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Décisions

CA Bordeaux, ch. soc. A, 10 janvier 2024, n° 21/00704

BORDEAUX

Arrêt

Autre

CA Bordeaux n° 21/00704

10 janvier 2024

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 10 JANVIER 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 21/00704 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-L5QQ

bl

Monsieur [H] [F]

c/

S.A.S. NOVARTIS PHARMA

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 décembre 2020 (R.G. n°F 19/00018) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LIBOURNE, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 04 février 2021,

APPELANT :

Monsieur [H] [F]

né le 18 Décembre 1965 de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

assisté de Me FERY-FORGUES substituant Me Eve LABALTE de la SELARL SELARL L&KA AVOCATS - LABALTE, avocat au barreau de PARIS, représenté par Me Claudia BRAVO-MONROY, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SAS Novartis Pharma, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 1]

N° SIRET : 410 349 070

représentée par Me Max BARDET de la SELARL BARDET & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 novembre 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame ROUAUD-FOLLIARD Catherine, présidente et Madame Bénédicte LAMARQUE, conseillère chargée d'instruire l'affaire,

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

Greffier lors du prononcé: Evelyne Gombaud

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Le délibéré a été prorogé en raison de la charge de travail de la Cour.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [H] [F], né en 1965, a été engagé en qualité de 'délégué de ville volant' par la société Sandoz, devenue Novartis Pharma, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er octobre 1995.

Il a ensuite été promu le 1er août 2016 au poste de délégué hospitalier au sein de l'unité de transplantation Immunologie et Dermatologie pour la région Grand Sud-Ouest comprenant les CHU de [Localité 3] et de [Localité 5].

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique.

M. [F] a été placé en arrêt de travail pour maladie du 14 au 18 septembre 2015, puis de manière continue à compter du 21 septembre 2015.

Suite à la décision du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région [Localité 3]-Aquitaine (ci après CRRMP), la caisse primaire d'assurance maladie (ci-après CPAM) a notifié à M. [F] la reconnaissance du caractère professionnel de sa pathologie par lettre du 29 décembre 2017.

Cette décision a fait l'objet d'une contestation de la société Novartis Pharma devant la commission de recours amiable qui a confirmé la décision de la CPAM, par décision du 26 avril 2018.

A la suite d'une visite de reprise du 2 mars 2018, le médecin du travail a déclaré M. [F] inapte à son poste, précisant que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à son état de santé.

Après consultation des délégués du personnel, M. [F], convoqué par lettre du 30 mars 2018 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 13 avril 2018, a été licencié pour inaptitude par lettre datée du 7 mai 2018 reçue le 24 mai suivant.

A la date du licenciement, le salarié avait une ancienneté de 22 ans et 7 mois, en dernier lieu, sa rémunération mensuelle brute moyenne s'élevait à la somme de 5.525,97 euros et la société occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Le 15 février 2019, M. [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Libourne d'une demande en nullité de son licenciement, sollicitant à titre principal le paiement de la somme de 125.000 euros à titre de dommages et intérêts de ce chef, subsidiairement des dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité à hauteur de 62.500 euros et à raison des circonstances brutales et vexatoires du licenciement à hauteur de 33.000 euros, outre la condamnation de la société Novartis Pharma au paiement d'une somme de 8.207,53 euros au titre d'une retenue indûment effectuée pour 'garantie au net' ainsi qu'au paiement des dépens et de la somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 11 décembre 2020, le conseil de prud'hommes de Libourne a fait droit à la demande de M. [F] en paiement de la somme de 8.207,53 euros au titre de la 'garantie au net', l'a débouté du surplus de ses demandes et dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens.

Par déclaration du 4 février 2021, M. [F] a relevé appel de cette décision notifiée par lettre du greffe adressée aux parties le 8 janvier 2021.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 3 mai 2021, M. [F] demande à la cour de :

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Libourne du 11 décembre 2020 en ce qu'il a condamné la société Novartis Pharma à lui payer la somme de 8.207,53 euros à titre de rappel de salaire pour la retenue indûment effectuée à titre de la « garantie au net »,

- l'infirmer en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses autres demandes,

Statuant à nouveau, le déclarer recevable et bien fondé en ses demandes,

- à titre principal, dire son licenciement nul,

- à titre subsidiaire, le juger dépourvu de cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause,

- dire que la société Novartis Pharma a manqué à son obligation de prévention des risques professionnels,

- dire les conditions de son licenciement brutales et vexatoires,

En conséquence,

- à titre principal, condamner la société Novartis Pharma à lui verser la somme de 125.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- à titre subsidiaire, la condamner à lui verser la somme de 91.178,05 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause,

- la condamner à lui verser les sommes suivantes :

* 62.500 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement grave de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat,

* 33.000 euros à titre de dommages intérêts pour conditions brutales et vexatoires du licenciement,

* 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux dépens.

