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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 19 décembre 2023, n° 21/00568

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Gaumet, Meca Pneu (SAS)

Défendeur :

SCI RMS Plaisance

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Salmeron

Conseillers :

Mme Moulayes, Mme Martin de la Moutte

Avocats :

Me Iglesis, Me Depuy

TJ Toulouse, 15 janvier 2021, n° 19/0088…

15 janvier 2021

Faits et procédure

Par acte en date du 10 juin 2014, la Sci Rms Plaisance a donné à bail commercial à la Sas Manelya un local commercial d'une superficie de 202 m2 formant le lot n°D2 d'un ensemble immobilier de locaux industriels, avec deux parkings, sis [Adresse 2] à [Localité 5], pour une durée de neuf années ayant commencé à courir le 1er juin 2014 pour se terminer le 31 mai 2023, moyennant un loyer mensuel de 1 350€, outre provision mensuelle sur charges de 150 €. Lesdits locaux étaient destinés aux activités d'achat et de vente de pièces détachées, de pneus et de lubrifiants, de montage de pneus, de plaques de freins et disques et de réglage géométrie. 

Par acte en date du 27 avril 2017, la Sas Manelya a cédé, avec l'agrément de la bailleresse, son fonds de commerce à la Sas Meca Pneu Discount. Il était convenu à l'acte de cession que la bailleresse acceptait « que le preneur puisse, à titre d'activité accessoire, rajouter l'activité de petite mécanique (vidange comprise) en veillant que cette activité accessoire ne crée pas de désagréments aux locaux voisins et que les lieux soient maintenus propres ».

Par acte extrajudiciaire en date du 19 janvier 2018, la Sci Rms Plaisance a fait sommation à la Sas Meca Pneu Discount de respecter les clauses du bail commercial, notamment celles relatives à la désignation des lieux loués, à leur destination et aux assurances sous peine d'acquisition de la clause résolutoire à défaut de régularisation dans le mois suivant la sommation.

Suivant courrier signifié par voie d'huissier de justice le 25 juillet 2018, la Sci Rms Plaisance a mis en demeure la Sas Meca Pneu Discount de libérer les lieux avant le 30 septembre 2018 à défaut d'avoir mis fin aux diverses violations des termes du bail commercial, notamment en raison de l'utilisation de nombreuses places de parking non comprises dans le bail litigieux, de l'exercice d'activités non prévues à la clause de destination et de l'état dégradé des locaux loués.

Suivant ordonnance sur requête en date du 12 novembre 2018, le président du tribunal de grande instance de Toulouse a désigné un huissier de justice aux fins notamment de vérifier le nombre de véhicules relevant de l'activité de la Sas Meca Pneu Discount, de procéder à une description de l'intérieur du local, d'indiquer si les machines et équipements présents correspondent aux activités autorisées par le bail et de se faire remettre une copie intégrale de la police d'assurance souscrite par la locataire.

L'huissier de justice requis a dressé un procès-verbal de constat en date du 27 décembre 2018.

Par exploit du 4 mars 2019, la Sci Rms Plaisance a fait délivrer assignation à la Sas Meca Pneu Discount devant le tribunal judiciaire de Toulouse aux fins notamment de voir constater la résiliation de plein droit du bail commercial par acquisition de la clause résolutoire contractuelle, ou de constater que le preneur a commis d'autres fautes justifiant en toute hypothèse le prononcé de la résiliation pour motif grave et légitime.

Par acte d'huissier de justice en date du 17 juillet 2020, la Sci Rms Plaisance a fait commandement à la Sas Meca Pneu Discount de payer les sommes dues au titre des loyers et charges locatives des mois d'avril et mai 2020 au visa de la clause résolutoire prévue au bail.

