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Décisions

CA Nancy, 1re ch., 18 décembre 2023, n° 22/02040

NANCY

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

L & G Financement (SAS)

Défendeur :

Financière Universelle (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cunin-Weber

Conseillers :

Mme Buquant, Mme Buquant

Avocats :

Me Kroell, Me Gasse, Me Vicq

TJ Nancy, du 24 juin 2022, n° 17/01403

24 juin 2022

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 27 juillet 2011, la S.A.R.L. Financière Universelle, exerçant sous l'enseigne "Crédilia", a conclu avec Madame [R] [N] épouse [J] un contrat d'agent commercial par lequel la S.A.R.L. Financière Universelle a chargé Madame [N], en qualité de mandataire, de conclure avec une clientèle professionnelle des opérations d'assurance sur la vie, d'incendies, accidents et risques divers (IARD), surproduits financiers et valeurs mobilières et en intermédiation d'opérations de banque. Ce contrat comportait notamment une clause d'exclusivité et une clause de non-concurrence post-contractuelle de deux années.

Par lettre du 12 novembre 2012, Madame [N] a notifié à la S.A.R.L. Financière Universelle la rupture de son contrat, sollicitant également une réduction de son préavis.

Par courrier du 23 novembre 2012, la S.A.R.L. Financière Universelle lui a opposé un refus.

Par lettre du 31 décembre 2012, Madame [M] [D], salariée de la S.A.R.L. Financière Universelle depuis le 1er juillet 2012 et assistante de Madame [N], a adressé également à la société une lettre de démission.

Par acte d'huissier des 11 et 18 décembre 2014, la S.A.R.L. Financière Universelle a fait assigner respectivement la SAS L&G Financement et Madame [N] devant le tribunal de grande instance de Nancy aux fins de sanctionner des actes de concurrence déloyale.

Après une première ordonnance sur incident du 20 janvier 2015, l'affaire a été radiée par ordonnance du juge de la mise en état du 13 octobre 2015, en raison de pourparlers en cours.

Par conclusions du 19 avril 2017, la S.A.R.L. Financière Universelle a fait réinscrire au rôle la procédure. 

Par jugement du 15 septembre 2017, confirmé en appel par la chambre sociale de la cour d'appel le 21 mars 2019, le conseil de prud'hommes de Nancy a débouté Madame [N] de ses demandes visant à admettre qu'elle était liée par un contrat de travail avec la S.A.R.L. Financière Universelle.

Par jugement contradictoire du 24 juin 2022, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal judiciaire de Nancy a :

- déclaré la S.A.R.L. Financière Universelle recevable en son action,

- condamné in solidum Madame [N] et la SAS L&G Financement à payer à la S.A.R.L. Financière Universelle la somme de 32853,06 euros en réparation du préjudice subi par celle-ci en raison du non-respect de ses obligations contractuelles par la première et de la responsabilité extra contractuelle engagée par la seconde pour concurrence déloyale,

- condamné la S.A.R.L. Financière Universelle à payer à Madame [N] la somme de 1495,54 euros avec intérêts légaux à compter de la décision,

- dit n'y avoir lieu à ordonner la compensation de cette créance avec la dette de Madame [N] à l'égard de la S.A.R.L. Financière Universelle consécutive à l'arrêt confirmatif prononcé par la cour d'appel de Nancy le 21 mars 2019,

- condamné in solidum Madame [N] et la SAS L&G Financement à payer à la S.A.R.L. Financière Universelle la somme de 5000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Madame [N] aux dépens, qui incluront les dépens liés à l'instance ayant conduit à l'ordonnance du 29 mai 2013 ainsi qu'aux opérations de constat effectuées en application de celle-ci.

Pour statuer ainsi, le tribunal a déclaré la S.A.R.L. Financière Universelle recevable à agir, considérant d'une part, que Madame [N] ne rapportait pas la preuve que cette société avait cessé immédiatement son activité d'intermédiaire bancaire après la cessation du contrat d'agent commercial et que d'autre part, la cession de son fonds de commerce, intervenue le 10 février 2016, était sans conséquence sur ses droits acquis antérieurement à cette date.

