CA Chambéry, 1re ch., 9 janvier 2024, n° 23/00152
CHAMBÉRY
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Au Comptoir Alpin (SARL)
Défendeur :
Du Roc de Fer (SCI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pirat
Conseillers :
Mme Reaidy, Mme Real Del Sarte
Avocats :
Sarl Korus Avocats D'affaires, Me Pereira
Faits et procédure
Par acte authentique du 25 octobre 2011, la Sci du Roc de Fer a donné à bail commercial à la société Au Comptoir Alpin (Sarl) des locaux situés dans un immeuble situé sur la commune des [Localité 2], station de [Localité 6], lieudit « [Localité 4] », sous le numéro 343 (lots n°159 soit un local à usage de réserve situé au 5ème étage, lot n°160 soit un local commercial sis au 6ème étage), pour neuf années à compter du 1er mai 2011 jusqu'au 30 avril 2020, moyennant un loyer annuel hors taxes et hors charges de 36 000 euros HT.
Au terme fixé pour le 30 Avril 2020, aucune des parties n'ayant délivré congé ou demande de renouvellement, le bail s'est poursuivi par tacite prolongation conformément aux dispositions de l'article L 145-9 alinéa 2 du code de commerce.
La Sci du Roc de Fer a fait délivrer à la société Au Comptoir Alpin trois commandements de payer visant la clause résolutoire les 14 mai, 12 et 21 octobre 2020.
Par acte d'huissier du 29 juin 2021, la société Au Comptoir Alpin a fait assigner la Sci du Roc de Fer devant le tribunal judiciaire d'Albertville, notamment afin de voir prononcer la nullité du commandement de payer visant la clause résolutoire délivré le 14 mai 2020 à son encontre et de voir fixer la date de renouvellement du bail, en l'absence d'accord des parties, au 1er juillet 2020.
Par jugement mixte du 10 août 2022, le juge des loyers du tribunal judiciaire d'Albertville, après avoir constaté que :
Le principe du renouvellement du bail n'était pas contesté par les parties ;
Les parties étaient en désaccord sur la date de renouvellement du bail ;
- a ordonné une expertise, l'expert ayant pour mission de donner son avis motivé sur la valeur locative des lieux loués au sens de l'article L 145-33 du code de commerce et sur le loyer applicable à compter du renouvellement du bail ;
- a ordonné le sursis à statuer sur les demandes jusqu'au dépôt du rapport d'expertise.
Par jugement du 16 décembre 2022, le tribunal judiciaire d'Albertville, avec le bénéfice de l'exécution provisoire, a :
- Dit que le contrat de bail liant les parties en date du 25 octobre 2011 stipule que le loyer de toute l'année est exigible au premier jour de chaque année de location ;
- Dit que ledit bail s'est tacitement prorogé du 1er mai au 30 juin 2020 puis s'est renouvelé en date du 1er juillet 2020 ;
- Constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail renouvelé à la date du 21 novembre 2020 ;
- Rejeté la demande de délais de paiement formée par la société Au Comptoir Alpin ;
- Ordonné l'expulsion de la société Au Comptoir Alpin des locaux loués à la SCI du Roc de Fer sis lieudit « [Adresse 5], au besoin avec l'aide de la force publique faute de départ volontaire dans le mois de la signification du commandement d'avoir à quitter les lieux ;
- Sursis à statuer sur le montant de l'indemnité d'occupation dû par la société Au Comptoir Alpin à la SCI du Roc de Fer à compter du 22 novembre 2020 dans l'attente du dépôt du rapport de l'expertise ordonnée par le juge des loyers commerciaux ;
- Fixé provisoirement l'indemnité d'occupation due par la société Au Comptoir Alpin à la SCI du Roc de Fer à compter du 22 novembre 2020 au montant du loyer dû selon les termes du contrat de bail initial en date du 25 octobre 2011 ;
- Rejeté la demande au titre de la résistance abusive ;
- Condamné la société Au Comptoir Alpin à régler à la SCI du Roc de Fer la somme de 5 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Rejeté les demandes autres ou plus amples ;
- Condamné la société Au Comptoir Alpin aux dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Au visa principalement des motifs suivants :
Le renouvellement du bail étant intervenu avant l'expiration du délai de règlement des sommes visées dans le commandement de payer du 14 mai 2020, celui-ci ne peut permettre de constater l'acquisition de la clause résolutoire ;
Les parties ne se sont pas accordées sur le montant du loyer renouvelé et le juge des loyers a été saisi en fixation, en conséquence, tant qu'une décision du juge des loyers n'est pas intervenue, le locataire est tenu de continuer de payer les loyers au prix ancien en application de l'article L. 145-57 du code de commerce ;
La société preneuse n'a pas apporté la preuve, qui lui incombe, de sa libération à l'expiration du délai fixé par le commandement de payer soit à la date du 21 novembre 2020, de sorte que la clause résolutoire est acquise à cette date.