Par jugement du 15 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Toulouse a :

- prononcé la clôture au 16 octobre 2020 ;

- débouté la Sci Rms Plaisance de sa demande de résiliation de plein droit du bail commercial par acquisition de la clause résolutoire ;

- déclaré nul et de nul effet le commandement de payer en date du 17 juillet 2020 ;

- prononcé la résiliation du bail commercial du 10 juin 2014 liant la Sci Rms Plaisance à la Sas Meca Pneu Discount en vertu de l'acte de cession de fonds de commerce du 27 avril 2017, à compter du prononcé de la présente décision ;

- ordonné par conséquent, à la Sas Meca Pneu Discount de libérer avec tous occupants de son chef, et après en avoir remis les clés, les locaux situés [Adresse 2] à [Localité 5] ;

- dit qu'à défaut de restitution volontaire des lieux, dans un délai d'un mois à compter du prononcé du jugement, son expulsion pourrait être poursuivie, le cas échéant avec l'assistance de la force publique ;

- fixé le montant de l'indemnité d'occupation due par la Sas Meca Pneu Discount au montant du loyer contractuel en cours au jour de la résiliation, charges en sus, à compter du jugement prononçant la résiliation du bail et jusqu'à parfaite libération des lieux ;

- condamné la Sas Meca Pneu Discount à payer à la Sci Rms Plaisance la somme de 3.680,52 € au titre des arriérés de loyers et de charges locatives des mois d'avril et mai 2020 ;

- débouté la Sci Rms Plaisance de sa demande d'expertise ;

- débouté la Sas Meca Pneu Discount de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- condamné la Sas Meca Pneu Discount aux dépens de l'instance, en ce compris les frais de constat d'huissier exposés en exécution de l'ordonnance sur requête rendue par le tribunal de grande instance de Toulouse le 12 novembre 2018 mais à l'exception des frais de sommation d'exécuter du 25 juillet 2018, des frais d'état des inscriptions au greffe du tribunal de commerce de Toulouse, des frais de dénonce aux créanciers inscrits et des frais du commandement de payer du 17 juillet 2020, qui resteront à la charge de la Sci Rms Plaisance ;

- autorisé Me [Z] [N] à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision ;

- condamné la Sas Meca Pneu Discount à payer à la Sci Rms Plaisance la somme de 3.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement ;

- rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties.

Par déclaration en date du 5 février 2021, la Sas Meca Pneu a relevé appel du jugement. La portée de l'appel est la réformation des chefs du jugement qui ont :

- prononcé la résiliation du bail commercial,

- ordonné à Meca Pneu Discount de libérer avec tous occupants de son chef, et après avoir remis les clés, les locaux

- fixé le montant de l'indemnité d'occupation due par la société Meca Pneu Discount au montant du loyer contractuel en cours au jour de la résiliation, charges en sus,

- condamné Meca Pneu Discount à payer 3.680,52€ au titre des arriérés de loyers et charges locatives des mois d'avril et mai 2020,

- débouté Meca Pneu Discount de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné Meca Pneu Discount aux dépens,

- condamné Meca Pneu Discount au paiement de la somme de 3.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture est intervenue le 7 novembre 2022.

L'affaire, initialement appelée à l'audience du 6 décembre 2022, a été finalement fixée à l'audience du 17 octobre 2023.

Prétentions et moyens

Vu les conclusions notifiées le 27 avril 2021 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Sas Meca Pneu Discount demandant, au visa de l'article 1224 du code civil, de :

- réformer le jugement rendu le 15 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Toulouse,

- juger que la destination de l'immeuble a été respectée par la société Meca Pneu,

- juger que les griefs visés dans la sommation ne peuvent être considérés comme des manquements au bail pour ce qui concerne l'utilisation du parking et sont infondés pour ce qui concerne l'activité de vente de véhicules et celle tiré du défaut d'assurance,

- juger que les griefs invoqués ne revêtent pas un degré de gravité permettant de prononcer la résiliation du bail,

- juger que le commandement délivré le 17 juillet 2020 l'a été en infraction des dispositions de l'ordonnance 2020-316 relative au paiement des loyers

- juger nul et de nul effet ledit commandement,

- juger que la société Meca Pneu a réglé les augmentations indiciaires du bail,

En conséquence,

- débouter la Sci Rms Plaisance de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la Sci Rms Plaisance au paiement de la somme de 5.000€ à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée,

- condamner la Sci Rms Plaisance au paiement de la somme de 5.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

La société conteste avoir outrepassé la clause de destination des lieux loués contenue dans le contrat de bail ; elle reproche au premier juge d'avoir distingué entre petite et grosse mécanique, sur le fondement d'une définition qui n'est ni légale ni contractuelle.

