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Décisions

CA Angers, ch. a - com., 19 décembre 2023, n° 19/02200

ANGERS

Autre

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CA Angers n° 19/02200

19 décembre 2023

COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE

CG/CC

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 19/02200 - N° Portalis DBVP-V-B7D-ES37

arrêt du 09 Juillet 2019 Cour de Cassation de PARIS n° X17-28.792

arrêt du 03 Octobre 2017 Cour d'Appel de POITIERS RG N°15/34

jugement du 16 Mai 2011 TGI de ST BRIEUC RG n°08/1686

ARRET DU 19 DECEMBRE 2023

DEMANDEURS AU RENVOI :

Madame [R] [G] épouse [A]

née le [Date naissance 11] 1946 à [Localité 21] (59)

[Adresse 3]

[Localité 19]

Représentée par Me Sophie HUCHON, avocat postulant au barreau d'ANGERS

et par Me Edouard HABRANT, avocat plaidant au barreau de PARIS

Monsieur [Y] [A]

né le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 23]

[Adresse 3]

[Localité 19]

décédé en cours de procédure

INTERVENANTE VOLONTAIRE :

La Sté MJS PARTNERS, prise en la personne de Me [P] [Z], en qualité de mandataire ad hoc de M. [Y] [A]

[Adresse 13]

[Localité 12]

Représentée par Me Sophie HUCHON, avocat postulant au barreau d'ANGERS et par Me Edouard HABRANT, avocat plaidant au barreau de PARIS

DEFENDEURS AU RENVOI :

Madame [R] [F]

Mandataire judiciaire à la retraite prise en son nom personnel

[Adresse 9]

[Localité 19]

Décédée en cours de procédure

Monsieur [P] [Z] pris en qualité de mandataire ad hoc

de M. [A]

[Adresse 10]

[Localité 18]

Assigné, n'ayant pas constitué avocat

Monsieur [H] [E] [L], venant aux droits de Me [R] [F], mandataire judiciaire à la liquidation des entreprises, prise tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant des créanciers et mandataire judiciaire de la Sté EVASION ET LOISIRS et de la Sté GYMNASIUM FRANCHISE

[Adresse 7]

[Localité 2]

Représenté par Me Thierry BOISNARD de la SELARL LEXCAP, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier E00015P9 et par Me Yves-Marie LE CORFF, avocat plaidant au barreau de PARIS

S.A. CREDIT LYONNAIS, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 8]

[Localité 14]

Représentée par Me Sophie DUFOURGBURG, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 20021 et par Me Frédéric LEVADE, avocat plaidant au barreau de PARIS

S.E.L.A.R.L. EP & ASSOCIES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 17]

[Localité 19]

Représentée par Me Thierry BOISNARD de la SELARL LEXCAP, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 20A00747 et par Me Yves-Marie LE CORFF, avocat plaidant au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 17 Octobre 2023 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme CORBEL, présidente de chambre qui a été préalablement entendue en son rapport et devant M. CHAPPERT, conseiller

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CORBEL, présidente de chambre

M. CHAPPERT, conseiller

Mme GANDAIS, conseillère

Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS

ARRET : réputé contradictoire

Prononcé publiquement le 19 décembre 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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FAITS ET PROCÉDURE

Courant 1971, [Y] [A] et Mme [R] [G] épouse [A], mariés sous le régime de la communauté, ont conçu et créé un centre de remise en forme dénommé 'Gymnasium' à [Localité 19].

Le groupe Gymnasium s'est développé avec pour activité principale, directement et, à partir de 1986, sous la forme d'un réseau de franchises, de centres de remise en forme, avec à sa tête l'EURL Evasion & Loisirs.

Dès le début de leurs activités, M. et Mme [A] ont eu pour partenaire bancaire la société (SA) Crédit Lyonnais.

Le 30 mars 1989, la société (SA) Evasion & Loisirs, société holding, a été créée avec M. [A] pour président directeur général (PDG). L'EURL Evasion & Loisirs a apporté son fonds de commerce de franchise de centres de remise en forme (comprenant l'activité de franchise d'une part, la vente de matériels aux franchisés d'autre part), et est devenue, en contrepartie, actionnaire majoritaire de la société holding, à hauteur de 80%. La marque Gymnasium n'a pas fait l'objet d'un apport à la SA Evasion & Loisirs.

Les activités principales du groupe Gymnasium ont été séparées de telle sorte que : le fonds de commerce de réseau de franchises a été apportée à la société (SA) Gymnasium Franchise créée le 27 juin 1991 ayant pour PDG M. [A] et pour actionnaire principal, la SA Evasion & Loisirs ; le fonds de négoce et de matériels a été apporté à la société (SARL) Temax Distribution ayant pour gérant M. [A] et pour actionnaire principal, la SA Evasion & Loisirs.

Dans son dernier état, le groupe Gymnasium était constitué :

- à sa tête, d'une part, par l'EURL Evasion & Loisirs, détenue à 100% par [Y] [A], propriétaire de la marque Gymnasium, et, d'autre part, par la SA Evasion & Loisirs, société détenue à 80% par l'EURL Evasion & Loisirs, jouant le rôle de holding financier ;

- et de plusieurs filiales :

* la SA Gymnasium Franchise à laquelle avait été concédée par l'EURL Evasion & Loisirs la licence d'usage et d'exploitation de la marque Gymnasium, et autorisée à encaisser les redevances dues par les franchisés pour l'exploitation de la marque,

* la société (SARL) Gymnasium Magazine, société de presse éditant le magazine G La Forme depuis septembre 1991,

* l'EURL Temax Publicité, agence de publicité du groupe, créé pour harmoniser la publicité parmi les franchisés et le négoce d'articles publicitaires,

* la société Newmax chargée de la vente des produits diététiques pour le réseau Gymnasium,

* la société (SNC) Eva [Localité 20], constituée entre la SA Evasion & Loisirs, M. [Y] [A] et la société Corps à Coeur,

* la société (SNC) Gym [Localité 20] exploitant le centre de remise en forme Gymnasium de [Localité 20],

* la société MDB Fitness exploitant le centre de remise en forme Gymnasium [Localité 22],

* la société (SARL) SCG, destinée à réaliser l'agencement des centres de remise en forme,

* la société (SARL) Temax Distribution, centrale d'achats de tous les centres Gymnasium, laquelle s'est vue concéder le fonds de négoce de matériels.

M. et Mme [A] se sont rendus cautions des engagements des sociétés du groupe envers diverses banques, dont la société Crédit Lyonnais.

Parallèlement à ces activités, [Y] [A] a créé une école d'esthétique, en constituant le 1er juillet 1987 avec Mme [W], une société civile dénommée Ecole Privée d'Esthétique et Cosmétique de Bretagne (dite EPEC), les deux associés étant co-gérants. La SCP EPEC n'avait pas de lien de capital avec le réseau de franchises et de centres de remise en forme.

Par jugement du 14 avril 1994, le tribunal de grande instance de Brest a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société EPEC, qui a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 7 juillet 1994, Maître [R] [F] étant nommée en qualité de liquidateur judiciaire.

Par jugement du 7 juillet 1994, le tribunal de grande instance de Brest a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire de [Y] [A] et de Mme [W], tous deux considérés comme associés tenus solidairement et indéfiniment au passif de la société EPEC.

Par deux jugements séparés du 16 décembre 1994, le tribunal de grande instance de Brest a prononcé la liquidation judiciaire de [Y] [A] et celle de Mme [W], aucune proposition de remboursement de passif ne permettant d'envisager un plan de redressement. Maître [R] [F] a été désignée en qualité de mandataire liquidateur de [Y] [A].

Par arrêt du 22 novembre 1995, la cour d'appel a annulé cette décision, mais, après évocation, a prononcé la liquidation judiciaire de [Y] [A] et de Mme [W], avec désignation de Maître [F] en qualité de mandataire liquidateur.

Par arrêt du 1er juin 2004, la cour d'appel de Rennes a déclaré irrecevable le recours en révision formé contre l'arrêt du 22 novembre 1995.

Parallèlement, s'agissant des entités du groupe Gymnasium, par deux jugements séparés du 3 février 1995, le tribunal de commerce de Brest a ouvert la procédure de redressement judiciaire de la SA Evasion & Loisirs et de la SA Gymnasium Franchise, Maître [K] [U] étant désigné en qualité d'administrateur judiciaire, et Maître [R] [F] en qualité de représentant des créanciers. Cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 28 mars 1995, Maître [R] [F] étant désignée en qualité de mandataire liquidateur.

Par jugements des 21 février, 14 mars et 11 avril 1995, le tribunal de commerce de Brest a ouvert les procédures de liquidation judiciaire de la SARL Gymnasium Magazine, de la SARL SCG, de l'EURL Temax Publicité, et de la SARL Temax Distribution, Maître [F] ayant été désignée en qualité de liquidateur judiciaire desdites sociétés.

Par jugement du 19 décembre 1995, le tribunal de commerce de Brest, après avoir constaté l'existence d'une confusion des patrimoines entre l'EURL Evasion & Loisirs d'une part, et les SA Evasion & Loisirs et Gymnasium Franchise d'autre part, a étendu les procédures de liquidation judiciaire ouvertes à l'encontre de ces dernières sociétés à l'EURL Evasion & Loisirs.

Par jugements des 9 janvier et 6 février 1996, le tribunal de commerce de Brest, sur déclaration de cessation des paiements, a ouvert la procédure de liquidation judiciaire de la SNC Eva [Localité 20] et de la SNC Gym [Localité 20], Maître [F] étant désignée en qualité de mandataire liquidateur de ces sociétés.

Le 28 février 2000, Maître [F] a saisi le tribunal de commerce de Brest aux fins de voir constater l'existence d'une confusion de patrimoine entre les sociétés du groupe Gymnasium, et de voir ordonner la jonction de toutes les procédures de liquidation judiciaire susvisées. Par jugement du 16 janvier 2001, le tribunal de commerce de Brest l'a déboutée de ses demandes. Par arrêt du 4 février 2003, la cour d'appel de Rennes, réformant ce jugement, a dit que les procédures de liquidation judiciaire ouvertes contre l'EURL Evasion & Loisirs, la SA Evasion & Loisirs, la SA Gymnasium Franchise, la SARL Temax Distribution, l'EURL Temax Publicité, la SARL Gymnasium Magazine et la SARL SCG étaient jointes en une seule et même procédure relevant de la compétence du tribunal et qu'il en résultait une unique masse active et passive.

Seules les SNC Eva [Localité 20] et Gym [Localité 20] sont restées soumises à une procédure autonome.

Par arrêt du 4 janvier 2005, la Cour de cassation a déclaré irrecevable, pour défaut de qualité à agir, le pourvoi formé par [Y] [A] à l'encontre de l'arrêt du 4 février 2003 de la cour d'appel de Rennes.

