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Décisions

CA Lyon, 3e ch. A, 11 janvier 2024, n° 21/08937

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Profidis (SAS), Selima (SAS)

Défendeur :

Selarl AJ Up (ès qual.), Selarl MJ Alpes (ès qual.), Seredis (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Gonzalez

Conseillers :

Mme Jullien, Mme Le Gall

Avocats :

Me Laffly, Me Kopf, Me Della Vittoria, Me Dumoulin, Me Belluc, Me Jeannerod, Me Awatar

T. com. Lyon, du 13 déc. 2021, n° 2021f0…

13 décembre 2021

EXPOSÉ DU LITIGE

La SAS Seredis, dirigée par M. [L] [W], exploitait un fonds de commerce de proximité sous l'enseigne « Carrefour City ». Elle a conclu un contrat de franchise et d'approvisionnement avec les SAS Carrefour Proximité et Carrefour Supermarché France, filiales du Groupe Carrefour.

La société Seredis est détenue par la société Servalis, elle-même détenue par la holding FWH, (associé majoritaire) et par les SAS Selima et Profidis associées à hauteur de 26% dans les sociétés exploitées, et disposant d'une minorité de blocage. Dans le cadre du schéma de franchise participative souscrite par M. [W], cette prise de participation était impérative.

Par jugement du 9 décembre 2020, le tribunal de commerce de Lyon, sur requête de la holding FWH, a ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la SAS Seredis et a désigné la Selarl AJ Up en qualité d'administrateur judiciaire et la Selarl MJ Alpes en qualité de mandataire judiciaire.

Par acte du 21 décembre 2020, la société Carrefour Proximité France ainsi que les SAS Selima et Profidis ont formé tierce opposition à l'égard de ce jugement.

Par jugements du 18 février 2021, le tribunal de commerce de Lyon a rejeté ces tierces oppositions.

Suivant arrêt du 3 février 2022, la Cour d'Appel de Lyon a confirmé cette décision.

Les sociétés Carrefour Proximité France, Selima et Profidis ont formé un pourvoi à l'encontre de cet arrêt.

Par deux arrêts connexes du 4 octobre 2023, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a rejeté les pourvois.

Par requête du 22 octobre 2021, la société Seredis et son administrateur judiciaire ont sollicité l'autorisation de convoquer une assemblée générale afin de voter sur les modifications statutaires prévues par le projet de plan de sauvegarde qui devant être soumis au tribunal.

Par jugement du 9 novembre 2021, le tribunal de commerce a fait droit à cette requête.

Par déclaration au greffe du 19 novembre 2021, les sociétés Selima et Profidis ont formé tierce opposition à ce jugement.

Par jugement contradictoire du 13 décembre 2021, le tribunal de commerce de Lyon a :

déclaré recevable la tierce opposition formée par les sociétés Selima et Profidis,

débouté les sociétés Selima et Profidis de leur demande de sursis à statuer,

annulé en toutes ses dispositions le jugement du 9 novembre 2021,

statuant à nouveau,

ordonné que l'assemblée générale de la société Seredis statuera sur la modification du préambule, de l'article 3 et de l'article 15.2, et ce, sur première convocation, à la majorité des voix dont disposent les associés présents ou représentés dès lors que ceux-ci possèdent au moins la moitié des parts ou actions ayant le droit de vote,

dit qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

dit que les dépens sont à la charge des sociétés Selima et Profidis.

Les sociétés Profidis et Selima ont interjeté appel par acte du 16 décembre 2021. L'affaire a été enrôlée sous le n° RG 21/08937.

Par requête du 23 décembre 2021, la société Seredis, la Selarl AJ Up et la Selarl MJ Alpes ont saisi le tribunal de commerce Lyon d'une requête aux fins de rectification d'une erreur matérielle dans le jugement du 13 décembre 2021.

