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Décisions

CA Versailles, 12e ch., 14 décembre 2023, n° 22/02379

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

SARL Baalbeck

Défendeur :

SCI Fontainebleau - YTD

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Thomas

Conseillers :

Mme Gautron-Audic, Mme Meurant

Avocats :

Me Lafon, Me Borrel, Me Chaumanet

TJ Nanterre, 2 mars 2022, n° 17/00354

2 mars 2022

EXPOSÉ DES FAITS

Par acte sous seing privé du 26 mai 1999, la SCI Slim 92, aux droits de laquelle est venue la SCI YTD Fontainebleau, ci-après dénommée la société YTD, a donné à bail commercial à la société Massa, pour une durée de neuf années à compter du 1er juin 1999, des locaux dépendant du centre commercial Charras situé [Adresse 2]), afin qu'elle y exploite une activité de bar-café-restaurant-cafétéria et toutes activités s'y rattachant, moyennant un loyer annuel en principal de 140.000 francs, soit 21.342,86 €.

Suivant jugement du 29 août 2007, le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé la liquidation judiciaire de la société Massa et désigné Me [J] en qualité de liquidateur.

Suivant ordonnance du 15 novembre 2007, le juge commissaire à la liquidation judiciaire de la société Massa a, notamment, ordonné la cession du fonds de commerce de restaurant de la société liquidée au profit de Mme [I] [A] et M. [H] [A], pour le compte de la société Baalbeck en cours de constitution, moyennant le prix de 12.500 € à régler entre les mains du liquidateur. La même ordonnance précisait que les repreneurs devaient également régler une indemnité forfaitaire de 50.000 € à la bailleresse, et qu'un nouveau bail commercial devait être conclu moyennant un loyer annuel de 20.000 € outre les charges de copropriété.

La cession du fonds de commerce a été régularisée le 20 mars 2008 entre le liquidateur de la société Massa et la société Baalbeck, à effet rétroactif au 15 novembre 2007.

Par actes extrajudiciaires du 18 février 2008, la bailleresse a fait signifier :

- au liquidateur de la société Massa et à la société Baalbeck, un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail tendant à obtenir le paiement d'une somme de 18.634,51 € au titre des loyers et charges dus au titre du premier trimestre 2008 outre celle 50.000 euros au titre de l'indemnité forfaitaire ;

- à la société Baalbeck, un congé portant refus de renouvellement du bail du 26 mai 1999.

La société Baalbeck a formé opposition au commandement de payer.

Suivant jugement du 9 juin 2011, le tribunal de grande instance de Nanterre a notamment :

- Dit qu'un nouveau bail a pris effet entre les parties au 15 novembre 2007, dans les termes et engagements constatés dans l'ordonnance rendue à cette date par le juge commissaire de la liquidation judiciaire de la société Massa ;

- Annulé et dit sans effet le congé avec refus de renouvellement du bail délivré par acte du 18 février 2008 ;

- Condamné la société YTD Fontainebleau à remettre à la société Baalbeck les quittances des sommes réglées au titre des loyers et charges, mais aussi de l'indemnité, dans les quinze jours de la signification du jugement, puis sous astreinte de 80 € par jour de retard ;

- Débouté la société Baalbeck de sa demande de condamnation de la société YTD Fontainebleau à signer un nouveau bail ;

- Condamné la société Baalbeck à payer à la société YTD Fontainebleau, en deniers ou quittances, la somme de 5.606,48 € au titre des charges de copropriété et de GIE du premier trimestre 2008 et la somme de 24.957,30 € au titre des loyers et charges des premier et deuxième trimestres 2011.

Par acte d'huissier du 10 octobre 2011, la société YTD a fait signifier à la société Baalbeck un commandement aux fins de saisie-vente tendant au recouvrement de la somme de 24.028,18 €, due en exécution du jugement du 9 juin 2011, devenu définitif.

Par acte extrajudiciaire du 22 novembre 2011, la société YTD a fait signifier à la société Baalbeck un commandement valant mise en demeure afin d'obtenir le paiement de la somme de 26.802,90 €, au titre des charges de copropriété et de GIE dues pour le 1er trimestre 2008, demeurées impayées suite au premier commandement (5.606,48 €), du loyer augmenté des charges et de la TVA facturés pour le 3ème trimestre 2011 (12.478,65 €) et du loyer augmenté des charges et de la TVA pour les mois d'octobre et novembre 2011 sur la base de la demande de révision signifiée le 30 septembre 2011 (8.717,77 €), puis l'a fait assigner en résiliation judiciaire du bail, avec les conséquences y attachées, et condamnation au paiement de l'arriéré locatif.

Suivant jugement du 20 décembre 2012, le tribunal de grande instance de Nanterre a notamment condamné la société Baalbeck à payer, en deniers ou quittance, la somme de 17.036,87 € au titre des loyers, charges et TVA pour le 3ème trimestre 2011 et les mois d'octobre et novembre 2011, outre les dépens, et débouté la société YTD du surplus de ses demandes. La cour d'appel de Versailles a confirmé ce jugement par arrêt du 2 septembre 2014, actualisant la condamnation, en deniers ou quittance, au titre de l'arriéré locatif, à la somme de 18.447,89 € arrêtée au 21 mai 2014, 2ème trimestre 2014 inclus, chacune des parties conservant les dépens par elle exposés en cause d'appel.

La société YTD a fait pratiquer deux saisies-attributions sur les comptes de la locataire les 3 et 17 novembre 2011, qui se sont avérées infructueuses, puis le bailleur a fait signifier deux procès-verbaux aux fins de saisie-vente les 21 février 2012 et 14 novembre 2014, dont les causes ont été partiellement acquittées.

Suivant ordonnance du 26 juin 2014, le président du tribunal de commerce de Nanterre, saisi par la bailleresse d'une requête en interprétation de l'ordonnance du 15 novembre 2007 rendue par le juge commissaire à la liquidation judiciaire de la société Massa, a dit « qu'il y a lieu d'interpréter le 6ème paragraphe de la page 3 de l'ordonnance du 15 novembre 2007 de M. [C] en précisant qu'en dehors du montant du loyer constaté dans ce paragraphe, les autres clauses de l'ancien bail n'étaient pas modifiées ».

Par actes d'huissier des 23 juillet 2014, 8 juin 2015 et 26 février 2016, la société YTD a fait signifier à la société Baalbeck trois nouveaux commandements tendant à obtenir le paiement des sommes suivantes :

- 42.302,61 €, au titre de l'arriéré locatif arrêté au 3ème trimestre 2014 inclus,

- 48.424,14€, selon décompte arrêté au 26 mai 2015,

- 72.621,90 €, selon décompte arrêté au 22 janvier 2016.

Par jugement du 12 janvier 2017, le tribunal de grande instance de Nanterre, saisi par la société Baalbeck le 13 octobre 2014 d'une opposition au commandement de payer du 23 juillet 2014 a, avant dire droit, ordonné une expertise confiée à M. [B] avec la mission suivante : « en excluant l'indemnité de 50.000 € visée dans l'ordonnance du 15 novembre 2007 du juge commissaire de la procédure de liquidation judiciaire de la société Massa, faire le décompte des sommes dues et des sommes réglées par la société Baalbeck à la société YTD Fontainebleau au titre des loyers, charges et TVA sans et avec indexation du loyer et pour les charges de copropriété en tenant compte des seules charges locatives et de toutes les charges de copropriété :

- au titre de l'arriéré des loyers dus par la société Massa,

- pour la période du 15 novembre 2007 au 23 juillet 2014,

- pour la période du 24 juillet 2014 au 26 février 2016 ».

M. [B] a déposé son rapport le 10 avril 2019.

Suivant ordonnance du 29 mai 2020, l'instance en cause a été jointe à la procédure enrôlée sous le n°RG 17/00354, introduite le 28 décembre 2016 par la société YTD en validation du congé portant refus de renouvellement délivré le 9 mai 2016 à la société Baalbeck, à effet au 15 novembre 2016, avec refus de paiement d'une indemnité d'éviction.

Par acte d'huissier du 16 février 2018, la société Baalbeck a fait assigner la société YTD devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris, afin essentiellement de voir liquider l'astreinte prononcée par le jugement précité du 9 juin 2011, pour la période du 14 juillet 2011 au 13 mars 2018.