Par actes d'huissier des 31 janvier et 2 février 2006, [Y] [A] et Mme [A] ont fait assigner en responsabilité la SA Crédit Lyonnais, et en responsabilité professionnelle Maître [U] et Maître [F], le premier en tant qu'administrateur judiciaire des sociétés SA Evasion & Loisirs et SA Gymnasium Franchise, la seconde en tant que représentant des créanciers des sociétés SA Evasion & Loisirs, Gymnasium Franchise, SNC Eva [Localité 20] et de M. [A], et de liquidateur judiciaire des sociétés SA Evasion & Loisirs, SA Gymnasium Franchise, EURL Evasion & Loisirs, SARL Gymnasium Magazine, SNC Gym [Localité 20], SNC Eva [Localité 20], SARL SCG, SARL Temax Distribution, SCP EPEC, [Y] [A], devant le tribunal de grande instance de Paris, aux fins de les voir déclarer condamnés à réparer leur préjudice économique et financier évalué à 40 035 785,16 euros et leur préjudice moral à hauteur de 12 195 921,37 euros.

Par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Brest du 7 mars 2006, Maître [P] [Z] a été désigné en qualité de mandataire ad hoc de [Y] [A] avec pour mission d'intervenir et de suivre l'instance introduite par celui-ci devant le tribunal de grande instance de Paris.

M. et Mme [A] ont fait assigner devant ce tribunal, Maître [Z] ès qualités.

Par ordonnance du 5 décembre 2007, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris a renvoyé la cause et les parties devant le tribunal de grande instance de Brest, au regard de l'incompétence territoriale et matérielle soulevée par la SA Crédit Lyonnais. Le dossier a été transmis audit tribunal le 18 janvier 2008.

Par ordonnance du 16 septembre 2008, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Brest s'est dessaisi de la procédure, renvoyant la cause et les parties devant le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc, conformément à l'article 47 du code de procédure civile. Le dossier a été transmis audit tribunal le 17 octobre 2008.

Maître [Z] ès qualités a demandé au tribunal de lui donner acte de ce qu'l faisait siennes les écritures de M. [A], de débouter Maître [F] de son moyen d'irrecevabilité au vu de son intervention, de déclarer la SA Crédit Lyonnais, Maître [U] et Maître [F] entièrement responsables du préjudice subi par M. [A], et en conséquence de les condamner in solidum à payer à ce dernier 40.035.785,16 euros en réparation du préjudice économique et financier, et 12.195.921,37 euros en réparation du préjudice moral.

Maître [U], à qui les époux [A] reprochaient un manquement à sa mission, à son obligation de moyens, en se prévalant de ce qu'il avait refusé toute collaboration en vue de sauver le groupe en dépit du fait qu'il était tenu au respect des obligations incombant au chef d'entreprise ; de ce qu'il n'avait pas concilié le maintien de l'activité en vue du redressement avec une gestion prudente ; de ce qu'il n'avait pas consacré le temps nécessaire à l'administration de l'entreprise ; de ce qu'il avait refusé d'accomplir les diligences pour redresser le groupe en n'étudiant pas réellement les offres de reprise du fonds de commerce et en ne se déplaçant pas dans l'entreprise ; de ce qu'il n'avait pas adressé de mises en demeure aux franchisés redevables de royalties, ni une première demande le jour du dépit de son rapport pour insuffisance de trésorerie le 22 février 1995, soit 6 jours avant la fin de la période d'observation, de ce qu'il avait refusé de poursuivre les actions judiciaires contre les fournisseurs de la holding Evasion & Loisirs, notamment contre Erfis ; de ce qu'il n'était pas intervenu correctement auprès des services bancaires et n'avait pas obtenu les mêmes chiffres qu'eux sur le montant de la trésorerie, du fonds de roulement ; de ce qu'il n'avait pas établi un réel bilan économique et social ; de ce qu'il avait voulu faire prononcer la liquidation du groupe avant même que le redressement ne soit prononcé, a sollicité du tribunal qu'il dise irrecevable et en tout état de cause prescrite, l'action des époux [A], qu'il les dise irrecevables en leurs demandes, fins et conclusions : à titre plus subsidiaire, qu'il les dise mal fondés, qu'il les condamne à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Maître [F] a demandé au tribunal de dire irrecevables les demandes formées par les époux [A] et Maître [Z] en qualité de mandataire ad hoc de M. [A] ; subsidiairement, de les dire mal fondées, de les débouter de leurs demandes, fins et conclusions, de la recevoir en sa demande reconventionnelle et de condamner les époux [A] à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et en réparation de son préjudice moral et professionnel.

La SA Crédit Lyonnais a demandé au tribunal de déclarer irrecevables les demandes de M. et Mme [A] et Maître [Z] ès qualités ou de les en débouter.

Par jugement du 16 mai 2011, le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc, a :

- dit que les demandes de M. et Mme [A] sont recevables,

- déclaré l'action diligentée par M. et Mme [A], et Maître [Z] en qualité de mandataire ad hoc de M. [A], à l'encontre de Maître [U] prescrite,

- déclaré l'action diligentée par M. et Mme [A], et Maître [Z] en qualité de mandataire ad hoc de M. [A], à l'encontre de la SA Crédit Lyonnais prescrite,

- débouté M. et Mme [A], ainsi que Maître [Z] en qualité de mandataire ad hoc de M. [A], de leurs demandes formées à l'encontre de Maître [F] et de leurs autres demandes,

- débouté Maître [U] et Maître [F] de leurs demande de dommages-intérêts,

- condamné M. et Mme [A] et Maître [Z] en qualité de mandataire ad hoc de M. [A], aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Raoul Graic et de la SCP Richefou Baousson,

- condamné M. et Mme [A] et Maître [Z] en qualité de mandataire ad hoc de M. [A] à payer à Maître [U], Maître [F] et la SA Crédit Lyonnais la somme de 2.000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 25 juillet 2011, M. et Mme [A] et de Maître [Z] en qualité de mandataire ad hoc de M. [A] ont relevé appel de ce jugement.

L'affaire a fait l'objet d'un réenrolement à la demande des appelants le 6 janvier 2015.

Par acte d'huissier du 16 septembre 2015, les appelants ont fait assigner en intervention forcée la société (SELARL) EP & Associés, nouvellement créée entre Maître [F] et Maître [O]. Le conseil de Maître [F] s'est constitué pour la SELARL EP & Associés.

Par arrêt du 3 octobre 2017, la cour d'appel de Rennes a rejeté la demande d'annulation du jugement entrepris formée par les appelants, a rejeté la demande de Maître [F] relative au rejet des 871 pièces communiquées par les appelants ainsi que celle tendant à constater que le mandat ad'hoc de Maître [Z] a pris fin le 26 mai 2011, a déclaré irrecevables les demandes de appelants formées à l'encontre de la SELARL EP & Associés, a confirmé en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de Saint-Brieuc le 16 mai 2011, y ajoutant, a dit n'y avoir lieu à expertise, a condamné les appelants à payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à la SELARL EP & Associés la somme de 2 500 euros, au Crédit Lyonnais, la somme de 3 500 euros, à Maître [F] la somme de 5 000 euros, a condamné les appelants aux dépens d'appel recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Par arrêt du 9 juillet 2019, sur le pourvoi formé par M. et Mme [A], ainsi que par Maître [Z] en qualité de mandataire ad hoc de M. [A], et sur le pourvoi incident éventuel de Maître [F] ès qualités, la chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il dit que les demandes de M. [A] et Mme [G] épouse [A] sont recevables, déclare prescrite l'action diligentée par M. [A] et Mme [G] épouse [A] et Maître [Z] en sa qualité de mandataire ad hoc de M. [A] contre la société Le Crédit Lyonnais, rejette les demandes de M. [A] et Mme [G] épouse [A] et Maître [Z] en sa qualité de mandataire ad hoc de M. [A], formées contre Maître [F], et ce qu'il statue sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 3 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; a remis, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel d'Angers.

La Cour de cassation a donné acte aux demandeurs au pourvoi de ce qu'ils se désistaient de leur pourvoi dirigé contre la société EP & Associés.

Sur le premier moyen du pourvoi principal portant sur la prescription de l'action à l'égard du Crédit Lyonnais, pris en ses première, deuxième et troisième branches, elle a retenu qu''après avoir relevé que M. et Mme [A], agissant en tant que dirigeants et associés des sociétés du groupe mises en liquidation judiciaire, imputaient à faute au Crédit Lyonnais une rupture abusive des concours accordés à ces sociétés ayant entraîné les ouvertures en chaîne de leurs procédures collectives, et que les préjudices économiques, financiers et moraux, dont ils demandaient réparation, résidaient dans les pertes résultant de la valeur du groupe dont ils détenaient presque 100% du capital et découlant de la disparition des holdings, et dans les pertes de revenus dont ils auraient pu bénéficier si les responsables, dont la banque, avaient agi avec professionnalisme et diligences, et fait ainsi ressortir que le dommage invoqué par M. et Mme [A] s'était réalisé dès la rupture des concours bancaires', l'arrêt attaqué retenait que 'le point de départ du délai de prescription de l'action est constitué par la date de la dénonciation du découvert, soit le 6 avril 1994, et en déduit que l'action engagée en 2006, soit plus de dix ans après cette date, est prescrite en application de l'article L. 110-4 du code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause', de sorte que la cour d'appel avait légalement justifié sa décision.

La Cour de cassation a dit sur les deuxième moyen, portant sur l'absence de conservation des documents comptables, troisième moyen, portant sur le défaut de poursuite ou d'engagement des actions judiciaires, quatrième moyen, portant sur l'absence de valorisation et la minimisation des actifs, celui-ci pris en sa seconde branche portant sur la sous-valorisation de la société Corps à Coeur, la contestation des conclusions du rapport Cannac, cinquième moyen, portant sur l'aggravation du passif, sixième moyen, portant sur l'exclusion de M. [A] des actions entreprises et septième moyen, portant sur le défaut d'information des juges, du pourvoi principal, qu'il n'y avait pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais, sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche, du pourvoi principal par lequel les demandeurs au pourvoi invoquaient le fait que 'la prescription d'une action en responsabilité extra-contractuelle court à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation' et que 'le préjudice subi par les dirigeants d'une société mise en liquidation judiciaire et dont l'engagement de caution est mis en oeuvre à la suite d'une dénonciation fautive des concours bancaires ne se révèle qu'à la date où la caution est assignée en paiement ou, à tout le moins, à la date où elle est mise en demeure de payer, la Cour de cassation a jugé, qu'en retenant, pour déclarer prescrite l'action en responsabilité engagée, les 31 janvier et 2 février 2006, contre le Crédit Lyonnais par M. et Mme [A], tendant à obtenir réparation du préjudice qu'ils estiment avoir subi en leurs qualités de cautions des engagements des sociétés du groupe Gymnasium, 'que la date de la dénonciation du découvert bancaire intervenue le 6 avril 1994 constitue le point de départ du délai de prescription de dix ans', alors que le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité exercée par la caution contre la banque est fixé au jour où la caution a su, par la mise en demeure qui lui étaient adressée, que les obligations résultant de son engagement allaient être mises à exécution du fait de la défaillance du débiteur principal, la cour d'appel avait violé l'article L. 110-4 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008.