Par déclaration au greffe du 27 janvier 2023, la société Au comptoir Alpin a interjeté appel de la décision en toutes ses dispositions
- hormis en ce qu'elle a :
- dit que ledit bail s'est tacitement prorogé du 1er mai au 30 juin 2020 puis s'est renouvelé en date du 1er juillet 2020 ;
- sursis à statuer sur le montant de l'indemnité d'occupation dû par la société Au Comptoir Alpin à la SCI du Roc de Fer à compter du 22 novembre 2020 dans l'attente du dépôt du rapport de l'expertise ordonnée par le juge des loyers commerciaux ;
- rejeté la demande au titre de la résistance abusive.
Par acte d'huissier du 21 février 2023, la Sci du Roc de Fer a fait dénoncer à la société Au Comptoir Alpin sa saisie-attribution du compte bancaire pour obtenir le règlement de l'indemnité d'occupation annuelle de 54 644 euros, outre 5 610,92 euros de charges et les 5 600 euros de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile prononcée par le tribunal judiciaire d'Albertville, soit la somme totale de 67 600,42 euros de frais d'acte d'huissier compris. Le 27 mars 2023, cette somme de 67 600,42 euros a été virée sur le compte bancaire de la société Sage & Associes, huissiers de justice.
Dans son rapport établi le 17 mai 2023, l'expert missionné par le juge des loyers a évalué la valeur locative des locaux de la Sci du Roc de Fer à la somme annuelle hors taxes et hors charges de 30 230 euros
Deux autres instances sont actuellement en cours, l'une suivant assignation du 7 septembre 2023 devant le tribunal judiciaire d'Albertville aux fins de fixation du montant de l'indemnité d'occupation due par la société Au Comptoir Alpin, l'autre suivant assignation du 12 septembre 2023 devant le juge des loyers du tribunal judiciaire d'Albertville aux fins de fixation du loyer du bail renouvelé à compter du 1er juillet 2020.
Par ordonnance du 11 mai 2023, la première présidente de la cour d'appel de Chambéry a :
- Débouté la société Au Comptoir Alpin de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire
- Débouté la société Au Comptoir Alpin et la Sci du Roc de Fer de toutes autres demandes
- Condamné la société Au Comptoir Alpin à payer à la Sci du Roc de Fer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la société Au Comptoir Alpin aux dépens.
Prétentions et moyens des parties
Par dernières écritures en date du 1er septembre 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Au Comptoir Alpin, sollicite l'infirmation du jugement et demande à la cour de :
- Confirmer la décision du premier juge en ce qu'il a fixé la date de renouvellement du bail au 1er juillet 2020 ;
Et statuant à nouveau,
- Interpréter le bail liant les parties en ce que les échéances des règlements d'avance du loyer sont mensuelles ;
- Débouter la société Du Roc de Fer de ses demandes consistant à :
- constater l'acquisition de la clause résolutoire au 21 novembre 2021,
- ordonner l'expulsion de la société Au Comptoir Alpin,
- condamner la société Au Comptoir Alpin à lui régler la somme de 5 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ;
Subsidiairement,
- Octroyer à la société Au Comptoir Alpin les délais suivants pour se libérer de sa dette de loyer envers la Sci du Roc de Fer :
- le solde de sa dette étant réglé en 12 échéances mensuelles d'égal montant chacune,
- les effets de la clause résolutoire étant suspendus durant ces délais, les échéances ne portant intérêt qu'au taux légal, et toutes autres pénalités et majorations cessant d'être dues ;
En tout état de cause,
- Condamner la Sci du Roc de Fer à payer à la société Au Comptoir Alpin la somme de 5 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la Sci du Roc de Fer aux entiers dépens ;
- Dire que les dépens seront distraits au profit de la Selarl Korus avocats sur son affirmation de droits.