Suivant jugement en date du 3 avril 2018, la société YTD, dont la demande de délais de paiement a été rejetée, a été condamnée à payer à la société Baalbeck la somme de 194.400 € au titre de la liquidation d'astreinte, outre celle de 1.200 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Cette décision a été confirmée par arrêt de la cour d'appel de Paris du 7 février 2019 qui a actualisé la condamnation de la société YTD à la somme de 216.000 € arrêtée au 15 décembre 2018.

Par jugement contradictoire du 2 mars 2022, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

- Déclaré irrecevable, comme prescrite, la demande de la société Baalbeck en remboursement d'un trop-versé pour la période antérieure au 28 janvier 2015 ;

- Dit que les commandements visant la clause résolutoire du bail à effet du 15 novembre 2007 signifiés les 8 juin 2015 et 26 février 2016 ont été délivré de mauvaise foi et ne peuvent produire effet ;

- Débouté la société Baalbeck de sa demande de paiement d'un trop-versé pour la période postérieure au 28 janvier 2015 ;

- Débouté la société Baalbeck de sa demande de remise d'un décompte annuel de charges sous astreinte ;

- Débouté la société Baalbeck de sa demande de dommage-intérêts ;

- Débouté la société YTD Fontainebleau de sa demande d'acquisition de la clause résolutoire du bail du 15 novembre 2007 ;

- Débouté la société YTD Fontainebleau de sa demande de résiliation judiciaire du bail du 15 novembre 2007 ;

- Débouté la société YTD Fontainebleau de sa demande de paiement d'un arriéré locatif ;

- Ordonné à la société YTD Fontainebleau de recalculer les loyers et accessoires dus par la société Baalbeck depuis le 28 janvier 2015, en appliquant strictement la clause du bail du 26 mai 1999, qui prévoit que les loyers indexés seront augmentés de la TVA, mais pas les accessoires qui ne comprennent pas les charges exorbitantes du droit commun, les taxes foncières et taxes sur les ordures ménagères, ni les frais qui ne sont pas propres aux lieux loués, ni les frais de gestion, géomètre ou commissaire aux comptes, ou afférents aux gros travaux ;

- Ordonné la compensation judiciaire entre les créances réciproques des parties à concurrence de la somme la plus faible, sur présentation dudit décompte actualisé de la dette locative par la société YTD Fontainebleau dans le délai d'un mois du jugement ;

- Dit que le refus de renouvellement de bail signifié à la requête de la société YTD Fontainebleau le 9 mai 2016 à effet du 15 novembre 2016 n'est pas fondé sur des motifs graves et légitimes ;

- Dit que suite au refus de renouvellement du bail consenti sur les locaux dépendant du Centre commercial situé à [Localité 5], le bail du 15 novembre 2007 a pris fin le 15 novembre 2016 et que la société Baalbeck a droit au paiement d'une indemnité d'éviction ;

- Dit que la société Baalbeck a droit au maintien dans les lieux dans l'attente du paiement de l'indemnité d'éviction et qu'elle est redevable d'une indemnité d'occupation fixée provisionnellement au loyer contractuel indexé, augmenté de la TVA et des accessoires strictement définis dans le bail du 26 mai 1999 ;

Avant dire droit sur le montant de l'indemnité d'éviction et l'indemnité d'occupation statutaires,

- Ordonné une expertise et désigné pour y procéder : M. [T] [G], expert près la cour d'appel de Paris, avec mission de :

- Convoquer les parties ainsi que leurs conseils, les entendre en leurs dires et observations et y répondre, se faire remettre dans un délai qu'il lui appartiendra de fixer tout document nécessaire à l'exécution de sa mission ;

- Se rendre sur place, Centre commercial situé à [Localité 5], visiter les lieux, à savoir les locaux objet du bail du 15 novembre 2007, les décrire, les photographier et dresser le cas échéant la liste du personnel employé par la société Nexity Studea ;

- Rechercher, en tenant compte de la nature de l'activité professionnelle autorisée par le bail, de la situation et de l'état des locaux tous éléments permettant de déterminer le montant de l'indemnité d'éviction, dans les cas :

- d'une perte de fonds : valeur marchande déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, des frais et droits de mutation afférents à la cession d'un fonds d'importance identique, de la réparation d'un trouble commercial ;

- de la possibilité d'un transfert de fonds, sans perte conséquente de clientèle, sur un emplacement de qualité équivalente et en tout état de cause le coût d'un tel transfert comprenant l'acquisition d'un titre locatif avec les mêmes avantages que l'ancien, les frais et droits de mutation, les frais de déménagement et de réinstallation, la réparation du trouble commercial ;

- Donner son avis sur l'indemnité d'occupation due par la société Baalbeck pour les locaux objets du bail du 15 novembre 2007, et ce à compter du 16 novembre 2016 et jusqu'à la libération effective des lieux, en tenant compte de la précarité due à l'éviction ;

- Dit qu'en cas d'empêchement retard ou refus de l'expert commis il sera pourvu à son remplacement par ordonnance rendue sur requête ;

- Dit que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et qu'il déposera son rapport en un exemplaire papier avec toutes les annexes et un exemplaire numérisé au greffe du tribunal, service des expertises - extension du palais de justice [Adresse 4] - dans le délai de 6 mois à compter de l'avis de consignation, sauf prorogation de ce délai dûment sollicité en temps utile auprès du juge du contrôle ;

- Dit qu'à l'issue de la première réunion, l'expert soumettra au magistrat chargé du contrôle des expertises et communiquera aux parties la liste des pièces nécessaires à sa mission, le calendrier de ses opérations, un état prévisionnel détaillé de ses frais et honoraires et, en cas d'insuffisance manifeste de la provision allouée, sollicitera la consignation d'une provision complémentaire ;

- Dit que l'expert devra fixer aux parties un délai pour formuler leurs dernières observations ou réclamations en application de l'article 276 du code de procédure civile et rappelé qu'il ne sera pas tenu de prendre en compte les observations ou réclamations tardives ;

- Dit que dans le but de limiter les frais d'expertise, les parties sont invitées, pour leurs échanges contradictoires avec l'expert et la communication des documents nécessaires à la réalisation de la mesure à utiliser la voie dématérialisée via l'outil Opalex ;

- Désigné le magistrat chargé du contrôle des expertises pour suivre la mesure d'instruction et

statuer sur tous incidents ;

- Dit que l'expert devra rendre compte à ce magistrat de l'avancement de ses travaux d'expertise et des diligences accomplies et qu'il devra l'informer de la carence éventuelle des parties dans la communication des pièces nécessaires à l'exécution de sa mission conformément aux dispositions des articles 273 et 275 du code de procédure civile ;

- Fixé à la somme de 3.000 € la provision à valoir sur la rémunération de l'expert qui devra être consignée par la société YTD Fontainebleau, entre les mains du régisseur d'avances et de recettes de ce tribunal, dans le délai de six semaines à compter de la décision, sans autre avis ;

- Dit que, faute de consignation dans ce délai impératif, la désignation de l'expert sera caduque et privée de tout effet ;

- Condamné la société YTD Fontainebleau à payer à société Baalbeck la somme de 7.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la société YTD Fontainebleau aux dépens de l'instance comprenant le coût des commandements de payer signifiés les 23 juillet 2014, 8 juin 2015 et 26 février 2016, ainsi que les frais de l'expertise judiciaire confiée à M. [B] le 12 janvier 2017 ;

- Sursis à statuer sur les indemnité d'éviction et indemnité d'occupation dues consécutivement au congé délivré à effet du 15 novembre 2016, dans l'attente du dépôt de son rapport par l'expert ;

- Ordonné l'exécution provisoire de la décision en toutes ses dispositions ;

- Ordonné le renvoi de l'affaire à l'audience de mise en état du 7 avril 2022 pour retrait du rôle dans l'attente du rapport d'expertise, à la demande des avocats des parties et à défaut radiation ;

- Réservé le surplus des dépens afférent à l'expertise ordonnée par le jugement.

Par déclarations respectives des 7 avril et 1er décembre 2022, les sociétés Baalbeck et YTD ont interjeté appel de ce jugement. Les instances ont été jointes par le conseiller de la mise en état le 11 mai 2023.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 6 septembre 2023, la société Baalbeck demande à la cour de :

- Statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel de la société YTD Fontainebleau ;

Au fond,

- Débouter la société YTD Fontainebleau de son appel et de toutes les fins qu'il comporte ;

- Recevoir la société Baalbeck en son appel et infirmer la décision entreprise des chefs contestés dans le corps des présentes ;

En conséquence, statuant à nouveau,

- Déclarer recevable et non prescrite l'action engagée par la société Baalbeck en restitution des sommes antérieurement versées au 28 janvier 2015 ;

- Déclarer recevable et fondée l'action engagée par la société Baalbeck en remboursement des sommes trop versées pour les échéances antérieures au 2ème trimestre 2014 ;

- Condamner en conséquence la société YTD Fontainebleau à payer à la société Baalbeck les sommes trop versées, soit la somme de 182.826,55 €.

