caisse régionale de crédit agricole mutuel de [Localité 9] et d'Île-de-France quant à la surface à retenir.
Or, la SA Caisse régionale de crédit agricole mutuel de [Localité 9] et d'Île-de-France justifie, par la production de l'acte notarié, avoir acquis le 27 juillet 1990 de Monsieur [M] [N] et Madame [J] [Y] les lots 1, 2 et 4 au sein de l'immeuble où se trouve le local loué, comprenant un local commercial au rez-de-chaussée, un logement au 1er étage, et au sous-sol une cave, étant précisé que la SA Caisse régionale de crédit agricole mutuel de [Localité 9] et d'Île-de-France aurait revendu le lot n° 2 depuis.
Or, il résulte des plans établis le 06 juin 2017 par un géomètre-expert, Monsieur [F], que la surface retenue par l'expert et le tribunal, inclut la surface des lots dont la SA Caisse régionale de crédit agricole mutuel de [Localité 9] et d'Île-de-France est propriétaire, et qui ne se trouvent donc pas dans l'assiette du bail litigieux.
Néanmoins, la seule production du plan du géomètre-expert ne permet pas à la cour de déterminer l'emplacement précis des lots à exclure du calcul de superficie, et partant de procéder au calcul de la surface pondérée.
En conséquence, il échet, avant dire droit et d'office, d'ordonner une mesure d'expertise afin de déterminer la surface réelle des locaux loués, ainsi que la surface pondérée et la valeur locative, à l'exclusion des surfaces non incluses dans le bail litigieux, la mission de l'expert étant détaillée dans le dispositif du présent arrêt.
Dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise, il convient de surseoir à statuer sur l'ensemble des demandes.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant avant dire droit par arrêt contradictoire, après débats en audience publique,
Avant dire droit :
Ordonne une mesure d'expertise ;
Désigne pour y procéder Madame [S] [C], expert judiciaire, [Adresse 3]- Tél: [XXXXXXXX01] - Fax: [XXXXXXXX02] - Email : [Courriel 13]
avec pour mission de :
procéder à la visite des lieux situés au [Adresse 5], se faire communiquer tout document utile, se faire assister, le cas échéant de tout sapiteur de son choix,
donner son avis sur la valeur locative des biens loués au 1er juillet 2017, conformément aux critères de l'article L. 145-33 et des articles R. 145-3 à R. 145-8 du code de commerce, en excluant de son évaluation les surfaces non incluses au bail commercial litigieux existant entre la SA Caisse régionale de crédit agricole mutuel de [Localité 9] et d'Île-de-France et Madame [A] [N] et Monsieur [K] [H],
le cas échéant fournir tout élément nécessaire a la résolution du litige.
Fixe la provision à valoir sur les honoraires de l'expert à la somme de 2.200 € ;
Dit que cette provision sera consignée par chacune des parties à hauteur de la moitié, soit 1.100 €, auprès de la régie de la cour, avant le 18 janvier 2024 ;
Rappelle qu'à défaut de consignation de la provision à valoir sur les honoraires de l'expert dans ce délai, la mesure d'expertise sera déclarée caduque ;
Fixe à quatre mois, à compter de l'avis du greffe informant l'expert de la consignation des sommes à valoir sur ses honoraires, le délai de dépôt du rapport d'expertise ;
Désigne la présidente de la chambre ou tout magistrat de la chambre en cas d'empêchement pour suivre le déroulement des opérations d'expertise et rendre toute décision en cas de difficulté ;
Renvoie l'affaire à la conférence dématérialisée de la mise en état du mois d'octobre 2024 dont la date vous sera précisée ultérieurement pour les conclusions des parties sur les points du litige réservés par la cour ;
Réserve dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise l'ensemble des demandes.