Par ordonnance en date du 12 janvier 2022, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions et pièces adressées le 22 octobre 2021 par la société Novartis Pharma, dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, rappelé la possibilité d'ordonner une médiation à la demande des parties et a condamné la société aux dépens de la procédure d'incident.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 octobre 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 7 novembre 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes des dispositions des articles 472 et 954 du code de procédure civile, en présence de conclusions déclarées irrecevables, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés et il doit examiner, au vu des moyens d'appel, la pertinence des motifs par lesquels les premiers juges se sont déterminés, motifs que la partie qui ne conclut pas est réputée s'approprier.

Sur le harcèlement moral

M. [F] soutient que son licenciement est nul, à défaut dépourvu de cause réelle et sérieuse, car son inaptitude a pour origine le harcèlement moral qu'il a subi;

L'employeur, tenu d'une obligation de sécurité, doit assurer la protection de la santé des travailleurs dans l'entreprise et notamment prévenir les faits de harcèlement moral.

Dès lors que de tels faits sont avérés, la responsabilité de l'employeur est engagée, ce dernier devant répondre des agissements des personnes qui exercent de fait ou de droit une autorité sur les salariés.

Selon les dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L. 1154-1 prévoit, qu'en cas de litige, si le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Au soutien de ses prétentions, M. [F] invoque la nouvelle stratégie portée par les services marketing et commercial à compter de 2013, en opposition avec l'éthique qui était la sienne en sa qualité de commercial de produits de santé dans le domaine de la transplantation d'organes.

Il soutient s'être trouvé en conflit de valeur, refusant d'adhérer à cette nouvelle politique, alors qu'il engageait sa responsabilité auprès des professionnels de santé avant d'être impliqué malgré lui dans une pratique contraire à la réglementation qui concernait la promotion du médicament Certican.

M. [F] fait valoir l'intervention directe de sa hiérarchie sur ce dossier, l'annulation de la réunion initialement prévue au profit d'un montage financier pour augmenter l'investissement de Novartis en échange de données sans autorisations, pratiques contraires à la déontologie professionnelle.

M. [F] soutient que particulièrement investi dans ce projet, il a interrompu ses congés pour assister à la réunion du 12 mai 2015 entre ses supérieurs hiérarchiques et les deux médecins du service de transplantation du CHU de [Localité 3], au cours de laquelle la société Novartis a proposé une aide à hauteur de 10.000 euros pour finaliser l'emploi d'une de leur technicienne de recherche clinique, sous couvert de la rédaction d'un devis comportant trois projets de partenariats.

Il invoque également les pressions subies par sa hiérarchie pour soutenir ce nouveau projet, notamment pour amener les médecins à prescrire davantage de produits de santé commercialisés par la société mais également sa prise à partie lors d'une team building des 24 et 28 août 2015, sur ses résultats et sur la commande de détailler un plan d'action dont les tâches administratives 'relevaient d'un débutant'. Souhaitant rester professionnel, il n'a pas voulu s'inscrire dans un conflit ouvert avec sa hiérarchie.

Enfin, compte tenu de la rédaction de son avis d'inaptitude, qui exclut sa réintégration dans les effectifs de la société Novartis, M. [F] soutient que cet avis fait nécessairement état du lien avec les agissements de harcèlement moral dont il a été victime.

Les motifs par lesquels les premiers juges se sont déterminés sont les suivants :

« Il convient d'analyser les griefs formulés par Monsieur [F] [H], d'apprécier si leur réalité est établie et par suite, caractériser la rupture du contrat de travail.

En l'espèce, Monsieur [F] reproche à son employeur :

- D'avoir mis en place une nouvelle politique commerciale en 2013 dans laquelle il s'est rapidement trouvé en conflit de valeur par rapport aux demandes de sa hiérarchie, qui consistaient à exercer un maximum de pression sur les clients de la société, au détriment de l'éthique médicale, afin de maximiser le nombre de ventes.