- La condamner au paiement de la somme de 100.000 € sur le fondement de l'article 1382 du code civil, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;

- Juger nul et de nul effet les commandements délivrés par la société YTD Fontainebleau et notamment les commandements des 23 juillet 2014, 8 juin 2015, 26 février 2016 et tous autres commandements délivrés de mauvaise foi ;

- Débouter la société YTD Fontainebleau en sa demande de validation du congé avec refus de renouvellement portant refus de paiement de l'indemnité d'éviction ;

- Condamner la société YTD Fontainebleau à payer à la société Baalbeck une indemnité d'éviction qui ne saurait être inférieure à 600.000 € ;

- Enjoindre à la société YTD Fontainebleau sous astreinte de 100 € par jour à compter de la signification de la décision à intervenir à communiquer un décompte précis et actualisé des sommes dues par la société Baalbeck au titre des loyers et charges depuis l'origine de l'occupation des lieux et à remettre des quittances de loyers correspondant aux loyers réglés conformement au contrat de bail ;

- Confirmer pour le surplus la décision dont appel en ce qu'elle a débouté la société YDT Fontainebleau de ses demandes ;

- Condamner la société YTD Fontainebleau au paiement d'une somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Franck Lafon, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 3 octobre 2023, la société YTD Fontainebleau demande à la cour de :

- Débouter la société Baalbeck de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nanterre du 2 mars 2022 en ce qu'il a :

- Déclaré irrecevable, comme prescrite, la demande de la société Baalbeck en remboursement d'un trop-versé pour la période antérieure au 28 janvier 2015 ;

- Débouté la société Baalbeck de sa demande de paiement d'un trop-versé pour la période postérieure au 28 janvier 2015 ;

- Débouté la société Baalbeck de sa demande de remise d'un décompte annuel de charges sous astreinte ;

- Débouté la société Baalbeck de sa demande de dommage-intérêts ;

- Ordonné la compensation judiciaire entre les créances réciproques des parties à concurrence de la somme la plus faible, sur présentation dudit décompte actualisé de la dette locative par la société YTD Fontainebleau dans le délai d'un mois du jugement ;

- Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nanterre le 2 mars 2022 en ce qu'il a :

- Dit que les commandements visant la clause résolutoire du bail à effet du 15 novembre 2007 signifiés les 8 juin 2015 et 26 février 2016 ont été délivrés de mauvaise foi et ne peuvent produire effet ;

- Débouté la société YTD Fontainebleau de sa demande d'acquisition de la clause résolutoire du bail du 15 novembre 2007 ;

- Débouté la société YTD Fontainebleau de sa demande de résiliation judiciaire du bail du 15 novembre 2007 ;

- Débouté la société YTD Fontainebleau de sa demande de paiement d'un arriéré locatif ;

- Ordonné à la société YTD Fontainebleau de recalculer les loyers et accessoires dus par la société Baalbeck depuis le 28 janvier 2015, en appliquant strictement la clause du bail du 26 mai 1999, qui prévoit que les loyers indexés seront augmentés de la TVA, mais pas les accessoires qui ne comprennent pas les charges exorbitantes du droit commun, les taxes foncières et taxes sur les ordures ménagères, ni les frais qui ne sont pas propres aux lieux loués, ni les frais de gestion, géomètre ou commissaire au compte aux comptes, ou afférents aux gros travaux ;

- Dit que le refus de renouvellement de bail signifié à la requête de la société YTD Fontainebleau le 9 mai 2016 à effet du 15 novembre 2016 n'est pas fondé sur des motifs graves et légitimes ;

- Dit que suite au refus de renouvellement du bail consenti sur les locaux dépendant du centre commercial situé à [Localité 5], le bail du 15 novembre 2007 a pris fin le 15 novembre 2016 et que la société Baalbeck a droit au paiement d'une indemnité d'éviction ;

- Condamné la société YTD Fontainebleau à payer à société Baalbeck la somme de 7.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la société YTD Fontainebleau aux dépens de l'instance comprenant le coût des commandements de payer signifiés les 23 juillet 2014, 8 juin 2015 et 26 février 2016 ainsi que les frais de l'expertise judiciaire confiée à M. [B] le 12 janvier 2017 ;

- Sursis à statuer sur les indemnités d'éviction et indemnité d'occupation dues consécutivement au congé délivré à effet du 15 novembre 2016, dans l'attente du dépôt de son rapport par l'expert ;

Statuant à nouveau,

- Juger que les commandements de payer visant la clause résolutoire du bail signifiés les 8 juin 2015 et 26 février 2016 ont été délivrés de bonne foi et doivent produire leurs effets ;

En conséquence,

- Constater l'acquisition de la clause résolutoire au profit de la société YTD Fontainebleau ;

Subsidiairement,

- Prononcer la résolution judiciaire du bail en date du 15 novembre 2007 aux torts exclusifs de la société Baalbeck ;

Plus subsidiairement,

- Valider le congé avec refus de renouvellement comportant refus de paiement de l'indemnité d'éviction signifié à la société Baalbeck le 9 mai 2016, à effet du 15 novembre 2016 à minuit ;

- Juger que la société Baalbeck n'est pas en droit de réclamer le paiement d'une indemnité d'éviction, compte tenu du non-respect des obligations du bail postérieurement à la date d'effet du congé ;

À titre infiniment subsidiaire,

- Si par impossible la cour considérait que la société Baalbeck devait percevoir une indemnité d'éviction, évoquer la question et statuer sur la base du rapport de l'expert, M. [G] à hauteur de 90.000 € ;

En tout état de cause,

- Ordonner en conséquence l'expulsion de la société Baalbeck et de toutes autres personnes se trouvant dans les lieux de son fait, s'il y a lieu avec l'assistance du commissaire de police, et d'un serrurier ;

- Juger et condamner la société Baalbeck à régler à la société YTD Fontainebleau la somme de 54.203,29 €, à titre de loyers et charges dus jusqu'au 16 novembre 2016 ;

- Condamner la société Baalbeck au paiement d'une indemnité d'occupation calculée à hauteur de 4.309 € par mois majorée des charges locatives contractuelles et subsidiairement égale au montant du loyer et des charges, jusqu'au départ effectif des lieux de la société Baalbeck ou de toutes autres personnes se trouvant dans les lieux de son fait ;

- Constater qu'une compensation est intervenue de plein droit entre le montant de la condamnation due par la société YTD Fontainebleau à la société Baalbeck au titre de l'astreinte prononcée par le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 9 juin 2011 telle que fixée par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 7 février 2019 (216.000 €) et le montant des arriérés de loyers, charges, accessoires et indemnités d'occupation dus par la société Baalbeck à la société YTD Fontainebleau à proportion de la plus faible de ces deux sommes ;

- Si par extraordinaire, il n'était pas constaté une compensation de plein droit, confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la compensation judiciaire entre les créances réciproques des parties à concurrence de la somme la plus faible, sur présentation dudit décompte actualisé de la dette par la société YTD Fontainebleau ;

- Constater que la société YTD Fontainebleau a recalculé les loyers et accessoires dus par la société Baalbeck depuis le 28 janvier 2015, en appliquant strictement la clause du bail du 26 mai 1999, qui prévoit que les loyers indexés seront augmentés de la TVA, mais pas les accessoires qui ne comprennent pas les charges exorbitantes du droit commun, les taxes foncières et taxes sur les ordures ménagères, ni les frais qui ne sont pas propres aux lieux loués, ni les frais de gestion, géomètre ou commissaire aux comptes, ou afférents aux gros travaux ;

- Condamner la société Baalbeck à payer à la société YTD Fontainebleau, la somme de 25.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société Baalbeck aux entiers dépens incluant les frais d'expertise.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 octobre 2023.

