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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 31 mars 2021, n° 18/19773

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

MF Autos (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Thaunat

Conseillers :

Mme Gil, Mme Goury

TGI Bobigny, du 3 juill. 2018, n° 16/014…

3 juillet 2018

FAITS ET PROCÉDURE

La SCI DU [...] est propriétaire d'un ensemble immobilier constitué de divers bâtiments situés [...].

Selon acte sous seing privé du 26 août 2010, la SCI DU [...] a renouvelé, pour une durée de neuf années à compter du 1er avril 2010, le bail commercial consenti à la SARL SOCIÉTÉ D'EXPLOITATION DU GARAGE D. portant sur les locaux suivants, édifiés au sein de l'ensemble immobilier précité :

- un pavillon de deux étages ;

- une cour derrière le bâtiment ;

- en aile droite contre le voisin, un local ouvert ;

- en fond de cour, trois bâtiments comprenant notamment un atelier de tôlerie, une cabine de lavage et un atelier de mécanique ;

- une construction avec vitrine sur rue en appui sur le pignon du bâtiment principal pour l'exposition de trois véhicules ;

- dans la cour, un emplacement non couvert en façade derrière un grillage rigide pour l'exposition d'un véhicule automobile.

La destination des lieux est : "achats-ventes et réparations de véhicules automobiles".

Le 4 juillet 2012, la SOCIÉTÉ D'EXPLOITATION DU GARAGE D. s'est fait livrer par la société AUTO IMPIANTIM. FRANCE une cabine de peinture d'environ 30 m², pouvant contenir un véhicule, qu'elle a installée dans la cour de l'ensemble immobilier pris à bail.

Le 1er septembre 2012, la SOCIÉTÉ D'EXPLOITATION DU GARAGE D. a conclu avec la société MF AUTOS un contrat dénommé "convention d'assistance et de prestation de services", aux termes duquel le garage s'est engagé à fournir contre rémunération à la société MF AUTOS diverses prestations, notamment l'utilisation de la cabine de peinture, pour une durée d'un an renouvelable à compter de la conclusion du contrat.

Par jugement du 13 mai 2014, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SOCIÉTÉ D'EXPLOITATION DU GARAGE D., Maître B. étant désigné en qualité d'administrateur judiciaire avec mission d'assister le débiteur.

Le 27 janvier 2015, le tribunal, après avoir examiné les trois offres de reprise qui lui avaient été soumises, a arrêté le plan de cession de la SOCIÉTÉ D'EXPLOITATION DU GARAGE D., en ce compris le bail, au profit de la société MF AUTOS. Par cette même décision, il prononçait la liquidation judiciaire de la SOCIÉTÉ D'EXPLOITATION DU GARAGE D..

Le 30 avril 2015, la SCI DU [...] a fait dresser un premier état des lieux dans les locaux objet du bail commercial.

Le 12 mai 2015, l'acte de cession d'entreprise a été conclu entre la SOCIÉTÉ D'EXPLOITATION DU GARAGE D. et la société MF AUTOS.

Le 24 juin 2015, la SCI DU [...] a fait dresser un second procès-verbal de constat dans les lieux loués.

Le 1er octobre 2015, la SCI DU [...], agissant par sa gérante Mme Sylvie A., a fait signifier à la société MF AUTOS un commandement visant la clause résolutoire aux termes duquel il était enjoint au preneur de démolir la "construction illicite" consistant en une cabine de peinture de véhicules automobiles située dans la cour des bâtiments.

Le 30 octobre suivant, le conseil de la société MF AUTOS a indiqué que cette dernière n'entendait pas déférer à ce commandement au motif que la cabine de peinture visée dans l'acte ne constituait pas une "construction", soulignant par ailleurs que la SCI DU [...] ne pouvait ignorer l'installation de cet équipement en 2012 compte tenu de la communauté d'associés et de dirigeants existant avec la SOCIÉTÉ D'EXPLOITATION DU GARAGE D..

Par acte d'huissier de justice du 15 janvier 2016, la SCI DU [...] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Bobigny la société MF AUTOS aux fins de constat de l'acquisition de la clause résolutoire visée dans le commandement du 1er octobre 2015.

Par jugement du 15 juin 2016, le tribunal de commerce de Compiègne a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société MF AUTOS.