Par jugement contradictoire du 24 janvier 2022, le tribunal de commerce de Lyon a :

rejeté l'exception d'incompétence soulevée par les sociétés Selima et Profidis,

déclaré la demande en rectification d'erreur matérielle recevable,

en conséquence,

- dit qu'il y a lieu de rectifier comme suit le jugement rendu le 13 décembre 2021 :

« ' des articles 1, 3 et 15.2 »

au lieu et place de :

« (') du préambule, de l'article 3 et de l'article 15.2' »

dit que le reste du jugement demeure sans changement,

dit que la rectification sera mentionnée en marge de la minute n°2134700011 du jugement rendu le 13 décembre 2021 et des expéditions délivrées,

dit qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

dit qu'il n'y a pas lieu à dépens.

Par acte du 28 janvier 2022, les sociétés Selima et Profidis ont interjeté appel de ce jugement. L'affaire a été enrôlée à la cour d'appel de Lyon sous le n° RG 22/00882.

Par jugement du 3 février 2022, le tribunal de commerce de Lyon a arrêté le plan de sauvegarde de la société Seredis à la suite de la tenue de l'assemblée générale et a désigné la Selarl AJ Up en qualité de commissaire à l'exécution du plan. Les sociétés Selima et Profidis ont formé tierce-opposition à l'encontre de ce jugement.

Par acte du 29 mars 2022, les sociétés Selima et Profidis ont assigné en intervention forcée la Selarl AJ Up, en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Seredis.

Par ordonnance du 29 novembre 2022, la cour d'appel de Lyon a ordonné la jonction des appels enrôlés sous les n° RG 22/00882 et 21/08937 sous le numéro 21/08937.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 23 octobre 2023 fondées sur les articles 16, 31, 455, 458, 462 et 583 du code de procédure civile, l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme et les articles L. 626-3, L. 662-7, R. 661-2 et R. 662-12 du code de commerce, les sociétés Profidis et Selima ont demandé à la cour de :

à titre principal,

déclarer irrecevable la demande d'irrecevabilité de leur tierce-opposition soulevée par les intimés,

débouter les intimés de leur demande d'irrecevabilité de la tierce-opposition qu'elles ont formée,

annuler en toutes ses dispositions le jugement déféré statuant sur tierce-opposition (RG n°2021F02898) pour violation des articles R. 662-12 du code de commerce et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme,

infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce le 24 janvier 2022 en ce qu'il a :

rejeté leur exception d'incompétence,

déclaré la demande en rectification d'erreur matérielle recevable

en conséquence,

dit qu'il y a lieu de rectifier comme suit le jugement rendu le 13 décembre 2021 : « ' des articles 1, 3 et 15.2 » au lieu et place de « (') du préambule, de l'article 3 et de l'article 15.2 (') »

dit que le reste du jugement demeure sans changement,

dit que la présente rectification sera mentionnée en marge de la minute n°2134700011 du jugement rendu le 13 décembre 2021 et des expéditions délivrées,

dit qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

dit qu'il n'y a pas lieu à dépens,

en conséquence, statuant à nouveau,

déclarer recevable leur tierce-opposition à l'encontre du jugement du 9 novembre 2021 statuant sur requête du débiteur et de l'administrateur judiciaire (RG n° 2021F2692),

annuler en toutes ses dispositions le jugement du 9 novembre 2021 statuant sur requête du débiteur et de l'administrateur judiciaire (RG n° 2021F2692),

déclarer irrecevable la demande présentée par la société Seredis et son administrateur judiciaire,

débouter les intimés de l'intégralité de leurs demandes, fins, moyens et prétentions,

à titre subsidiaire :

confirmer le jugement déféré statuant sur tierce-opposition (RG n°2021F02898) en ce qu'il a déclaré recevable leur tierce-opposition et annulé le jugement du 9 novembre 2021,

infirmer le jugement du déféré statuant sur tierce-opposition (RG n°2021F02898) en ce qu'il a :

les a déboutés de leur demande de sursis à statuer,

ordonné que l'assemblée générale de la société Seredis statuera sur la modification du préambule, de l'article 3 et de l'article 15.2, et ce, sur première convocation, à la majorité des voix dont disposent les associés présents ou représentés dès lors que ceux- ci possèdent au moins la moitié des parts ou actions ayant le droit de vote,

