Cass. com., 23 avril 2013, n° 12-11.668
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Avocat :
SCP Boulloche
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 1er décembre 2011), statuant sur renvoi après cassation (2e Civ., 21 octobre 2010, pourvoi n° U 09-15. 463), que, le 17 mai 2000, la société Alfa Flight Academy (la société AFA), dont M. X... était le gérant, a été mise en liquidation judiciaire, Mme Y... étant désignée liquidateur ; que, par actes d'huissier de justice des 6 février et 3 mars 2003, le liquidateur a assigné MM. X... et A..., ce dernier en qualité de gérant de fait, aux fins de voir ouvrir leur redressement judiciaire à titre de sanction ; que, par jugement du 24 octobre 2003, le tribunal a ouvert, à ce titre, la liquidation judiciaire immédiate de MM. X... et A..., Mme Y... étant désignée liquidateur ; que, par arrêt du 15 novembre 2005, la cour d'appel de Montpellier a confirmé la liquidation judiciaire de M. X..., cet arrêt étant partiellement cassé par un arrêt du 5 juin 2007 ; que, par arrêt du 10 mars 2009, la même cour d'appel a infirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de M. X..., et, statuant à nouveau, a ouvert une procédure de redressement judiciaire à son encontre, cet arrêt étant à son tour partiellement cassé par l'arrêt du 21 octobre 2010 ; que par arrêt infirmatif, la cour de renvoi a, statuant à nouveau, ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de M. X... ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir dit régulière l'assignation initiale qui lui a été délivrée le 6 février 2003 et de l'avoir débouté de son exception de nullité de procédure, alors, selon le moyen :
1°/ que l'acte signifié à personne doit être délivré à son adresse effective ; que s'agissant d'une procédure tendant à l'extension de la procédure collective à son dirigeant, c'est à la seule adresse indiquée par ce dernier dans le cadre de la procédure collective que l'acte doit être signifié ; que M. X... a démontré à plusieurs reprises qu'il était résident américain, qu'il n'avait qu'une seule adresse, aux Etats-Unis, et que c'est cette adresse qui a été déclarée dans le cadre de la procédure collective ; qu'en décidant qu'il résultait de l'acte introductif d'instance deux adresses possibles de M. X..., l'une en France, l'autre aux Etats-Unis, et qu'en conséquence, l'administrateur judiciaire avait pu valablement délivrer l'assignation en France, la cour d'appel a violé les articles 856, 56 et 648 du code de procédure civile ;
2°/ que le juge ne peut statuer en méconnaissance du principe de la contradiction ; qu'en l'espèce, Mme Y... n'a pas soutenu que l'assignation initiale mentionnait deux adresses possibles de M. X..., l'une en France, l'autre aux Etats-Unis, et n'a pas produit cette pièce devant la cour d'appel ; qu'en décidant qu'il résultait de l'acte introductif d'instance deux adresses possibles de M. X..., l'une en France, l'autre aux Etats-Unis, en violation du principe du contradictoire, la cour d'appel a violé les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme, 16 et 132 du code de procédure civile ;
3°/ que l'irrégularité tenant à la délivrance d'une assignation au mépris des délais impartis constitue une irrégularité de fond qui n'est pas soumise à l'exigence d'un grief ; qu'en l'espèce, M. X... a été assigné en France le 6 février 2003 pour une audience du 21 février suivant, en violation du délai de distance de deux mois qui devait être respecté compte tenu de son adresse aux Etats-Unis ; qu'en rejetant l'exception de nullité de l'acte introductif d'instance aux motifs que M. X... serait en mal de justifier du moindre grief d'une éventuelle irrégularité de la procédure initiale, la cour d'appel a violé les articles 856 et 643 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt relève que sur l'assignation contestée retenue par le premier juge, comme acte introductif d'instance, sont mentionnées deux adresses possibles de M. X..., de nationalité française, dont l'une en France et l'autre aux Etats-Unis, tandis que son épouse a accepté le 6 février 2003 la remise de l'assignation le concernant à son adresse française ; qu'ayant relevé au surplus que M. X... a été régulièrement informé de l'audience du 21 février 2003 le concernant, l'arrêt en déduit qu'il a pu prendre toutes dispositions pour assurer la défense de ses intérêts ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations faisant ressortir la régularité de la procédure initiale intentée contre M. X..., c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel, par une décision motivée, a, sans méconnaître le principe de la contradiction ni les exigences du procès équitable, pu décider que l'assignation initiale délivrée à son encontre était régulière ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir ouvert à son encontre une procédure de redressement judiciaire, fixé la date provisoire de cessation des paiements à la même date que celle de l'ouverture de la procédure collective de la société AFA et désigné Mme Y... en qualité de mandataire judiciaire, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en application des articles 190 à 192 de la loi du 26 juillet 2005, les instances aux fins de sanction engagées à l'égard des dirigeants des personnes morales sur le fondement de l'article L. 624-5 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à cette loi, ne peuvent plus être poursuivies si la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire n'a pas été ouverte à l'égard des dirigeants avant le 1er janvier 2006 ; qu'en ouvrant, par sa décision du 1er décembre 2011, une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de M. X..., la cour d'appel a violé, par refus d'application, les articles 190 à 192 de la loi du 26 juillet 2005 ;