A la lecture de son argumentaire, notamment du compte rendu des résultats financiers de 2013, on comprend parfaitement le désarroi de ces professionnels qui se retrouvent confrontés à une logique de rendement au risque parfois d'être en conflits avec leurs propres valeurs. Mais, ce mode de fonctionnement de l'entreprise, reproché, ne peut toutefois être considéré comme harcelant. Monsieur [F] [H] a sans doute souffert d'une stratégie marketing, qui fait partie intégrante de la commercialisation des produits, qui n'est cependant pas du seul fait de Madame [K], sa supérieure hiérarchique, qui elle-même est soumise à des obligations de résultat par la société.

- D'être en conflit avec elle, suite à des pratiques contraires à l'éthique médicale qui l'ont conduit à se retrouver dans une situation délicate, face aux différents abus commis par sa direction, alors même qu'en tant que Délégué hospitalier, c'est sa réputation professionnelle qui est atteinte.

Monsieur [F] avait pour objectif d'assurer l'information médicale auprès des établissements de santé et entretenir une relation professionnelle avec ceux-ci pour promouvoir les produits et leur bon usage dans le respect de l'éthique.

L'ensemble des activités et des compétences sont mises en œuvre dans le cadre de la réglementation pharmaceutique, des obligations légales,dans le respect et la stratégie de l'entreprise.

Toutefois Monsieur [F] était en clientèle, c'est-à-dire auprès des professionnels de la santé, il engageait sa responsabilité.

S'il est vrai que le devis établi par Monsieur [F] pour la tenue de la réunion scientifique du 16 octobre 2015, initialement prévu par ses soins est passé de 3000 euros HT à 5000 euros HT, aucune pièce versée aux débats ne vient corroborer la thèse d'un stratagème mis en place entre la société et les praticiens émérites, de telle sorte que Monsieur [F] serait le coordonnateur de ce montage à 10 000, euros en vue d'obtenir pour la société, la communication des données cliniques de la part de l'équipe du CHU de [Localité 3]. Aucune pièce n'indique un quelconque rappel de la société fait à Monsieur [F] en ce sens. Aucun document établi, ni mail, ni sms échangé entre sa direction et lui, qui aurait pu laisser penser ou croire à une pression subie par Monsieur [F], à telle enseigne qu'il ait été obligé de céder. Qui plus est, aucun organisme en interne ( le CHSCT, etc...) ou même externe n'a été sollicité par Monsieur [F], ce qui suppose qu'il était en parfaite adéquation avec ce qui se mettait en place.

En tout état de cause, Monsieur [F] a participé en toute transparence à la réunion du 13 mai 2015 et il a par la suite validé le projet final.

Ce grief est lui aussi totalement inopérant.

- La multiplication à son encontre de reproches injustifiés

A la lecture des pièces produites aux débats et de ses allégations, aucun élément probant ne vient étayer la thèse d'une multiplication de reproches de la part de l'employeur. Aucune attestation de témoignage de personnes présentes lors de ce séminaire organisé du 24 au 28 août 2015.

Ce grief est aussi inconsistant que le précédent.

- La dégradation de son état de santé

Le Conseil note cependant qu'avec une ancienneté de plus de vingt ans, Monsieur [F] n'a jamais eu de problème de santé marquant durant la relation contractuelle. Tout a commencé en 2013 (lors de la venue de sa nouvelle supérieure hiérarchique) et, ses problèmes de santé se sont accentués, voire aggravés en 2015, pour finir en 2017 par une reconnaissance du caractère professionnel de la maladie.

S'il est vrai que le CRRMP considère que le lien de causalité entre la pathologie déclarée et le contexte professionnel est direct et essentiel, et reconnaît le caractère professionnel de la pathologie, rien ne dit que cette décision est. opposable aux juges prud'homaux.

En effet, la décision du CRRMP leur est inopposable. Le Conseil dit que la preuve du harcèlement moral allégué, ne résulte pas de la décision du CRRMP et considère que le caractère professionnel de l'arrêt de Monsieur [F] ne prouve pas qu'il y ait harcèlement. Il en est de même de la reconnaissance par la CPAM qui ne prouve en aucune façon qu'il y ait eu harcèlement.

Les griefs avancés ne sont donc pas établis. Ils ne caractérisent pas un comportement harcelant de la part de l'employeur. ».

M. [F] verse notamment aux débats les pièces suivantes :

- le compte rendu des résultats financiers de la société Novartis pour 2013 faisant apparaître une baisse de la marge opérationnelle compensée par des gains de productivité dans le marketing et vente.