Le bailleur avait connaissance de son activité de mécanique automobile, qu'elle exerçait depuis son arrivée dans les locaux, et qui présentait immanquablement un caractère salissant.

Elle conteste en outre les manquements à ses obligations contractuelles visés par la bailleresse dans la sommation d'exécution délivrée le 19 janvier 2018.

Par ailleurs, elle rappelle que les loyers dus pour la première période de confinement ne peuvent pas donner lui à application de pénalités ou de la clause résolutoire en application de l'ordonnance du 25 mars 2020 ; pour autant, elle admet sa dette de loyer et offre de s'en acquitter en 24 mensualités.

Vu les conclusions notifiées le 4 juin 2021 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Sci Rms Plaisance demandant, au visa des articles 1728 et 1729 du code civil et L145-47 du code de commerce, de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Toulouse le 15 janvier 2021, à l'exception de la condamnation à une partie des dépens due par la Sci Rms Plaisance ;

- en conséquence, débouter la Sasu Meca Pneu Discount de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner la Sasu Meca Pneu Discount à payer la somme de 5.000 € à la concluante au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner la Sasu Meca Pneu Discount aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La société bailleresse affirme que la société Meca Pneu Discount n'a pas respecté la clause de destination du bail, et adoptant l'analyse des premiers juges, sollicite la confirmation de la résiliation judiciaire du bail.

Elle rappelle ne pas avoir autorisé d'activité connexe ou complémentaire dans les conditions fixées par le bail, et constate que le preneur n'a engagé aucune procédure de déspécialisation lui permettant d'exercer d'autres activités que celles spécifiquement visées dans la clause de destination.

Elle ajoute que le gérant de la société appelante est également gérant d'une autre société, présentant une activité de location de véhicules, et domiciliée à la même adresse que Meca Pneu Discount ; cette activité non autorisée par le bail est d'ailleurs visible en devanture des locaux.

Enfin, s'agissant de la dette de loyer, la bailleresse relève que les mensualités que la société Meca Pneu Discount se propose de payer, ne permettent pas d'atteindre le montant total des loyers dus ; elle sollicite la confirmation de la première décision également de ce chef.

MOTIFS

Sur l'effet dévolutif de l'appel

En dépit des développements des parties sur ces points dans leurs conclusions, il convient de relever qu'il n'a été formé ni appel principal ni appel incident des chefs du jugement du 15 janvier 2021 qui ont :

- débouté la Sci Rms Plaisance de sa demande de résiliation de plein droit du bail commercial par acquisition de la clause résolutoire ;

- déclaré nul et de nul effet le commandement de payer en date du 17 juillet 2020.

Il ressort des dispositions de l'article 901 4° du code de procédure civile que la déclaration d'appel doit comporter, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Selon l'article 562 de ce même code, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Il résulte en outre des articles 542 et 954 du code de procédure civile que l'appelant doit, dans le dispositif de ses conclusions, mentionner qu'il demande l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement ou l'annulation du jugement.

Il en résulte que la déclaration d'appel, qui mentionne les chefs de dispositif du jugement critiqués, délimite l'étendue de l'effet dévolutif de l'appel quand les conclusions, par l'énoncé dans leur dispositif de la demande d'infirmation ou d'annulation du jugement, déterminent quant à elles, la finalité de l'appel, qui tend à l'annulation ou à la réformation du jugement, dans les limites de la dévolution opérée par la déclaration d'appel.