De plus, sur le quatrième moyen portant sur l'absence de valorisation et la minimisation des actifs, pris en sa première branche du pourvoi principal, la Cour de cassation a jugé qu'en constatant, pour rejeter les demandes de M. et Mme [A] et de M. [Z] ès qualités, dirigées contre Mme [F] au titre de l'absence de valorisation des actifs, 'qu'à la suite de la réclamation de la ville de [Localité 24] portant sur l'absence d'entretien de l'immeuble situé [Adresse 15], Mme [F] a été autorisée par le juge-commissaire, le 9 juin 2008, à procéder au nettoyage et au remplacement des vitres brisées, et en relevant qu'il n'est pas démontré que ces travaux n'ont pas été effectués, en relevant encore qu'un dégât des eaux est survenu courant décembre 2000 dans l'immeuble situé [Adresse 6], que Mme [F], prévenue par Mme [A], a déclaré le sinistre à l'assureur puis a obtenu qu'une expertise judiciaire soit ordonnée par le juge des référés le 27 juillet 2004, afin de déterminer l'origine des désordres des locaux situés [Adresse 15] et [Adresse 6], et qu'il résulte du rapport d'expertise judiciaire du 8 avril 2005 que les désordres ne provenaient pas des inondations survenues en décembre 2000 mais de défauts affectant des éléments d'équipement et de structure de l'immeuble et étaient susceptibles d'engager la responsabilité du propriétaire du lot n°1 au rez-de-chaussée et de la copropriété' ; puis en retenant 'qu'aucune pièce ne permettant de connaître l'issue de cette procédure après le dépôt du rapport d'expertise, la preuve n'est pas rapportée que Mme [F] n'a pas procédé à la conservation de ces actifs', alors qu'il incombait à Mme [F], qui en sa qualité de liquidateur avait seule qualité à agir contre les éventuels responsables des dommages en engageant une instance dont les chances sérieuses de succès étaient démontrées par M. et Mme [A], de s'expliquer sur les suites qu'elles avaient réservées au rapport d'expertise ou sur les raisons de son inaction, la cour d'appel avait violé l'article 1382, devenu 1240, et l'article 1315, devenu 1353, du code civil.

Enfin, sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa première branche par laquelle Mme [F] faisait valoir que le créancier d'une société en liquidation judiciaire n'est recevable à agir individuellement pour la réparation de son préjudice que s'il est distinct de celui des autres créanciers, la Cour de cassation a jugé qu'en retenant, pour déclarer recevable l'action en responsabilité dirigée par M. et Mme [A] contre Mme [F], 'que cette action ne relève pas de l'exclusivité donnée au liquidateur pour agir au nom de l'intérêt collectif des créanciers, sauf à exonérer par principe le liquidateur fautif de toute responsabilité', ce sans distinguer, pour chacun des époux, selon que l'action tendait à réparer une fraction du préjudice subi par la collectivité des créanciers et à reconstituer leur gage commun, une action individuelle étant dans ce cas irrecevable, ou à indemniser un préjudice personnel, une action individuelle étant alors recevable, la cour d'appel avait privé sa décision de base légale, au vu des articles L. 622-20 et L. 641-4 du code de commerce.

Par déclaration du 6 novembre 2019, [Y] [A] et Mme [R] [G] épouse [A] ont saisi la cour d'appel d'Angers, sur renvoi de l'arrêt du 9 juillet 2019 de la chambre commerciale de la Cour de cassation, contre la SA Crédit Lyonnais, Mme [R] [F], prise tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant des créanciers de la société Evasion & Loisirs et de la société Gymnasium Franchise, la SELARL EP & Associés, M. [P] [Z] pris en sa qualité de mandataire ad hoc de [Y] [A].

Le 13 janvier 2021, la cour a été informée du décès de [Y] [A], survenu le [Date décès 16] 2020.

Mme [R] [A] a signifié des conclusions de demande de reprise d'instance et d'appelante le 4 février 2021.

Par ordonnance du 12 mai 2021, le président de la chambre A-commerciale de la cour d'appel d'Angers a constaté l'interruption de l'instance à compter du 13 janvier 2021, renvoyant l'affaire à la conférence président du 2 juin 2021.

Selon avis du 17 novembre 2021, le président de la chambre A-commerciale de la cour d'appel d'Angers a enjoint au conseil de l'appelant de régulariser la procédure au plus tard pour le 9 février 2022, soit par la mise en cause des héritiers de feu M. [Y] [A], soit par la production de la renonciation de ces derniers à la succession.

La chambre commerciale de la Cour de cassation a été saisie d'une requête en interprétation de l'arrêt du 9 juillet 2019 par Maître [F], par laquelle elle lui demandait de préciser la portée de la cassation prononcée en indiquant que l'arrêt n'est cassé en ce qu'il avait rejeté les demandes de M. [A] et de Mme [A], et de M. [Z], en sa qualité de mandataire ad hoc de M. [A], formées contre elle, qu'uniquement au titre de l'absence de valorisation des actifs.

Par arrêt du 17 novembre 2021, la chambre commerciale après avoir relevé qu'au soutien de leur action en responsabilité dirigée contre Mme [F], les époux [A] et M. [Z], ès qualités, invoquaient plusieurs fautes, que la cour d'appel a rejeté l'ensemble de leurs demandes aux termes d'un chef de dispositif unique, que dans le cadre de leur pourvoi, les époux [A] et M. [Z], ès qualités, ont soutenu des moyens de cassation se rapportant à chacune des fautes, prises isolément, qu'ils avaient imputées à Mme [F], que l'arrêt de cassation censure clairement les seuls motifs de l'arrêt attaqué par lesquels la cour d'appel a rejeté les demandes au titre de l'absence de valorisation des actifs, après avoir rejeté par une décision non spécialement motivée les moyens qui critiquaient les motifs relatifs aux autres fautes, a rejeté la requête aux motifs que 'la portée de la cassation du chef de dispositif unique de rejet des demandes de l'arrêt attaqué, analysée au regard des seuls motifs censurés, ne présentant en conséquence aucune ambiguïté, il n'y a pas lieu à interprétation.'

[R] [F] est décédée le [Date décès 5] 2022.

Le 8 février 2022, le conseil de l'appelant a communiqué à la cour, l'acte de notoriété établi à la requête de Mme [R] [G] veuve [A], M. [D] [A] et Mme [S] [A] épouse [J], dont il ressort que Mme [R] [G] veuve [A] a seule qualité d'ayant droit de [Y] [A] à la suite des renonciations des enfants du défunt à la succession.

Le 8 juin 2022, Mme [A] a signifié des conclusions de reprise d'instance.

Le 30 janvier 2023, le conseil de [R] [F] a communiqué à la cour l'acte de notoriété établi à la requête de M. [H] [L], conjoint survivant, dont il ressort que ce dernier a seul qualité d'ayant droit de [R] [F].

Selon acte de commissaire de justice du 24 mars 2023, Mme [A] en son nom propre et en sa qualité d'ayant droit de [Y] [A] a fait assigner M. [H] [L] en intervention forcée devant la cour d'appel d'Angers, conformément à l'article 555 du code de procédure civile.

Bien que s'étant vu signifier la déclaration de saisine et les conclusions des demandeurs au renvoi par actes d'huissier du 21 janvier 2020 et du 13 janvier 2021, Maître [P] [Z] en qualité de mandataire ad hoc de M. [Y] [A] n'a pas constitué avocat.

La société (SELAS) MJS Partners, prise en la personne de Maître [P] [Z], en qualité de mandataire ad hoc de M. [Y] [A] est intervenue volontairement à la procédure par conclusions remises au greffe le 28 septembre 2023.

Mme [A] en son nom propre et en sa qualité d'ayant droit de [Y] [A], demanderesse au renvoi, et la SELAS MJS Partners prise en prise en la personne de Maître [P] [Z] en qualité de mandataire ad hoc de M. [Y] [A], intervenante volontaire, la SA Crédit Lyonnais, M. [H] [L] venant aux droits de Mme [R] [F] et la SELARL EP & Associés, ont conclu.

Une ordonnance du 2 octobre 2023 a clôturé l'instruction de l'affaire.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Mme [A] en son nom propre et en sa qualité d'ayant droit de [Y] [A], demanderesse au renvoi, et la SELAS MJS Partners prise en prise en la personne de Maître [P] [Z] en qualité de mandataire ad hoc de M. [Y] [A], demandent à la cour de :

- déclarer Mme [A], tant à titre personnel que venant aux droits de M. [A], recevable en sa demande de reprise d'instance et en son appel,

- déclarer recevable la SELAS MJS Partners, prise en la personne de Maître [Z], en sa présente intervention volontaire,

- par conséquent, confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a déclaré M. et Mme [A] recevables en leurs actions et demandes,

- infirmer le jugement de première instance en ce que ce dernier a déclaré prescrite l'action de M. et Mme [A] contre le Crédit Lyonnais,

- en conséquence, déclarer non prescrite l'action de Mme [A], tant à titre personnel que venant aux droits de M. [A], contre le Crédit Lyonnais et déclarer recevable cette action,

en conséquence, infirmant en cela le jugement de première instance,

- condamner solidairement et à tout le moins in solidum le Crédit Lyonnais et M. [H] [L], venant aux droits de Maître [R] [F], à payer à Mme [A] en réparation de ses préjudices les sommes suivantes :

* 68.373.665 euros en réparation du préjudice économique et financer subi soit 17.502.609,93 euros (préjudice personnel) + 50.871.055,07 euros (préjudice groupe),

* 12.195.921,37 euros (préjudice personnel) en réparation du préjudice moral,

- au cas où, par impossible, l'action contre le Crédit Lyonnais serait à nouveau jugée prescrite, la demande de condamnation in solidum jugée irrecevable, ou les conditions de la responsabilité in solidum considérées comme non satisfaites, condamner M. [H] [L], venant aux droits de Maître [F], à payer à Mme [A] en réparation de son préjudice les sommes suivantes :

* 68.373.665 euros en réparation du préjudice économique et financer subi soit 17.502.609,93 euros (préjudice personnel) + 50.871.055,07 euros (préjudice groupe),

* 12.195.921,37 euros (préjudice personnel) en réparation du préjudice moral ;