La SCI DU [...] a mis en cause la SELARL V&V prise en la personne de Maître V. ès qualités d'administrateur judiciaire de la société MF AUTOS et la SCP A. H. ès qualités de mandataire judiciaire. Ces instances ont été jointes à l'instance principale par le juge de la mise en état.

Par jugement du 14 juin 2017, le tribunal de commerce de Compiègne a arrêté le plan de redressement de la société MF AUTOS.

La SCI DU [...] a fait assigner en intervention forcée la SCP A. H. ès qualités de commissaire à l'exécution du plan. Cette instance a été jointe à l'instance principale par le juge de la mise en état.

Par jugement du 3 juillet 2018, le tribunal de grande instance de Bobigny a :

- Mis hors de cause la société V&V, prise en la personne de Maître V., ès qualités d'administrateur judiciaire de la société MF AUTOS,

- Rejeté la fin de non-recevoir fondée sur la prescription de l'action de la SCI DU [...],

- Débouté la SCI DU [...] de l'ensemble de ses demandes,

- Condamné la SCI DU [...] à payer à la société MF AUTOS la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la SCI DU [...] aux dépens de l'instance, dont distraction au profit de la SELARL S. AVOCATS conformément à l'article 699 du code de procédure civile pour ceux des dépens avancés pour le compte de la société MF AUTOS,

- Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision en toutes ses dispositions.

Par déclaration du 7 août 2018, la SCI DU [...] a interjeté appel de ce jugement à l'égard de la société MF AUTOS et de la SCP A. H..

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 11 mars 2019, la SCI DU [...] demande à la Cour de :

- Dire la SCI du [...] recevable et bien fondée en son appel,

Y faisant droit, infirmer le Jugement rendu le 3 juillet 2018 par le TGI de BOBIGNY en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

- Vu les pièces versées aux débats, ensemble les articles L 145-41, L 145-17 du Code de Commerce, L 111-1 du Code de la construction et de l'habitation, L 421-1 à L 421-9, R 421-1, R 421-2 à R 421-8-2, R 421-9 à R 421-12, R 423-1 du Code de l'urbanisme, le commandement d'avoir à respecter les clauses du bail délivré le 1er octobre 2015,

- Constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail en renouvellement consenti le 26 août 2010 à effet du 1er avril précédent par la SCI du [...] à la Société d'Exploitation du Garage D., aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société MF AUTOS, faute par ladite société d'avoir déféré dans le mois du commandement à la sommation délivrée.

- Ordonner en conséquence son expulsion des lieux loués, et celle de tous occupants de son chef, avec l'assistance si besoin est de la force publique et d'un serrurier, un mois après signification du Jugement à intervenir.

- Fixer l'indemnité d'occupation due à compter du 1er novembre 2015 à la somme de 7 500 € mensuels et condamner, en tant que de besoin, la société MF AUTOS à payer lesdites indemnités, jusqu'à la restitution effective des lieux loués.

- Ordonner la séquestration du mobilier garnissant les lieux aux frais de la défenderesse.

- Rejeter l'appel incident formé par la société MF AUTOS,

- Condamner en outre la société MF AUTOS à payer à la demanderesse une indemnité de 10 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du NCPC,

- Dire le Jugement (sic) à intervenir opposable tant (sic) à la SCP A.-H., représentée par Me A. ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société MF AUTOS

- Condamner enfin la société MF AUTOS aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction est requise pour ceux d'appel au profit de Maître C., avocate, et au profit de Maître Vincent D., Avocat, pour ceux de première instance, conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 12 mai 2020, la SAS MF AUTOS, intimée, demande à la Cour de :

Vu l'article 32 et 122 du code de procédure civile,

Vu l'article L.145-60 du code de commerce,

Vu l'article 1103, 1104 et suivants du Code civil,

Vu les pièces versées aux débats,

- Dire et juger la société MF AUTOS bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,

Y faisant droit,

- Débouter la SCI DU [...] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- Dire et juger que la cabine de peinture litigieuse ne constitue pas une construction au sens du contrat de bail ou des règles applicables en matière d'urbanisme,

- Dire et juger qu'en tout état de cause, l'installation de la cabine ne constitue pas une installation illicite,

-Constater que les services de l'urbanisme et de la Mairie d'AUBERVILLIERS ont expressément autorisé l'installation de la cabine de peinture,

- Dire et juger que l'installation de la cabine de peinture n'a pas eu pour conséquence de créer un changement de distribution des lieux loués,