Le tribunal a rappelé que Madame [N] devait, aux termes de son contrat d'agent commercial conclu avec la S.A.R.L. Financière Universelle le 27 juillet 2011, respecter une obligation de non-concurrence pendant les deux ans suivant la cessation du contrat, soit en l'espèce jusqu'au 12 février 2015. Or, il a relevé qu'il était établi sans ambiguïté que dès le mois de janvier 2013, Madame [N] avait exercé une activité de courtier auprès de la SAS L&G Financement. Il a ainsi jugé que la responsabilité de Madame [N] était engagée en raison de la violation de son obligation de non-concurrence.

Les premiers juges ont par ailleurs considéré que la SAS L&G Financement ne pouvait ignorer l'engagement de non-concurrence pris par Madame [N] et qu'en se livrant à une activité directement concurrente de celle développée par la S.A.R.L. Financière Universelle, elle avait engagé sa responsabilité extra contractuelle et devait être condamnée in solidum au paiement de dommages et intérêts.

Le tribunal a jugé que la perte de chiffre d'affaires au titre de l'année 2013 devait être estimée à la somme de 27377,55 euros. Pour l'année 2014, il a considéré que la S.A.R.L. Financière Universelle pouvait seulement invoquer une perte de chance dès lors qu'il n'était pas certain qu'elle aurait poursuivi son activité de courtage si Madame [N] et la SAS L&G Financement ne l'avaient pas concurrencée. Il a estimé cette perte de chance à 20 %, soit un préjudice ramené à la somme de 5475,51 euros.

Les premiers juges ont rejeté la demande de communication de pièces relativement aux commissions d'assurance prévues à l'article 7 du contrat, relevant que Madame [N] ne rapportait pas la preuve de conclusions d'opérations d'assurance au cours de la période considérée.

Le tribunal l'a par ailleurs déboutée de sa demande reconventionnelle en paiement des commissions du mandataire, au motif que si elle soutenait que sa créance s'élevait à la somme de 3851,60 euros, elle ne produisait aucun décompte clair de sa créance et ne démontrait pas en quoi les calculs effectués par la société Financière Universelle seraient inexacts.

Enfin, le tribunal a décidé que la compensation de la somme de 1495,54 euros avec les sommes dues par Madame [N] au titre de l'arrêt prononcé par la cour d'appel de Nancy ne devrait pas être ordonnée, la connexité entre les deux créances n'étant pas caractérisée.

Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 7 septembre 2022, Madame [N] et la SAS L&G Financement ont relevé appel de ce jugement.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 5 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Madame [N] et la SAS L&G Financement demandent à la cour de :

- infirmer le jugement du 24 juin 2022 du tribunal judiciaire de Nancy en ce qu'il :

* a déclaré la S.A.R.L. Financière Universelle recevable en son action,

* les a condamnées in solidum à payer à la S.A.R.L. Financière Universelle la somme de 32853,06 euros en réparation du préjudice subi par celle-ci à raison du non-respect de ses obligations contractuelles par la première et de la responsabilité extra contractuelle engagée par la seconde pour concurrence déloyale,

* a condamné la S.A.R.L. Financière Universelle à payer à Madame [N] la somme de 1495,54 euros avec intérêts légaux à compter de la décision,

* les a condamnées in solidum à payer la somme de 5000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné Madame [N] aux dépens, qui incluront les dépens liés à l'instance ayant conduit à l'ordonnance du 29 mai 2013 ainsi qu'aux opérations de constat effectuées en application de celle-ci,

* ordonné l'exécution provisoire de la décision,

Statuant à nouveau,

- déclarer les demandes de la S.A.R.L. Financière Universelle irrecevables, à défaut, mal fondées,

- les rejeter,

- condamner à titre provisionnel la société Financière Universelle à payer à Madame [N] la somme de 3851,60 euros, à parfaire des intérêts de droit,