Toutefois, ce compte-rendu, rédigé en des termes financiers et généraux pour l'ensemble de la société Novartis dans ses activités en France et à l'étranger ne visait pas particulièrement M. [F] mais traduisait la politique commerciale de la société, qui avait notamment pour objectif de faire des bénéfices.

Ce fait ne peut être retenu.

- le courriel du 13 mai 2015 de M. [U], directeur du service transplantation du CHU de [Localité 3], listant les trois projets suite à la réunion du 12 mai 2015 qui s'était tenue à l'initiative de la hiérarchie de M. [F] : 'création de votre cohorte pour les patients de novo pour début septembre, présentation du projet de diagnostic organisationnel et location de stand pour votre événement à venir'.

M. [F] soutient qu'en réalité, en contrepartie de l'aide financière de 10.000 euros, il était demandé aux praticiens de communiquer à la société les données cliniques (la cohorte) et de venir la présenter lors d'une réunion à [Localité 4] en septembre. Or, cette communication directe de la cohorte est encadrée et exige une autorisation préalable d'une commission scientifique, qui est seule destinataire de ces données cliniques et doit par ailleurs être autorisée par le CHU et non pas seulement par le service transplantation.

Il indique par ailleurs qu'une analyse de la cohorte avait effectivement été réalisée sans obtention des droits le 21 septembre 2015.

M. [F] produit un courriel de [R] [P], chef de projet auprès de Novartis, en date du 17 juillet 2015, faisant part à un des deux médecins du service de transplantation (Dr [N]) de la difficulté d'obtenir l'autorisation du CHU.

Il verse également aux débats la capture d'écran du logiciel SalesForces faisant apparaître l'organisation par M. [F] d'une réunion le 16 octobre 2015 facturée à 3.000 euros HT avec le service de dermatologie de [Localité 3], ainsi que des échanges de courriels et de SMS attestant que sa hiérarchie est venue modifier les accords qu'il avait conclus avec le service de transplantation du CHU de [Localité 3], pour obtenir davantage d'argent ainsi qu'un certain nombre de données cliniques en dehors de toute autorisation.

M. [F] produit un courriel du Dr [N] en date du 3 octobre 2015 proposant de remplacer la réunion scientifique organisée par le salarié le 16 octobre, pour discuter des suites du projet de financement.

Il verse également des échanges de SMS avec Mme [P] du 14 octobre 2015, alors qu'il était en arrêt de travail pour maladie, lui annonçant qu'elle avait obtenu un partenariat à 5.000 euros avec une immersion de deux salariés.

Il soutient que la première réunion a ainsi été surfacturée, par le paiement de chaque diapositive de présentation et en prétextant la mobilisation de deux salariées en immersion, ce qui était impossible en pratique.

M. [F] verse enfin aux débats les dispositions déontologiques professionnelles des entreprises du médicament adhérentes du LEEM selon lesquelles les rémunérations ou paiements aux professionnels de santé doivent être raisonnables, justifiables et éthiques.

Les pièces produites par M. [F] font état d'un projet de réunion dont le coût initial était de 3.000 euros HT, qui aurait augmenté d'après un échange de SMS sans qu'aucune pièce en attestant ne soit versée aux débats.

Aucun courriel n'évoque la volonté de la société Novartis de passer outre la réglementation concernant la communication de la cohorte, Mme [P] invoquant au contraire dans son courriel du 17 juillet 2015 la connaissance de la contrainte d'obtenir l'autorisation du CHU.

Si M. [F] soutient que la communication de ces données a bien eu lieu en septembre 2015, il ne peut en justifier, ne procédant que par affirmation.

S'agissant du partenariat prévoyant l'immersion de deux collaborateurs, aucun élément ne permet d'établir que cette convention était fictive comme impossible en l'espèce, M. [F] ne produisant aucun élément en ce sens.

M. [F], ne verse aucune pièce permettant d'établir que la société lui aurait demandé d'avoir un rôle majeur et de soutenir le projet auquel il n'adhérait pas. S'il est destinataire des courriels échangés, il ne l'est qu'en copie, Mme [P] intervenant seule avec les médecins, qui n'ont pas eu besoin de se voir persuader par la proposition, apparaissant comme tels dans certains de leurs courriels.

Comme l'a relevé le premier juge, 'aucun document établi, ni mail, ni sms échangé entre sa direction et lui, qui aurait pu laisser penser ou croire à une pression subie par Monsieur [F], à telle enseigne qu'il ait été obligé de céder. Qui plus est, aucun organisme en interne (le CHSCT, etc...) ou même externe n'a été sollicité par Monsieur [F], ce qui suppose qu'il était en parfaite adéquation avec ce qui se mettait en place.'