- Dire et juger que la SCI DU [...] avait parfaitement connaissance du projet d'installation de la cabine de peinture et a donné son accord tacite,

Statuant à nouveau sur l'irrecevabilité :

- Dire et juger la SCI DU [...] irrecevable en ses demandes, fins et conclusions et l'en débouter intégralement,

- Dire et juger que la SCI DU [...] est dépourvue du droit d'agir contre la société MF AUTOS,

- Dire et juger l'action de la SCI DU [...] prescrite,

Confirmant le jugement entrepris sur le fond :

- Débouter la SCI DU [...] de l'intégralité de ses demandes et notamment aux fins de constat d'acquisition de clause résolutoire et d'expulsion,

En tout état de cause :

- Condamner la SCI DU [...] au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la SCI DU [...] aux entiers dépens de la présente instance dont distraction à la SELARL S. AVOCATS en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Par acte d'huissier de justice remis à personne morale le12 octobre 2018, la déclaration d'appel et les conclusions d'appel du 11 octobre 2018 ont été signifiées à la SCP A. H. ès qualités de commissaire à l'exécution du plan.

La SCP A. H. ès qualités de commissaire à l'exécution du plan n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 22 octobre 2020.

MOTIFS

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'intérêt à agir

La SAS MF AUTO expose que la cabine de peinture litigieuse visée par le commandement délivré par la SCI DU [...] a été installée par le précédent locataire le 4 juillet 2012, à savoir la SARL SOCIETE D'EXPLOITATION DU GARAGE D.. Elle déclare en justifier par la production du procès-verbal de livraison et de réception des matériaux signé entre la SARL SOCIETE D'EXPLOITATION DU GARAGE D. et la société AUTOIMPIANTI M. France, la facturation et les chèques de règlement de la SARL SOCIETE D'EXPLOITATION DU GARAGE D., laquelle a également sollicité une autorisation administrative auprès de la mairie d'Aubervilliers. Elle soutient qu'à cette époque, seule la SARL SOCIETE D'EXPLOITATION DU GARAGE D. avait la qualité de locataire puisqu'elle ne lui a succédé que le 27/01/2015 ; qu'il est admis que les locataires successifs ne sauraient être tenus responsables des éventuels défauts d'exécution du bail commis par les précédents locataires ; qu'il ne peut pas lui être reproché une éventuelle faute commise par le précédent locataire laquelle ne lui est pas imputable personnellement.

La SCI DU [...] prétend qu'elle a intérêt à agir à l'encontre de la SAS MF AUTO, locataire dans la mesure où celle-ci vient aux droits de la SARL SOCIETE D'EXPLOITATION DU GARAGE D. en vertu de la cession opérée à son profit de sorte qu'elle est tenue des manquements qui pouvaient être reprochés à son prédécesseur au cours du bail ; que la SAS MF AUTO est en toute hypothèse directement responsable de l'infraction reprochée dont elle a été l'instigatrice et qui lui a bénéficié puisqu'elle a occupé les lieux avant la cession suite à la convention d'assistance qui lui a été consentie.

Comme l'a relevé le jugement entrepris, les moyens fondant l'irrecevabilité de la demande sur le fondement de l'article 32 du code de procédure civile s'analysent en une défense au fond, qui sera examinée ci-dessous, et non en une fin de non-recevoir, de sorte que le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de la SCI DU [...]

La société MF AUTOS soutient que l'action aux fins de constat de l'acquisition de la clause résolutoire engagée par le bailleur se heurte à la prescription biennale de l'article L. 145-60 du code de commerce, relevant que le commandement vise l'article L145-41 du code de commerce et elle se prévaut de ce que la SCI DU [...] était informée de l'installation de la cabine de peinture depuis 2012.

La prescription biennale de l'article L. 145-60 du code de commerce ne concerne que les actions exercées en vertu du statut des baux commerciaux.

L'article L145-41 du code de commerce a trait aux dispositions relatives à la résiliation de plein droit du bail dans le mois suivant la délivrance d'un commandement visant la clause résolutoire.

Comme l'a indiqué le jugement entrepris, l'action de la SCI DU [...] se fonde sur la méconnaissance alléguée des engagements contractuels du preneur et sur la clause résolutoire du bail, et non sur les dispositions spécifiques du statut des baux commerciaux. Elle est donc soumise à la prescription quinquennale de droit commun, non acquise en l'espèce s'agissant de l'allégation d'un manquement au bail survenu en juillet 2012.