Les conclusions ne sont pas susceptibles d'étendre l'effet dévolutif de l'appel.

Il est ainsi de jurisprudence constante que les chefs du jugement critiqué qui ne figurent pas sur la déclaration d'appel ne peuvent plus être discutés devant la Cour.

Dès lors la Cour n'est pas saisie des questions de la résiliation de plein droit du bail du fait de l'acquisition de la clause résolutoire, et de la validité du commandement de payer, qui n'ont pas été expressément visées dans la déclaration d'appel.

Sur la résiliation judiciaire du bail

Il ressort des dispositions de l'article 1728 du code civil, que le preneur est tenu d'user de la chose louée raisonnablement, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, ou suivant celle présumée d'après les circonstances, à défaut de convention.

Selon l'article 1729 de ce même code, si le preneur n'use pas de la chose louée raisonnablement ou emploie la chose louée à un autre usage que celui auquel elle a été destinée, ou dont il puisse résulter un dommage pour le bailleur, celui-ci peut, suivant les circonstances, faire résilier le bail.

L'article L 145-47 du code de commerce autorise toutefois l'adjonction par le preneur d'activités connexes ou complémentaires à celle prévue au bail sous la réserve du respect de la procédure de déspécialisation partielle prévue par le second alinéa de ce texte. L'activité connexe ou complémentaire est celle qui, sans être en lien direct avec l'activité autorisée, est susceptible d'en favoriser l'exercice et le développement, en offrant un service supplémentaire à la clientèle

La destination des lieux se caractérise par l'affectation contractuelle que les parties leur ont donnée, la portée de l'acte litigieux relevant de l'appréciation souveraine du juge du fond.

En l'espèce, la clause de destination du bail commercial initial du 10 juin 2014 est ainsi rédigée :

« Les locaux faisant l'objet du présent bail devront être consacrés par le preneur à l'exploitation de son activité de l'achat et la vente de pièces détachées de pneus et de lubrifiants, le montage de pneus et de plaques de frein et disques, réglage géométrie à l'exclusion de toute autre même temporairement notamment de vidange. »

Dans l'acte de cession du fonds de commerce de la société Manelya à la société Meca Pneu Discount en date du 27 avril 2017, le bailleur a déclaré :

« accepter que le preneur puisse à titre d'activité accessoire rajouter l'activité de petite mécanique (vidange comprise) en veillant que cette activité accessoire ne créée pas de désagrément aux locaux voisins et que les lieux soient maintenus propres ».

Les parties ont ainsi entendu ajouter l'activité de « petite mécanique » à la destination du bail, sans pour autant donner de définition précise de cette notion ; celle-ci doit donc s'entendre à la lumière des exigences du bailleur relatives à l'absence de nuisances pour le voisinage et au maintien des locaux en bon état de propreté.

Le constat d'huissier réalisé le 27 décembre 2018, en exécution d'une ordonnance sur requête rendue par le tribunal de grande instance de Toulouse le 12 novembre 2018, a révélé la réalisation par la société Meca Pneu Discount de travaux de mécanique nécessitant la dépose du moteur d'au moins un véhicule.

La Cour ne peut que constater que ce type de travaux ne constitue pas de la « petite mécanique » au sens de la destination autorisée par le bailleur, dans la mesure où l'huissier relève que ces travaux sont particulièrement salissants et que la dégradation des revêtements de sols par d'importantes traces de coulures est visible sous le véhicule dont le moteur a été retiré.

Il convient de relever par ailleurs que le bail commercial liant la société Meca Pneu Discount à la Sci Rms Plaisance prévoit l'attribution au preneur de deux emplacements de stationnement.