En revanche, aucune pièce n'établit sa participation à la réunion du 12 mai 2015 et il ne peut être déduit de l'absence de formalisation de son opposition à sa hiérarchie, son accord sur la validation du projet, M. [F] ayant au surplus été arrêté pour maladie à compter du 14 septembre 2015.

De même, aucune attestation de personnes présentes lors de ce séminaire organisé du 24 au 28 août 2015 sur d'éventuelles pressions subies ne vient appuyer les griefs soutenus par le salarié.

Ces faits ne peuvent être retenus.

- Des articles de presse faisant état des condamnations de la société Novartis depuis 2013 et des affaires en cours impliquant la société en 2019 et en 2020.

Ces affaires relatées dans la presse qui concernent des faits d'ententes illicites en Italie, de 'pots de vins' aux Etats-Unis, de corruption en Chine, en Corée, d'affaire sur des montages financiers en Grèce, Corée et Vietnam et d'une sanction prononcée en 2020 par l'autorité française de la concurrence au titre de pratiques abusives ne sont pas des éléments laissant supposer l'existence d'une situation de harcèlement de M. [F], qui n'est jamais mentionné dans aucune de ces affaires.

- L'arrêt de travail initial du 14 septembre 2015, renouvelé le 28 août 2016 jusqu'en mars 2018, le dernier avis médical du 20 octobre 2016 faisant mention d'un 'syndrome dépressif sévère qui a entraîné une décompensation diabétique préexistante', la demande de reconnaissance de sa pathologie comme maladie professionnelle, ses déclarations lors de l'enquête par la CPAM dans un procès verbal du 6 février 2017, le courrier en réponse de la société et la décision du CRRMP du 21 décembre 2017 reconnaissant que 'les conditions de travail ont exposé ce salarié à un risque psycho social important et qu'il n'est pas mis en évidence dans ce dossier d'antécédent médical psychiatrique antérieur à l'épisode actuel, ni de facteur extra-professionnel pouvant expliquer de façon directe la pathologie déclarée. Le CRMMP considère que le lien de causalité entre la pathologie déclarée et le contexte professionnel est direct et essentiel et reconnaît le caractère professionnel de la pathologie déclarée'.

L'avis du médecin du travail en date du 2 mars 2018 constate que 'tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé'.

Si ces pièces médicales attestent d'un lien entre les conditions de travail et la pathologie de M. [F] ayant conduit le CRRMP à reconnaître le caractère professionnel de la maladie, elles ne font référence à aucune situation de harcèlement dont se serait prévalu le salarié, ni ne laissent présumer une situation de harcèlement moral en l'absence de faits précis et concordants présentés par M. [F].

De même la reconnaissance par la CPAM du caractère professionnel de la maladie n'établit pas qu'il y ait eu harcèlement.

Aucun des faits invoqués par M. [F] n'étant établi, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande au titre du harcèlement moral.

.

Sur le manquement à l'obligation de sécurité

Selon l'article L. 4121-1 du code du travail l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent:

1) des actions de prévention des risques professionnels,

2) des actions d'information et de formation,

3) la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'article L. 4121-2 du même code détermine les principes généraux de prévention sur le fondement desquels ces mesures doivent être mises en oeuvre :

'1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.'

Il en résulte que constitue une faute contractuelle engageant la responsabilité de l'employeur le fait d'exposer un salarié à un danger sans avoir pris toutes les mesures prévues par les textes susvisés, alors que l'employeur doit assurer l'effectivité de l'obligation de sécurité qui lui incombe en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise.

M. [F] soutient que l'employeur a manqué à son obligation de prévention des risques psycho-sociaux, faisant référence aux faits qui soutenaient sa demande de reconnaissance d'un harcèlement moral.

Les motifs par lesquels les premiers juges se sont déterminés sont les suivants :

« En effet, le constat a été fait que l'avis du CRRMP ne s'impose pas aux juges prud'homaux. L'employeur n'ayant été informé des conditions de travail de Monsieur [F] qu'après son audition par la CPAM dans le cadre de la procédure de reconnaissance de maladie professionnelle. Durant la relation contractuelle, il n'a jamais alerté sa direction de quoi que ce soit.