Par note en délibéré du 24 novembre 2023, la cour a sollicité des parties leurs observations sur le moyen soulevé d'office, au visa de l'article 564 du code de procédure civile, tiré de l'irrecevabilité de la demande de la société Baalbeck tendant à ce qu'il soit enjoint à la société YTD Fontainebleau de remettre des quittances de loyers correspondant aux loyers réglés conformément au bail, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, cette demande n'ayant pas été présentée en première instance.

Par message rpva du 4 décembre 2023, la société Baalbeck a contesté l'irrecevabilité de sa demande, soutenant que la demande d'injonction de pièces a bien été formulée devant le tribunal, qui l'a d'ailleurs déboutée de cette demande, en considérant que celle-ci n'est fondée sur aucune disposition légale ou conventionnelle.

Par note en délibéré du 4 décembre 2023, la société YTD Fontainebleau a relevé que la demande tendant à la remise des quittances sous astreinte n'a pas été formulée en première instance et qu'elle est donc irrecevable en application des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

A titre liminaire, la cour relève que la société Baalbeck réclame en pages 17 et 32 de ses conclusions le remboursement de la somme de 50.000 € qu'elle aurait payée en exécution de l'ordonnance du juge commissaire du tribunal de commerce de Nanterre du 15 novembre 2007. Cependant, la cour constate qu'aucun chef de dispositif du jugement déféré ne se rapporte à cette somme et que la déclaration d'appel régularisée par la société Baalbeck le 7 avril 2022 n'en fait pas état, pas plus que la déclaration d'appel établie par la société YTD le 1er décembre 2022. Enfin, la demande de remboursement ne figure pas au dispositif des dernières écritures signifiées par la société Baalbeck, de sorte qu'en application des articles 561 et 954 du code de procédure civile, la cour n'en est pas saisie.

Sur les demandes de la société Baalbeck

Sur la demande de la société Baalbeck tendant au remboursement d'un trop versé

Sur la période antérieure au 28 janvier 2015

La société YTD Fontainebleau soulève la prescription de l'action tendant au remboursement du trop-perçu pour la période antérieure au 28 janvier 2015, dès lors que la demande n'a été formulée que par conclusions signifiées le 28 janvier 2020.

La société Baalbeck conclut au rejet de la fin de non-recevoir, expliquant avoir découvert qu'elle avait indûment payé des loyers et des charges de copropriété et de GIE grâce au rapport d'expertise de M. [B] du 10 avril 2019, qui a été entériné par le tribunal. Elle ajoute que la mesure d'expertise est suspensive du délai de prescription et que le 13 octobre 2014, elle a formé opposition au commandement de payer du 23 juillet 2014, de sorte que son action ne peut être considérée comme prescrite.

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L'article 2224 du code civil dispose que : ' Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer '.

Par ailleurs, en vertu de l'article 2241 du même code : ' La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure '.

Il ressort des éléments de la procédure que la société Baalbeck a fait assigner la société YTD devant le tribunal judiciaire de Nanterre par acte d'huissier du 13 octobre 2014 afin d'obtenir l'annulation du commandement de payer que la société YTD lui a fait signifier le 23 juillet 2014 et le paiement de la somme de 100.000 € de dommages et intérêts.

Le tribunal a rappelé dans son jugement que dans le cadre de la mise en état de l'affaire, la société Baalbeck, par conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 7 avril 2016, a actualisé ses demandes pour solliciter du tribunal qu'il annule les commandements de payer visant la clause résolutoire des 23 juillet 2014 et 26 février 2016, condamne la société YTD au paiement de la somme de 100.000 € de dommages et intérêts et la déboute de sa demande reconventionnelle de résiliation judiciaire du bail.

Il apparait ainsi que lorsque le tribunal a ordonné, avant dire droit, par jugement du 12 janvier 2017, une mesure d'expertise confiée à M. [B], aucune demande de remboursement d'un trop-versé de loyers et de charges de copropriété n'avait été formulée par la société Baalbeck.

Comme l'ont justement relevé les premiers juges, ni l'assignation, ni la mesure d'instruction n'ont donc pu interrompre la prescription quinquennale.

Le tribunal dans le jugement du 2 mars 2022 précise que la demande de remboursement n'a été présentée pour la première fois que par conclusions notifiées le 28 janvier 2020, après le dépôt du rapport d'expertise de M. [B] le 10 avril 2019 et la cour constate que l'appelante ne justifie pas avoir formulé une telle demande avant cette date. L'action en paiement de la société Baalbeck est donc prescrite pour la période antérieure au 28 janvier 2015. Si la locataire explique qu'elle n'a pris conscience du trop-versé qu'avec le rapport d'expertise judiciaire, le tribunal a pertinemment souligné que la créance dont elle se prévaut trouve son origine dans la facturation des loyers indexés et des charges de copropriété et de GIE assorties de la TVA, problématique qui oppose les parties depuis la reprise du bail de la société Massa par les époux [A] pour le compte de la société Baalbeck en 2007 et qui a donné lieu à plusieurs décisions de justice, notamment le jugement du 9 juin 2011 rendu par le tribunal de grande instance de Nanterre, l'ordonnance du 26 juin 2014 du président du tribunal de commerce de Nanterre et l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 2 septembre 2014.

En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable comme étant prescrite l'action de la société Baalbeck tendant au remboursement d'un trop-versé de loyers et de charges de copropriété pour la période antérieure au 28 janvier 2015.

Sur la période postérieure au 28 janvier 2015

La société Baalbeck considère que la bailleresse n'ayant pas produit les pièces nécessaires pour lui permettre de vérifier ce qui était réellement dû, sa demande de remboursement du trop-payé est justifiée. Elle relève que le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nanterre le 9 juin 2011 et l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 2 septembre 2014 qui l'ont condamnée au paiement de charges de copropriété et de GIE, n'ont pas précisé s'il s'agissait de toutes les charges de copropriété ou seulement des charges de copropriété imputables au locataire, de toutes les charges de GIE ou seulement des charges de publicité du GIE, comme indiqué dans le bail initial consenti à la société Massa. Elle souligne que le bailleur opère une confusion répétée, de trimestre en trimestre, entre le montant du loyer et des charges dont il réclame le paiement en totalité, les charges de GIE, la taxe d'ordures ménagères, qu'il applique de la TVA sur la provision pour charges, ce qui est interdit, qu'il n'a procédé à aucune régularisation de charges depuis l'acquisition du fonds de commerce en 2007, qu'il ne communique pas les quittances de loyer. Elle indique que par une décision du 26 juin 2014, le tribunal de commerce a précisé qu'en dehors du montant du loyer, les autres clauses et conditions de l'ancien bail n'étaient pas modifiées, alors que depuis de nombreuses années le bailleur facture l'intégralité des charges de GIE, alors au surplus que ces charges ne font pas l'objet de décisions de l'assemblée générale des copropriétaires réunie chaque année.

La société Baalbeck demande à la cour d'entériner les calculs de l'expert judiciaire concernant le montant du loyer hors charges et hors taxes indexé, pour la période du 15 novembre 2007 au 23 juillet 2014 et du 24 juillet 2014 au 26 février 2016. Elle rappelle qu'aux termes du rapport d'expertise, le bailleur lui facture, outre l'intégralité des charges de copropriété, ce qu'elle ne peut faire, l'intégralité des charges de copropriété pour tous les lots qu'elle détient dans le centre commercial [Localité 6]. Elle sollicite le remboursement de la somme de 50.000 € qui, aux termes de l'ordonnance du 15 novembre 2007, ne devait être réglée que si un nouveau bail était régularisé entre les parties aux conditions antérieures, ce qui n'a jamais été fait. Elle conclut à la nullité de tous les appels de charges réclamés par le bailleur depuis le 1er mars 2016 majorés des sommes appelées au titre de la TVA sur charges.

Le bailleur se prévaut des termes du rapport d'expertise dont il ressort que la société Baalbeck demeure redevable de la somme de 24.013,64 €, qui doit être portée à la somme de 25.334 € pour tenir compte du montant réel des sommes réglées par le preneur. La société YTD conclut par conséquent au débouté de la société Baalbeck de sa demande en paiement.

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Il ressort du bail commercial conclu le 26 mai 1999 entre la société Slim 92, aux droits de laquelle vient la société YTD, et la société Massa que " le loyer s'entend charges comprises " et que " le preneur aura également à sa charge la taxe professionnelle, les impôts et taxes afférents à son commerce et remboursera au bailleur sa quote-part aux cotisations et charges relevant du GIE du centre commercial et correspondant à la publicité effectuée dans le cadre des décisions de l'assemblée des copropriétaires réuni (sic) chaque année ". Il est également stipulé que " le loyer (') sera révisable chaque année, selon l'indice du coût de la construction publié par l'Insee ".