- condamner la société Financière Universelle sous astreinte de 300 euros par jour à compter de la signification de la décision à intervenir, à communiquer le décompte des primes d'assurance emprunteur pour 2012,

En tous les cas,

- condamner la société Financière Universelle au paiement de la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 3 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la S.A.R.L. Financière Universelle demande à la cour, au visa des articles 1124 et 1382 et suivants du code civil, de :

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nancy du 24 juin 2022 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a :

* limité à 32853,06 euros le montant de la condamnation in solidum de Madame [N] et de la société L&G Financement à l'indemniser à raison du préjudice subi,

* omis de statuer sur la demande de condamnation de Madame [N] à lui payer une somme de 10000 euros à titre d'indemnisation du préjudice commercial subi à raison des actes de concurrence déloyale et interdite,

Et statuant à nouveau,

- condamner in solidum Madame [N] et la société L&G Financement à lui payer une somme de 81000 euros, à titre d'indemnisation du manque à gagner subi à raison des actes de concurrence litigieux,

- condamner Madame [N] à lui payer la somme de 10000 euros à titre d'indemnisation du préjudice commercial subi à raison des actes de concurrence déloyale et interdite,

- lui donner acte de ce qu'elle se reconnaît débitrice à l'égard de Madame [N] d'une somme de 1495,54 euros et constater la compensation qui s'est opérée entre cette somme et celle de 2513 euros due par Madame [N] en exécution de l'arrêt définitif de la Chambre Sociale de la cour d'appel de Nancy du 21 mars 2019 et/ou des condamnations prononcées en vertu de la décision à intervenir,

- condamner in solidum Madame [N] et la société L&G Financement in solidum à lui payer une somme de 5000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Madame [N] et la Société L&G Financement in solidum aux entiers dépens, comprenant ceux relatifs à l'ordonnance du 29 mai 2013, et aux opérations de constat qui en furent la suite.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 18 juillet 2023.

L'audience de plaidoirie a été fixée le 9 octobre 2023 puis renvoyée au 23 octobre 2023, le conseil de la société L&G Financement devant justifier de l'existence d'une procédure de fusion-absorption entraînant la disparition de la personne morale appelante.

A l'audience du 23 octobre en l'absence de justificatif, l'affaire a été mise en délibéré au 18 décembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu les dernières conclusions déposées par Madame [N] et la SAS L&G Financement le 5 décembre 2022 et par la S.A.R.L. Financière Universelle le 3 mars 2023 et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu la clôture de l'instruction prononcée par ordonnance du 18 juillet 2023 ;

Sur la recevabilité des demandes de la société Financière Universelle.

A l'appui de leur recours, Madame [R] [N] et la société L&G Financement font valoir que la société La société Financière Universelle n'a pas qualité pour agir dès lors qu'elle a cédé son fonds de commerce d'intermédiaire en opération de banque et de courtage et que les termes du contrat de Madame [N] prévoient que « l'interdiction de concurrence après la cessation du contrat conclu intuitu personae ne s'appliquera pas si le mandant cesse ou cède son activité ; elle en déduit que la clause de non concurrence ne s'applique pas s'agissant d'un contrat intuitu personae ; au demeurant si la cessation de l'activité de la société Financière Universelle est intervenue fin 2013 comme avancé dans le jugement déféré, aucune condamnation n'est fondée pour l'année 2014 ;

En réponse la société Financière Universelle précise que la société L&G Financement a été constituée le 4 février 2013 ayant pour présidente et unique associée Madame [M] [D] ; la présidence de la société a été transférée à Madame [R] [N] le 5 août 2015, cette dernière étant devenue actionnaire unique de la société (pièce 19 intimée) ;

Elle affirme qu'elle a qualité pour agir, les dispositions de contrat sus énoncées n'ayant pas vocation à s'appliquer ;

Aux termes de l'article 31 du code de procédure civile « L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé » ;

En l'espèce il est justifié par la production d'un extrait de "société .com" du 21 mai 2014 (pièce 29 intimée) que la société Financière Universelle était en activité le 26 février 2014, au titre des activités auxiliaires des services financiers ;