- à titre subsidiaire, condamner :

o) le Crédit Lyonnais à verser à Mme [A], au titre de la réparation du préjudice résultant de la perte, par les époux [A], de la chance d'éviter l'ouverture des procédures collectives à l'encontre de M. [A] et des différentes sociétés du groupe, à hauteur de 44.351.787,37 euros (préjudice groupe) + 11.686.036,82 euros (préjudice personne) outre 6.097.960,68 euros (préjudice personnel) au titre de la moitié du préjudice moral,

o) M. [H] [L], venant aux droits de Maître [F], à verser à Mme [A], au titre de la réparation du préjudice résultant de la perte, par les époux [A], d'une chance d'éviter une clôture pour insuffisance d'actif et d'aboutir à une clôture pour extinction du passif, à hauteur de 5.816.573,11 euros (préjudice personne) outre 6.097.960,68 euros (préjudice personnel) au titre de la moitié du préjudice moral + 6.519.267,70 euros (préjudice groupe),

- déclarer opposable l'arrêt à intervenir au Crédit Lyonnais et à M. [H] [L], venant aux droits de Maître [R] [F], prise en sa double qualité de représentant des créanciers et de liquidateur judiciaire,

- condamner le Crédit Lyonnais et M. [H] [L], venant aux droits de Maître [R] [F], à payer, chacun, à Mme [A] la somme de 30.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement et à tout le moins in solidum le Crédit Lyonnais et M. [H] [L], venant aux droits de Maître [R] [F], aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera directement poursuivi par Maître Sophie Huchon, avocat à la cour d'appel d'Angers, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- à titre subsidiaire, condamner M. [H] [L], venant aux droits de Maître [R] [F] aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera directement poursuivi par Maître Sophie Huchon, avocat à la cour d'appel d'Angers, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- déclarer irrecevable ou à tout le moins mal fondées les demandes formulées par le Crédit Lyonnais, EP & Associés et M. [H] [L], venant aux droits de Maître [F] et, par conséquent, les débouter de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner la SELARL EP & Associés solidairement avec M. [H] [L], venant aux droits de Maître [R] [F], du chef de l'ensemble des condamnations mises à la charge de cette dernière à l'égard de Mme [A].

La SA Crédit Lyonnais prie la cour de :

- débouter Mme [R] [A] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc en ce qu'il a déclaré l'action de Mme [A] et [Y] [A] prescrite,

- condamner Mme [R] [A] à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [R] [A] à Maître Sophie Dufourgburg, avocat au barreau d'Angers, les entiers dépens qu'elle pourra recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

M. [H] [L] venant aux droits de Mme [R] [F] demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu le 16 mai 2011 par le tribunal de grande instance de Saint-Brieux en ce qu'il a dit les demandes de [Y] [A] et de Mme [R] [A] recevables,

- dire et juger irrecevable l'action de Mme [R] [A] prise tant en son nom propre qu'en sa qualité d'ayant droit de [Y] [A],

à titre subsidiaire,

- constater que la Cour de cassation a jugé que le deuxième moyen, le troisième moyen, le cinquième moyen, le sixième moyen et le septième moyen du pourvoi principal n'étaient pas manifestement de nature à entraîner la cassation et dit qu'il n'y avait lieu à statuer par une décision spécialement motivée de ce chef,

- constater que de ces mêmes chefs, les dispositions de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Poitiers le 3 octobre 2017 sont devenues définitives,

en tout état de cause,

- dire et juger que l'appelante ne rapporte pas la preuve à l'encontre de feue Maître [F] de la réalité d'un préjudice en lien de causalité avec une faute fermement contestée,

- la débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- le recevoir en sa demande reconventionnelle,

- condamner Mme [A] à lui payer une somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et professionnel,

- la condamner à payer une indemnité d'un montant de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La SELARL EP & Associés sollicite de la cour qu'elle :

- dise irrecevable toute demande formée à son encontre par Mme [R] [A] née [G] prise tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayant droit de feu [Y] [A] en état de liquidation judiciaire à raison :

* de l'autorité de la chose jugée,

* du défaut de qualité à agir,

* du défaut d'intérêt à agir,

* du défaut de qualité à défendre du concluant,

à titre subsidiaire,

vu les articles 547 et 555 du code de procédure civile,

- dise irrecevable la demande de condamnation solidaire d'elle-même avec M. [H] [L],

à titre encore plus subsidiaire,

- dise Mme [A] prise tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayant droit de feu [Y] [A] mal fondée en ses demandes,

- la débouter de l'ensemble de ses fins et conclusions,

- la condamner à payer une indemnité d'un montant de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de maître Boisnard, avocat aux offres de droit.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :

- le 28 septembre 2023 pour Mme [R] [A] en son nom propre et en sa qualité d'ayant droit de [Y] [A], demanderesse au renvoi, et la SELAS MJS Partners prise en la personne de Maître [P] [Z] en qualité de mandataire ad hoc de M. [Y] [A], intervenante volontaire,

- le 31 août 2023 pour la SA Crédit Lyonnais,

- le 28 septembre 2023 pour M. [H] [L] venant aux droits de [R] [F], assigné en intervention forcée,

- le 28 septembre 2023 pour la SELARL EP & Associés.

MOTIFS DE LA DECISION:

Sur l'irrégularité de la déclaration de saisine de la cour de renvoi faite au nom de [Y] [A] :

[Y] [A], placé en liquidation judiciaire par arrêt de la cour d'appel de Rennes du 22 novembre 1995, était dessaisi de l'administration et de la disposition de ses biens en application de l'article 152 de la loi du 10 juin 1994, devenu l'article L. 641-9 du code de commerce, de sorte qu'il ne pouvait exercer des actions en justice relativement à son patrimoine. Ce dessaisissement au profit du liquidateur judiciaire ne s'étend toutefois pas à l'action en réparation d'un préjudice moral qui est purement personnel.

La représentation du débiteur en liquidation judiciaire par le liquidateur, pour tous les droits et actions concernant son patrimoine, est une règle d'ordre public.

Il en résulte que [Y] [A] ne pouvait exercer une action en responsabilité de nature patrimoniale y compris contre le liquidateur judiciaire, seul un mandataire ad hoc pouvant agir en son nom dans ce cas.

En vertu de cette règle, la SA Crédit Lyonnais, la SELARL EP & Associés et M. [L] soulèvent l'irrecevabilité de Mme [A] en sa qualité d'ayant droit de [Y] [A] à exercer l'action de celui-ci en constatant qu'il a régularisé la déclaration de saisine de la juridiction de renvoi ainsi que des conclusions de demandeur à la reprise d'instance en dépit de son défaut de qualité à agir.

La déclaration de saisine au greffe de la cour d'appel qui, selon l'article 1032 du code de procédure civile, est l'acte qui saisit la juridiction de renvoi, a été faite par les deux époux [A] et non pas par la SELAS MJS Partners, prise en la personne de Maître [P] [Z] désigné en qualité de mandataire ad hoc de [Y] [A] pour exercer l'action en responsabilité dont la cour est saisie et qui, seul, peut valablement agir au nom de [Y] [A].

Le déclaration de saisine est donc irrégulière, ayant été établie par une personne dépourvue de qualité à agir, ce qui constitue une fin de non-recevoir.

L'irrégularité d'une procédure engagée par une personne placée en liquidation judiciaire peut néanmoins être couverte, conformément aux dispositions de l'article 126 du code de procédure civile, par l'intervention du liquidateur ou, dans le cas présent, par le mandataire ad'hoc désigné à cet effet, dans le délai imparti qui, est, en vertu de l'article 1034 du code de procédure civile, de deux mois à compter de la notification de l'arrêt faite à la partie, à moins que la juridiction de renvoi n'ait été saisie sans notification préalable.

Dans le cas présent, dès lors qu'il n'est invoqué aucune notification de l'arrêt, la régularisation n'est enfermée dans aucun délai.

La SELAS MJS Partners prise en prise en la personne de Maître [P] [Z], désigné en qualité de mandataire ad hoc de [Y] [A], est intervenue volontairement en s'associant à Mme [A] par de conclusions communes remises au greffe le 28 septembre 2023. Cela vaut reprise en son nom des prétentions de Mme [A] en sa qualité d'ayant-droit de [Y] [A].

Sur la recevabilité de l'action de Mme [A] exercée en sa qualité d'ayant-droit de [Y] [A]

Mme [A] justifie, par un acte de notoriété établi le 9 avril 2021, avoir accepté la succession de son défunt mari et être seule ayant-droit de celui-ci à la suite de la renonciation des enfants à la succession.

M. [L] soulève le défaut de qualité de Mme [A] pour demander l'indemnisation des préjudices subis par son défunt mari dessaisi de ses droits, en faisant valoir qu'elle ne peut avoir, en tant qu'héritière, plus de droits que lui.

Mais l'intervention à l'instance du mandataire ad'hoc clôt toute discussion sur le sujet.

Il résulte de ce qui précède que Mme [A] est recevable à agir en réparation tant de ses propres préjudices qu'en sa qualité de seule héritière de son défunt mari ensuite de la renonciation à succession de leurs deux enfants, des préjudices pouvant avoir été subis par [Y] [A] dès lors que ces demandes sont formées conjointement avec le mandataire ad'hoc, sous réserve de ce qui sera dit ci-après.

Sur l'irrecevabilité de l'action dirigée contre la SELARL EP & Associés

Outre l'irrecevabilité de l'action engagée contre elle pour défaut de qualité à défendre dès lors que les fautes reprochées à Maître [F] auraient été commises avant son intégration dans la société, la SELARL EP & Associés soulève, à juste titre, l'irrecevabilité des demandes formées contre elle en raison de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers qui a déclaré irrecevable l'action formée à son encontre, disposition définitive à la suite du désistement du pourvoi contre elle.

Sur l'action en responsabilité formée contre la SA Crédit Lyonnais

Mme [A] expose que le schéma du groupe Gymnasium a été adopté à la demande de la SA Crédit Lyonnais qui souhaitait que la marque reste propriété de l'EURL Evasion & Loisirs mais que le réseau soit exploité par une structure juridique distincte ; que dans un contexte de confiance réciproque, la SA Crédit Lyonnais a obligé le groupe Gymnasium à mettre en place un équipement informatique commun permettant à la banque d'avoir un meilleur suivi du circuit financier et économique du groupe ; qu'à cette fin, suivant contrat signé le 16 mars 1993, la société Evasion & Loisirs holding et cinq franchisés ont confié à la société Erfis, faisant partie du même groupe que la SA Crédit Lyonnais, l'élaboration et la mise en place pour l'ensemble des adhérents d'un système informatique et de cartes à puce commun permettant un accès des adhérents dans tous les centres et un meilleur suivi commercial, professionnel, administratif et financier.