Par ordonnance du 15 novembre 2007, le juge commissaire à la liquidation judiciaire de la société Massa a ordonné la cession du fonds de commerce, comprenant le droit au bail, aux époux [A], pour le compte de la société Baalbeck, moyennant le prix de 12.500 € sous réserve de la conclusion d' " un nouveau bail (') moyennant le loyer annuel de 20.000 € outre les charges de copropriété ".

Il ressort ainsi de l'ordonnance du juge commissaire que des charges de copropriété sont dues en sus du loyer.

Toutefois, par ordonnance du 26 juin 2014, le président du tribunal de commerce de Nanterre, saisi par la société YTD d'une requête en interprétation de l'ordonnance précitée du juge commissaire, a précisé s'agissant des conditions du nouveau bail visé par la décision " qu'en dehors du montant du loyer ", " les autres clauses de l'ancien bail n'étaient pas modifiées ".

Comme l'a pertinemment relevé M. [B] au cours de son expertise, seules les charges de GIE du centre commercial correspondant à la publicité effectuée dans le cadre des décisions de l'assemblée générale sont visées dans le bail. Les charges de copropriété ne sont pas évoquées, alors que le contrat précise que " le loyer s'entend charges comprises ". L'expert a souligné en page 10 que " lors de la liquidation de la société Massa, des arriérés de règlement ont été adressés par la SCI YTD Fontainebleau à la société Massa ('). Nous pouvons constater que seuls les " loyers et charges de GIE des commerçants du centre commercial [Localité 6] et la rétrocession de taxes sur ordures ménagères étaient facturées ". M. [B] ajoute " Puisque les charges de copropriété n'étaient pas clairement évoquées dans le bail et n'étaient pas facturées à la société Massa nous en déduisons que les charges de copropriété étaient incluses dans le loyer principal ".

La société Baalbeck soutient que le bailleur a facturé indûment des charges se rapportant au lot de copropriété n°198. Le bail du 26 mai 1999 porte sur un local commercial de 207 m² et quatre emplacements de stationnement " ayant les n° de lot : 180, 181, 182, 183 ". Le locataire reconnaît que ces places de parking portent les n°178, 179, 180 et 181. Cependant, les lots visés au bail ont manifestement fait l'objet d'une nouvelle numérotation, puisque l'expert évoque en page 17 de son rapport les concordances suivantes :

Le lot n°196 : un parking n°178,

Le lot n°197 : un parking n°179,

Le lot n°198 : un parking n°180,

Le lot n°199 : un parking n°181.

Le lot n°198 entre donc bien dans le champ d'application du bail liant les parties.

Les parties conviennent de l'indexation des loyers qui est effectivement prévue au bail du 26 mai 1999 : 'Le loyer ci-dessus stipulé sera révisable chaque année, selon l'indice du coût de la construction publié par l'INSEE'.

La société Baalbeck demande à la cour de dire qu'elle n'est tenue qu'au paiement d'un loyer " charges comprises', outre la taxe professionnelle et les charges de GIE limitées à la publicité. Elle ne conteste pas être redevable de la taxe sur les ordures ménagères (cf page 13 de ses conclusions : '... la taxe d'ordures ménagères (dont le paiement n'est pas contesté par la société Baalbeck)'). La taxe foncière ne relève, en revanche, pas des 'impôts et taxe afférents [au] commerce' exploité par le preneur.

La cour constate que la société Baalbeck réclame, aux termes de son dispositif, la condamnation de la société YTD au paiement d'une somme de 182.826,55 € au titre des sommes trop-versées, sans autre précision. Cependant, dans la partie de ses écritures consacrée à la discussion, elle distingue la période visée par le rapport d'expertise, soit jusqu'au 26 février 2016, pour laquelle elle réclame la somme de 209.469,02 € à titre principal et celle de 82.826,55 € à titre subsidiaire.

Si le tribunal de grande instance de Nanterre, par jugement du 9 juin 2011, et la cour d'appel de Versailles, par arrêt du 2 septembre 2014, ont condamné la société Baalbeck au règlement de loyers et charges impayées, sans précision concernant la nature de ces charges, aucune autorité de chose jugée ne saurait être attachée à ces décisions comme le soutient à tort la société YTD, dès lors que l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Nanterre interprétant l'ordonnance du juge commissaire du 15 novembre 2007 n'a été rendue que le 27 juin 2014, soit postérieurement au jugement du 9 juin 2011 et à l'audience de plaidoiries du 17 juin 2014 devant la cour d'appel de Versailles ayant mené à l'arrêt du 2 septembre 2014.

Pour les motifs énoncés infra, le bail a pris fin le 15 novembre 2016, par l'effet du congé avec refus de renouvellement. A partir de cette date, le preneur était tenu au paiement d'une indemnité d'occupation qui fait l'objet de l'expertise confiée à M. [G] par le jugement déféré.

La demande de remboursement du trop-versé allégué ne peut donc porter, à ce stade de la procédure, que sur la période courant du 28 janvier 2015 au 15 novembre 2016.

Il ressort des opérations d'expertise menées par M. [B], et des pièces produites par les parties que le montant du loyer annuel indexé, de la taxe sur les ordures ménagères et des charges de GIE du centre commercial correspondant à la publicité effectuée dans le cadre des décisions de l'assemblée des copropriétaires pour cette période doit être fixé comme suit :

- 2015, à compter du 28 janvier : 24.966,05 € TTC + 418,97 € + 3.048,91 € TTC = 28.433,93 €,

- 2016, jusqu'au 15 novembre : 27.127,58 € TTC + 296 € + 2.534,06 € TTC = 29.957,64 €,

Soit, 58.391,57 €.

Or, il ressort du rapport d'expertise de M. [B] et du décompte des sommes dues et payées établi par la société YTD, que le total des règlements opérés par la société Baalbeck au cours de cette période s'élève à la somme de 62.920 €. S'il est précisé sur le décompte du bailleur que certaines sommes correspondraient au paiement d'échéances antérieures au 28 janvier 2015, aucune pièce probante ne permet de réaliser l'imputation des paiements intervenus entre le 28 janvier 2015 et le 15 novembre 2016. Ils seront donc tous retenus.

En conséquence, la société YTD sera condamnée à payer à la société Baalbeck une somme de 4.528,43 € (62.920 € - 58.391,57 €) au titre du trop-versé par le preneur au cours de cette période.

Sur la nullité des commandements

La société Baalbeck sollicite l'annulation des commandements de payer des 10 octobre 2011, 22 novembre 2011, 18 octobre 2012, 24 avril 2013, 23 janvier 2014, 23 juillet 2014, 14 novembre 2014, 8 juin 2015, 26 février 2016 et 15 novembre 2016, dès lors qu'ils ne détaillent pas les sommes dues au titre des loyers et des charges. Le locataire ajoute que le bailleur a multiplié les mises en demeure et les commandements de mauvaise foi afin de récupérer les locaux sans régler d'indemnité d'éviction, qu'il réclame des sommes qui ne sont pas dues en exécution du bail, ne lui délivre pas de quittance et ne lui permet pas de déduire valablement la TVA qui lui est facturée deux fois.

La société YTD répond que la demande de nullité formulée au titre des commandements autres que ceux des 23 juillet 2014, 8 juin 2015 et 26 février 2016 est irrecevable, dès lors qu'elle n'a pas été formulée en première instance et qu'elle est indéterminée. Sur le fond, elle soutient que la multiplication des procédures est due aux manquements répétés du preneur à son obligation de paiement des loyers et charges à leur échéance. Elle affirme que la société Baalbeck était en possession de tous les décomptes nécessaires et qu'elle était à même de savoir ce qu'elle devait au regard du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nanterre en date du 9 juin 2011, de l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Nanterre en date du 26 juin 2014 et de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles en date du 2 septembre 2014. Elle précise qu'à supposer que certaines sommes ne soient pas justifiées, ceci n'est pas de nature à remettre en cause la validité de l'acte, mais uniquement à cantonner les sommes réellement dues.

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Aux termes du dispositif de ses conclusions, la société Baalbeck demande à la cour de :

" - Juger nul et de nul effet les commandements délivrés par la SCI YTD Fontainebleau et notamment les commandements des 23 juillet 2014, 8 juin 2015, 26 février 2016 et tous autres commandements délivrés de mauvaise foi ".