dit n'y avoir pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

dit que les dépens sont à leur charge,

en conséquence, statuant à nouveau,

déclarer irrecevable la demande présentée par la société Seredis et son administrateur judiciaire,

débouter les intimés de l'intégralité de leurs demandes, fins, moyens et prétentions,

rétracter en toutes ses dispositions le jugement du 9 novembre 2021 (RG n° 2021F2692),

infirmer en toutes ses dispositions le jugement du 9 novembre 2021 (RG n° 2021F2692),

en tout état de cause :

condamner la société Seredis à leur payer la somme de 7.500 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la société Seredis aux entiers dépens.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 23 octobre 2023 fondées sur les articles L. 622-3, L. 626-3, L. 662-7, R. 661-1 alinéa 1er et R. 662-12 du code de commerce et les articles 378, 455, 462 et 582 du code de procédure civile, la société Seredis, la Selarl AJ Up, ès-qualités d'administrateur judiciaire de la société Seredis et de commissaire à l'exécution du plan, et la Selarl MJ Alpes, ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Seredis, ont demandé à la cour de :

à titre principal,

déclarer irrecevable la tierce opposition formée par les sociétés Selima et Profidis,

confirmer le jugement déféré (RG n°2021F02898) sauf en ce qu'il a déclaré recevables les tierces oppositions des sociétés Selima et Profidis,

confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 24 janvier 2022 (RG n° 2021F03220),

à titre subsidiaire,

déclarer irrecevable la tierce opposition formée par les sociétés Selima et Profidis,

confirmer le jugement du 13 décembre 2021 (RG n°2021F02898), sauf en ce qu'il a déclaré recevables les tierces oppositions des sociétés Selima et Profidis,

infirmer le jugement du 24 janvier 2022 (RG n°2021F03220) entrepris en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par les sociétés Selima et Profidis, s'est déclaré compétent et a fait droit à la requête aux fins de rectification d'erreur matérielle présentée par la société Seredis,

en conséquence et statuant à nouveau,

rectifier le jugement prononcé le 13 décembre 2021 (RG n°2021F02898),

remplacer les termes suivants « du préambule, de l'article 3 et de l'article 15.2 » figurant au sein du dispositif en page 7 du jugement, par la phrase « des articles 1, 3 et 15.2 » au sein du dispositif en page 7 du jugement,

ordonner qu'il sera fait mention de cette rectification en marge de la minute de la décision en cause et des expéditions qui en seront délivrées,

dire que la décision rectificative à intervenir devra être notifiée au même titre que la précédente décision,

en tout état de cause,

débouter les sociétés Selima et Profidis de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,

condamner solidairement les sociétés Selima et Profidis à payer, chacune, la somme de 25.000 euros à la société Seredis (soit 50.000 euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner solidairement les sociétés Selima et Profidis aux entiers dépens de l'instance avec droit de recouvrement.

Le ministère public, dans un avis communiqué le 30 octobre 2023 a indiqué ne pas avoir d'observations.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 24 octobre 2023, les débats étant fixés au 2 novembre 2023.

Pour un plus ample exposé des moyens et motifs des parties, renvoi sera effectué à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de Procédure Civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la tierce opposition formée par la société Selima et la Société Profidis

La société Selima et la Société Profidis ont fait valoir :

in limine litis, le caractère irrecevable de la demande d'irrecevabilité de la tierce-opposition présentée par les intimées à hauteur d'appel, demande nouvelle comme n'ayant pas été présentée devant le tribunal de commerce,

l'irrecevabilité de cette prétention du fait de sa présence uniquement dans le dispositif des conclusions numéro 3 des intimées, ce qui contrevient au principe de concentration des prétentions,

le caractère contradictoire de la demande initiale des intimées demandant à déclarer irrecevable la tierce-opposition ainsi que la confirmation du jugement déféré alors que ce dernier a déclaré recevable leur action,

le caractère inopérant des développements des intimées concernant le concept de franchise participative et son application par la société Carrefour, l'avis du 27 septembre 2021 de l'Autorité de la Concurrence ayant tranché cette question,

l'absence de dispositions dans le jugement querellé empêchant la tierce-opposition,