Enfin la connaissance alléguée par la SAS MF AUTO de la SCI DU [...] de l'installation de la cabine de peinture est un moyen de défense au fond.

Sur la demande de constat d'acquisition de la clause résolutoire

La SCI DU [...] soutient que la cabine de peinture qui a été installée par la SARL SOCIETE D'EXPLOITATION DU GARAGE D. représente une emprise au sol de 29,93m² pour une hauteur de 3,40 mètres ; que par application des dispositions du code de l'urbanisme, celle-ci ne pouvait être édifiée qu'en vertu d'un permis de construire eu égard à ses dimensions, le fait qu'elle soit dépourvue de fondations étant à cet égard sans incidence sur la qualification de construction ; que ce permis de construire n'a été ni sollicité ni obtenu. Elle prétend que la SAS MF AUTOS a installé la cabine de peinture litigieuse en violation des dispositions du bail qui impose à la locataire de ne faire dans les lieux loués aucune construction quelconque sans l'autorisation du bailleur. Elle soutient que contrairement à ce que retient le jugement entrepris, le commandement, en visant l'illicéité de la construction édifiée dans la cour et que celle-ci n'ait pas été édifiée avec son autorisation et n'a pas fait l'objet d'un permis de construire visent bien la non conformité aux règles d'urbanisme dont l'illégalité subséquente faisait incontestablement partie des manquements reprochés. Elle demande par conséquent qu'il soit constaté que le motif tenant à la construction de la cabine litigieuse en violation des règles d'urbanisme en matière de permis de construire est visé au commandement et est établi ; qu'il existe bien une contravention tant aux dispositions du bail qu'à la loi et que l'édification irrégulière de la construction n'a fait l'objet d'aucune autorisation écrite de sa part.

La société MF AUTOS expose que la cabine de peinture n'est pas une construction selon la définition commune de cette notion ; que d'ailleurs l'article L111-1 du code de l'urbanisme qui fait référence aux constructions concerne les bâtiments, cet article prenant place dans la section 1 intitulée dispositions applicables à tous bâtiments. Elle fait valoir avoir installé une cabine entièrement démontable, ce qui n'a nécessité aucuns travaux de maçonnerie, percement de murs ou fondations ; qu'il s'agit d'un équipement technique ; que cette cabine apparaît dans l'inventaire des éléments mobiliers de la liquidation judiciaire établi par le commissaire priseur. Elle conteste qu'un permis de construire aurait été nécessaire exposant que l'article L 421-5 b) du code de l'urbanisme emporte dérogation à la délivrance d'un permis de construire compte tenu du caractère temporaire lié à l'usage auquel est destiné la cabine de peinture. Elle ajoute qu'en tout état de cause seule une déclaration préalable serait nécessaire ; que la SARL SOCIETE D'EXPLOITATION DU GARAGE D. a bien sollicité l'autorisation et l'a obtenue des services de l'urbanisme tel qu'il en résulte des termes du courrier de la mairie d'Aubervilliers du 26/03/2012 ; que ladite cabine est conforme à la réglementation comme il ressort d'un contrôle effectué le 7/03/2018. Elle soutient que le commandement ne vise en tout état de cause pas la non conformité de l'installation au regard des règles de l'urbanisme comme justement relevé par le jugement de première instance ; que seules les clauses du bail servent de fondement audit commandement. Elle ajoute que la cabine de peinture ne constitue pas un changement de distribution rappelant que les fenêtres du pavillon n'ont pas été bouchées et que la cabine de peinture a vocation à être retirée à la fin du bail. Elle ajoute que la SCI DU [...] ne peut être considérée de bonne foi dans sa demande d'acquisition de la clause résolutoire au regard de sa connaissance depuis 2012 de l'installation de la cabine.

La cour rappelle qu'il est admis qu'en cas de cession du bail, le bailleur ne peut pas agir en résiliation contre le cessionnaire pour des fautes commises par le cédant avant la cession. Seuls des manquements personnellement imputables au cessionnaire peuvent justifier la demande de résiliation. Toutefois, il en va autrement lorsque l'infraction se poursuit après la cession. En ce cas, si le cessionnaire est mis en demeure de faire cesser le manquement et n'obtempère pas, le manquement du cédant devient alors le sien et la résiliation du bail peut être prononcée le cas échéant.