Or, le constat d'huissier réalisé le 27 décembre 2018 permet de constater que de nombreux véhicules sont stationnés à proximité immédiate des locaux objets du présent litige, et des commerces adjacents ; les déclarations de l'employé présent sur les lieux ont permis de constater que 16 de ces véhicules étaient en attente d'intervention notamment de changement d'une vitre, de pneus ou de plaquettes, mais également pour certains, de travaux concernant l'embrayage, la courroie d'alternateur, l'injecteur d'un moteur défectueux, ou la direction assistée.

L'appréciation extensive faite par le preneur de sa possibilité d'exercer de la mécanique dans les locaux est ainsi venue imposer aux locaux voisins une présence bien plus importante de véhicules sur le parking commun qu'initialement prévu au bail.

La condition d'absence de désagrément pour les locaux voisins fixée par le bailleur pour autoriser la « petite mécanique » n'a ainsi pas été respectée.

Le procès-verbal de constat ultérieur réalisé par la société Meca Pneu Discount, relevant que des opérations de nettoyage ont été réalisées et que seuls des véhicules d'employés sont stationnés aux abords des locaux, ne permet pas de remettre en cause la valeur du premier constat réalisé sur décision judiciaire, sans que les parties n'aient été avisées de la date, et donc plus représentatif de l'usage quotidien des locaux.

En outre, la connaissance qu'avait le bailleur de l'activité de mécanique de la société Meca Pneu Discount depuis la cession du fonds de commerce est sans conséquence, dans la mesure où il est constant que la simple connaissance d'une situation irrégulière ne peut conférer un droit en l'absence de tout acte positif non ambigu valant autorisation.

La Cour relève par ailleurs qu'une autre société Loca Meca Discount, ayant le même gérant que la société Meca Pneu Discount, a établi son siège social dans les locaux donnés à bail par Rms Plaisance.

Il n'est pas justifié d'une quelconque autorisation du bailleur, pour l'utilisation des locaux par une autre société ; en effet, le document produit par l'appelant dénommée « autorisation du propriétaire », présentant des écritures manuscrites différentes, et datée du 21 avril 2015, soit deux années avant la cession du fonds de commerce par la société Manelya à Meca Pneu Discount, ne revêt aucune valeur probante.

Cette société est venue exercer l'activité de location de véhicule au sein des locaux litigieux, sans autorisation, et sans qu'aucune déspécialisation de la clause de destination n'ait été sollicitée.

La société Meca Pneu Discount ne peut pas contester l'exercice de cette activité de location, qui, lors du constat d'huissier du 27 décembre 2018, figurait en lettres majuscules sur la façade des locaux ; la société appelante elle-même verse aux débats une photographie non datée de sa devanture, pour justifier de son activité, faisant apparaître l'activité de location.

L'examen du constat d'huissier du 5 janvier 2022 permet de constater que la nature de l'activité exercée n'est plus indiquée suite à un changement d'enseigne.

Il n'est toutefois pas justifié qu'il ait été mis fin à cette activité, comme elle l'affirme, dans la mesure où si un procès-verbal d'associé unique du 1er janvier 2019 a décidé de la dissolution anticipée de la société Loca Meca Discount, les pièces produites par la société Rms Plaisance démontrent que deux ans après, cette société est toujours active et que son siège social est toujours déclaré comme étant situé au sein des locaux objet de la présente procédure.

Il est de jurisprudence constante qu'il relève du pouvoir souverain des juges du fond d'apprécier si la faute reprochée au preneur est suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire du bail.

En l'espèce, la société preneuse a exercé une activité de mécanique ne lui ayant pas permis de maintenir les locaux propres, et ayant considérablement augmenté les nuisances pour le voisinage du fait du dépôt de nombreux véhicules à réparer ; elle a par ailleurs installé une autre société dans les locaux, pour y exercer, sans autorisation, une activité de location de véhicule dont il n'a pas été question dans le bail initial ou lors de la cession du fonds de commerce.

Ces manquements, par leur gravité, justifient de la résiliation judiciaire du bail prononcée par les premiers juges.

La Cour confirmera la décision de ce chef, ainsi que des chefs qui en découlent concernant la libération des locaux.