A en croire les mails et les sms échangés, les relations entre Monsieur [F] et sa direction étaient cordiales. Il a eu une évaluation mi- juin 2015 qui était positive et constructive. Il paraissait être satisfait de l'évolution des événements au sein de l'entreprise. Rien ne laisser présager des conditions de travail difficiles. Les éléments fournis par les parties ne laissent pas supposer une quelconque problématique.

Aucune démonstration n'est faite de la part de Monsieur [F] pour prouver qu'il y a un manquement grave de l'employeur à son obligation de sécurité, voire même de résultat.

Ce grief doit donc être écarté. ».

Si l'indemnisation des dommages résultant d'une maladie professionnelle, qu'elle soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale, la juridiction prud'homale est seule compétente pour statuer sur le bien-fondé de la demande d'indemnisation au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, prononcé pour inaptitude lorsque cette inaptitude est la conséquence du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

La cour, comme le conseil de prud'hommes, est donc compétente pour examiner les demandes de M. [F].

Le premier arrêt de travail de M. [F] en date du 14 septembre 2015 comportait la mention d'une 'dépression, décompensation diabétique' ; celui du 10 octobre 2016 réitère le même diagnostic d'une décompensation diabétique suite à état dépressif.

M. [F], par l'intermédiaire de son conseil, a demandé à l'employeur dans un premier courrier du 20 novembre 2015, d'évoquer sa situation dans la mesure où la dégradation brutale de son état de santé était très inquiétant et en lien avec son activité professionnelle.

L'épouse du salarié, dans un courrier du 6 janvier 2016 adressé au président de la société, a sollicité un accord pour permettre à M. [F] de sortir de la situation de souffrance dans laquelle il se trouvait et qui était en lien direct avec les 'pratiques douteuses' de la société qu'elle dénonçait.

La société n'a toutefois jamais répondu à ces demandes.

En revanche, par courrier du 25 janvier 2016, elle a fait part à M. [F] de la réorganisation de la franchise et de la réduction du nombre de délégués hospitaliers de dix à trois et lui a proposé en conséquence deux postes sans autre explication.

L'avis d'inaptitude émis par le médecin du travail en date du 2 mars 2018 précise que 'tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé'.

La société n'a produit aucun élément permettant de justifier la mise en place préventive des risques psycho-sociaux en son sein, notamment par la production du document unique d'évaluation des risques professionnels et alors qu'à partir de 2013, un changement important de politique commerciale est intervenu avec la nomination de nouveaux hiérarques et que les entreprises pharmaceutiques ont été confrontées au renforcement des règles d'éthique passant par l'obligation de déclarer les données sur la base 'transparence-santé' afin de limiter les avantages accordés aux professionnels de santé.

La société ne démontre pas avoir accompagné les salariés déjà en poste depuis de nombreuses années, aux adaptations rendues nécessaires par la définition d'une politique commerciale plus compétitive.

Par ailleurs, la société qui était informée des raisons de l'absence prolongée de M. [F] n'a pas cherché à mettre en place un soutien psychologique ou une aide au retour au travail, lui proposant au contraire une modification de son poste dans un contexte de suppression des emplois.

Il est ainsi démontré le manquement de la société à son obligation de sécurité et de prévention des risques psycho-sociaux.

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur la rupture du contrat de travail

La demande de reconnaissance du harcèlement moral ayant été rejetée, M. [F] sera débouté de sa demande en nullité du licenciement.

Le licenciement pour inaptitude médicalement constatée est dénué de cause réelle et sérieuse, lorsqu'il est démontré que l'inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée.

M. [F] produit ses arrêts de travail des 15 septembre 2015 et 10 octobre 2016, les demandes de reconnaissance de sa maladie professionnelle en date du 28 août 2016, le procès verbal d'enquête de son audition établi par la CPAM et les observations détaillées de la société en date du 14 avril 2017 dans le cadre de la procédure d'instruction du dossier, ainsi que la décision du CRRMP notifié au salarié le 29 décembre 2017.

Pour reconnaître le syndrome dépressif ayant entraîné une décompensation diabétique et proposer de fixer à 25% le taux d'incapacité permanente prévisible, le comité a dit direct et essentiel le lien entre la pathologie déclarée et le contexte professionnel.

Si l'avis du CRRMP ne lit pas le juge prud'homal, il peut toutefois en être tenu compte dès lors qu'il a été suivi par la CPAM. Les conditions de travail décrites par M. [F] dans le cadre de l'instruction du dossier sont les mêmes que celles soutenues dans la présente procédure.