la recevabilité d'un associé à former tierce-opposition contre un jugement auquel il n'a pas été partie s'il invoque une fraude à ses droits ou un moyen qui lui est propre,

l'objet du jugement du 9 novembre 2021 qui autorise une modification des stipulations statutaires graves, fondamentales, qui les priverait de droits essentiels quant à l'objet social exclusif et le contrôle des décisions sociales, outre la mise en cause nommément des appelantes par l'administrateur judiciaire,

la représentation de la société FWH en qualité d'associé majoritaire, par M. [W] son représentant légal, à l'audience devant le tribunal du commerce, qui dès lors, ne pouvait représenter valablement les actionnaires minoritaires,

la caractérisation d'un droit à agir en raison de la privation d'une partie de leurs droits ensuite de la décision,

la déclaration de tierce-opposition opposition dans le délai de dix jours à compter du prononcé de la décision.

La société Seredis, la SELARL AJ'UP et la SELARL MJ Alpes ont fait valoir :

à titre liminaire, l'irrecevabilité de la tierce-opposition formée par les appelantes qui n'est prévue en matière de procédure collectives que dans les cas prévus aux articles L661-2 et L661-3 du code de commerce, sans aucune mention concernant les jugements pris sur le fondement de l'article L626-3 du même code, cette voie de recours n'existant pas,

les contradictions des appelantes qui font appel du chef de jugement ayant déclaré recevable leur tierce-opposition,

la représentation des appelantes, associées de la débitrice, par le représentant légal de la société FWH lors de la procédure, ce qui exclut les appelantes du bénéfice de l'article 583 du code de procédure civile, les exceptions relatives à une atteinte directe à leurs droits n'étant pas transposables au cas d'espèce,

la similarité des intérêts des appelantes qui ont une activité de holding, avec ceux de la débitrice, tant au point de vue de sa pérennité que de sa rentabilité,

la justification de l'action des appelantes uniquement par les intérêts du groupe Carrefour ce qui détourne le concept de franchise participative, et démontre l'absence d'intérêt propre,

la recevabilité de leur demande d'irrecevabilité de la tierce-opposition, étant rappelé qu'il s'agit d'une fin de non-recevoir qui peut être formulée à tout moment de l'instance, y compris pour la première fois en cause d'appel, outre le fait que cette demande était déjà présente dans leurs premières conclusions d'intimées en appel, étant rappelé que les appelantes ont interjeté appel du chef du jugement ayant déclaré recevable leur tierce-opposition.

Sur ce,

Sur la recevabilité de la demande d'irrecevabilité formée par la société Seredis, la SELARL AJ'UP et la SELARL MJ Alpes à l'encontre de la tierce-opposition formée par la société Selima et la Société Profidis

L'article 564 du code de procédure civile dispose que « à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. »

L'article 122 du code de procédure civile dispose que « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. »

L'article 123 du même code dispose que « les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt. »

La demande d'irrecevabilité présentée par la société Seredis et la SELARL AJ'UP et la SELARL MJ Alpes est recevable en ce qu'il s'agit d'une fin de non-recevoir qui peut être présentée en tout état de cause et à tout moment de la procédure. Il convient en conséquence de l'examiner.

Sur la recevabilité de la tierce-opposition formée par la société Selima et la Société Profidis

L'article 583 du code de procédure civile dispose que : 'Est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque.

Les créanciers et autres ayants cause d'une partie peuvent toutefois former tierce opposition au jugement rendu en fraude de leurs droits ou s'ils invoquent des moyens qui leur sont propres.

En matière gracieuse, la tierce opposition n'est ouverte qu'aux tiers auxquels la décision n'a pas été notifiée ; elle l'est également contre les jugements rendus en dernier ressort même si la décision leur a été notifiée.'

L'article 585 du même code dispose que : « tout jugement est susceptible de tierce-opposition si la loi n'en dispose autrement ».

