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Décisions

CA Colmar, 3e ch. A, 8 janvier 2024, n° 22/03246

COLMAR

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Leasecom (SASU)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Martino

Conseillers :

Mme Fabreguettes, Mme Deshayes

Avocats :

Me Ben Aissa-Elchinger, Me Reins

TJ Colmar, du 1 juill. 2022

1 juillet 2022

FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE

Selon contrat du 8 octobre 2019, Madame [N] [R] a souscrit, pour les besoins de son activité professionnelle de « soins- beauté » un contrat de licence d'exploitation de site Internet n° 08102019STGHY001 auprès de la Sas NBB Lease, aux droits de laquelle est venue la Sasu Leasecom suivant traité de fusion en date du 30 juin 2020, moyennant règlement de 48 mensualités d'un montant de 133,20 € TTC chacune, outre le versement de frais d'adhésion ou de mise en ligne pour un montant forfaitaire de 645,60 € TTC.

La commande a donné lieu à l'établissement d'un procès-verbal de livraison et de conformité, signé sans réserve par Madame [R] le 11 décembre 2019.

Faisant valoir que les mensualités ont cessé d'être honorées à partir du 10 septembre 2020, la Sas NBB Lease a, par courrier recommandé du 26 novembre 2020, adressé à la locataire une mise en demeure de payer les loyers impayés sous huitaine, sous peine d'être redevable de la somme totale de 4 917,30 € en l'absence de paiement, par application de la clause de résiliation de plein droit.

À défaut de régularisation dans le délai imparti, la résiliation du contrat aux torts exclusifs de Madame [R] est intervenue le 4 décembre 2020. 

Par acte du 28 juillet 2021, la Sasu Leasecom a assigné Madame [N] [R] devant le tribunal judiciaire de Colmar aux fins de voir constater la résiliation du contrat de licence d'exploitation de site Internet et de la voir condamner au paiement d'une somme de 4 917,30 € arrêtée au 4 décembre 2020, avec intérêts légaux majorés de cinq points jusqu'à complet règlement et d'une somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile. À titre subsidiaire, elle a conclu au rejet des demandes de Madame [R] tendant à ce que lui soient restitués les loyers et, à défaut, à sa condamnation au paiement d'une somme équivalente aux loyers restitués au titre de l'indemnité de jouissance du matériel mis à sa disposition, avec compensation des créances réciproques.

Madame [N] [R] a sollicité que soit prononcée la nullité du contrat, subsidiairement qu'il soit déclaré résilié depuis le 1er juin 2020, plus subsidiairement encore que soit prononcée sa résiliation à effet au 1er juin 2020, qu'il soit dit que la clause d'indemnité de résiliation anticipée s'analyse en une clause pénale et soit déclarée non écrite, que sa nullité soit prononcée et qu'elle soit subsidiairement réduite à néant. Elle a demandé condamnation de la Sasu Leasecom à lui payer la somme de 2 110,80 € en remboursement des sommes versées, respectivement à titre de dommages et intérêts. À titre subsidiaire, elle a demandé sa condamnation à lui payer la somme de 4 917,30 € à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal majoré de cinq points, ainsi que compensation judiciaire des éventuelles créances réciproques afin que ne subsiste aucun montant à sa charge. Elle a également sollicité les plus larges délais de paiement, ainsi que condamnation de la demanderesse au paiement d'une somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle s'est prévalue des dispositions de l'article 1218 du Code civil et a fait valoir que son état de santé l'a contrainte à cesser son activité professionnelle à compter du 1er juin 2020, l'empêchant en conséquence d'honorer les engagements souscrits.

Elle a fait valoir par ailleurs que les clauses du contrat créaient un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties, notamment parce qu'elles sont de nature à faire naître des droits dénués de réciprocité : la durée du contrat (article 3), la faculté de résiliation offerte au cessionnaire (article 17.3), la restitution (article 17.4).

Par jugement du 1er juillet 2022, le tribunal judiciaire de Colmar a :

- condamné Madame [N] [R] à payer à la Sasu Leasecom la somme de 399,60 € au titre des sommes impayées au jour de la résiliation du contrat de licence d'exploitation de site Internet n° 08102019STGHY001,

- débouté Madame [N] [R] de sa demande tendant à voir annuler le contrat de licence d'exploitation de site Internet n° 08102019STGHY001 pour être affecté d'un déséquilibre entre les droits des parties,

- requalifié la clause de résiliation anticipée, figurant à l'article 17.3 des conditions générales du contrat, en une clause pénale,

- réduit en conséquence le montant de l'indemnité afférente à la somme de 100 €,

- débouté Madame [N] [R] de sa demande de délais de paiement,

- condamné Madame [N] [R] aux entiers dépens de la procédure,

- débouter la Sasu Leasecom de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que le jugement est assorti de plein droit de l'exécution provisoire.

