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Décisions

Cass. soc., 15 novembre 2023, n° 22-12.501

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Capitaine

Rapporteur :

Mme Lacquemant

Avocats :

SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Célice, Texidor, Périer

Paris, du 13 janv. 2022

13 janvier 2022

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 janvier 2022), M. [G] a été engagé en qualité de « adwords coordinator » par la société Google Ireland Limited, suivant contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 13 mars 2006.

2. Le 5 janvier 2011, son contrat de travail a été transféré au sein de la société Google LLC aux Etats-Unis, au sein de laquelle il a exercé les fonctions de « sales operations associate lead ».

3. Le 4 mai 2019, il a été engagé en qualité de « head of global reporting and analytics » par la société Google France par contrat de travail à durée déterminée du 6 mai au 6 novembre 2019, prolongé jusqu'au 31 décembre 2019.

4. Le 3 juin 2020, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes de requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée avec une reprise d'ancienneté au 13 mars 2006 et en paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal et sur le moyen du pourvoi incident

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. L'employeur fait grief à l'arrêt de fixer le salaire mensuel de référence à la somme de 28 912,33 euros et de le condamner à verser au salarié certaines sommes à titre d'indemnités de requalification, de licenciement, de préavis, de congés payés afférents et de licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que l'attribution d'actions gratuites dans le cadre d'un plan défini au niveau du groupe et destiné à intéresser certains collaborateurs au capital de la société mère du groupe ne constitue pas une rémunération liée au travail et n'entre donc pas dans l'assiette de calcul des indemnités de rupture, peu important que les montants correspondant à l'acquisition des actions (c'est-à-dire la valeur des actions le jour où elles sont effectivement remises gratuitement au salarié) soient soumis au prélèvement de cotisations sociales ; que la perte de chance d'acquérir des actions fait, en cas de rupture injustifiée du contrat de travail, l'objet d'une réparation spécifique distincte de la perte de rémunération indemnisée par l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'au cas présent, la société Google France faisait valoir que le contrat de travail de M. [G] stipulait une rémunération annuelle fixe de 151 000 euros à laquelle s'ajoutait une part variable pouvant atteindre 25% de la rémunération fixe et que la rémunération mensuelle brute moyenne perçue par M. [G] s'élevait à 16 816,01 euros ; qu'elle faisait valoir que l'attribution d'actions gratuites ne constituait pas une rémunération et ce, peu important que cette attribution ait été soumise au versement de cotisations sociales et mentionnée à cette fin sur les bulletins de paie ; qu'en affirmant qu'il y avait lieu d'inclure dans l'assiette de calcul du salaire de référence la valeur des actions gratuites attribuées au salarié et en fixant le salaire mensuel de référence de M. [G] à la somme de 28 912,33 euros, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-4, L. 1234-9 et L. 1235-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1245-2, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-3 du code du travail dans leur rédaction issue pour le troisième de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 et pour le dernier de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018.

7. Selon le premier de ces textes, lorsque le conseil de prud'hommes fait droit à la demande du salarié en requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il lui accorde une indemnité, à la charge de l'employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire.

8. Selon le deuxième, la dispense par l'employeur de l'exécution du travail pendant le préavis ne doit entraîner jusqu'à l'expiration de ce délai aucune diminution des salaires et avantages, y compris l'indemnité de congés payés, que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail.

9. Aux termes du troisième, le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement. Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire.

10. Selon le dernier de ces textes, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, à défaut de réintégration, le juge lui octroie une indemnité à la charge de l'employeur dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux exprimés en mois de salaire brut dans un tableau annexé à cet article.

11. Pour fixer le montant du salaire mensuel de référence servant au calcul des indemnités de requalification et de rupture du contrat de travail à la somme de 28 912,33 euros incluant les stock options levées par le salarié pendant sa relation de travail avec la société Google France, l'arrêt retient que si la plus-value réalisée par la levée des stock options ne constitue pas une rémunération, il n'en est pas de même de la valeur desdites stock options, celles-ci étant versées au salarié, cadre de haut niveau, pour rémunérer son travail, étant rappelé que les sommes correspondantes sont soumises au prélèvement des cotisations sociales et à une imposition libératoire.

12. En statuant ainsi, alors que ni la distribution d'actions gratuites ni l'attribution d'option sur titres ne constituent des éléments de rémunération entrant dans l'assiette du salaire à prendre en considération pour le calcul des indemnités litigieuses, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquence de la cassation

13. La cassation à intervenir sur le deuxième moyen rend sans objet l'examen du troisième moyen.

14. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation sur le premier moyen entraîne la cassation des chefs de dispositif qui condamnent l'employeur à payer au salarié les sommes de 12 000 euros au titre de la perte de chance de percevoir des actions au cours de l'année 2020 et 192 000 euros au titre de la perte de chance de céder les actions acquises et cessibles en 2019, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

15. La cassation prononcée n'atteint pas les chefs de dispositif condamnant l'employeur aux dépens et au paiement d'une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à son encontre et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe le salaire mensuel de référence de M. [G] à la somme de 28 912,33 euros, condamne la société Google France à verser à ce dernier les sommes de 28 912,33 euros au titre de l'indemnité de requalification, 111 617,02 euros au titre de l'indemnité de licenciement, 86 737 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 8 673,70 euros au titre des congés payés afférents, 290 000 euros au titre l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 12 000 euros au titre de la perte de chance de percevoir des actions au cours de l'année 2020 et 192 000 euros au titre de la perte de chance de céder les actions acquises et cessibles en 2019.

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.