Au soutien de ses prétentions, la société Au Comptoir Alpin fait valoir notamment que :
Préalablement à la saisine du juge des loyers, les dispositions de l'alinéa 1er de l'article L 145-57 du code de commerce ne sont pas applicables, les parties étant en cours de négociations aux fins d'une fixation amiable du loyer du bail renouvelé, la saisine de ce dernier matérialisant l'échec desdites négociations, de sorte que le premier juge ne pouvait, pour constater l'acquisition de la clause résolutoire, se fonder sur le montant du loyer ancien invoqué au titre d'un commandement de payer puisqu'il a été délivré antérieurement à la saisine du juge des loyers ;
Au jour de la délivrance des commandements de payer des 12 et 21 octobre 2020, la Sci du Roc de Fer ne pouvait se prévaloir d'aucun titre exécutoire ou d'un montant de loyer fixé par l'accord des parties, ni d'une saisine préalable du juge des loyers ;
Le bailleur qui ne s'est pas opposé à une demande en renouvellement du bail, de sorte que seuls des manquements postérieurs à ce renouvellement peuvent justifier la résiliation du nouveau bail, or, la Sci du Roc de Fer invoque dans ses commandements de payer délivrés les 12 et 21 octobre 2020 des loyers qui étaient échus lors du renouvellement du bail au 1er juillet 2020, en violation de l'article L 145-10 du code de commerce et de la jurisprudence qui y est associée ;
Par dernières écritures en date du 15 septembre 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la Sci du Roc de Fer sollicite de la cour de :
- Confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
- Condamner la société Au Comptoir Alpin à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, concernant la présente procédure d'appel ;
- Condamner la société Au Comptoir Alpin aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, la Sci du Roc de Fer fait valoir notamment que :
Sur le prix du loyer, les parties ne s'étant pas accordées sur le montant du loyer renouvelé, le locataire est tenu de s'acquitter du loyer au prix ancien, conformément à l'article L.145-57 du code de commerce ;
Les commandements de payés sont fondés sur le bail initial qui vaut titre exécutoire et qui trouve à s'appliquer tant qu'aucune décision contraire sur le montant du loyer n'est définitive, conformément aux dispositions de l'article L.145-57 du code de commerce ;
Les commandements de payer visant la clause résolutoire, intervenus après le renouvellement du bail demeurent valables compte-tenu du fait que les graves manquements aux obligations du locataires ont perduré à la suite du renouvellement dudit bail ;
Sur le paiement annuel d'avance du loyer, les termes du contrat relatifs aux modalités de règlement du loyer sont sans ambiguïté.
Une ordonnance en date du 2 octobre 2023 a clôturé l'instruction de la procédure. L'affaire a été plaidée à l'audience du 17 octobre 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.
MOTIFS ET DÉCISION
I - Sur l'échéance et le montant du loyer à régler
Le bail commercial, conclu pour une durée de neuf ans, par acte notarié en date du 25 novembre 2011 entre la société Au Comptoir Alpin et la Sci du Roc de Fer, à effet rétroactif aux 1er mai 2011, s'est achevé au 30 avril 2020. Avant cette date, aucune des parties n'en a sollicité le renouvellement ou n'a présenté de congé, de sorte que le bail s'est poursuivi de façon tacite dans un premier temps. Ultérieurement, la société Au Comptoir Alpin a présenté, en date du 9 juin 2020, une demande de renouvellement, de sorte qu'en application de l'article L 145-12 du code de commerce, comme l'a justement retenu le premier juge, le bail renouvelé a pris effet le 1er juillet 2020 pour une durée de neuf ans. Les parties sont désormais d'accord sur cette question.
' sur l'échéance du loyer
La société Au Comptoir Alpin conteste de nouveau la date d'échéance du loyer, estimant que celui-ci devait se régler mensuellement d'avance et non annuellement d'avance.
Cependant, les moyens soutenus par les parties ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont le premier juge a connu et auxquels il a répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation. En effet, la clause du bail prévoyant que 'le loyer annuel de trente six mille euros (36 000 euros) hors taxes payables payabe TVA en sus, annuellement et d'avance, le premier jour de chaque année de location et pour la première fois pour la période à courir jusqu'au 30 avril 2012" est parfaitement précise et ne souffre d'aucune interprétation, la clause fixant le montant de la garantie ayant un objet distinct.
' sur le montant du loyer
La société Au Comptoir Alpin conteste également le montant du loyer qu'elle devait régler à compter du 1er juillet 2020, dès lors que les parties ne s'étaient pas mises d'accord sur le montant du loyer du bail renouvelé dont elle souhaitait qu'il soit fixé à la valeur locative, estimée selon elle à un montant inférieur au loyer du premier bail, et que la procédure en fixation du bail renouvelé devant le juge des loyers commerciaux n'avait pas encore débutée (saisine par elle-même le 27 août 2021).