Mme [A] prétend que la SA Crédit Lyonnais a créé les conditions financières ayant conduit à la cessation des paiements du groupe Gymnasium en ce que, rapidement, dès mars 1995, la société Erfis s'est révélée incapable de réaliser le système informatique commandé ; que les difficultés de trésorerie ont été rencontrées notamment à cause des investissements faits pour promouvoir la nouvelle carte d'adhérent ; qu'en mars 1994, au vu du constat désastreux de l'opération conseillée par la banque, le groupe Gymnasium a sollicité auprès du Crédit Lyonnais un découvert global de 152 449,02 euros pour régulariser l'ensemble des comptes mais que la SA Crédit Lyonnais a exigé préalablement le règlement amiable des factures de la société Erfis pour 144 093,74 euros, ce que le groupe a refusé ; que la SA Crédit Lyonnais a mis un terme immédiat à ses concours bancaires et a adopté une attitude systématique de blocage (rejet

des prélèvements et chèques sur les différents comptes du groupe) et de discrédit du groupe vis à vis des fournisseurs, occasionnant des craintes chez les franchisés qui ont commencé à refuser de payer leurs redevances ; que le Crédit Lyonnais a exigé une régularisation des découverts et a refusé systématiquement d'escompter les traites remises par les franchisés, mettant le groupe dans l'impossibilité de faire face à ses engagements ; que le groupe Gymnasium a obtenu la mise en oeuvre d'une expertise par ordonnance du 21 septembre 1994 au contradictoire du Crédit Lyonnais et de la société Erfis.

Mme [A] fait valoir qu'en s'immisçant dans les affaires du groupe, la SA Crédit Lyonnais a dépassé les limites de son obligation de conseil et de formation, dans le seul but de protéger ses propres intérêts notamment par le biais de la société Erfis ; qu'au plus fort des difficultés financières du groupe, la SA Crédit Lyonnais a rompu brutalement et sans préavis les concours bancaires nécessaires le 6 avril 1994, en particulier a dénoncé le découvert autorisé après que le groupe Gymnasium a refusé de régler les factures Erfis ; que la SA Crédit Lyonnais a manqué à son obligation de secret professionnel au mépris de l'article L. 511-33 du code monétaire et financier (s'agissant d'informations relatives au fonctionnement des comptes bancaires des sociétés affiliées à la société Gymnasium Franchise, d'informations liées au contenu du bilan ou des mouvements du compte) lors d'une réunion du 5 avril 1994.

La société Crédit lyonnais, qui conteste toute faute de sa part en faisant notamment observer que le montant du crédit prétendument rompu n'est pas même déterminé par Mme [A], ainsi que tout lien de causalité entre les fautes qui lui sont reprochées et les raisons qui ont conduit à la liquidation judiciaire du groupe, renvoyant sur ce point également aux explications de Maître [F] sur les raisons qui l'ont conduite à ne pas engager d'action en responsabilité contre le Crédit lyonnais, soulève avant tout l'irrecevabilité de l'action engagée contre elle.

Sur la prescription et le défaut d'intérêt à agir

Aux termes de l'article L. 110-4 du code de commerce, dans sa rédaction applicable en l'espèce, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.

La prescription d'une action en responsabilité exercée sur le fondement de ce texte court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance.

La SA Crédit Lyonnais fait valoir que Mme [A] est irrecevable à exercer contre elle l'action en responsabilité pour la faute que son mari et elle, en tant que dirigeants et associés des sociétés du groupe mises en liquidation judiciaire, lui imputent, tenant à une rupture abusive des concours accordés

aux sociétés du groupe ayant entraîné l'ouverture en chaîne de leurs procédures collectives, en demandant réparation des préjudices économiques, financiers et moraux consécutifs aux pertes de la valeur du groupe dont ils détenaient presque 100 % du capital, à leurs pertes de revenus et de leurs biens, qui a été définitivement jugée prescrite.

Mme [A] oppose à cette fin de non-recevoir la règle édictée à l'article 624 du code de procédure civile selon laquelle la cassation qui atteint un chef de dispositif n'en laisse rien subsister, quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation. Elle fait valoir que le dommage ne s'est pas réalisé immédiatement, avec la rupture du concours financier, mais par la suite, progressivement, voire en plusieurs fois, en raison de sa complexité et de la multiplicité de ses éléments constitutifs ; qu'il s'est réalisé, à chaque fois pour partie, et donc ainsi révélé, avec la liquidation judiciaire des sociétés du Groupe Gymnasium, la liquidation judiciaire de [Y] [A], la vente des immeubles des époux [A] et la mise en cause des époux [A] en leurs qualités de caution

L'arrêt du 9 juin 2019, s'il casse l'arrêt de la cour d'appel en ce qu'il déclare prescrite l'action diligentée par les époux [A] et Maître [Z] en sa qualité de mandataire ad'hoc de [Y] [A] contre la société Crédit Lyonnais, a néanmoins expressément approuvé la cour d'appel de Poitiers d'avoir jugé prescrite l'action en réparation des préjudices économiques, financiers et moraux tenant dans les pertes résultant de la valeur du groupe, dans les pertes de revenus et de niveau de vie en découlant, qu'ils reprochent à la société Crédit lyonnais de leur avoir causé en tant que dirigeants et associés des sociétés du groupe mises en liquidation judiciaire, en rompant abusivement les concours bancaires accordés aux sociétés du groupe, ce qui aurait entraîné les ouvertures en chaîne de leurs procédures collectives. Sur ce point, la Cour de cassation a jugé qu'en faisant ressortir que le dommage invoqué résultant de la rupture de crédit s'est réalisé dès cette rupture, de sorte que le point de départ du délai de prescription de l'action est constitué par la date de la dénonciation du découvert, soit le 6 avril 1994, pour en déduire que l'action engagée en 2006, soit plus de dix ans après cette date, est prescrite en application de l'article L. 110-4 du code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause, la cour d'appel avait légalement justifié sa décision.

Il s'ensuit que Mme [A] est irrecevable à venir soutenir le contraire.

Mme [A] reproche à la société Crédit lyonnais de s'être immiscée dans les affaires du groupe Gymnasium en ayant influencé son choix dans sa gestion administrative et technique, en lui ayant imposé la société Erfis comme fournisseur d'un système informatique, ce qui se serait avéré désastreux pour le groupe dès lors que ce fournisseur a été dans l'incapacité de mener à bien la conception et la mise en oeuvre des équipements devant permettre un contrôle du franchiseur sur les recettes encaissées. Elle reproche également à la banque d'avoir fait pression sur le groupe Gymnasium pour qu'il paie les factures de la société Erfis qu'il s'est refusé à acquitter en raison de l'inexécution des prestations attendues et d'avoir, à ce titre, manqué à son obligation d'information et de conseil.

Il s'en serait suivi un dommage consistant en la paralysie du fonctionnement de la franchise Gymnasium dans la mesure où, par la défaillance du système élaboré par la société Erfis, les redevances des franchisés n'auraient pu être payées en prélèvement direct.

Les dirigeants et associés du groupe Gymnasium ont eu connaissance de ce dommage au plus tard le 28 juillet 1995, date à laquelle la SNC Gym [Localité 20] a été informée par un avocat (pièce n°8) que l'expert avait déposé son rapport dans la procédure l'opposant à la société Erfis, concluant à une mauvaise exécution de la prestation de celle-ci, mais qu'il était impossible de recouvrer une quelconque somme à titre de dommages et intérêts dans la mesure où la société Erfis était en liquidation judiciaire, que la seule possibilité était d'essayer d'impliquer le Crédit Lyonnais dans la liquidation judiciaire de la société Erfis, et qu'il résulte des propres écritures de Mme [A] que dès le 20 décembre 1993 le dirigeant du groupe Gymnasium s'est rendu compte de la défaillance du système étant observé que la prétendue rupture des concours bancaires qui aurait majoré le dommage, serait, selon les déclarations de Mme [A], intervenue le 6 avril 1994.

Ainsi, le dommage résultant d'un défaut de conseil, d'une prétendue immixtion fautive de la banque comme celui résultant d'une violation du secret professionnel lors d'une réunion qui s'est tenue le 5 avril 1994 entre le Crédit lyonnais et Erfis, dont il n'est pas prétendu qu'il serait distinct de celui causé par la prétendue immixtion, s'est révélé aux dirigeants et associés du groupe Gymnasium plus de dix ans avant l'introduction de l'instance contre le Crédit Lyonnais.

Le placement en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire n'est pas une cause de suspension de la prescription. L'action de [Y] [A] pouvait être engagée par le liquidateur judiciaire. L'intéressé n'était donc pas empêché d'agir en justice et pouvait demander la désignation d'un mandataire ad'hoc pour ce faire.

En conséquence, la prescription de l'action fait obstacle à la demande d'indemnisation de tous les dommages imputés à la banque ayant entraîné des préjudices causés aux sociétés et, par ricochet, à son dirigeant et à ses associés, y compris leurs préjudices moraux, résultant du placement en liquidation judiciaire du groupe Gymnasium.

Reste à se prononcer sur la recevabilité de l'action engagée contre la société Crédit lyonnais en réparation des préjudices que Mme [A] estime avoir subis avec son mari en leurs qualités de cautions des engagements des sociétés du groupe Gymnasium, à raison des fautes reprochées à la banque.

La SA Crédit lyonnais soulève, d'une part, la prescription de cette action en responsabilité engagée contre elle, les 31 janvier et 2 février 2006, par les époux [A], en faisant valoir que c'est à Mme [A] de rapporter la preuve de la date de la première mise en demeure d'avoir à exécuter leurs engagements de caution, point de départ du délai de prescription.

Elle soulève, d'autre part, l'absence d'intérêt à agir de Mme [A] à défaut de prouver avoir souscrit un acte de cautionnement, avoir été poursuivie en qualité de caution par des mises en demeure puis par une décision définitive et avoir procédé à un paiement en exécution d'un cautionnement.

Contrairement à ce que laisse entendre la société Crédit lyonnais, les préjudices dont peut se prévaloir Mme [A] à cet égard ne sont pas limités aux seuls engagements de caution pris à son profit. Comme cela sera exposé plus amplement ci-après, Mme [A] est recevable à agir en indemnisation des préjudices qu'elle-même ou son défunt mari ont subi dans le cas où ils auraient été personnellement poursuivis en exécution de leurs engagements de cautions du fait du placement en liquidation judiciaire du débiteur principal ou, à tout le moins, pour avoir perdu une chance de ne pas être poursuivis en paiement, s'agissant de préjudices qui sont distincts de ceux subis collectivement par les créanciers. Il s'agit alors de rechercher si la société Crédit lyonnais a commis une faute ayant conduit à la défaillance du débiteur principal et si cette défaillance a entraîné la mise en jeu des engagements de caution des époux [A] et leur aurait ainsi causé un préjudice pécuniaire ou moral tenant à ce qu'ils auraient été personnellement tenus de garantir le paiement des dettes des sociétés du groupe Gymnasium.

Cette action ne peut donc être engagée que s'il est justifié par Mme [A] non seulement de l'existence d'engagements de caution de sa part ou de celle de son mari, condition de recevabilité de l'action s'agissant de la qualité et de l'intérêt à agir, mais aussi d'avoir, non seulement été, elle ou son mari, actionnés en paiement, mais avoir effectivement payé des sommes, condition du bien fondé de la demande s'agissant de l'existence d'un préjudice.