2°/ qu'en vertu du principe de rétroactivité in mitius de la loi pénale qui doit s'appliquer aux dispositions civiles constituant une sanction et présentant le caractère d'une punition, l'abrogation de l'article L. 624-5 du code de commerce et de l'extension de la procédure collective au dirigeant interdisait d'appliquer cette sanction à des faits commis antérieurement à l'abrogation de la loi dès lors que les poursuites engagées sur ces faits n'étaient pas encore terminées par une décision passée en force de chose jugée ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé et les articles 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et 112-1, alinéa 3, du code pénal ;
3°/ qu'en toute hypothèse, ne satisfait pas aux exigences d'une motivation régulière et aux règles du procès équitable l'arrêt qui se borne, au titre de sa motivation, à reproduire, sur tous les points en litige, les conclusions d'une partie ; qu'en l'espèce, les motifs de l'arrêt constituent une reproduction des conclusions de Mme Y... ; qu'en statuant ainsi, par une apparence de motivation pouvant faire peser un doute légitime sur l'impartialité de la juridiction, et alors qu'elle réformait partiellement le jugement qui lui était soumis, la cour d'appel a méconnu l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que M. X... a soutenu dans ses conclusions d'appel que Mme Y... ne pouvait reprocher au dirigeant de droit qu'il avait été pendant quatre mois d'avoir vendu trois avions représentant l'actif de la société AFA à un prix dérisoire en se référant à leur valeur comptable nettement surévaluée et ne correspondant pas à leur cote argus ; qu'en reprochant à M. X... d'avoir vendu les avions à un prix dérisoire sans répondre aux conclusions faisant valoir que ce prix était parfaitement conforme à la cote argus des appareils, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ qu'ainsi que le faisait valoir M. X... dans ses conclusions d'appel, l'expert M. Z... avait attesté du paiement du prix des appareils par la société AAS à la société AFA ; qu'en se bornant à affirmer, comme le soutenait Mme Y..., que M. X... ne rapportait pas la preuve du paiement du prix, sans répondre aux conclusions de M. X... sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
6°/ que l'absence d'autorisation d'un acte de cession par l'assemblée générale de la société ne suffit pas à caractériser la méconnaissance de l'intérêt social ; qu'en l'espèce, au soutien de sa décision, la cour d'appel a retenu que la cession des avions aurait dû être soumise à l'assemblée générale en vertu des statuts qui permettaient au gérant d'effectuer seulement des actes de gestion ; qu'en se fondant sur ce motif inopérant, la cour d'appel a violé l'article L. 624-5 du code de commerce ;
7°/ que des paiements effectués au mépris de certains créanciers ne permettent pas de caractériser un usage des biens ou du crédit de la personne morale contraire aux intérêts de cette dernière ; qu'à l'appui de sa décision, la cour d'appel a relevé que la société avait remboursé le compte courant du gérant et de la société AAS, et que ces paiements avaient été effectués au mépris des intérêts des autres créanciers ; qu'en se déterminant ainsi, sans justifier que ces paiements étaient contraires aux intérêts de la société AFA, la cour d'appel a violé l'article L. 624-5 du code de commerce ;
8°/ que M. X... a soutenu qu'il avait procédé au solde de son compte courant, sans faute de sa part, à un moment où la situation de la société le permettait ; qu'en lui reprochant d'avoir soldé son compte courant au motif, repris des dires de Mme Y..., qu'il aurait profité de sa situation de gérant informé de l'état de la société, sans répondre aux conclusions de M. X... sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que, selon l'article 192 de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, les procédures ouvertes en vertu de l'article L. 624-5 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à cette loi, ne sont pas affectées par son entrée en vigueur ; qu'il s'ensuit que la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ouverte, à titre de sanction, contre un dirigeant social par une décision prononcée antérieurement au 1er janvier 2006, fût-elle frappée de recours, continue d'être régie par les dispositions du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi précitée ; qu'ayant relevé qu'il résulte du dispositif de l'arrêt du 15 novembre 2005, confirmant le jugement du 24 octobre 2003 sur ce chef du dispositif, qu'une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte, à titre de sanction, contre M. X..., en qualité de dirigeant de la société AFA, par cette décision prononcée antérieurement au 1er janvier 2006, fût-elle frappée de recours, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, en a exactement déduit, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les sixième et septième branches, qu'en application des articles 190 à 192 de la loi du 26 juillet 2005, l'instance aux fins de sanction engagée à l'égard M. X... sur le fondement de l'article L. 624-5 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à cette loi, pouvait être poursuivie et donner lieu à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à son encontre ; que le moyen, inopérant en ses deuxième et troisième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.