De plus, aucun élément probant n'établit que la société Financière Universelle a disparu ou cessé ses activités durant la période d'application de la clause de non-concurrence contractuelle conclue avec Madame [N] ;

Par conséquent le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a écarté l'application de l'article 8-3 du contrat et déclaré recevable l'action de Madame [R] [N] et la société L&G Financement contre la société Financière Universelle, au titre des droits acquis pendant la période d'activité de la société intimée et a déclaré recevable l'action de Madame [R] [N] et la société L&G Financement ;

Sur la responsabilité de Madame [N] et de la société L&G Financement,

A l'appui de son recours, Madame [R] [N] et la société L&G Financement relèvent que l'activité professionnelle de la société Financière Universelle, sous le nom commercial "Crédilia" a cessé ses activités après le départ de Madame [N] ce qui exclut toute notion de concurrence ;

S'agissant de la société L&G Financement, elle affirme ne pas avoir pris de dossier "Crédilia" ni utilisé les outils obtenus de la société Financière Universelle ; elle ajoute qu'un courtier n'a pas de portefeuille client, le mandant visant une opération unique, ce qui exclut toute activité de concurrence directe ; elle conteste le jugement déféré en ce qu'il a retenu la qualité de gérante de fait de Madame [N] de la société L&G Financement ; toute condamnation solidaire est par conséquent non fondée ;

En réponse la société Financière Universelle reproche à Madame [N] de s'être entendue avec une salariée de la société (Madame [D]), alors qu'elles étaient encore toutes deux respectivement agent commercial et salariée au sein de la S.A.R.L. Financière Universelle, pour détourner la clientèle de celle-ci au profit de leur nouvelle société, L&G Financement ; elle reconnaît que Madame [D] n'était pas tenue par une clause de non concurrence, mais a en qualité de présidente de la société L&G Financement, une obligation de concurrence loyale qu'elle a bafouée en captant les clients de la société Financière Universelle dans laquelle elle travaillait avec Madame [N] ; elle relève ainsi que le contrat de bail des locaux de la société L&G Financement a été signé en octobre 2012 et les statuts de la société immatriculée le 4 février 2013, ont été signés dès janvier 2013 alors que Mesdames [D] et [N] étaient toujours sous contrat avec elle ; le rôle de chacune résulte des constatations de Maître [K], huissier de justice, le 14 juin 2013 (pièce 17 intimée) ;

Elle fait valoir que Madame [N] a engagé sa responsabilité contractuelle à son égard, et la société L&G Financement sa responsabilité délictuelle.

Aux termes de l'article 1103 du code civil « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits » ; « ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public » ajoute l'article 1104 du même code ;

Il résulte des éléments du dossier et plus particulièrement du constat établi le 11 avril 2013 que Madame [N] a exercé une activité de courtage au sein de la société L&G Financement constituée dès le 4 février 2013 et immatriculée le 18 février 2013, soit pendant la durée d'application de sa clause de non-concurrence (pièce 14 intimée) ;

Ainsi dès le 3 avril 2013 son profil Linkedin mentionne sa qualité de courtier chez L&G Financement depuis janvier 2013 (pièces 12 et 14 intimée), et c'est sa photographie qui apparaît sur la page Facebook du site de « LG Financement » alors que Madame [M] [D] y figure en tant que gérante de droit ; l'exploitation des messages téléphoniques de Madame [N] établit l'existence d'échanges avec des clients de la société Financière Universelle et notamment avec celui concernant les enseignes Colombus ; il en est de même pour ses courriels dans lesquels elle transmet une nouvelle adresse "après réinstallation" (mails pièce 16 intimée) ;

Dès lors le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a retenu l'existence d'une violation par Madame [N] de sa clause de non-concurrence conventionnelle ;

S'agissant de la société L&G Financement, la société Financière Universelle a été autorisée à effectuer un constat d'huissier de justice le 14 juin 2013, notamment de l'informatique de la société L&G Financement afin de déterminer s'il existe des agissements anti-concurrentiels en présence de Madame [D] et de Madame [N], salariée de la société de courtage (pièce 17 intimée) ;