En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats, notamment du procès-verbal d'installation de ladite cabine par la société AUTOIMPIANTI M. FRANCE signé par la SARL SOCIETE D'EXPLOITATION DU GARAGE D. le 4/07/2012, de la facture établie à son nom en date du 11/07/2012 pour une cabine de peinture Megane 6.5/4 ainsi que des trois chèques en paiement établis par la SARL SOCIETE D'EXPLOITATION DU GARAGE D. à la société M. FRANCE les 5 et 27/07/2012 et 6/09/2012, que la cabine de peinture litigieuse a été installée par le précédent locataire, à savoir la SARL SOCIETE D'EXPLOITATION DU GARAGE D., le 4/07/2012. Le commandement visant la clause résolutoire délivré le 1/10/2015 a mis en demeure dans le délai d'un mois la SAS MF AUTOS de procéder à la démolition de cette cabine et il n'est pas discuté que la SAS MF AUTOS n'a pas déféré aux causes de ce commandement dans le mois suivant sa délivrance, celle-ci contestant que l'installation de la cabine de peinture devait être soumise à l'autorisation de la bailleresse, ce qu'elle a fait valoir le 30/10/2015 par l'intermédiaire de son Conseil en réponse au commandement.

Il s'ensuit que le manquement allégué, à le supposer établi, s'est poursuivi après la cession du bail à la SAS MF AUTOS le 27/01/2015 de sorte que la bailleresse peut s'en prévaloir à l'appui de sa demande de constatation d'acquisition de la clause résolutoire à l'encontre de la SAS MF AUTO.

Aux termes de l'article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux.

En l'espèce, le bail du 26 août 2010 comporte une clause résolutoire applicable en cas d'inexécution de l'une des conditions du bail.

Le commandement 'd'avoir à respecter les clauses et conditions du bail' signifié à la société MF AUTOS le 1er octobre 2015 vise cette clause résolutoire.

Le commandement mentionne que la requérante a constaté aux termes d'un procès-verbal de constat dressé le 24/06/2015 qu'une construction illicite et qu'elle n'a pas autorisée a été édifiée dans la cour des bâtiments entre le pavillon principal et les ateliers consistant en une cabine de peinture de véhicules automobiles. 'Que cette construction n'a pas pas été autorisée par la bailleresse, n'a semble-t-il pas fait l'objet non plus d'un permis de construire et porte atteinte à l'intégrité des lieux loués et notamment le pavillon dont certaines fenêtres et ouvertures ont été rendues aveugles par cette construction ;

Que cette construction contrevient aux dispositions du bail qui prévoient en leur article CHARGES ET CONDITIONS, 2°), l'obligation faite au preneur :

- de ne faire dans les lieux loués aucun changement de distribution, ni construction quelconque, aucun percement de murs, cloisons ou parquet, ni modification de canalisations.'.

En conséquence, il était fait commandement à la locataire, sous la sanction de l'acquisition de la clause résolutoire 'd'avoir à effectuer dans un délai D'UN MOIS à compter du présent acte les travaux de démolition de ladite construction et de remise en état d'origine des lieux, afin de faire cesser l'infraction constatée.'

La cour rappelle que seules les dispositions claires et précises d'un commandement ont vocation à produire effet compte tenu de l'importance de la sanction encourue en cas de non respect.

Contrairement à ce que soutient la bailleresse, le commandement ne fait pas expressément injonction au preneur de démolir la cabine de peinture en raison d'une éventuelle non-conformité de l'installation au regard des règles d'urbanisme mais il fait sommation au preneur de démolir la cabine de peinture se trouvant dans la cour des bâtiments au motif que 'cette construction' contrevient à l'obligation contractuelle faite au preneur 'de ne faire dans les lieux loués aucun changement de distribution, ni construction quelconque, aucun percement de murs, cloisons ou parquet, ni modification de canalisations quelconque', c'est à dire au visa des dispositions du bail.

Par conséquent, il n'y a pas lieu de se prononcer sur l'éventuelle non-conformité de l'installation de la cabine de peinture au regard des règles d'urbanisme applicables pour déterminer si la clause résolutoire est acquise.