Les articles L661-1 et L661-2 du code de commerce disposent que Les décisions mentionnées aux 1° à 5° du I de l'article L. 661-1, à l'exception du 4°, sont susceptibles de tierce opposition, et donc portant sur :

1° Les décisions statuant sur l'ouverture des procédures de sauvegarde ou de redressement judiciaire de la part du débiteur, du créancier poursuivant et du ministère public ;

2° Les décisions statuant sur l'ouverture de la liquidation judiciaire de la part du débiteur, du créancier poursuivant, du comité social et économique ou, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, des membres de sa délégation du personnel et du ministère public ;

3° Les décisions statuant sur l'extension d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ou sur la réunion de patrimoines de la part du débiteur soumis à la procédure, du débiteur visé par l'extension, du mandataire judiciaire ou du liquidateur, de l'administrateur et du ministère public ;

5° Les décisions statuant sur le prononcé de la liquidation judiciaire au cours d'une période d'observation de la part du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du comité social et économique ou, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, des membres de sa délégation du personnel et du ministère public ;

Sur ce,

Il résulte de l'article 583 du code de procédure civile que si l'associé est en principe, représenté dans les litiges ou procédures collectives par le représentant légal de la société, il est néanmoins recevable à former tierce-opposition contre un jugement auquel la société a été partie s'il invoque une fraude à ses droits ou un moyen qui lui est propre.

Dans la présente instance, la société Selima et la Société Profidis font valoir, à titre de moyens propres, que la décision de modification des statuts porte atteinte à leurs droits d'associés, notamment quant à la mise en œuvre de leur minorité de blocage qui n'a pas été prise en compte dans le cadre des décisions du 9 novembre 2021 et du 13 décembre 2021.

De fait, le représentant légal ne peut prétendre représenter l'intérêt particulier d'un ou des associés minoritaires dans la présente instance. Il appartient ensuite au juge du fond de déterminer si les moyens soulevés sont propres à confirmer la décision contre laquelle la tierce-opposition a été formée ou bien à la confirmer.

De plus, le cas relevant du présent litige n'est pas prévu dans les articles L662-1 et L662-2 du code de commerce et il ne saurait en être fait une interprétation extensive pour empêcher l'associé minoritaire de former un recours extraordinaire contre la décision rendue par le biais d'une tierce-opposition.

Eu égard à ces éléments, il convient de déclarer recevable en la forme la tierce-opposition formée par la société Selima et la Société Profidis contre les décisions du 9 novembre 2021 et du 13 décembre 2021.

Il convient en conséquence de confirmer la décision déférée sur ce point.

Sur la nullité du jugement du 9 novembre 2021

Les sociétés Profidis et Selima font valoir que :

la nullité du jugement du 9 novembre 2021 en raison de la participation du juge-commissaire suppléant à la formation de jugement, outre le fait que la composition n'a pas statué sur le rapport du juge-commissaire à cette occasion, ce qui est confirmé par les intimées,

la privation de leurs droits d'associées minoritaires par ce jugement, sans qu'elles aient été en mesure de débattre des décisions à venir, les associés n'étant pas traités de manière égale au sein de la société FWH ni représentées de manière égale par le dirigeant de la structure, d'où la nullité du jugement pour non-respect du principe du contradictoire,

l'absence d'appréciation sur le bien-fondé du recours aux dispositions de l'article L626-3 du code de commerce, alors que les appelantes se voient imposer une modification du contrat de société et ne peuvent faire valoir leurs observations à ce titre,

l'absence de reproduction dans le jugement des modifications statutaires envisagées ce qui ne permet pas de vérifier leur conformité à celles issues de l'assemblée générale du 29 novembre 2021, le défaut de motivation devant entraîner l'annulation du jugement.

La société Seredis, la SELARL AJ'UP et la SELARL MJ Alpes ont fait valoir :

la nullité du jugement du 9 novembre 2021 puisque le juge-commissaire suppléant a participé à la formation qui a rendu la décision statuant sur les requêtes présentées par la débitrice et l'administrateur judiciaire, la confirmation de cette nullité étant demandée,

l'absence de caractère contradictoire de la demande prévue à l'article L626-3 du code de commerce, dans un souci de célérité, le respect du contradictoire étant assuré postérieurement par la communication du jugement aux appelantes et leur faculté de former tierce-opposition,

le défaut d'ambiguïté du jugement déféré, et sa clarté qui ne méconnaissent nullement les principes en la matière.