Il en résulte que notamment le dossier de recherche de financement pour 'Colombus Café' Montpellier, a été signé avec la société L&G Financement en avril 2013 ; il reprend la même forme que ceux utilisés par la société Financière Universelle ; en effet il est constant qu'un mandat similaire avait été confié à la société Financière Universelle pour un établissement à [Localité 4] et un autre à [Localité 6], tous deux exécutés par Madame [N] ;

Or selon les déclarations de Madame [N] lors du constat sus énoncé, les projets Colombus [Localité 4] et [Localité 6] ont été traités par la société L&G Financement "selon la volonté du client" ;

Il en résulte que jusqu'au 5 août 2015, la société L&G Financement était présidée et administrée par Madame [M] [D], puis par Madame [R] [N] étant en outre, seule actionnaire après cession de ses parts par Madame [D] ; dans son courriel du 25 février 2013 adressé à son futur expert-comptable, Madame [N] a indiqué qu'elle était la seule personne à prendre en charge les dossiers clients et à les négocier avec les partenaires financiers ;

Il en résulte que la société L&G Financement a également commis des actes de concurrence déloyale, notamment en employant Madame [N], qu'elle savait débitrice d'une clause de non-concurrence envers son ancien mandataire, la société Financière Universelle et en lui permettant de prendre en charge des clients qu'elle avait précédemment accompagnés, en qualité de courtier de la société Financière Universelle ;

Le jugement déféré sera également confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité délictuelle de la société L&G Financement et prononcé sa condamnation au paiement de sommes, in solidum avec Madame [R] [N] ;

Sur le préjudice et son indemnisation,

La partie appelante conteste le calcul du premier juge ainsi que le chiffre d'affaires de 90000 euros retenu ; elle ajoute que la société Financière Universelle n'effectuant plus d'actes commerciaux après fin 2013, aucun préjudice imputable à une pratique anti-concurrentielle n'est démontré ;

En réponse, la société Financière Universelle fait valoir que du fait des agissements des appelants, elle a subi un préjudice en termes d'image et de manque à gagner ;

Elle ajoute qu'il résulte de l'attestation de l'expert-comptable de la société que le chiffre d'affaires « dossiers professionnels » en 2011 était de 80995 euros puis de 60423,30 euros en 2012 (pièce 36 et 37 intimés) ; pour l'année 2013 il a été réduit à 13503,23 euros ; l'intimée déclare avoir cessé ses activités de courtage à destination des professionnels en 2013 ; elle maintient sa demande indemnitaire à la somme de 81000 euros correspondant au manque à gagner sur les deux années visées par la clause conventionnelle de non concurrence ou a minima une moyenne entre la fourchette haute et basse de bénéfices ; elle forme appel incident à cet égard, le jugement déféré ayant calculé le préjudice sur la base de la somme de 60839 euros, ce qui correspond à la "fourchette basse" de profits ;

Au surplus elle considère que la perte de chance pour l'année 2014 limitée à 20 % est fixée de manière trop basse alors que l'activité prise en charge par Madame [N] était en plein développement ; elle réclame enfin des dommages et intérêts de 10000 euros pour le préjudice d'atteinte à son image et de désorganisation interne et externe ;

Le préjudice de la société Financière Universelle s'agissant de la perte de revenus pour l'année 2013, se calcule au vu de son chiffre d'affaires, déduction faite de la rémunération du courtier, soit 50 % de celui-ci ; au vu des pièces comptables, il y a lieu de considérer que la base du chiffre d'affaires moyen à retenir était de 60839 euros pour les années 2010 à 2012 (41100+80995+60423,30 euros) ;

Dès lors après déduction de la commission due à Madame [N], le solde sur le chiffre d'affaire après déduction de frais fixes de 10 % est de 27377,55 euros ; cette somme retenue par le premier juge sera validée pour l'année 2013 ;

Pour la seconde année (2014) il y a lieu de retenir également cette somme, dès lors que rien ne démontre que l'hypothèse retenue par le premier juge, soit celle d'une absence de pérennité de l'activité de courtage "pro" en 2014, n'est justifiée alors que l'activité était en plein essor tel que cela résulte des attestations sus énoncées ; dès lors l'appel incident sera partiellement reçu, la somme de 54755,49 euros étant mise à la charge in solidum de Madame [N] et de la société L&G Financement ;

Sur la demande en paiement de commission à Madame [R] [N].