En outre, le point de départ de l'action en responsabilité dépend de la date à laquelle ils ont été mis en demeure de payer à la place du débiteur principal dans la mesure où, en application de l'article L. 110-4 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 17 juin 2008, le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité exercée par la caution contre la banque est fixé au jour où la caution a su, par la mise en demeure qui lui était adressée, que les obligations résultant de son engagement allaient être mises à exécution du fait de la défaillance du débiteur principal.

Mme [A] évalue le préjudice subi au titre des engagements de caution à un montant de 2 483 707,07 d'euros composé comme suit :

- Crédit Lyonnais (caution actionnée) : 22 985,50 euros (à déduire sommes récupérées sur le débiteur principal : 11 492.75 euros)

- Crédit foncier : 59 869,32 euros

- UCB : 82 325,01 euros

- Slibail : 23 336,93 euros

- SDR : 2 075,30 euros

- Interfimo : 16 505,33 euros

- Crédit universel : 1 367,17 euros

- Delubac : 2 286 735,26 euros.

Elle produit un jugement rendu le 19 mars 1997 par le tribunal de grande instance de Brest sur assignation de la SA Crédit lyonnais du 26 septembre 1996, en exécution de son engagement de caution solidaire des dettes de la société Gym Plus au titre d'un crédit d'équipement d'un montant de 250 000 francs. Ce jugement énonce que Mme [A] a été mise en demeure, le 3 août 1995, d'avoir à honorer son engagement, soit plus de dix ans avant l'introduction de l'action en responsabilité contre le Crédit Lyonnais. De même, il ressort des pièces versées que la société Slibail l'a mise en demeure de payer et tant que caution de la société Evasion et Loisirs une certaine somme, le 20 septembre 1995, comme la société Interfimo l'a fait, le 30 octobre 1995, et la compagnie du Crédit universel, le 16 février 1995 - (pièces n° 535 à 540).

Ces mises en demeure ayant été reçues plus de dix ans avant l'introduction de l'instance, Mme [A] n'est pas recevable à agir en indemnisation des conséquences de la mise en jeu de ces engagements de caution.

En revanche, Mme [A] établit avoir été mise en demeure de payer par le Crédit foncier la somme de 392 717 francs, le 18 mars 1998, et par la société de développement régional de la Bretagne, le 20 mars 1998, d'une autre somme ; elle justifie que la société Delubac a déclaré sa créance, le 4 août 2004, pour un montant de 4 030 301,36 euros au passif de son mari, créance qui a été définitivement admise à hauteur de 2 286 735, 25 euros par un arrêt de la cour d'appel d'Angers du 3 avril 2012 (pièce 627), au titre d'un cautionnement des engagements de la SNC Eva [Localité 20] (pièce 834), étant précisé que Mme [A] indique que la vente de la maison d'habitation leur appartenant a été requise par Maître [F] dans le cadre de la liquidation judiciaire personnelle de son mari, dont l'essentiel du passif résulte de cette créance (pièce 804).

Il n'est justifié d'aucun autre engagement de caution. Il ne résulte pas de la lettre de la société UCB, envoyée à Mme [A] le 21 mai 1996, que la somme de 540 016 francs réclamée l'ait été en sa qualité de caution.

En l'état de ces éléments, l'action est recevable en ce qu'il est demandé à la société Crédit lyonnais l'indemnisation des préjudices découlant de la mise en oeuvre des engagements de caution au profit du Crédit foncier, de la société de développement régional de la Bretagne et de la société Delubac.

Sur le bien fondé de cette demande :

Pour obtenir l'indemnisation de préjudices personnels aux époux [A] au titre de la mise en oeuvre des engagements de caution, Mme [A] doit rapporter non seulement la preuve des fautes reprochées (manquement à une obligation d'information et de conseil, immixtion de la banque et rupture brutale de crédit), de ce que ces fautes ont entraîné les difficultés financières ayant conduit à l'ouverture en chaîne des procédures collectives des sociétés du groupe puis à leur liquidation judiciaire (étant relevé que la société civile EPE est sans lien avec le groupe, et que c'est à cause de la liquidation judiciaire de cette société que la liquidation personnelle de [Y] [A] a été prononcée, de sorte que la société Crédit lyonnais ne peut répondre des conséquences de la liquidation personnelle de [Y] [A] qu'en ce qu'elles seraient la conséquence de la défaillance des sociétés du groupe qu'il a cautionné au profit de créanciers qui ont déclaré leurs créances au passif de sa liquidation) mais aussi, la preuve que le préjudice subi, lequel ne peut consister que dans l'exécution des engagements de caution au titre desquels Mme [A] est recevable à agir en son nom personnel et en sa qualité d'ayant-droit de [Y] [A], est en relation causale avec la ou les fautes et donc que c'est par ces fautes que les époux [A] ont été amenés à payer les dettes des sociétés du groupe au titre de leurs engagements de caution pour lesquels Mme [A] est recevable à demander l'indemnisation de conséquences qu'ont pu avoir leur exécution.

Il n'est justifié par Mme [A] d'aucun paiement au titre de ces engagements de caution en dehors de la créance de la société Delubac admise au passif de [Y] [A] et qui a participé à l'appréhension de leurs biens communs. Il s'en suit que le préjudice indemnisable ne peut être retenu que dans la limite des conséquences dommageables qu'a pu avoir l'exécution en paiement de cette créance.

Il faut donc établir que c'est par la faute du Crédit lyonnais que la SNC Eva [Localité 20], débitrice principale, n'a pas pu payer le crédit-bail souscrit auprès de la société Delubac.

Or, la SNC Eva [Localité 20] est la société qui a pris en crédit-bail les locaux d'un centre gymnasium à [Localité 20], donnés en sous-location à la SNC Gym [Localité 20] qui gérait directement ce centre. Sa procédure de liquidation judiciaire est restée distincte de celle des autres sociétés du groupe Gymnasium. Mme [A] n'explique pas précisément et ne démontre encore moins quelle est l'origine des difficultés financière de cette SNC Eva [Localité 20] et, s'il s'agit de l'incapacité de la SNC Gym [Localité 20] à payer ses loyers, quelles en sont les causes.

En outre, même à supposer que la situation globale des sociétés du groupe ait pu avoir une incidence dans l'incapacité des deux SNC Eva [Localité 20] et SNC Gym [Localité 20] de faire face à leur passif exigible, ce qui n'est pas établi, il n'est pas démontré que le groupe Gymnasium aurait bénéficié de concours bancaires auxquels il aurait été mis brutalement fin par la société Crédit Lyonnais le 6 avril 1994. Dans sa lettre du 6 avril 1994 adressée à la SA Evasion loisirs (pièce 7), la société Crédit lyonnais indique avoir seulement toléré des débits occasionnels et ponctuels sur certaines entités du groupe pour pallier les décalages de trésorerie de quelques jours et la met en demeure de faire fonctionner l'ensemble de ses comptes en lignes créditrices. Il n'est produit aux débats pour la période antérieure au mois de juin 1994 que cinq relevés bancaires des mois de juin 1993 à novembre1993, d'une seule des sociétés, l'EURL Evasion et loisirs, et présentant, sauf le mois d'août, un solde débiteur en fin de mois compris entre 11 550,04 francs et 47 725,66 francs mais qui redevenait périodiquement créditeur en cours de mois. Dans ces circonstances, à défaut de rapporter la preuve de l'existence d'un découvert autorisé même tacite, le fait que la société Crédit lyonnais ait refusé de consentir un découvert global de 152 449 euros pour régulariser l'ensemble des comptes du groupe et refusé d'escompter les traites remises par les franchisés, ne saurait en lui-même, au regard des dispositions de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier, suffire pour caractériser une faute, même si ce refus a pu avoir un lien avec le refus du groupe Gymnasium de payer les factures de la société Erfis, ce qui resterait également à démontrer dans la mesure où lors de la réunion du 5 avril 1994 dont il sera parlé ci-après, le Crédit lyonnais fait état d'agissements de [Y] [A] à caractère pénal.

De même, les affirmations selon lesquelles les problèmes techniques affectant l'équipement informatique devant être mis en place par la société Erfis aient pu être à l'origine de défauts de paiement des franchisés ou même de difficultés de relations avec les franchisés, et plus généralement, que ces difficultés seraient à l'origine des problèmes financiers du groupe alors qu'il est indiqué que le groupe Gymnasium a refusé de payer les factures de la société Erfis dès le 28 octobre 1993, ne sont d'autant moins démontrées que Mme [A] indique que c'est avec le placement de M. [A] en liquidation judiciaire (du fait de la procédure collective de la société EPEC) que les franchisés ont réellement constitué une association dont les membres ont alors bloqué totalement le paiement de leurs redevances.

La cour constate que les pièces visées dans la partie des conclusions des demanderesses au renvoi relative à la responsabilité du Crédit lyonnais ne sont pas de nature à en rapporter la preuve, en particulier, le compte-rendu d'une réunion tenue le 5 avril 1994 entre des représentants de la société Erfis et du Crédit Lyonnais qui fait seulement ressortir les liens étroits entre ces deux sociétés se tenant au courant des difficultés rencontrées par l'une et l'autre avec le groupe Gymnasium et cherchant à anticiper les contentieux, étant relevé, par ailleurs, qu'il n'existe aucun lien entre le dommage qui aurait été causé à l'occasion de cette réunion par la violation du secret bancaire et le préjudice réparable tel qu'il est déterminé dans la présente instance.