Sur ce,

L'article L.662-7 du code de commerce dispose que : 'A peine de nullité du jugement, ne peut siéger dans les formations de jugement ni participer au délibéré de la procédure :

1° Le président du tribunal, s'il a connu du débiteur en application des dispositions du titre Ier du présent livre ;

2° Le juge commis chargé de recueillir tous renseignements sur la situation financière, économique et sociale de l'entreprise, pour les procédures dans lesquelles il a été désigné ;

3° Le juge-commissaire ou, s'il en a été désigné un, son suppléant, pour les procédures dans lesquelles il a été désigné ;

4° Le juge commis chargé de recueillir tous renseignements sur la situation patrimoniale du débiteur, pour les procédures de rétablissement professionnel dans lesquelles il a été désigné.'

Il convient de relever l'accord des parties concernant la nullité du jugement du 9 novembre 2021 en raison de la présence dans la composition du tribunal du juge-commissaire suppléant à la procédure de sauvegarde concernant la société Seredis.

La décision déférée doit être confirmée en ce qu'elle a effectivement prononcée la nullité du jugement du 9 novembre 2021 sur la base de ce moyen soulevé par les deux parties.

Sur la nullité du jugement du 13 décembre 2021 statuant sur tierce-opposition

Les sociétés Profidis et Selima ont fait valoir :

l'absence du juge-commissaire lors de l'audience de plaidoirie qui ne permettait pas de faire part de leurs observations outre la mise en délibéré au lendemain de l'audience qui faisait obstacle à une note en délibéré, et la seule prise en compte du rapport du juge-commissaire,

le caractère partial du rapport du juge-commissaire, non conforme à l'article R 662-12 du code de commerce, qui a émis un avis subjectif quant au bien-fondé des demandes de la débitrice, la non-conformité étant équivalente à un défaut de rapport,

la nullité du jugement en l'absence de rapport du juge-commissaire.

La société Seredis, la SELARL AJ'UP et la SELARL MJ Alpes ont fait valoir :

la lecture détaillée du rapport du juge-commissaire lors de l'audience, en application de l'article R662-12 du code de commerce,

l'absence de demande à l'audience d'autorisation de transmettre une note en délibéré,

la possibilité pour le juge-commissaire de produire son rapport par écrit, sans que cela ne constitue une atteinte à l'impartialité,

l'indifférence de cette question puisque la cour est saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'affaire et n'est pas tenue de statuer sur le rapport du juge-commissaire.

Sur ce,

L'article 445 du code de procédure civile dispose « après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l'appui de leurs observations, si ce n'est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public, ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444. »

L'article R.662-12 du code de commerce dispose que : 'Le tribunal statue sur rapport du juge-commissaire sur tout ce qui concerne la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaires, l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, la faillite personnelle ou l'interdiction prévue à l'article L. 653-8.

Toutefois, il n'est pas fait de rapport lorsque le tribunal statue sur un recours formé contre une ordonnance de ce juge.'

Concernant le moyen de la société Selima et la Société Profidis s'agissant de la mise en délibéré de la décision au lendemain de l'audience et l'impossibilité de produire une note en délibéré, il est relevé que les appelantes ne rapportent pas la preuve de ce qu'elles ont demandé à produire une note en délibéré et ont reçu l'accord de la juridiction. En outre, s'agissant d'une procédure de sauvegarde, et qui plus est d'une procédure de tierce-opposition contre une décision autorisant une assemblée générale extraordinaire, la célérité dans le rendu des décisions est de mise.

Il ne saurait être tiré de ces éléments une quelconque atteinte à l'impartialité ou moyen permettant d'envisager la nullité du jugement déféré.

Dès lors, ce moyen sera rejeté.