Madame [N] réclame une somme de 3851,60 euros au titre de son rappel d'honoraires ; la société Financière Universelle reconnaît lui devoir la somme de 1495,54 euros ;

A l'appui de son recours, elle affirme que les documents justifiant du montant de ses commissions impayées sont en possession de l'intimée ; elle affirme qu'elle doit en effet, bénéficier de rétrocession d'honoraires au titre de primes d'assurance emprunteur pour 2012, souscrites auprès de la société Générali, dont elle demande la production du décompte sous astreinte ;

En réponse, la société Financière Universelle indique qu'au visa du décompte de Madame [N] (pièce 38 appelantes), elle avait reconnu devoir 1125 euros alors que le total est de 1275 euros ce qu'elle admet ;

En revanche, le surplus de la demande n'est pas justifié dès lors que les commissions sont calculées sur les honoraires encaissés et non les honoraires facturés, l'appelante étant en charge de l'encaissement des factures ; elle justifie en outre, par la production du décompte de l'huissier chargé du recouvrement des frais de la procédure prud'homale, qu'elle déduit ce montant dont elle est débitrice (pièce 45 intimée) ;

Enfin par lettre officielle du 28 septembre 2018, son conseil a d'ores et déjà notifié à Madame [N], le fait qu'elle n'avait pas fourni les éléments permettant de déterminer la liste des contrats d'assurance sur lesquels elle se fonde pour solliciter des honoraires supplémentaires (pièces 38 appelante) ;

Dès lors il ne sera pas fait droit à la demande de production de pièces sous astreinte et le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a fixé le montant des honoraires dus à Madame [N] à la somme de 1495,54 euros ;

Sur la demande en dommages et intérêts formée par l'intimée,

La société Financière Universelle ne justifie pas avoir subi un préjudice distinct de celui réparé par l'indemnisation au titre de la clause de non-concurrence ; dès lors sa demande indemnitaire sera rejetée ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,

Madame [R] [N] et la société L&G Financement succombant dans leurs prétentions, le jugement sera confirmé en ce qu'il les a condamnées aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; cependant au vu des éléments de la cause, celle-ci sera limitée à la somme de 2500 euros ;

Madame [R] [N] et la société L&G Financement, parties perdantes, devront supporter les dépens ; en outre elles seront condamnées in solidum à payer à la société Financière Universelle la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme déjà allouée en première instance ; en revanche elles seront déboutées de leur propre demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré uniquement quant au montant des dommages et intérêts alloués à la société Financière Universelle ainsi qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau sur les chefs de décision infirmés,

Condamne in solidum Madame [R] [N] et la société L&G Financement à payer à la société Financière Universelle une somme de 54755,49 euros (CINQUANTE-QUATRE MILLE SEPT CENT CINQUANTE-CINQ EUROS ET QUARANTE-NEUF CENTIMES) titre d'indemnisation pour non-respect de la clause de concurrence et actes de concurrence déloyale ;

Déboute la société Financière Universelle du surplus de ses demandes ;

Déboute Madame [R] [N] et la société L&G Financement de leur demande en production de pièces sous astreinte ;

Condamne in solidum Madame [R] [N] et la société L&G Financement au paiement de la somme de 2500 euros (DEUX MILLE CINQ CENTS EUROS), au titre des frais non compris dans les dépens, relatifs à la première instance ;

Condamne Madame [R] [N] et la société L&G Financement à payer à la société Financière Universelle la somme de 3000 euros (TROIS MILLE EUROS) au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Déboute Madame [R] [N] et la société L&G Financement de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Madame [R] [N] et la société L&G Financement aux dépens.