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Décisions

Cass. com., 10 janvier 2024, n° 22-18.857

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Louvre Hotels Group (SAS)

Défendeur :

Ferré participation (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

M. Regis

Avocats :

SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, SCP Piwnica et Molinié

T. com. Nanterre, 6e ch., du 4 nov. 2020…

4 novembre 2020

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 12 mai 2022), le 1er janvier 2011, la société Louvre Hotels Group (la société Louvre Hotels) et la société Hôtel gril de [Localité 4] (la société [Localité 4]) ont conclu un contrat de franchise aux fins d'exploitation, par cette dernière, d'un hôtel sous l'enseigne Campanile, pour une durée de dix ans. Le même jour, la société Louvre Hotels s'est engagée à assurer des prestations d'assistance dans la gestion de l'hôtel au profit de la société [Localité 4].

2. Le 31 mars 2016, la société [Localité 4] a sollicité, au titre de la clause d'agrément stipulée au contrat de franchise, l'accord de la société Louvre Hotels sur son projet de changement de mandataire social, avec maintien du contrat de franchise. Dans l'hypothèse d'un agrément du nouveau mandataire social par le franchiseur, la société [Localité 4] sollicitait la résiliation, par anticipation, du contrat de prestation de services.

3. Le 21 avril 2016, la société Louvre Hotels a notifié à la société [Localité 4] son refus d'agrément du « candidat cessionnaire », la société Ferré participation.

4. Le 3 juin 2016, la société [Localité 4] a indiqué à la société Louvre Hotels qu'elle se résignait à prendre acte de sa décision unilatérale de mettre fin aux contrats de franchise et de prestation de services.

5. Le 15 juin 2016, la société Louvre Hotels a pris acte de la réalisation par la société [Localité 4] de l'opération envisagée et constaté la résiliation de plein droit du contrat de franchise, par application de son article 10.1, et, par voie de conséquence, la résiliation du contrat de prestation de services.

6. La société Louvre Hotels a assigné la société [Localité 4] et la société Ferré participation en paiement de la somme de 253 459,02 euros au titre de la résiliation abusive des contrats de franchise et de prestation de services, ainsi que de la somme de 26 742,92 euros au titre de factures impayées.

Sur le premier moyen

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Et sur le second moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

8. La société Louvre Hotels fait grief à l'arrêt de condamner la société [Localité 4] à lui payer à la somme de 26 168,36 euros au titre de factures impayées, outre intérêts au taux légal, et capitalisation des intérêts, et de rejeter toutes autres demandes, alors « qu'excède ses pouvoirs le juge qui rejette une demande après en avoir constaté l'irrecevabilité ; qu'en l'espèce, la société Louvre Hotels demandait la condamnation de la société [Localité 4] à lui payer 26 742,92 euros au titre de factures impayées ; qu'en faisant droit à cette demande à hauteur de 26 168,36 euros au titre de factures impayées et la rejetant pour le surplus, après avoir pourtant énoncé qu'elle sera déclarée prescrite en ce qui concerne la somme de 574,56 euros, la cour d'appel a violé l'article 122 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

9. La cour d'appel, ayant, dans les motifs de sa décision, jugé irrecevable comme prescrite la demande en paiement de la somme de 574,56 euros au titre de cinq factures portant sur des prestations réalisées jusqu'en décembre 2015, voire janvier ou février 2016, sans l'examiner au fond, le moyen, qui relève une simple impropriété des termes du dispositif sans caractériser un excès de pouvoir, est inopérant.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

10. La société Louvre Hotels fait le même grief, alors « que la cour d'appel ne peut retenir une fin de non-recevoir qui n'est pas d'ordre public et n'est pas reprise dans le dispositif des dernières conclusions des parties ; qu'en l'espèce, la société Louvre Hotels demandait la condamnation de la société [Localité 4] à lui payer 26 742,92 euros au titre de factures impayées ; que dans le dispositif de ses dernières conclusions, la société [Localité 4] demandait à la cour d'appel de "débouter Louvre Hotels Group de sa demande en paiement de factures", mais non de déclarer une telle demande irrecevable ; qu'en retenant néanmoins que la demande de la société Louvre Hotels était prescrite en ce qui concerne les factures 47/3, 47/9, 47/13, 47/21 et 47/22, d'un montant global de 574,56 euros, la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 954, alinéa 3, du code de procédure civile :

11. Il résulte de ce texte que les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et que la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions d'appel.

12. Pour limiter à 26 168,36 euros la somme que la société [Localité 4] est condamnée à payer à la société Louvre Hotels au titre de factures, l'arrêt retient que la demande en paiement des factures antérieures au mois de mars 2016 a été formulée par conclusions du 4 mars 2021, soit plus de cinq ans après la réalisation des prestations concernées, ce dont il déduit qu'elle est prescrite.

13. En statuant ainsi, alors que la fin de non-recevoir, tirée de la prescription, ne figurait pas dans le dispositif des conclusions de la société [Localité 4], qui se bornait à demander que la société Louvre Hotel soit déboutées de ses demandes à ce titre, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

14. Il ressort des motifs que le montant des factures atteintes, selon la cour d'appel, par la prescription s'élève à la somme globale de 574,56 euros. La cassation sera donc limitée au rejet de cette demande, comprise dans le chef de dispositif de l'arrêt attaqué « Rejette toutes autres demandes ».

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande en paiement de la somme de 574,56 euros au titre de factures impayées portant sur des prestations réalisées jusqu'en décembre 2015, voire janvier ou février 2016, l'arrêt rendu le 12 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.