M. [F] a indiqué lors de son audition par l'enquêteur de la CPAM qu'après les courriers envoyés et le refus des postes proposés suite à la réorganisation de la société, il est resté sans réponse de sa hiérarchie et sans rémunération de janvier à mai 2016, ce qui est attesté par les bulletins de paie produits et les régularisations faites a posteriori.

De cette angoisse quant à son avenir et sans pouvoir se projeter, il a indiqué avoir fait une tentative d'autolyse en novembre 2016.

Par courrier du 30 novembre 2915 M. [F] a alerté son employeur sur sa situation de santé en lien avec ses conditions de travail.

M. [F] n'a pas repris le travail suite à ces arrêts, la visite de reprise du 2 mars 2018 ayant conclu à son inaptitude.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la dégradation de l'état de santé du salarié ayant conduit à son avis d'inaptitude est au moins pour partie, la conséquence de la souffrance au travail dont il a été victime et qui a été constatée médicalement.

L'employeur, qui avait connaissance de la charge de travail de M. [F] comme la cour l'a précédemment relevé, n'a pas pris toutes les mesures de prévention nécessaires pour remédier à la situation, M. [F] ayant été contraint d'être placé et maintenu en arrêt de travail, en l'absence de mesures mises en place.

Il sera donc considéré, que l'employeur, en ne mettant pas en oeuvre toutes les mesures de prévention nécessaires, a par ce manquement à son obligation de sécurité, contribué à l'inaptitude médicalement constatée.

Le licenciement de M. [F] est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur les demandes financières

Au titre du manquement à l'obligation de sécurité

En réparation du préjudice subi du fait du manquement de l'employeur à son obligation de prévention des risques psycho-sociaux, M. [F] sollicité la somme de 62.500 euros à titre de dommages et intérêts.

Ces manquements ont été de nature à altérer la santé de M. [F] qui est resté en arrêt de travail pour maladie pendant 2 ans et 6 mois

En réparation du préjudice subi, il lui sera alloué la somme de 33.500 euros.

Au titre du licenciement dénué de cause réelle et sérieuse

M. [F] avait une ancienneté de 22 ans et 7 mois et était âgé de 52 ans au moment de la rupture du contrat de travail.

Sa rémunération mensuelle brute moyenne de s'élevait à la somme de 5.525,97 euros.

Il indique avoir subi une perte de salaire de 60.000 euros sur les trois années postérieures à son licenciement au regard des trois années antérieures.

Il justifie avoir suivi deux formations à l'été 2018 et à l'automne 2019 à sa charge pour un montant de 5.000 euros, avoir investi dans l'achat d'un fonds de commerce à [Localité 3] et créé son entreprise en tant qu'hypnothérapeute à partir de septembre 2019. Il ne perçoit plus d'indemnités Pôle Emploi depuis fin juillet 2020.

Sur le plan personnel, il fait état de charges importantes ayant sept enfants et ayant dû fare face à une procédure de divorce fin 2019.

Au regard des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, de l'ancienneté de M. [F] et de l'effectif de l'entrpeise, l'indemnité due au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement est comprise entre trois et 16,5 mois de salaire brut.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [F], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il convient de fixer à 70.000 euros la somme de nature à assurer la réparation du préjudice subi par M. [F] à la suite de son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, il sera en outre ordonné le remboursement par l'employeur à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées au salarié depuis son licenciement dans la limite de 6 mois d'indemnités.

Sur le caractère brutal et vexatoire du licenciement

M. [F] fait état de la tardiveté de la société à le licencier alors que l'avis d'inaptitude la dispensait de toute obligation de reclassement.

Les motifs par lesquels les premiers juges se sont déterminés sont les suivants :

« près une lecture attentive et une étude minutieuse des pièces versées aux débats, le Conseil constate que la procédure de licenciement a bien été respectée, la reprise du versement des salaires à la date de l'examen médical de reprise a été honoré. L'employeur a même consulté les Institutions Représentatives du Personnel, alors qu'il n'avait pas obligation de le faire.

S'il est vrai que les documents de fin de contrat ont tardé à arriver chez Monsieur [F], la société s'en est expliquée.

Partant de tout cela, le Conseil considère qu'il n'y a pas eu de conditions brutales et vexatoires du licenciement. ».

L'avis d'inaptitude a été rendu le 2 mars 2018.