Sur l'indemnité d'occupation

Si la société Meca Pneu Discount conteste le chef de jugement ayant fixé le montant de l'indemnité d'occupation due au bailleur jusqu'à la libération des locaux, force est de constater qu'elle ne développe pas sa demande dans ses conclusions.

La Cour en déduit en conséquence que c'est le principe même de l'indemnité d'occupation, résultant de la résiliation judiciaire du bail qu'elle rejette, qui est en réalité contesté, et non son quantum.

Toutefois dans la mesure où le jugement prononçant la résiliation judiciaire du bail et ordonnant la libération des locaux a été confirmé par la Cour, une contrepartie à l'occupation des lieux sera due par la société Meca Pneu Discount jusqu'à son départ.

En l'espèce, il convient de relever que les dispositions contractuelles prévoyant une majoration de 50% de l'indemnité d'occupation ne sont applicables que dans l'hypothèse d'une résiliation de plein droit du bail résultant de l'application de la clause résolutoire.

A défaut d'indication sur la valeur locative des locaux qui permettrait de fixer l'indemnité conformément aux dispositions de l'article L145-28 du code de commerce, c'est à bon droit que le jugement du 15 janvier 2021 a fixé le montant de l'indemnité d'occupation due par la Sas Meca Pneu Discount au montant du loyer contractuel en cours au jour de la résiliation, charges en sus, à compter du jugement prononçant la résiliation du bail et jusqu'à parfaite libération des lieux.

Il convient de confirmer la décision des premiers juges.

Sur la dette de loyers

La société Meca Pneu Discount ne conteste pas sa dette, ayant donné lieu à condamnation par les premiers juges au paiement de la somme de 3.680,52 € au titre des arriérés de loyers et de charges locatives des mois d'avril et mai 2020.

Elle sollicite dans le cadre de ses conclusions d'être autorisée à procéder à un paiement sur une durée de 24 mois, par échéances mensuelles de 153,33 euros, sans pour autant reprendre cette demande dans son dispositif.

Il convient de rappeler qu'en application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la Cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

La demande d'échelonnement formée par la société Meca Pneu Discount n'étant pas reprise dans le dispositif de ses conclusions, la Cour n'en est pas saisie ; au surplus, elle ne produit aucune pièce de nature à éclairer la Cour sur d'éventuelles difficultés financières faisant obstacle au paiement des arriérés de ces deux mois de loyers et charges.

Le jugement du 15 janvier 2021 sera en conséquence également confirmé en ce qu'il a condamné le preneur au paiement de sa dette locative.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

La société Meca Pneu Discount demande à la Cour, dans le dispositif de ses conclusions, de condamner la Sci Rms Plaisance à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, sans toutefois s'expliquer sur cette demande.

Le droit d'agir en justice est ouvert à tout plaideur qui s'estime lésé dans ses droits, son exercice ne dégénérant en abus qu'autant que les moyens qui ont été invoqués à l'appui de la demande sont d'une évidence telle qu'un plaideur, même profane, ne pourra pas ignorer le caractère abusif de sa démarche ou qu'il n'a exercé son action qu'à dessein de nuire en faisant un usage préjudiciable à autrui.

En l'espèce, la société appelante échoue à démontrer un tel comportement de la Sci Rms Plaisance, de sorte que la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive a été justement rejetée par le tribunal judiciaire de Toulouse.

Sur les demandes accessoires

En l'état de la présente décision de confirmation, le jugement de première instance sera confirmée s'agissant des dépens et des frais irrépétibles.

En outre, la Sas Meca Pneu Discount, qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens d'appel.

En revanche, l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ; les parties seront déboutées de leurs demandes de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant en dernier ressort, de manière contradictoire, et par mise à disposition au greffe,

- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

- Déboute la Sas Meca Pneu Discount et la Sci Rms Plaisance de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne la Sas Meca Pneu Discount aux entiers dépens d'appel ;