Il est de principe qu'à défaut de l'accord des parties, le renouvellement du bail s'opère aux conditions de l'ancien bail, sauf le pouvoir reconnu au juge en matière de fixation du prix (Cass 3ème Civ 17 mai 2006 B no 125 ; 28 novembre 2006, no 05-20.436), aucune juridiction n'ayant le pouvoir de modifier les clauses accessoires du bail expiré (Cass 3ème Civ 14 octobre 1987, B no 169 ; 12 octobre 1982, B no 196 ). Ce renouvellement n'est pas, en effet, subordonné à la fixation du nouveau prix. En cas d'accord sur le principe du renouvellement, l'action en fixation est soumise au délai de deux ans de l'article L145-60 du code de commerce. Ce délai court à compter de la prise d'effet du nouveau bail (Cass 3ème Civ 30 juin 2004, B no 136). A défaut que la procédure de fixation judiciaire du loyer du bail renouvelé soit engagée par l'une ou l'autre des parties dans le délai de la loi, l'action en fixation du loyer est irrecevable (Cass 3ème Civ 1er juillet 1998, B no 149). Le renouvellement du bail s'opère alors aux clauses et conditions du bail, y compris le prix. L'article L145-57 du code de commerce pose le principe que pendant l'instance relative à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, le locataire doit continuer à payer le loyer antérieur, sauf à ce que le juge en décide autrement à titre provisionnel.
En premier lieu, la société Au Comptoir Alpin n'a pas, dans sa demande tendant au renouvellement du bail, indiqué le prix du loyer qu'elle entendait voir fixer pour le renouvellement et de son côté, la bailleresse n'a rien dit, n'ayant pas répondu dans le délai de trois mois à la demande de renouvellement. En conséquence, un nouveau montant de loyer n'a pas été convenu d'un commun accord. Pendant la durée de la tacite reconduction, le montant du loyer était à l'évidence celui du bail tacitement renouvelé.
Ensuite, la société Au Comptoir Alpin ne peut soutenir que pour le bail renouvelé à compter du 1er juillet 2020, sous prétexte qu'elle n'a entamé la procédure devant le juge de l'exécution que le 9 juin 2021, aucun loyer n'aurait été dû pendant la période écoulée entre le 1er juillet 2020 et le 9 juin 2021 et que la bailleresse aurait été dépourvue de son droit d'invoquer la clause résolutoire en cas d'impayés. Si les dispositions de l'article L145-57 prévoit que le locataire continue de payer le prix ancien 'pendant la durée de l'instance', il prévoit aussi pendant cette durée la possibilité pour le juge des loyers de fixer un loyer provisionnel, ces dispositions ne signifiant en aucun cas que dans l'attente du déclenchement de la procédure devant le juge des loyers, aucun loyer n'est dû, il signifie uniquement que pendant de cette procédure, le loyer est soit le prix ancien, soit le prix provisionnel fixé par le juge des loyers. En réalité, le renouvellement du bail, bien que constituant un nouveau bail, s'opère, en l'absence d'accord entre les parties, aux clauses et conditions du bail expiré, sauf le pouvoir reconnu au juge des baux commerciaux de fixer le nouveau loyer.
En conséquence, c'est à bon droit que le premier juge a considéré que la société Au Comptoir Alpin devait continuer à régler le loyer prévu dans le bail initial et que la clause résolutoire était également applicable.
II - Sur le commandement de payer délivré les 12 et 21 octobre 2020
Le jugement entrepris n'est pas contesté relativement au commandement de payer délivré le 14 mai 2020.
La société Au Comptoir Alpin fait valoir que le commandement de payer d'octobre 2020 se fondait sur des impayés dont certains antérieurs à la période de renouvellement.
Si effectivement des manquements contractuels antérieurs au renouvellement du bail et connus de la bailleresse ne peuvent être invoqués au soutien d'une résiliation postérieure au renouvellement, en l'espèce, le nouveau bail a pris effet le 1er juillet 2020 et le commandement de payer se réfère à la période postérieure à cette prise d'effet. En effet, les sommes dues pour la période antérieure à la prise d'effet du nouveau bail ont été réglées par les sommes versées par la preneuse en juin 2020. En revanche, les sommes versées postérieurement mais avant la délivrance du commandement étaient d'un montant insuffisant pour couvrir les sommes dues entre le 1er juillet 2020 et la date de délivrance du commandement.
La société Au Comptoir Alpin n'établissant pas avoir réglé les sommes dues dans le mois du commandement, la résolution est encourue de plein droit à la date du 21 novembre 2020.
La société Au Comptoir Alpin ne peut soutenir que le commandement de payer a été délivré de mauvaise foi, puisque le rapport d'expertise déterminant une valeur locative inférieure à l'ancien loyer (30 230 euros contre 52 195,20 euros) n'a été déposé que le 17 mai 2023, le commandement ayant été délivré avant même que le juge des loyers n'ait été saisi, étant précisé que la société Au Comptoir Alpin invoque d'autres faits mais bien postérieurs puisque datant de 2023.
