Cass. crim., 20 novembre 2001, n° 00-84.216
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
M. Blondet
Avocat général :
M. Chemithe
Avocats :
SCP Peignot et Garreau, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez
REJET des pourvois formés par :
- le procureur général près la cour d'appel de Colmar,
- le Conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables, partie civile,
contre l'arrêt de ladite cour, chambre correctionnelle, en date du 19 mai 2000, qui a renvoyé des fins de la poursuite Christiane X..., épouse Y..., et Emile Z... du chef d'exercice illégal de la profession d'expert comptable, Georges A... du chef de complicité de ce délit, et a débouté la partie civile de ses demandes.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par le procureur général et pris de la violation des articles 20 de l'ordonnance du 19 septembre 1945, 259 ancien, 433-17 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, insuffisance valant défaut de motifs, manque de base légale :
Sur le second moyen de cassation proposé par le procureur général et pris de la violation des articles 20 de l'ordonnance du 19 septembre 1945, 259 ancien, 433-17 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, insuffisance valant défaut de motifs, manque de base légale :
Sur le moyen unique de cassation proposé pour le conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables et pris de la violation des articles 59, 60, 259 anciens, 121-7, 433-14 et 433-17 du Code pénal, 20 de l'ordonnance du 19 septembre 1945 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué, par confirmation du jugement entrepris, a déclaré Emile Z..., Christiane Y... et Georges A... non coupables, les deux premiers d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable et le troisième de complicité d'exercice illégal de cette profession, et en conséquence a déclaré irrecevable la constitution de partie civile du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables ;
" aux motifs que s'il est certain que le GIE Eurogest exécutait des travaux comptables et que ses responsables n'étaient pas inscrits à l'ordre des experts-comptables, toutefois l'existence de ces deux conditions sont insuffisantes pour caractériser le délit de l'exercice illégal de la profession d'expert-comptable tel que défini par l'article 20 de l'ordonnance du 19 septembre 1945, car il faut encore démontrer qu'Emile Z... et Christiane Y... ont exercé illégalement le métier d'expert-comptable sous leur propre nom, et sous leur propre responsabilité ; que tel n'est pas le cas en l'espèce car le Groupement ne faisait que centraliser les documents de ses membres avant de les transmettre à la FIBA, société d'expertise-comptable dirigée par Georges A... qui agissait dans le cadre de sa mission générale, remarque étant faite que ce prévenu mis en cause, en tant que complice avait bien pris soin de rappeler à ses clients son rôle ; que la réponse apportée à Georges A... par le conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables sur l'application de la loi du 27 juillet 1985 relative aux groupements d'employeurs, était erronée, car en l'état les faits reprochés au prévenu s'inscrivaient dans le cadre d'un GIE, dont la structure juridique est différente, et dont la jurisprudence a dit qu'il n'était pas illicite qu'il se charge de la tenue de la comptabilité de ses membres ; que l'information n'a pas davantage démontré que les prévenus Emile Z... et Christiane Y... se paraient du titre d'expert-comptable ;
" alors que commet le délit d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable celui qui, sans être inscrit au tableau de l'ordre des experts-comptables, centralise et tient les livres comptables de ses clients et établit leurs bilans, exécutant habituellement les travaux de comptabilité en son nom propre et sous sa responsabilité ; que s'il n'est pas interdit à des entreprises de se grouper au sein d'une structure juridique en vue d'employer en commun du personnel salarié chargé de tenir leur comptabilité, c'est à la condition que celui-ci soit véritablement placé dans un état de subordination vis-à-vis de chacun de ses employeurs ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait sans rechercher si Emile Z... et Christiane Y... ne disposaient pas dans la gestion et l'organisation de leur activité comptable d'une complète indépendance et d'une autonomie, exclusives de tout lien de subordination soit entre ces derniers et le GIE dont il se présentait comme salarié, soit entre eux et les membres de ce Groupement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes ci-dessus visés ;
" alors en outre que la contradiction de motifs équivaut à l'absence de motifs ; qu'en retenant que le GIE Eurogest exécutait des travaux comptables tout en affirmant ensuite que le groupement ne faisait que centraliser les documents de ses membres avant de les transmettre à la FIBA, société d'expertise-comptable, qui agissait dans le cadre de sa mission générale, la cour d'appel a entaché son arrêt d'une contradiction de motifs irréductible " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que Christiane Y... et Emile Z..., ancien employé de la société d'expertise-comptable Fiduciaire de Basse Alsace (FIBA), qui ne sont pas inscrits au tableau de l'ordre des experts-comptables, ont été employés par un groupement d'intérêt économique déclaré sous la dénomination d'Eurogest, qui regroupait en 1993 plus de 80 entreprises de restauration pour lesquelles il réalisait notamment, conformément à son objet statutaire, des travaux de comptabilité ; que Christiane Y... et Emile Z... étaient en outre respectivement administrateur et contrôleur des comptes du groupement ;
Que, sur la plainte du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables, ils ont été poursuivis pour exercice illégal de la profession d'expert-comptable ; que Georges A..., président de la société Fiba, expert-comptable, est prévenu de s'être rendu complice de ce délit ;
Attendu que, pour renvoyer les trois prévenus des fins de la poursuite, les juges relèvent que Christiane Y... et Emile Z... n'ont pas fait usage du titre d'expert-comptable, qu'ils se bornaient, avec une équipe de cinq salariés, à assurer la tenue des comptes des membres du GIE, au nom et sous la seule responsabilité de chacun d'eux, en regroupant physiquement les pièces justificatives, en les classant, et en centralisant les écritures au moyen d'un système de traitement, et que l'établissement du bilan et des comptes de résultats était assuré par la société d'expertise-comptable présidée par Georges A... ; qu'ils ajoutent que les prestations du GIE étaient rémunérées, conformément à ses statuts, par une redevance mensuelle de chacun de ses membres, et celles de la société d'expertise-comptable par des honoraires ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel, qui a déduit de ses constatations qu'Emile Z... et Christiane Y... n'exécutaient pas habituellement, en leur nom et sous leur responsabilité propres, des actes de la profession d'expert-comptable et que Georges A... n'était pas leur complice, a justifié sa décision ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.