Sur l'action en responsabilité du liquidateur judiciaire

Mme [A] qui déclare qu'elle et son mari détenaient presque 100% du groupe Gymnasium et qu'il s'agissait de biens communs, fait valoir que la responsabilité délictuelle de Maître [F] est engagée :

* en ce qu'elle n'a pas conservé et a détruit les archives de la société EPEC dont elle était mandataire liquidateur, alors que la reddition des comptes n'a jamais été prononcée, au mépris de l'article L. 622-31 du code de commerce, ne leur permettant pas de disposer de pièces comptables complètes pour se défendre ;

* en ce qu'elle s'est abstenue de toute diligence pour assurer la conservation des actifs mobiliers ou immobiliers, et déposer plainte suite à des dégradations ;

* en ce qu'elle a minimisé les valeurs confiées, notamment une créance d'une valeur de 9 000 000 de francs (redevances de franchisés) cédée à 100 000 francs, et la valeur des parts sociales de plusieurs sociétés ;

* en ce qu'elle s'est abstenue de rechercher des responsabilités évidentes en particulier celle de la SA Crédit Lyonnais privant le groupe de réelles possibilités financières ;

* en ce qu'elle s'est abstenue de reprendre et de poursuivre les instances introduites par les administrateurs des entreprises mises en liquidation alors qu'elle avait seule la qualité pour agir ;

* en ce qu'elle n'a pas accompli les diligences suffisantes et a fait réaliser des travaux non justifiés (réfection de toiture, travaux électriques...) ;

* en ce qu'elle n'a rien fait pour valoriser les actifs directement exploitables (location de locaux commerciaux, absence de réponse à proposition d'apurement du passif en fonction des parts sociales de M. [A]...) et n'a pas procédé à la conservation d'actifs ;

* en ce qu'elle a aggravé le passif en ne prenant pas en compte certaines déclarations de créances sans déduction d'un dépôt de garantie ; en admettant sans vérifications certaines créances au passif des sociétés du groupe ; en vendant aux enchères publiques des immeubles à un prix dérisoire ;

* en ce qu'elle a fait pression sur M. [A] pour qu'il cède gracieusement la marque Gymnasium à la liquidation de la SA Gymnasium Franchise ;

* en ce qu'elle a mis M. [A] à l'écart en violation des droits de la défense, notamment en décidant seule d'accepter les redressements des services fiscaux, en ne faisant pas déduire des frais de siège, en ne fournissant pas à l'administration fiscale les pièces demandées ; en ce qu'elle n'a pas sollicité l'accord de Mme [A] pour conclure un bail en leur deux noms en faveur d'une société ;

* en ce qu'elle n'a pas engagé plusieurs procédures notamment contre une salariée licenciée pour avoir emporté chez elle des sauvegardes informatiques, ou encore n'a pas fait délivrer de mise en demeure ou de commandement de payer à un repreneur du groupe redevable de loyers envers la SA Evasion & Loisirs ; en ce qu'elle n'a pas averti M. [A] de la décision du conseil de la concurrence du 19 mars 1996 qui pouvait faire l'objet d'un recours ;

* en ce qu'elle n'a informé que partiellement les juges dans diverses procédures comme par exemple au sujet du passif déclaré devant le tribunal de grande instance de Brest.

Mme [A] reproche à Maître [F] d'avoir eu la volonté au travers de l'extension des procédures collectives ouvertes contre les sociétés Evasion & Loisirs et Gymnasium Francise à l'EURL Evasion & Loisirs, de récupérer la marque Gymnasium, propriété de l'EURL sur demande d'une personne mandatée par un concurrent.

Mme [A] impute à faute à Mme [F] le placement en liquidation judiciaire de son mari en faisant valoir qu'en réalité les membres de la société EPEC (société civile particulière et non société civile professionnelle, dans la mesure où le greffe aurait dû corriger une erreur lors de l'immatriculation de ladite société) n'étaient pas tenus indéfiniment et solidairement envers les tiers, ce qui excluait l'application de l'article 178 de la loi du 25 janvier 1985 et que le passif de 23 000 000 euros pris en compte dans l'arrêt du 22 novembre 1995 de la cour d'appel de Rennes (ayant prononcé la liquidation judiciaire notamment de M. [A]) était essentiellement constitué par une créance fiscale déclarée à titre provisionnel et contestée, qui depuis, a été annulée.

Elle prétend que les fautes du liquidateur ont, à tout le moins, fait perdre une chance que la clôture de la liquidation judiciaire ne soit pas prononcée pour insuffisance d'actif mais par extinction de passif.

M. [L] conteste toute faute de Maître [F], tout lien de causalité entre les prétendues fautes et les préjudices allégués en faisant, en particulier, observer que les préjudices sont principalement liés au placement en liquidation judiciaire des sociétés et de [Y] [A], dont le liquidateur n'est pas responsable.

Il fait valoir que la procédure serait prématurée parce que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée et que le passif n'est pas définitivement déterminé.

Sur la portée de la cassation

Mme [A] reprend le moyen selon lequel la cassation qui atteint un chef de dispositif n'en laisse rien subsister, quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation. Elle en déduit que la cour de renvoi est amenée à examiner l'ensemble des faits générateurs de la responsabilité de Maître [F] au titre de l'action faisant l'objet de la présente instance.

M. [L], en sa qualité d'ayant droit de [R] [F] invoque, concernant l'action en responsabilité qui a été engagée contre cette dernière, l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers sauf en ses dispositions qui sont affectées par la cassation qui est limitée au regard des seuls motifs censurés, ainsi que l'a précisé la Cour de cassation dans son arrêt rendu le 17 novembre 2021 sur requête en interprétation.

Toutes les fautes reprochées à Maître [F], en tant que liquidateur judiciaire de toutes les sociétés et de [Y] [A], ont été écartées par les premiers juges et la cour d'appel de Poitiers par un chef du dispositif unique.

La cassation de l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers a été prononcée par censure des motifs qui se rapportent à une seule des fautes invoquées, relative à la dévalorisation de l'immeuble situé [Adresse 15] et de l'immeuble situé [Adresse 6] à [Localité 24]. L'ensemble des griefs faits par le pourvoi se rapportant aux autres fautes reprochées à Maître [F], rejetées par l'arrêt attaqué, a fait l'objet d'un rejet par une décision non spécialement motivée.

Dans son arrêt du 17 novembre 2021 sur requête en interprétation, la Cour de cassation a rappelé que la portée de la cassation du chef du dispositif unique du rejet des demandes de l'arrêt attaqué est à analyser au regard des seuls motifs censurés.

Il en résulte que l'examen de l'action en responsabilité contre [R] [F] ne peut plus porter devant la cour de renvoi que sur le défaut d'entretien et le dégât des eaux survenu courant décembre 2000 dans les immeubles situés [Adresse 15] et [Adresse 6] à [Localité 24].

Sur la qualité à agir au regard de la nature des préjudices

Il résulte des dispositions des articles L. 622-20 et L. 641-4 du code de commerce que seul le représentant des créanciers, dont les attributions sont ensuite dévolues au liquidateur, a qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers en vue de reconstituer le patrimoine social.

Ainsi, en procédure de liquidation judiciaire, le monopole pour agir reconnu au liquidateur judiciaire, défenseur de l'intérêt collectif, fait obstacle à toute action en responsabilité engagée contre un tiers tendant à la réparation d'une fraction du préjudice subi par la collectivité des créanciers et à la reconstitution de leur gage commun. N'y échappent que les actions ayant pour objet la réparation d'un préjudice personnel distinct de celui subi par la collectivité des créanciers.

A ce titre, M. [L] soulève le défaut de qualité à agir de Mme [A] à agir contre lui en indemnisation de ce qui ne serait qu'une fraction d'un préjudice collectif.

Partant de ce qu'il ne peut plus lui être demandé que réparation du préjudice qu'aurait pu causer la faute de Maître [F] qui aurait conduit à une diminution de la valeur des immeubles situés [Adresse 15] et [Adresse 6] à [Localité 24], et qu'un préjudice personnel ne peut résulter que des engagements de caution, il en déduit qu'il faudrait que Mme [A] démontre que l'insuffisance de cet actif aurait été d'un quantum tel que les établissements bancaires auprès desquels elle s'est portée caution auraient pu voir leur créance en tout ou partie réglée dans le cadre de la répartition des actifs si la faute n'avait pas été commise.

Mme [A] fait valoir que la distinction entre le préjudice subi par la collectivité des créanciers et le préjudice distinct, condition de la recevabilité de l'action en responsabilité à l'encontre du liquidateur, n'est opérante que dans l'hypothèse d'une action exercée à l'égard du mandataire judiciaire, pris

en cette qualité, ce qui n'est pas le cas de la présente action dirigée contre Maître [F] en son nom personnel, ce qui exclut toute défense de l'intérêt collectif des créanciers ou recherche de reconstitution du gage commun.

Mais l'irrecevabilité tenant au monopole d'action du liquidateur judiciaire existe même si l'action en responsabilité est dirigée contre le liquidateur pris en son nom personnel dès lors qu'il s'agit d'agir contre un tiers en vue de réparer une fraction du préjudice subi par la collectivité des créanciers et de reconstituer leur gage commun.

II convient donc de distinguer selon que l'action tend à réparer une fraction du préjudice subi par la collectivité des créanciers et à reconstituer leur gage commun, une action individuelle étant dans ce cas irrecevable, ou à indemniser un préjudice personnel, une action individuelle étant alors recevable.

Sur ce point, Mme [A] expose qu'elle sollicite la réparation des préjudices que son mari et elle ont personnellement subis et qui sont distincts de celui des autres créanciers. Elle rappelle que selon la jurisprudence, il en est ainsi pour le dirigeant social dans un certain nombre d'hypothèses, notamment, en cas de perte d'emploi, perte des rémunérations du fait de la procédure collective, du préjudice résultant de la mise en oeuvre des engagements de caution vis-à-vis du débiteur, du préjudice moral. Elle expose qu'indépendamment même de sa qualité de caution, le préjudice qu'elle subit personnellement est incontestable dans la mesure où, mariée sous le régime légal de communauté de biens, elle a constitué et développé avec son mari le groupe Gymnasium. Elle prétend, ainsi, avoir subi un préjudice personnel et distinct tenant à la perte de son salaire et de ses participations dans les différentes sociétés du groupe et à un important préjudice moral. Concernant son défunt mari, elle prétend qu'il a subi des préjudices dans le cadre de la liquidation judiciaire dont il a fait personnellement l'objet, ce qui lui conférerait qualité et intérêt à agir. Elle en déduit que leurs préjudices ne se confondent pas avec celui, collectif, des créanciers et que leur action doit être jugée recevable pour le tout.

Les préjudices subis par des associés d'une société en liquidation tenant à la perte du capital social, à la perte de la valeur de leurs parts sociales et actions ainsi que des fonds de commerce et autres biens possédés par la société sont subis indistinctement et collectivement par tous les créanciers. Une action individuelle en indemnisation engagée par des associés et dirigeant en indemnisation de l'un de ces préjudices est irrecevable.

Le patrimoine que constituait l'ensemble des sociétés en liquidation constitue le gage commun des créanciers même s'il s'agit de biens communs au dirigeant et à son épouse.

En effet, les dettes d'un époux engagent ses biens propres et les biens communs. En conséquence, si cet époux est soumis à une procédure collective, ses créanciers voient non seulement les propres de leur débiteur, mais encore la communauté, composer l'actif sur lequel ils escomptent se payer. Les biens communs sont donc compris dans l'actif du débiteur soumis à la procédure collective.

Par suite, la disparition de ce patrimoine commun est une perte subie par l'ensemble des créanciers. Cela vaut également pour le patrimoine appréhendé par la liquidation personnelle de [Y] [A] et donc pour tous les biens qui le composait, y compris les biens communs.

La demande en indemnisation des associés pour perte de ces biens est donc irrecevable, faute de qualité à agir y compris celle en réparation du préjudice résultant de l'aggravation du passif ou de la diminution de l'actif causé par la faute d'un tiers.