S'agissant de la localisation de la cabine litigieuse, il ressort des photographies du constat d'huissier établi à la demande de la bailleresse en date du 24/06/2015, ainsi que du rapport d'estimation de la valeur locative établie également à sa demande en novembre 2015, que la cabine de peinture a été installée dans la cour, entre un bâtiment à usage d'atelier et un pavillon à usage de bureaux.

Il est stipulé au bail dans l'article CHARGES ET CONDITIONS, l'obligation faite au preneur :

'2)°- De ne faire dans les lieux loués aucun changement de distribution, ni construction quelconque, aucun percement de murs, cloisons ou parquet, ni modification de canalisations.'.

En cas d'autorisation de travaux, ceux-ci seront exécutés au frais du preneur par ses entrepreneurs mais sous la surveillance de l'architecte du bailleur dont les honoraires seront supportés également par le preneur.

(...)'.

Pour apprécier si le manquement aux dispositions contractuelles visé par le commandement délivré à la SAS MF AUTOS est établi, il convient à titre préalable de définir la notion de 'construction' employée par les parties dans la clause précitée.

A défaut de renvoi exprès à une disposition précise du code de la construction et de l'habitation ou du code de l'urbanisme dans le bail, ce terme doit être entendu conformément à la définition usuelle qu'en donne le langage courant, comme y a procédé le jugement entrepris, de sorte que les développements de la SCI DU [...] quant à savoir s'il s'agit d'une construction soumise ou non à permis de construire en vertu des règles d'urbanisme sont inopérants.

La cour renvoie au jugement entrepris qui a retenu, au terme d'une motivation argumentée et pertinente qu'elle adopte 'que la cabine de peinture litigieuse s'apparente à un simple équipement technique, comme un pont élévateur, et non à une construction. Il est d'ailleurs notable que l'inventaire dressé par la SELARL A. N., commissaire priseur intervenant dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de la SOCIÉTÉ D'EXPLOITATION DU GARAGE D., mentionne cet équipement parmi les 'matériels' d'exploitation de l'entreprise, qui a été valorisé comme tel à 12.000 euros'.

Il s'ensuit que la cabine de peinture n'était pas soumise à autorisation de la bailleresse de sorte que c'est à tort que le commandement délivré le 1/10/2015 a enjoint à la locataire de procéder à sa démolition de ce chef.

La cour ajoute, à titre surabondant, que selon courrier du 26/03/2012 de la marie d'Aubervilliers l'autorisation de procéder aux travaux nécessaires pour accueillir une cabine de peinture a été sollicitée par la SARL SOCIETE D'EXPLOITATION DU GARAGE D. ; que la cabine de peinture a par la suite fait l'objet d'un contrôle par les services par la direction régionale et interdépartementale de l'environnement et de l'énergie d'Ile de France aux termes duquel il est établi qu'elle est conforme à la réglementation et qu'elle ne constitue pas une installation classée.

C'est également à juste titre, en l'absence de moyens nouveaux en cause d'appel, que le jugement entrepris a considéré que le fait que la vue depuis certaines fenêtres du pavillon soit bouchée en raison de l'installation de la cabine de peinture dans la cour contiguë de l'immeuble ne constitue pas un 'changement de la distribution' des locaux, qui survient lorsque le preneur modifie la division en différentes pièces des lieux loués. Au demeurant, la suppression de la vue, qui ne résulte d'aucune obturation des fenêtres au moyen de matériels de construction mais de la seule présence de la cabine le long de la façade du pavillon, ne présente aucun caractère définitif compte tenu de la vocation de la cabine à être démontée, de sorte qu'il ne peut en toute hypothèse être invoqué un quelconque changement de distribution eu égard au caractère démontable de la cabine.

Par conséquent il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SCI DU [...] de ses demandes tendant à l'acquisition de la clause résolutoire, d'expulsion et au paiement d'une indemnité d'occupation de droit commun.

Sur les demandes accessoires

Le jugement étant confirmé au principal, il le sera au titre des dépens et sur la condamnation prononcée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En cause d'appel, l'équité commande de condamner la SCI DU [...] à payer à la société MF AUTOS la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La SCI DU [...] qui succombe sera condamnée aux dépens de l'instance, dont distraction au profit de l'avocat postulant conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Par arrêt réputé contradictoire

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant

Condamne la SCI DU [...] à payer à la société MF AUTOS la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SCI DU [...] aux dépens de l'instance, dont distraction au profit de l'avocat postulant conformément à l'article 699 du code de procédure civile.