La société Baalbeck ne précise ainsi pas la date des commandements de payer qu'elle souhaite voir annuler, hormis ceux des 23 juillet 2014, 8 juin 2015, 26 février 2016. Dès lors qu'il n'appartient pas à la cour de rechercher, parmi les multiples commandements de payer produits, ceux sur lesquels il lui est demandé de statuer et qu'il ne peut être fait de la mauvaise foi un critère de détermination des commandements visés par la nullité, seuls les commandements des 23 juillet 2014, 8 juin 2015, 26 février 2016 seront examinés.

Les premiers juges ont pertinemment rappelé qu'aux termes de l'article L.145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

La sanction consistant en l'acquisition de la clause résolutoire étant automatique à l'expiration du délai d'un mois, le juge doit s'assurer que le commandement informe clairement le preneur du manquement qui lui est reproché et que ce manquement est en relation avec une stipulation expresse de bail sanctionnée par la clause. Le commandement doit donc être rédigé de façon claire et informer le locataire sans ambiguïté des sommes dues et du risque encouru, étant rappelé que si le commandement porte sur une somme supérieure à ce qui est réellement dû, il n'en doit pas moins être validé mais à hauteur de la dette justifiée.

Il est constant que le bailleur qui met en œuvre la clause résolutoire doit respecter dans cette mise en œuvre le devoir de bonne foi, sous peine d'en voir les effets paralysés. Le juge est tenu, lorsque cela lui est demandé, de rechercher si la clause résolutoire a été mise en oeuvre de mauvaise foi, appréciée à la date de délivrance du commandement. L'appréciation de la mauvaise foi est souveraine.

La mise en demeure ou le commandement doivent indiquer avec précision les clauses du contrat auxquelles le preneur aurait contrevenu, de même que les griefs formulés à son encontre, ce qui implique la justification et le détail des sommes mises en recouvrement au titre du loyer et/ou des charges.

Dans la négative, la clause résolutoire peut s'avérer inapplicable et la validité du commandement remise en cause.

Il n'est pas anodin de relever que le bailleur a signifié au preneur dix commandements au cours de la relation contractuelle. Le commandement de payer signifié le 23 juillet 2014 ne vise pas la clause résolutoire, à la différence des commandements des 8 juin 2015 et 26 février 2016.

Comme le soutient le preneur, ces deux derniers commandements ne détaillent pas les sommes dues au titre du loyer et des charges, mentionnant une somme globale au titre des loyers, des charges et de la TVA, dont l'expert [B] a d'ailleurs relevé que le bailleur l'avait irrégulièrement facturée au preneur sur les charges déjà assorties de la TVA.

Pourtant, il ressort des pièces produites que les parties sont en litige depuis le rachat du fonds de commerce par la société Baalbeck, soit depuis 2007, au sujet des charges au paiement desquelles le preneur est contractuellement tenu. Il ressort ainsi clairement de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 2 septembre 2014 que la société Baalbeck reproche au bailleur de ne pas fournir de décompte précis détaillant les loyers et les charges, ne lui permettant pas de vérifier que les charges qui lui sont facturées sont bien dues en exécution du bail.

Si l'arrêt précité a condamné le preneur au paiement des loyers et charges sans exiger du bailleur le détail des sommes dues, par ordonnance du 26 juin 2014, le président du tribunal de commerce de Nanterre a précisé qu'en dehors du montant du loyer, les autres clauses du bail du 26 mai 1999 demeuraient inchangées, ce qui limitait la facturation des charges à celles visées par le bail conclu entre la société Slim 92 et la société Massa.

Or, malgré cet élément et le contentieux engagé devant le tribunal judiciaire de Nanterre le 13 octobre 2014 ayant donné lieu au jugement déféré, le bailleur, aux termes des commandements visant la clause résolutoire des 8 juin 2015 et 26 février 2016, a persisté à ne pas mettre le preneur en mesure de s'assurer que les charges réclamées correspondent aux stipulations du bail.

Dans ces conditions et nonobstant les retards de paiement imputables au locataire, il apparait que les premiers juges ont à juste titre considéré que le bailleur a fait preuve de mauvaise foi lors de la signification des commandements de payer visant la clause résolutoire. Le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a déclaré nuls les commandements de payer visant la clause résolutoire des 8 juin 2015 et 26 février 2016.

Sur la demande de la société Baalbeck tendant à ce qu'il soit enjoint à la société YTD de communiquer un décompte des sommes dues au titre du bail et de remettre des quittances de loyers

La société Baalbeck ne justifie d'aucune disposition légale ou conventionnelle permettant d'imposer au bailleur la remise d'un décompte précis et actualisé des sommes dues par le preneur au titre des loyers et charges depuis l'origine de l'occupation des lieux. Le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté le locataire de sa demande.

Par ailleurs, s'agissant de la demande relative à la remise des quittances sous astreinte, la cour, par note en délibéré du 24 novembre 2023, a soulevé d'office le moyen tiré de son irrecevabilité, dès lors qu'elle n'a pas été formulée devant les premiers juges. En effet, contrairement à ce que prétend la société Baalbeck, seule la demande relative à la remise d'un décompte précis et actualisé des sommes dues par le preneur a été présentée en première instance. En application des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, la demande doit donc être déclarée irrecevable.

Sur la demande de dommages et intérêts

La société Baalbeck réclame une somme de 100.000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice consécutif à la multiplication des procédures judiciaires, à sa participation forcée à une mesure d'expertise, à la résistance opposée par le bailleur à lui communiquer les décomptes sollicités ainsi que les quittances de loyers et à la facturation abusive de la TVA sur les charges.

La société YTD répond qu'elle n'a commis aucune faute et que la société Baalbeck ne justifie en tout état de cause d'aucun préjudice. Elle souligne les manquements répétés de la locataire à payer les loyers et charges à bonne échéance l'ayant contrainte à multiplier les commandements.

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Le préjudice consécutif au défaut de remise des quittances ne saurait donner lieu à indemnisation, au regard de l'astreinte dont est assortie la condamnation du bailleur à remettre lesdites quittances, prononcée par le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre du 9 juin 2011.

La cour constate que les termes du bail du 26 mai 1999 sont parfaitement clairs quant aux charges devant être supportées par le preneur : le loyer est clairement stipulé " charges comprises " et les seules charges assumées par la locataire sont celles qui " correspondent à la publicité effectuée dans le cadre des décisions de l'assemblée des copropriétaires réunie chaque année ".

Néanmoins, l'ordonnance du juge commissaire du tribunal de commerce de Nanterre du 15 novembre 2007 vise le paiement d'un loyer annuel de 20.000 € " outre les charges ", amenant le tribunal judiciaire par jugement du 9 juin 2011 et la cour d'appel de Versailles par arrêt du 2 septembre 2014 à condamner la société Baalbeck au paiement de loyers et de charges de copropriété. Ces décisions ont pu conforter le bailleur dans sa position, même si elles ne le dispensaient pas d'accéder à la demande légitime du preneur d'obtenir un décompte des charges facturées.

En revanche, les termes de l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Nanterre du 26 juin 2014, interprétant l'ordonnance précitée du juge commissaire sont dénués de toute ambiguïté : hormis le montant du loyer, les autres clauses du bail du 26 mai 1999 sont applicables à la relation contractuelle liant les parties. Le bailleur se devait d'en tirer les conséquences quant aux charges facturées.

En outre, comme indiqué précédemment, les opérations d'expertise de M. [B] ont permis d'établir que la société YTD a facturé à la société Baalbeck de la TVA sur des charges qui en étaient déjà assorties.

S'il ressort des pièces produites que la société Baalbeck a effectivement payé ses loyers de manière récurrente avec retard, cette situation est manifestement la conséquence du comportement fautif du bailleur.

La faute du bailleur, ainsi établie, a généré un préjudice moral pour la société Baalbeck qui s'est vue notifier de nombreux commandements de payer, outre des saisies-attributions et saisies-ventes, justifiant, du fait des tracasseries causées, la condamnation de la société YTD au paiement de la somme de 5.000 € de dommages et intérêts. Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

Sur les demandes reconventionnelles de la société YTD

Sur l'acquisition de la clause résolutoire

Si la société YTD demande à la cour de constater l'acquisition de la clause résolutoire, d'ordonner l'expulsion de la locataire et de fixer l'indemnité d'occupation, il doit être rappelé que pour les motifs précités, les commandements de payer visant la clause résolutoire des 8 juin 2015 et 26 février 2016 ont été déclarés nuls, de sorte que la demande ne peut prospérer. Le jugement entrepris est confirmé sur ce point.