Il s'ensuit que Mme [A] à titre personnel ou en tant qu'ayant-cause de son défunt mari lui-même en liquidation judiciaire n'est pas recevable à demander réparation des préjudices tenant à notamment à :

- la perte de leur participation dans les sociétés du groupe;

- les pertes des immeubles dépendant de la communauté de biens (y compris le domicile conjugal) ;

- les pertes des véhicules des époux [A] ;

- les perte de leurs créances sur le groupe ;

- la perte du centre [Localité 20] ;

- les frais de procédure lié aux liquidations ;

- les frais exposé en vain pour un projet au Sénégal ;

- frais de procédure collective ;

Tous ces préjudices correspondent à une fraction du préjudice collectif tenant à la perte des actifs appréhendés par les différentes procédures collectives et ont pour objet la conservation, la reconstitution ou la mise en oeuvre du gage commun qui correspond au patrimoine qu'ont vocation à se partager tous les créanciers.

En revanche, la perte pour l'avenir des rémunérations que le dirigeant ou son épouse salariée auraient pu continuer à percevoir si les sociétés n'avaient pas été placées en liquidation judiciaire de même que les revenus qu'ils auraient pu en tirer, l'incidence sur leur retraite, le préjudice lié au prêt contracté par Mme [A] auprès de la Sofinco, les frais de déplacement et frais divers sont étrangers à la reconstitution du gage commun des créanciers. Il en est de même pour les préjudices moraux et pour les préjudices résultant pour les cautions à être poursuivies en exécution de leurs engagements du fait du placement en liquidation judiciaire du débiteur principal ou, à tout le moins, pour la perte d'une chance de ne pas être poursuivies en paiement, préjudices qui sont distincts de ceux subis collectivement par les créanciers.

Mme [A], à titre personnel ou en tant qu'ayant-cause de son défunt mari n'est recevable à réclamer l'indemnisation de leurs seuls préjudices personnels tels que définis ci-dessus.

Il lui faut donc non seulement démontrer l'existence d'une faute uniquement limitée, dans la présente instance, à la dévalorisation des deux immeubles situés [Adresse 15] et [Adresse 6] à [Localité 24] et que cette faute est en lien de causalité avec un préjudice personnel tel qu'il vient d'être défini.

Sur le fond :

Sur la valorisation des locaux situés [Adresse 15] et [Adresse 6] à [Localité 24]

Mme [A] reproche à Maître [F] d'avoir laissé se dégrader ces deux locaux demeurés sous sa responsabilité exclusive pendant une période supérieure à dix années (1994 ' 2005) en l'absence d'un quelconque entretien de sa part ou à son initiative, notamment en ne faisant pas nettoyer les chéneaux obstrués. Elle déclare que la procédure de référé expertise, qui a coûté à la liquidation judiciaire au minimum 5 222,52 euros, n'a été engagée par Maître [F] que pour masquer ses propres carences. Elle expose que, par ordonnance du 10 juin 2013, le juge commissaire a autorisé la cession de gré à gré de ces locaux pour un montant de 62 000 euros en précisant qu'il s'agissait d'un immeuble ayant subi une forte dépréciation dès lors que suivant le prix du marché, s'il avait été bien entretenu, sa valeur aurait été de 200 000 euros.

Mme [F], à la suite d'un dégât des eaux survenu en 2000 affectant les locaux situés [Adresse 15] et [Adresse 6] faisant partie de deux copropriétés distinctes et reliés entre eux par M. [A] sans autorisation, a déclaré le sinistre à l'assureur puis, compte tenu de son refus de prise en charge, a obtenu qu'une expertise judiciaire soit ordonnée par le juge des référés le 27 juillet 2004, afin de déterminer l'origine des désordres. Il résulte du rapport d'expertise judiciaire du 8 avril 2005 que les désordres ne provenaient pas des inondations survenues en décembre 2000 mais de défauts affectant divers éléments d'équipement et de structure des immeubles tenant, pour l'immeuble [Adresse 4], au débordement du chéneau de la couverture de la cour dépendant du lot n°1, de l'obstruction de la descente d'eaux pluviales desservant le versant Est de la toiture de l'immeuble et, pour l'immeuble [Adresse 15], à des défauts d'étanchéité de la toiture de l'ancienne remise, de l'obstruction du réseau d'eaux pluviales sur lequel sont raccordées les descentes provenant du versant Nord de la toiture, du chéneau de la toiture de l'ancienne remise, des toitures des surélévations réalisées sur la terrasse du premier étage et de l'état de vétusté de la petite toiture en zinc et que ces désordres étaient susceptibles d'engager la responsabilité de la copropriété mais aussi celle de M. [A] pour les ouvrages défectueux de la partie commune restreinte de l'immeuble [Adresse 6] et pour certains ouvrages défectueux affectant l'immeuble [Adresse 15]. L'expert a évalué le coût total des travaux à 10 717,35 euros HT pour l'immeuble [Adresse 4] et à 10 038,02 euros HT pour l'immeuble [Adresse 15].

M. [L] souligne que la dépréciation des biens est avant tout due aux multiples recours exercés par les époux [A] qui n'ont eu que comme effet de retarder la réalisation des biens. Il fait observer que les locaux étant destinés à être vendus par adjudication, il ne paraissait pas nécessaire de remettre les lieux dans l'état d'origine, sauf à condamner l'ouverture qui a été réalisée sans autorisation afin de relier les deux lots appartenant à M. [A] et dépendant des deux copropriétés distinctes.

Il sera constaté que Mme [A] ne fait pas grief à Maître [F] de ne pas avoir engagé une procédure judiciaire contre les deux copropriétés. Elle lui reproche d'être à l'origine d'un défaut d'entretien.

Il ressort de l'historique dressé par l'expert judiciaire des nombreuses démarches entreprises par Maître [F] avant d'engager la procédure de référé expertise, qu'elle a, d'abord, cherché à obtenir de l'assureur la remise en état des locaux puis, compte tenu de la contestation élevée par l'assureur sur la cause de l'humidité, a sollicité l'expertise judiciaire. Il ressort du rapport d'expertise que les causes du mauvais état des locaux proviennent de défauts d'étanchéité de la toiture, de son état de vétusté et de l'obstruction des réseaux de descente d'eaux pluviales et non pas seulement de l'obstruction des chéneaux. Dans ces conditions, étant rappelé que le liquidateur judiciaire n'est tenu qu'à une obligation de moyens, et dès lors qu'il n'est pas démontré que Maître [F] ne pouvait ignorer que les chéneaux étaient obturés ni que l'entretien de ceux-ci aurait permis d'éviter la dégradation des locaux alors que d'autres causes sont identifiées, sa responsabilité civile professionnelle n'est pas retenue. Il sera ajouté que si la part des conséquences du défaut d'entretien des chéneaux dans la dévalorisation de l'immeuble n'est pas déterminée précisément, elle est manifestement sans incidence sur le fait générateur des préjudices personnels invoqués, au regard de l'importance des passifs des différentes procédures collectives et du montant des actifs.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par M. [L]

M. [L] fait valoir que les demanderesses au renvoi n'apportent pas la preuve des griefs qu'ils invoquent contre Maître [F] ; qu'au contraire, il est établi que celle-ci a parfaitement accompli sa mission. ; qu'outre les tracasseries administratives subies, son travail a été remis en cause, ce qui lui a causé indéniablement un préjudice dont il est demandé réparation.

Mais l'exercice d'une action en justice ne dégénère en faute pouvant donner lieu à des dommages et intérêts que si le demandeur a agi par malice ou de mauvaise foi, ou avec légèreté blâmable.

En l'espèce, la preuve n'est pas rapportée que l'action engagée les époux [A] procède d'un abus du droit d'agir en justice.

Sur les demandes accessoires

Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [A], partie perdante, est condamnée, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à payer à la société Crédit lyonnais la somme de 10 000 euros, à la SELARL EP & Associés la somme de 10 000 euros, à M. [L], la somme de 15 000 euros.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité de Mme [A] à agir en sa qualité d'ayant-droit de [Y] [A] du fait de l'intervention de la SELAS MJS Partners, prise en la personne de Maître [Z] désigné en qualité de mandataire ad hoc de [Y] [A].

Déclare irrecevable l'action formée contre la SELARL EP & Associés.

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il déclare irrecevable l'action en responsabilité contre la société Crédit lyonnais pour de prétendues immixtion de la banque, violation du secret professionnel, violation d'une obligation d'information et de conseil et rupture abusive de crédit aux fins d'obtenir l'indemnisation de préjudices économiques, financiers et moraux des époux [A] consécutifs à la perte de la valeur du groupe, aux pertes de leurs revenus et de leurs biens.

Confirme le jugement en ce qu'il déclare irrecevable l'action contre la société Crédit lyonnais en indemnisation des préjudices découlant de la mise en oeuvre des engagements de caution autres que ceux consentis au profit du Crédit Foncier, de la société de développement régional de la Bretagne et de la société Delubac.

L'infirme en ce qu'il déclare irrecevable l'action contre la société Crédit lyonnais en indemnisation des préjudices découlant de la mise en oeuvre des engagements de caution consentis au profit du Crédit foncier, de la société de développement régional de la Bretagne et de la société Delubac

et statuant à nouveau de ce chef,

Déclare recevable l'action de Mme [A] en son nom propre et en sa qualité d'ayant droit de [Y] [A] et de la SELAS MJS Partners, ès qualités, en responsabilité contre la société Crédit lyonnais en indemnisation des préjudices découlant de la mise en oeuvre des engagements de caution consentis au profit du Crédit Foncier, de la société de développement régional de la Bretagne et de la société Delubac.

Rejette les demandes contre la société Crédit lyonnais en indemnisation de ces préjudices.

Infirme le jugement en ce qu'il déclare recevable l'action en responsabilité contre M. [L] pris en sa qualité d'ayant-droit de Maître [F] en indemnisation de préjudices subis par la collectivité des créanciers.

Statuant à nouveau de ce chef,

Déclare irrecevable l'action en responsabilité contre M. [L] pris en sa qualité d'ayant-droit de Maître [F], sauf en ce qu'elle tend à l'indemnisation des préjudices spécifiques aux époux [A] distincts de ceux des autres créanciers ;

Déclare irrecevables les demandes d'indemnisation autres que celle consécutive au défaut d'entretien et à la dévalorisation des immeubles situés [Adresse 15] et [Adresse 6] à [Localité 24].

Confirme le jugement en ce qu'il rejette la demande d'indemnisation des préjudices personnels aux époux [A] consécutifs à un prétendu défaut d'entretien de ces immeubles.

Confirme le jugement en ses dispositions relatives au rejet de la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, aux dépens et au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Y ajoutant,

Condamne Mme [A] aux dépens d'appel y compris ceux de l'instance devant la cour d'appel de Poitiers, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Condamne Mme [A], au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à payer à la société Crédit lyonnais la somme de 10 000 euros, à la SELARL EP & Associés, la somme de 10 000 euros et à M. [L], la somme de 15 000 euros.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

S. TAILLEBOIS C. CORBEL