III - Sur l'octroi de délais de paiement
Selon les dispositions de l'article L145-41 AL 2 du code de commerce, 'les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge'.
La société Au Comptoir Alpin a produit devant la cour des éléments plus récents sur sa situation financière. Elle a connu des difficultés très importantes sur les années 2020-2021 au cours desquelles les conséquences économiques liées à la crise sanitaire mondiale se sont faites ressentir notamment pour les commerce en stations de sport d'hiver, mais son chiffre d'affaire est reparti à la hausse en 2022 passant pour le magasin en cause de 130 740 à 362 990 euros.
Par ailleurs, il ressort, même si le juge des loyers commerciaux n'a pas encore statué sur le montant du loyer du bail renouvelé, une différence importante entre le loyer ancien et la valeur locative déterminée en l'état par l'expert judiciaire, soit une différence TTC d'environ 19 528 euros en 2023.
En outre, si l'état des impayés concerne le loyer (ou plus précisément l'indemnité d'occupation fixée provisoirement en première instance) pour l'annuité 2023-2024, il y a lieu de remarquer que cet état édité au 10 avril 2023 comprend déjà l'échéance 2023-2024 à partir du er mai alors que le bail renouvelé part du 1er juillet et que l'échéance annuelle part donc du 1er juillet 2023, de sorte qu'au 10 avril 2023 (dernier état produit par la bailleresse), le solde des loyers est à néant après la saisie sur le compte bancaire et que le solde de charges était de 3 369 euros mais inscrit le 8 avril 2023.
En outre, le solde de la créance due par la société Au Comptoir Alpin au titre de l'occupation des locaux litigieux est actuellement d'environ 55 804 euros correspondant à l'indemnité d'occupation due pour l'année en cours entre le 1er mai 2023 et le 30 avril 2024, la procédure de fixation du loyer du bail renouvelé n'ayant pas encore abouti à une décision.
La résiliation du bail n'ayant pas été constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée, la demande de la société Au Comptoir Alpin tendant à obtenir la suspension de la clause résolutoire et des délais de paiement est parfaitement recevable.
En l'espèce, le commandement délivré le 21 novembre 2020 visait un arriéré de 47 657,10 euros dus sur le loyer annuel de 1er juillet 2020 au 31 juin 2021 de 49 502, 40 euros.
Au vu des règlements effectués par la preneuse qui a totalement apuré sa dette concernée par le commandement, il y a lieu de suspendre la clause résolutoire, d'accorder rétroactivement un délai de 20 mois à cette dernière pour apurer sa dette à compter du 1/12/2020, de constater qu'elle s'est acquittée dans ce délai des causes du commandement délivré le 21 novembre 2020, qu'en conséquence la clause résolutoire n'a pas joué et que la société Au Comptoir Alpin demeure aux droits et obligations du bail renouvelé depuis le 1er juillet 2020, dans l'attente de la fixation du loyer du bail renouvelé par le juge des baux commerciaux.
IV - Sur les mesures accessoires
La société Au Comptoir Alpin sera tenue aux dépens d'appel. L'équité commande de débouter les parties de leurs demandes respectives d'indemnité procédurale.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a
- dit que le contrat de bail liant les parties en date du 25 octobre 2011 stipule que le loyer de toute l'année est exigible au premier jour de chaque année de location ;
- dit que ledit bail s'est tacitement prorogé du 1er mai au 30 juin 2020 puis s'est renouvelé en date du 1er juillet 2020 ;
- condamné la société Au Comptoir Alpin aux dépens et au paiement d'une indemnité procédurale de 5 600 euros ;
- débouté la Sci du Roc de Fer au titre des dommages-intérêts pour résistance abusive ;
Infirme le jugement entrepris pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Ordonne la suspension de la clause résolutoire insérée au bail et visée dans le commandement du 21 novembre 2020,
Accorde rétroactivement à la société Au Comptoir Alpin un délai de 19 mois pour apurer sa dette à compter du 1/12/2020,
Constate qu'elle s'est acquittée dans ce délai des causes du commandement délivré le 21 novembre 2020,
Dit qu'en conséquence la clause résolutoire n'a pas joué et que la société Au Comptoir Alpin demeure aux droits et obligations du bail renouvelé le 1er juillet 2020, qui lui a été consenti par la Sci du Roc de Fer, dont le loyer est le loyer ancien dans l'attente de la fixation du loyer par le juge des loyers actuellement saisi,
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel;
Condamne la société Au Comptoir Alpin aux dépens d'appel.