La Sasu Leasecom a interjeté appel de cette décision le 16 août 2022.

Par écritures notifiées le 2 mai 2023, elle conclut à l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il requalifie la clause de résiliation anticipée en une clause pénale, en réduit le montant à la somme de 100 € et en ce qu'il la déboute de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Elle conclut à la confirmation du jugement déféré pour le surplus et demande à la cour de :

- condamner Madame [R] [N] au paiement de la somme de 4 517,70 € non soumis à la TVA au titre de l'indemnité de résiliation dont le montant est égal aux loyers à échoir hors-taxes (4 107 €) et à la pénalité de 10 % des loyers hors-taxes à échoir (410,70 €),

A défaut et si la cour ne faisait pas droit à la demande de la Sasu Leasecom au titre de l'indemnité de résiliation,

- condamner Madame [N] [R] à payer à la Sasu Leasecom la somme de 4 517,70 €, au titre de l'indemnité de jouissance du site Internet,

Sur appel incident,

- rejeter l'appel incident formé par Madame [N] [R],

- débouter en conséquence Madame [N] [R] de l'intégralité de ses fins, moyens et conclusions,

En tout état de cause,

- condamner Madame [N] [R] à payer à la Sasu Leasecom la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des frais irrépétibles de la procédure d'appel,

- condamner Madame [N] [R] aux entiers dépens.

Elle fait valoir qu'aux termes des stipulations contractuelles, la locataire est tenue au paiement de l'indemnité de résiliation égale à la totalité des échéances restant à courir jusqu'à la fin du contrat, majorée d'une clause pénale de 10 % ; que cette indemnité n'est nullement excessive, en ce que la location a été conclue pour une durée définie ; que l'intimée a cessé de sa propre volonté de régler les échéances à compter du mois de septembre 2020, de sorte qu'elle-même a été privée d'une partie des loyers à échoir et donc du bénéfice qu'elle escomptait percevoir au titre de l'opération financière ; que son préjudice est ainsi réel et certain ; que la clause pénale ne peut être réduite que si elle est manifestement excessive et que tel n'est pas le cas ; qu'elle-même a dû supporter le coût du financement de l'achat du site Internet, ainsi que toutes les charges financières et associées ; qu'aucune restitution ni revente ultérieure n'est possible eu égard à l'objet du contrat, le site ayant été créé selon les souhaits et activités de la locataire ; qu'elle subit donc une perte totale.

Sur l'appel incident, elle maintient que Madame [R] ne peut se prévaloir d'un cas de force majeure lui permettant de s'exonérer de ses obligations contractuelles ; qu'en vertu des dispositions légales, le débiteur, en cas de force majeure et d'un empêchement définitif, n'est libéré qu'à due concurrence ; qu'elle-même s'est acquittée du coût du site Internet par versement d'une somme de 4 516,96 €, dont elle est ainsi devenue propriétaire ; que l'intimée ne peut se prévaloir des dispositions du code civil pour se prétendre intégralement libérée de ses obligations.

Elle fait valoir par ailleurs qu'il a été retenu à juste titre par le premier juge que le défaut de réciprocité des clauses dont se prévaut l'intimée ne crée pas de déséquilibre significatif et que ces clauses n'encourent pas la sanction de l'article L. 442-6-1 2° du code de commerce. Elle rappelle que la mise en place du contrat de licence d'exploitation et de son échéancier est conditionné à la bonne réception/attestation de conformité du site Internet par la locataire, qui a attesté de la réception d'un site Internet conforme à ses attentes, déclenchant ainsi le versement des loyers ; que l'intimée ne peut se prévaloir d'une absence de droits de propriété qui créerait un déséquilibre, alors que l'objet du contrat porte sur un contrat de licence d'exploitation d'une durée définie et non sur un contrat de vente ; que Madame [R] ne peut pas plus se prévaloir d'un déséquilibre significatif résultant de l'absence de réciprocité de la faculté de résiliation, dans la mesure où elle ne peut résilier le contrat selon son bon vouloir, au détriment du locataire ; que le mécanisme de clause résolutoire n'est pas abusif, dès lors qu'elle repose sur des faits suffisamment graves qui contreviennent à la bonne exécution contractuelle ; que ces conditions sont limitativement arrêtées dans le contrat ; qu'au demeurant, le non-respect des dispositions de l'article L. 442-6 I 2° du code de commerce est sanctionné par l'octroi de dommages et intérêts et non par la nullité du contrat ; que Madame [R] ne fait état d'aucun préjudice et ne sollicite aucune indemnité ; qu'elle n'est pas plus recevable à invoquer les dispositions du code de la consommation, inapplicable à sa situation de cocontractant professionnel. À titre subsidiaire, sur les conséquences d'une éventuelle nullité du contrat, elle fait valoir que le décompte des sommes réclamées par l'intimée est erroné, en ce qu'elle s'est seulement acquittée de huit échéances ; qu'elle bénéficie toujours du site loué, sans aucune contestation quant à la prestation délivrée ; qu'une restitution des loyers équivaudrait à un enrichissement sans cause au bénéfice de Madame [R] et tendrait à requalifier le contrat à titre gratuit ; que le jugement déféré doit également être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de délai de paiement.

