Cass. com., 13 février 2019, n° 17-22.074
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Claire Leduc et Solange Vigand, SCP Thouin-Palat et Boucard
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 15 juin 2017), que le 7 décembre 2010, la société Investis bâtiment (la société), dirigée par M. D... J... jusqu'au 8 juillet 2008 puis par M. M... J..., a été mise en liquidation judiciaire, M. E... étant désigné liquidateur ; que la SCI de Baly, qui avait confié à la société, en 2005, des travaux de démolition d'un château, a été désignée en qualité de contrôleur ; que par un acte du 4 décembre 2013, M. E..., ès qualités, a assigné en responsabilité pour insuffisance d'actif les dirigeants successifs de la société, la SCI de Baly intervenant à titre accessoire en qualité de contrôleur ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. D... J... fait grief à l'arrêt d'annuler le jugement et statuant à nouveau, de le déclarer irrecevable en son exception de nullité, de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription et de le condamner à payer à M. E..., ès qualités, la somme de 200 000 euros au titre de l'insuffisance d'actif, alors, selon le moyen, que lorsque c'est par fraude, pour priver le dirigeant poursuivi du droit de se défendre, que le rapport du juge-commissaire, défavorable à toute poursuite, n'a pas été versé aux débats, le jugement statuant sur l'action fondée sur l'insuffisance d'actif doit être annulé, sans effet dévolutif ; qu'en l'espèce, M. D... J... soutenait dans ses conclusions qu'avant que M. L..., premier juge-commissaire, dépose son rapport, il avait été entendu et que le magistrat avait conclu qu'il n'y avait pas lieu à mettre en oeuvre des poursuites ; que M. R..., ensuite désigné juge-commissaire, l'avait de nouveau convoqué mais qu'il n'avait pu se rendre à la convocation, ce dont il avait dûment informé le magistrat ; que pourtant le juge-commissaire avait conclu, sans aucune motivation, à l'opportunité d'engager des poursuites ; que le jugement ne portait le visa d'aucun rapport des juges-commissaires ; qu'il en résultait qu'une véritable fraude avait été commise au préjudice de M. D... J... puisque le premier rapport, qui lui était favorable, n'avait jamais été produit en justice, et qu'il n'avait jamais pu s'expliquer sur le second, qui lui était défavorable ; qu'en admettant pourtant l'effet dévolutif de l'appel, après annulation du jugement, sans aucunement rechercher si ce n'est pas par fraude que le rapport de M. L... n'avait pas été versé aux débats, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe « fraus omnia corrumpit» , ensemble l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement pour une autre cause que l'irrégularité de l'acte introductif d'instance, la cour d'appel, saisie du litige en son entier par l'effet dévolutif de l'appel, est tenue de statuer sur le fond par application de l'article 562, alinéa 2, du code de procédure civile ; que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de rechercher si les circonstances ayant présidé au dépôt du rapport du juge-commissaire devant le tribunal étaient entachées de fraude dès lors que cette recherche était inopérante au regard de l'effet dévolutif de l'appel et qu'aucun texte ne lui faisait obligation de se décider elle-même au vu du rapport du juge-commissaire, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. D... J... fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription alors, selon le moyen, que la demande en justice interrompt le délai de prescription ; que la demande en justice est celle par laquelle un plaideur prend l'initiative d'un procès en soumettant au juge ses prétentions ; qu'elle a lieu à la date de remise au greffe d'une copie de l'assignation ; qu'il en résulte que seul le placement au greffe de l'assignation interrompt la prescription ; qu'en l'espèce, le délai triennal de prescription a commencé à courir le 7 décembre 2010, date de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, et qu'il expirait donc le 7 décembre 2013 ; que l'assignation a été délivrée le 4 décembre 2013 mais qu'elle n'a été placée que le 6 janvier 2014 ; qu'en rejetant pourtant la fin de non-recevoir tirée de la prescription, la cour d'appel a violé l'article 2241 du code civil, ensembles les articles 53 et 857 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la délivrance d'une assignation constitue une demande en justice qui interrompt la prescription de l'action ; que l'arrêt relève que le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de la société est intervenu le 7 décembre 2010, que l'assignation en responsabilité pour insuffisance d'actif a été délivrée par le liquidateur au dirigeant de la société le 4 décembre 2013, soit avant l'expiration du délai de prescription de trois ans prévu par l'article L. 651-2 du code de commerce, puis qu'elle a été remise au greffe de la juridiction le 6 janvier 2014 conformément à l'article 857 du code de procédure civile ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a exactement déduit que l'action du liquidateur n'était pas prescrite ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le troisième et le quatrième moyen, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.