Sur la résiliation judiciaire du bail

La société YTD demande subsidiairement à la cour de prononcer la résiliation du bail, arguant du défaut de paiement récurrent par le preneur du loyer et des charges.

En application de l'article 1728 du code civil, le preneur est tenu de payer le prix du bail aux termes convenus.

Le manquement du preneur à cette obligation essentielle peut constituer un motif de résiliation judiciaire du bail en vertu de l'article 1184 du code civil dans sa version applicable à la cause, si le manquement est suffisamment grave.

Cependant, en l'espèce, comme indiqué précédemment, les retards de paiement imputables au locataire sont consécutifs au refus du bailleur de respecter les termes du bail quant aux charges susceptibles d'être récupérées et à son obstination à refuser de fournir, sur les factures, de décomptes détaillés des montants du loyer et des charges.

Le tribunal a pertinemment relevé qu'" en multipliant les mises en demeure et commandements de payer ou sommation, au lieu de produire les justificatifs des charges facturées pour permettre à la locataire, dans le cadre de l'exécution du contrat de bonne foi, de vérifier que les sommes facturées étaient conformes à celles stipulées au bail, la bailleresse est directement à l'origine du différend qui les oppose ".

En outre, il doit être souligné que pour les motifs précités, au 15 novembre 2016, la société Baalbeck bénéficiait d'un trop versé de 4.528,43 € et qu'à la date à laquelle la cour statue, le locataire est créancier à l'égard de la société YTD de la somme de 219.000 € qui lui a été allouée par arrêt de la cour d'appel de Paris du 7 février 2019 au titre de la liquidation de l'astreinte, outre celle 4.200 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ces conditions, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a débouté la société YTD de sa demande de résiliation judiciaire du bail, ainsi que de ses demandes subséquentes.

Sur la validation du congé portant refus de renouvellement et refus du droit à l'indemnité d'éviction

La société YTD fait valoir que le 9 mai 2016, elle a fait délivrer à la société Baalbeck un congé avec refus de renouvellement à effet au 15 novembre 2016, lui refusant le droit au paiement d'une indemnité d'éviction pour motifs graves et légitimes tirés notamment du manquement réitéré du preneur à son obligation de payer le loyer à l'échéance. Le bailleur expose que le preneur n'a pas déféré au commandement de quitter les lieux qui lui a été signifié le 15 novembre 2016. Il demande donc à la cour de valider le congé, d'ordonner l'expulsion du locataire et de fixer le montant de l'indemnité d'occupation.

La société Baalbeck conteste l'existence d'un motif grave et légitime compte tenu du refus du bailleur de communiquer un décompte clair et précis des sommes dues au titre du bail et de la facturation de charges qui ne sont pas contractuellement dues.

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En application de l'article L.145-28 alinéa 1er du code de commerce, " Aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d'éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l'avoir reçue. Jusqu'au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré. Toutefois, l'indemnité d'occupation est déterminée conformément aux dispositions des sections 6 et 7, compte tenu de tous éléments d'appréciation ".

Selon l'article L.145-17 I 1° du code de commerce, " I.- Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d'aucune indemnité : 1° S'il justifie d'un motif grave et légitime à l'encontre du locataire sortant. Toutefois, s'il s'agit soit de l'inexécution d'une obligation, soit de la cessation sans raison sérieuse et légitime de l'exploitation du fonds, compte tenu des dispositions de l'article L.145-8, l'infraction commise par le preneur ne peut être invoquée que si elle s'est poursuivie ou renouvelée plus d'un mois après mise en demeure du bailleur d'avoir à la faire cesser. Cette mise en demeure doit, à peine de nullité, être effectuée par acte extrajudiciaire, préciser le motif invoqué et reproduire les termes du présent alinéa ".

En application de ces dispositions, le propriétaire peut toujours refuser le renouvellement du bail, mais il peut être astreint à réparer le préjudice occasionné à son locataire obligé de quitter les lieux, lorsqu'il ne justifie pas à son encontre d'un motif grave et légitime.

Le juge apprécie souverainement le(s) motif(s) grave(s) et légitime(s) en se plaçant à la date de la mise en demeure.

Il incombe en toute hypothèse au bailleur d'apporter la preuve de la réalité du manquement et de ce que celui-ci s'est poursuivi au-delà du mois suivant la mise en demeure adressée au preneur d'avoir à cesser le(s) manquement(s) constaté(s).

Les faits dont le bailleur n'a eu connaissance que postérieurement à l'acte de refus de renouvellement peuvent constituer un motif recevable, de même que les infractions commises par le locataire postérieurement au refus de renouvellement.

Le congé portant refus de renouvellement et refus du droit à l'indemnité d'éviction signifié le 9 mai 2016 est fondé sur le manquement allégué du preneur à ses obligations financières, qui, pour les motifs précités, a été écarté.

Les premiers juges ont à juste titre rappelé que l'absence de motif grave et légitime ne prive pas le congé de ses effets, le bailleur étant dans ce cas redevable d'une indemnité d'éviction en application de l'article L.145-14 du code de commerce, le locataire étant, en miroir, redevable d'une indemnité d'occupation à compter de l'expiration du bail en application de l'article L.145-28 du code précité.

Afin de fixer le montant de l'indemnité d'éviction et celui de l'indemnité d'occupation, les premiers juges ont confié une mission d'expertise à M. [G], qui a déposé son rapport le 28 février 2023.

Cependant, la société YTD conteste le droit de la société Baalbeck au paiement de l'indemnité d'éviction au regard d'autres manquements du locataire au bail que ceux visés au congé du 9 mai 2016. Elle expose que la société Baalbeck organise des soirées dansantes tardives et qu'elle sous-loue les locaux pour l'organisation d'évènements festifs tels que des mariages, cette activité générant des nuisances sonores importantes dont se plaignent les voisins. Le bailleur ajoute que le syndic a également reçu des plaintes du fait de fuites d'eau provenant du four à vapeur utilisé par la société Baalbeck et inondant certains emplacements de parking. La société YTD indique que malgré les mises en demeure, adressées à la locataire, de respecter les obligations du bail, ces manquements ont persisté.

La société Baalbeck ne formule pas d'observations sur ces manquements.

Le bail stipule que " Les lieux sont destinés à l'activité de : " bar, café, restaurant, cafetariat, self-service, restauration rapide et toutes activité s'y rattachant ".

Par ailleurs, le contrat impose au preneur les obligations suivantes :

"1° de ne pouvoir sous louer meublé ou non meublé en totalité ou en partie les lieux loués. (')

De ne pouvoir se substituer quelque personne que ce soit, ni prêter les lieux loués même temporairement à des tiers ".

Or, le bailleur communique des photographies, d'un procès-verbal de constat d'huissier du 27 octobre 2021, des messages de clients de la société Baalbeck, un courrier recommandé du syndic de la copropriété du 28 septembre 2021 et des courriels de voisins du restaurant dont il ressort que le locataire met les locaux loués à la disposition de la clientèle pour l'organisation de réceptions.

Il ressort ainsi du procès-verbal de constat précité que la société Baalbeck " met à votre disposition une salle de fête d'une capacité d'accueil allant jusqu'à 200 personnes ", équipée d'" une piste de danse, table de mixage, terrasse couverte, espace bar, vestiaire ".

Aux termes de son courrier du 28 septembre 2021, le syndic de l'ensemble immobilier Le Zodiaque au sein duquel se trouve le centre commercial [Localité 6] a informé le bailleur des nuisances engendrées par la société Baalbeck comme suit :

" Nous recevons plusieurs plaintes, notamment pour les nuits du vendredi au lundi matin, qui deviennent un cauchemar pour certains Ateliers d'Artistes. Certains occupants ont appelé à plusieurs reprises la police municipale qui intervient.

Malheureusement, après leur départ, la musique recommence de plus belle.

Le bâtiment du Zodiaque n'est pas conçu pour abriter des locaux qui organisent des manifestations bruyantes, étant donné que les canalisations traversent tous les niveaux qui sont, de surcroît, en béton et non isolés (...)

D'autre part, le restaurant Rastignac a plusieurs fois fait l'objet de rappels concernant le squat des parties communes et leur encombrement par son mobilier, ce qui présente un risque accru en cas d'incendie et un non-respect des consignes de sécurité.