Par écritures notifiées le 4 février 2023, Madame [N] [R] a conclu au rejet de l'appel principal et à la confirmation du jugement entrepris, sauf en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 399,60 €, en ce qu'il a rejeté sa demande d'annulation du contrat, en ce qu'il a réduit l'indemnité de résiliation à la somme de 100 €, en ce qu'il a rejeté sa demande de délai de paiement et en ce qu'il l'a condamnée aux dépens.

Elle demande à la cour de :

- déclarer l'appel incident recevable et bien fondé,

A titre principal :

- déclarer que l'articulation des clauses suivantes figurant dans le contrat litigieux :

- article 3 - durée du contrat,

- article 5 - déroulement et délais de la réalisation,

- article 17.3 - résiliation

- article 17.4 - restitution,

crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au sens de l'article L. 442-6 I 2° du code de commerce au profit de la Sasu Leasecom, en ce qu'elles organisent notamment une forte asymétrie entre les parties en matière de résiliation du contrat (en termes de faculté et de coût) et de responsabilité contractuelle (en termes d'engagement de cette responsabilité et d'indemnisation en cas d'inexécution contractuelle),

- prononcer la nullité, subsidiairement, déclarer que le contrat est résilié depuis le 1er juin 2020, plus subsidiairement encore, prononcer la résiliation du contrat à effet au 1er juin 2020,

- déclarer que la clause d'indemnité de résiliation anticipée dont se prévaut la Sasu Leasecom s'analyse en une clause pénale,

- déclarer non écrite ladite clause, respectivement prononcer sa nullité, subsidiairement réduire à néant le montant de cette clause,

- condamner la Sasu Leasecom à payer à Madame [R] la somme de 2 100,80 € (133,20 x 11 + 645,60) à titre de remboursement des sommes versées, respectivement à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,

A titre subsidiaire, en cas de condamnation au paiement de l'une quelconque des sommes réclamées par l'appelante,

Vu les articles L. 442-1 I 2° et L 442-4 du code de commerce et les articles 1104 et 1343-5 du code civil,

- condamner l'appelante à payer à l'intimée la somme de 4 917,30 € à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal majoré de cinq points,

- ordonner la compensation judiciaire des éventuelles créances réciproques des parties afin qu'il ne subsiste aucun montant à la charge de la concluante,

- accorder à la concluante les plus larges délais de paiement sur le fondement de l'article 1343-5 du code civil, sinon un report de paiement de deux années compte tenu de sa situation économique, sans intérêt ou alors avec application durant ce délai du seul taux d'intérêt légal,

En tout état de cause,

- confirmer le jugement entrepris pour le surplus,

- condamner l'appelante à payer à l'intimée la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles exposés en première instance, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

- condamner l'appelante aux entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel.

Elle indique qu'elle a dû cesser son activité professionnelle, devenue incompatible avec son état de santé défaillant, ce dont la société Incomm, fournisseur du site et la société NBB Lease ont été informées ; que ce fait est constitutif d'un cas de force majeure, conformément aux dispositions des articles 1218 et 1351 du code civil.