M. [F] a été convoqué par courrier du 30 mars 2018 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 13 avril 2018.

Par lettre du 5 avril 2018, il a indiqué qu'il ne pourrait se rendre à cet entretien et a demandé à la société de lui adresser par retour du courrier les motifs de la décision envisagée.

Si par courriels des 26 avril et 5 mai 2018, M. [F] indiquait être dans l'attente de la décision, la lettre de licenciement est datée du 7 mai 2018, soit moins d'un mois après la date de l'entretien préalable.

La société, par l'envoi du courriel du 22 mai 2018 à M. [F], attestait auprès de lui de la remise de la lettre de licenciement aux services de La Poste avec le suivi de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

Il ne peut donc lui être reproché des manoeuvres vexatoires, le retard dans la distribution de cette lettre étant indépendant de sa volonté.

Toutefois, en sollicitant M. [F], dès le 7 mai 2017 par courriel, pour une restitution du matériel, alors que la lettre de licenciement était datée du même jour et qu'il ne pouvait en avoir eu connaissance, la société a fait preuve d'un comportement vexatoire alors qu'elle aurait pu s'assurer de la réception de la lettre de licenciement avant de solliciter cette restitution.

Ce comportement a causé un préjudice à M. [F], déjà fragilisé par sa pathologie, qui sera réparé par l'allocation d'une somme de 3.000 euros.

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur le rappel de salaire

M. [F] sollicite la confirmation du premier jugement qui a condamné la société à lui rembourser le trop-perçu au titre des indemnités de prévoyance.

Les motifs par lesquels les premiers juges se sont déterminés sont les suivants :

« Sur la garantie au net

En application de l'article 28 de la convention collective de l'industrie Pharmaceutique qui prévoit que le salarié en arrêt de travail ayant pour origine un accident de travail ou une maladie professionnelle bénéficie « d'un maintien de salaire pendant une durée maximale de 90 jours calendaire par arrêt »

Etant précisé que lorsque le salarié est en arrêt de travail pour maladie ordinaire, il bénéficie du maintien de salaire pendant une durée maximale de 90 jours calendaires.

En effet, dans le cadre de la maladie ordinaire, les cotisations sur les indemnités journalières sont soumises à la contribution sociale généralisée (CSG) et au remboursement de le dette sociale (RDS). CSG et RDS sont à la charge du salarié

Lors d'une maladie professionnelle, CSG et CRDS sont à la charge de l'employeur. De ce fait, la société NOVARTIS PHARMA a retenu le trop perçu d'indemnités journalières et l'a restitué à la société de prévoyance ; de sorte qu'elle doit à Monsieur [F] [H], ce trop perçu.

Le Conseil dit que la garantie sur le net est due à Monsieur [F] [H]. ».'

M. [F] a bénéficié d'un premier maintien de salaire de 90 jours du 1er janvier 2017 au 31 mars 2017, puis d'un deuxième maintien de salaire de 90 jours du 1er janvier 2018 au 17 mars 2018, à compter de la reconnaissance de la maladie professionnelle du 29 décembre 2017.

Toutefois, dans le cas de la subrogation, le maintien de salaire se calcule au-delà du délai de carence et après déduction des indemnités journalières de sécurité sociale. Ces indemnités versées par la scurité sociale ne sont pas soumises à cotisations sociales. Le salaire maintenu ne peut être inférieur aux indemnités journalières perçues par l'employeur.

Il n'est pas contesté que l'employeur a perçu des indemnités journalières trop importantes et a dû procéder à une restitution.

C'est donc à bon droit que le conseil de prud'hommes a condamné la société à verser à M. [F] la somme de 8.207,53 euros correspondant à la 'garantie sur le net'.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La SAS Novartis Pharma,partie perdante, sera condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement à M. [F] de la somme de 3.500 uros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [F] de sa demande en nullité du licenciement et a condamné la SAS Novartis Pharma au titre de la garantie sur le net,

Infirme le jugement déféré pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs du jugement déféré,

Dit que la SAS Novartis Pharma a manqué à son obligation de sécurité,

Dit le licenciement de M. [F] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la SAS Novartis Pharma à verser à M. [F] les sommes suivantes :

- 33.500 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

- 70.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

- 3. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire,

- 3.500 euros au titre des frais irrépétibles,

Ordonne le remboursement par la SAS Novartis Pharma à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à M. [F] depuis son licenciement dans la limite de 6 mois d'indemnités,

Condamne la SAS Novartis Pharma aux dépens.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par Evelyne Gombaud, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Evelyne Gombaud Catherine Rouaud-Folliard