Si ces nuisances qui durent depuis déjà de nombreux mois venaient à se reproduire, nous nous verrons dans l'obligation d'entreprendre certaines démarches et engager toutes actions nécessaires. "

D'ailleurs, M. [A], dirigeant de la société Baalbeck, à l'occasion de l'expertise menée par M. [G] a confirmé qu'il exerce une activité de location de salle. Dans un dire à l'expert, son conseil a reproché à M. [G] de ne pas avoir pris en compte les activités de traiteur et de location de salle pour déterminer la valeur du droit au bail (page 43 du rapport). Or, comme le confirme l'expert dans sa réponse à ce dire, " la destination du bail est la suivante : " bar, café, restaurant, cafetariat, self-service, restauration rapide et toutes activités s'y rattachant ". Les activités de traiteur et de location de salle ne sont donc pas autorisées ' ". Au surplus, cette activité consiste à mettre les locaux à la disposition de tiers, ce qui est interdit par le bail.

La société YTD justifie avoir mis en demeure la société Baalbeck d'avoir à cesser ces manquements par acte d'huissier du 27 janvier 2022. Or, il résulte d'un courrier de M. [S], voisin du restaurant, du 12 mai 2022, d'une déclaration de main courante de Mme [V], voisine du restaurant, du 26 novembre 2022, de courriels de cette dernière des 18 décembre 2022 et 24 juin 2023, de courriels de Mme [U], voisine du restaurant, des 13 mai et 27 novembre 2022, d'un courrier du 26 juillet 2023 du conseil de Mme [V] et de M. [S] que l'activité de location de salle perdure et qu'elle génère d'importantes nuisances sonores, les locaux étant manifestement inadaptés sur le plan de l'isolation acoustique, à une telle activité.

Il est ainsi établi que la société Baalbeck ne respecte pas l'activité, ni les obligations stipulées au bail depuis plus de deux ans, exposant la société YTD à des poursuites judiciaires.

Ces manquements constituent un motif grave et légitime justifiant de priver la société Baalbeck de son droit à indemnité d'éviction. Le jugement déféré sera par conséquent infirmé sur ce point. Il sera également réformé en ce qu'il a ordonné une mesure d'expertise afin d'évaluer cette indemnité d'éviction. L'expulsion de la société Baalbeck sera ordonnée dans les conditions précisées au dispositif.

Sur la demande en paiement de l'arriéré locatif

La société YTD demande à la cour de condamner la société Baalbeck au paiement de la somme de 54.203,29 € au titre des loyers et charges dus jusqu'au 16 novembre 2016.

Cependant, pour les motifs précités, il n'existe aucun arriéré locatif à la date d'expiration du bail, soit au 15 novembre 2016. La société YTD sera par conséquent déboutée de sa demande en paiement arrêtée à cette date.

Sur la demande de fixation de l'indemnité d'occupation et de compensation

La société YTD demande à la cour de constater qu'une compensation est intervenue de plein droit entre le montant de la condamnation prononcée à son encontre par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 7 février 2019 (216.000 €) et le montant des arriérés de loyers, charges, accessoires et indemnités d'occupation dus par la société Baalbeck à proportion de la plus faible de ces deux sommes.

Cependant, il doit être rappelé qu'en application des dispositions de l'article 1347 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, la compensation doit être demandée et ne s'opère plus de plein droit. Par ailleurs, pour les motifs précités, la société YTD ne bénéficie, à la date d'expiration du bail, d'aucune créance à l'égard de la société Baalbeck.

Enfin, si la société YTD demande à la cour d'évoquer la demande relative à la fixation de l'indemnité d'occupation, la cour rappelle que le pouvoir d'évocation prévu à l'article 568 du code de procédure civile n'est qu'une simple faculté qu'il n'apparaît pas opportun de mettre en œuvre en l'espèce. En effet, il ressort du rapport d'expertise de M. [G] que ce dernier propose de fixer l'indemnité d'occupation due à compter du 15 novembre 2016 à la somme de 4.309 € par mois, ce qui représente près du double du montant du loyer dû par le locataire à cette date, puisque M. [B] précise en page 16 de son rapport que le montant du loyer indexé en 2016 s'élève à la somme de 2.249,47 € (1.874,56 € HT). Au regard de l'importance de la créance en jeu du fait des 7 années écoulées depuis l'expiration du bail et de l'absence d'observation de la société Baalbeck sur cette demande dans ses conclusions, il importe que les parties puissent bénéficier d'un double degré de juridiction sur ce point.

Le jugement déféré sera par conséquent infirmé en ce qu'il a ordonné la compensation des créances réciproques et le calcul par le bailleur des loyers et accessoires dus par la société Baalbeck depuis le 28 janvier 2015, en appliquant strictement la clause du bail du 26 mai 1999. Le jugement sera en revanche confirmé en ce qu'il a ordonné une mesure d'expertise confiée à M. [G] afin d'évaluer le montant de l'indemnité d'occupation, sauf à constater que le rapport d'expertise a été déposé le 28 février 2023.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Compte tenu de la solution du litige, le jugement sera infirmé des chefs des dépens et des frais irrépétibles.

Les parties succombant chacune partiellement, elles supporteront chacune par moitié les dépens, en ce non compris les frais d'expertise de M. [B] et le coût des commandements de payer des 23 juillet 2014, 8 juin 2015 et 26 février 2016 qui seront à la charge de la société YTD. Par ailleurs, la société Baalbeck, privée de son droit à indemnité d'éviction, sera condamnée à supporter la moitié du coût de l'expertise judiciaire de M. [G]. Le surplus des dépens afférents à cette expertise est réservé.

Par ailleurs, l'équité commande de débouter les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :

- débouté la société Baalbeck de sa demande en paiement au titre du trop-versé pour la période postérieure au 28 janvier 2015,

- débouté la société Baalbeck de sa demande de dommages et intérêts,

- donné pour mission à l'expert [G] d'évaluer l'indemnité d'éviction,

- ordonné la compensation des créances réciproques et le calcul par la société YTD des loyers et accessoires dus par la société Baalbeck depuis le 28 janvier 2015, en appliquant strictement la clause du bail du 26 mai 1999,

- dit que le congé portant refus de renouvellement n'est pas fondé sur un motif grave et légitime,

- dit que la société Baalbeck a droit au maintien dans les lieux jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction,

- sursis à statuer sur l'indemnité d'éviction,

- condamné la société YTD Fontainebleau au paiement de la somme de 7.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société YTD Fontainebleau aux dépens,

- réservé les dépens afférents à l'expertise ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Déclare irrecevable la demande de la société Baalbeck tenant à ce qu'il soit enjoint à la société YTD Fontainebleau de lui remettre les quittances de loyers sous astreinte ;

Condamne la société YTD Fontainebleau à payer à la société Baalbeck la somme de 4.528,43 € au titre du trop-versé pour la période postérieure au 28 janvier 2015 ;

Condamne la société YTD Fontainebleau à payer à la société Baalbeck la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts ;

Dit que le congé portant refus de renouvellement signifié par la société YTD Fontainebleau le 9 mai 2016 est fondé sur un motif grave et légitime privant la société Baalbeck de son droit à indemnité d'éviction ;

Ordonne, à défaut de départ volontaire dans le délai de deux mois suivant la signification du présent arrêt, l'expulsion de la société Baalbeck et de tout occupant de son chef des locaux situés [Adresse 2] (92), avec le concours de la force publique et d'un serrurier si besoin ;

Ordonne, en tant que de besoin, le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux, aux frais, risques et périls de la société Baalbeck, après avoir été listés, décrits avec précision et photographiés par le commissaire de justice chargé de l'exécution ;

Dit n'y avoir lieu à évoquer la demande tendant à la fixation du montant de l'indemnité d'occupation due par la société Baalbeck à compter de l'expiration du bail le 15 novembre 2016 ;

Condamne la société YTD Fontainebleau à supporter les frais d'expertise de M. [B] et le coût des commandements de payer des 23 juillet 2014, 8 juin 2015 et 26 février 2016 ;

Condamne la société Baalbeck à supporter la moitié des frais d'expertise de M. [G] ;

Réserve le surplus des dépens se rapportant aux frais d'expertise de M. [G] ;

Fait masse du surplus des dépens et condamne la société YTD Fontainebleau et la société Baalbeck à les supporter chacune par moitié ;

Déboute les parties de leur demande au titre des frais irrépétibles.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.