Elle fait valoir par ailleurs que les clauses du contrat créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, en ce que l'article 5 prévoit qu'un délai de cinq jours ouvrables est laissé au client pour valider la proposition de site et que passé ce délai, la proposition est considérée comme étant validée sans réserve ; que cette stipulation est rédigée de telle façon que le client ne peut à aucun moment mettre un terme au contrat quand bien même la prestation proposée ne convient pas ; qu'il s'engage dans le même temps pour une durée irrévocable de 48 mois, sans être jamais titulaire d'un quelconque droit de propriété sur le site Internet, compte tenu de la clause 17.4 intitulée « Restitution », que son coût dépasse allègrement les prix du marché ; que l'article 17.3 intitulé « Résiliation » prévoit un droit de résiliation uniquement au bénéfice du prestataire, même si le client fait défaut dans l'exécution d'une seule des nombreuses obligations stipulées au contrat ; que cette faculté de résiliation n'est pas réciproque ; qu'il n'est prévu aucune indemnité au bénéfice du client, tandis que le prestataire peut réclamer le versement d'une indemnité égale à la totalité des loyers restant à courir jusqu'à la fin du contrat, majorée d'une clause pénale de 10 % ; que le déséquilibre significatif n'est pas contrebalancé par l'effet des autres clauses du contrat ; que la nullité du contrat doit donc être prononcée et qu'elle est en droit d'obtenir remboursement des sommes acquittées.

Elle fait valoir que la clause de résiliation anticipée doit être réputée non écrite au regard des dispositions de l'article 1171 du code civil, en ce qu'elle impose au consommateur qui n'exécute pas ses obligations le paiement d'une indemnité d'un montant manifestement disproportionné, sans réciprocité ; qu'elle doit subsidiairement s'analyser en une clause pénale dont le montant doit être réduit à néant ; que l'assertion selon laquelle elle bénéficie toujours de la jouissance du site Internet est totalement mensongère, en ce que le site n'a jamais été mis en ligne ; que le loueur n'en est de surcroît pas propriétaire ; qu'à titre subsidiaire, au cas où le paiement d'une somme serait mis à sa charge, il y a lieu de condamner à titre reconventionnel la Sasu Leasecom à lui payer, à titre de dommages-intérêts, les montants réclamés, avec compensation des créances réciproques.

À titre infiniment subsidiaire, elle fait valoir que sa situation financière justifie que lui soit alloués les plus larges délais de paiement.

MOTIFS

Il convient d'examiner l'appel incident préalablement à l'appel principal, dans la mesure où il a pour conséquence de remettre en cause les obligations contractuelles.

Aux termes de ses écritures d'appel, l'intimée, appelante à titre incident, développe en A l'existence d'un cas de force majeure et en B, l'existence dans les clauses du contrat d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. Il convient d'examiner les arguments élevés dans cet ordre, étant relevé que la sanction des dispositions de l'article L. 442-1 2° du code de commerce ne consiste pas en la nullité ou la résiliation du contrat, mais en l'engagement de la responsabilité du contractant, l'obligeant à réparer le préjudice ainsi causé.

Sur la force majeure :

L'article 1218 du code civil dispose qu'il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur. Si l'empêchement est temporaire, l'exécution de l'obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l'empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1.

L'article 1351 dispose que l'impossibilité d'exécuter la prestation libère le débiteur à due concurrence lorsqu'elle procède d'un cas de force majeure et qu'elle est définitive, à moins qu'il n'ait convenu de s'en charger ou qu'il ait été préalablement mis en demeure.

Il est de jurisprudence qu'il n'y a lieu à aucuns dommages et intérêts lorsque, par suite d'une force majeure ou d'un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit ; qu'il en est ainsi lorsque le débiteur a été empêché d'exécuter par la maladie, dès lors que cet événement, présentant un caractère imprévisible lors de la conclusion du contrat, et irrésistible dans son exécution, est constitutif d'un cas de force majeure.

En l'espèce, Madame [R] se prévaut de différents certificats médicaux qui ont été précisément détaillés par le premier juge dans la décision déférée, à laquelle il est expressément référé sur ce point.

Il résulte de ces pièces que l'intimée a été vue en consultation courant 2020 pour une névralgie cervico-brachiale gauche résistante à un traitement médical, pour laquelle elle a bénéficié de différents examens médicaux, dont une I.R.M. le 29 mai 2020. Elle a subi une intervention chirurgicale le 29 septembre 2020, en vue de remédier à une hernie cervicale.

Selon certificat médical relatant un examen du 12 novembre 2020, il a été déterminé l'existence d'une discopathie dégénérative et arthrose interapophysaire et uncarthrose étagée avec prothèse discale en C5-C6 et atteinte dégénérative prédominant en C4-C5.

Des certificats médicaux établis courant février 2021, font état d'une hypoesthésie C6 du côté droit, ayant entraîné un déficit moteur du membre supérieur gauche.

Le 23 septembre 2020, le praticien suivant Madame [R] pour son affection avait certifié que son état de santé contre-indiquait la poursuite de son activité professionnelle à compter du 1er juin 2020.

Par ailleurs, Madame [R] justifie avoir vendu le 24 septembre 2020 l'immeuble dont elle était propriétaire et dans lequel elle exploitait son fonds de commerce de soins esthétiques.

Il doit être tiré de ces éléments que Madame [R] a été atteinte d'une maladie ayant compromis la mobilité de son membre supérieur gauche ; que l'acte chirurgical effectué en septembre 2020 n'a pas été de nature à remédier à ce trouble, dont la persistance est attestée par les éléments médicaux postérieurs à cette opération ; que cette maladie l'a définitivement empêchée de poursuivre son activité professionnelle manuelle d'esthéticienne, radiée du registre des entreprises à compter du 31 juillet 2020.

Il n'est en rien démontré que cette pathologie, survenue plusieurs mois après la prise en location du site Internet, pouvait raisonnablement être prévue lors de la conclusion du contrat et il est établi que ses effets n'ont pu être évités par les mesures chirurgicales et traitements adaptés mis en œuvre.

L'intimée a, antérieurement à la résiliation du contrat par la Sasu Leasecom pour défaut de paiement des loyers, régulièrement informé à la fois la bailleresse et le fournisseur, par lettres recommandées avec avis de réception en date du 19 août 2020, de sa cessation d'activité générée par ses problèmes de santé.

L'empêchement de Madame [R], du fait de la privation de ses revenus professionnels, d'exécuter le contrat, souscrit pour les besoins d'une profession qu'elle ne peut plus exercer, étant définitif, il en résulte que, conformément aux dispositions légales précitées, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1.

L'intimée est libérée des obligations contractuelles à due concurrence à compter du 31 juillet 2020, de sorte qu'elle n'était plus redevable des loyers mis en compte par l'appelante à compter du 10 septembre 2020, non plus que de l'indemnité de résiliation.

Le jugement déféré sera en conséquence infirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de la Sasu Leasecom portant sur les arriérés locatifs et sur l'indemnité de résiliation et la demande en paiement sera rejetée.

L'intimée n'étant libérée qu'à due concurrence, sa demande tendant à voir la Sasu Leasecom condamnée à lui rembourser les sommes versées au titre du contrat sera rejetée. Il ne peut de même être fait droit à la même demande sur le fondement indemnitaire également allégué, en ce que Madame [R] a, jusqu'à l'apparition de sa pathologie, bénéficié du site Internet. Il sera à cet égard relevé qu'elle n'a jamais fait part au fournisseur ni à la bailleresse de ce que le site n'aurait pas été mis en ligne ; qu'elle a au contraire attesté le 11 décembre 2019, par la signature du procès-verbal de livraison et de conformité, de ce que le site objet du contrat avait été mis en œuvre, sans formuler aucune réserve.

L'appel incident prospérant, il convient de constater que l'appel principal est devenu sans objet quant à la demande portant sur le paiement de l'indemnité de résiliation et des arriérés de loyers.

Concernant la demande subsidiaire tendant au paiement d'une indemnité de jouissance, il sera relevé que Madame [R] a été radiée du registre des entreprises à comparer du 31 juillet 2020 ; qu'il ne résulte d'aucune pièce du dossier qu'elle aurait continué à user du site internet qui n'avait été mis en œuvre que pour les besoins de son activité professionnelle. L'appelante n'établit donc pas l'existence d'une faute de l'intimée, en relation avec un préjudice qu'elle aurait subi.

Sur les frais et dépens :

Les dispositions du jugement déféré quant aux dépens seront infirmées.

La Sasu Leasecom ne prospérant pas en ses prétentions, les dépens de première instance et d'appel seront mis à sa charge, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et la demande formulée par elle au titre de l'article 700 du même code sera rejetée.

Il sera alloué à l'intimée la somme de 2 000 € en compensation des frais non compris dans les dépens qu'elle a dû exposer pour défendre ses droits.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté la Sasu Leasecom de sa demande au titre des frais irrépétibles,

Statuant à nouveau des autres chefs,

DEBOUTE la Sasu Leasecom de sa demande en paiement de sommes restant dues au titre du contrat de location de licence d'exploitation de site Internet n° 08102019STGHY001,

CONDAMNE la Sasu Leasecom aux dépens de première instance,

Y ajoutant,

CONDAMNE la Sasu Leasecom à payer à Madame [N] [R] la somme de 2 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE la Sasu Leasecom de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la Sasu Leasecom aux dépens de l'instance d'appel.