Concernant le moyen relatif au rapport du juge-commissaire, la lecture des pièces versées aux débats, et notamment du jugement du 13 décembre 2021 à la page 4 in fine et en début de page 5, permet de constater la présence de la mention suivante : « Dans son rapport écrit, le juge-commissaire indique que la société Seredis souhaite convoquer une AGE appelée à voter sur les modifications statutaires prévues par le projet de plan de sauvegarde qui sera soumis au tribunal. Elle aura à statuer sur les modifications des articles 1,3 et 15.2 et ce, sur première convocation à la majorité des voix dont disposent les associés présents ou représentés dès lors que ceux-ci possèdent au moins la moitié des parts ou actions ayant le droit de vote. Le plan de sauvegarde nécessitant que cette AGE se prononce sur les modifications statutaires, il donne un avis favorable à cette convocation ».

Le texte susvisé n'impose nullement la présence physique du juge-commissaire lors de l'audience statuant sur les demandes présentées par les sociétés et la lecture de son rapport permet aux parties concernées d'en débattre. La société Selima et la Société Profidis font une mauvaise interprétation du texte susvisé et ne peuvent prétendre ne pas avoir été informées.

S'agissant du contenu du rapport et du grief de partialité de celui-ci, la société Selima et la Société Profidis n'indiquent pas le fondement imposant au juge-commissaire d'être impartial dans son rapport alors même que ce rapport a pour objet de fournir un avis, et donc d'éclairer la juridiction dans le cadre de la procédure collective quant à la décision qu'elle sera amenée à rendre, étant rappelé que le but d'une procédure de sauvegarde est de permettre à une société de surmonter les difficultés constatées et qui seraient susceptibles de l'entraîner vers un redressement judiciaire ou une liquidation judiciaire, soit une procédure visant à anticiper une situation irrémédiable.

Le juge-commissaire, de par ses fonctions, doit donner un avis éclairé sur les mesures proposées concernant les entreprises pour lesquelles il est nommée, tout comme il est amené à donner un avis ou rendre des décisions dans d'autres domaines tels la contestation des créances. Il dispose de pouvoirs propres et est amené à prendre position de manière obligatoire.

Dès lors, la nullité du jugement du 13 décembre 2021 n'a pas lieu d'être prononcée et sera rejetée.

Sur la validité du jugement de rectification d'erreur matérielle du 24 janvier 2022, portant sur le jugement du 13 décembre 2021

La société Selima et la Société Profidis ont fait valoir :

la nullité du jugement du 13 décembre 2021 qui rend sans objet le jugement du 24 janvier 2022, et de fait l'infirmation de la requête en rectification d'erreur matérielle,

l'incompétence matérielle du tribunal de commerce pour statuer sur une erreur matérielle dès lors qu'un appel a été interjeté, la cour étant seule compétente à ce titre,

le rappel qu'en l'espèce, l'acte d'appel date du 16 décembre 2021 et que la requête en rectification d'erreur matérielle date du 22 décembre 2021,

La société Seredis, la SELARL AJ'UP et la SELARL MJ Alpes ont fait valoir :

la compétence du tribunal de commerce saisi pour statuer sur la requête en rectification d'erreur matérielle s'agissant d'un jugement exécutoire, y compris en cas d'appel en cours,

les impératifs de célérité attachés à la procédure collective qui rendaient nécessaires la saisine de la juridiction de premier degré, afin de ne pas priver la débitrice de l'exécution provisoire ce qui lui aurait été préjudiciable,

la multiplication des manœuvres dilatoires des appelantes aux fins de ralentir l'adoption d'un plan de sauvegarde, étant rappelé que l'exception d'incompétence soulevée en première instance a été rejetée,

le rappel que l'autorité de chose jugée ne s'attache qu'au dispositif d'une décision et qu'il n'y a pas de débat sur la caractérisation de l'erreur matérielle,

la rectification mise en œuvre par le tribunal de commerce de Lyon au sein du dispositif en page 7 du jugement avec le remplacement de la phrase « du préambule, de l'article 3 et de l'article 15.2 » par la phrase 'des articles 1, 3 et 15.2',

par extraordinaire, si la cour infirmait le jugement entrepris pour avoir rejeté l'exception d'incompétence soulevée et s'être déclarée compétente, la nécessité pour elle de procéder à la même rectification qui est sollicitée.

Sur ce,

L'article 462 du code de procédure civile dispose que : 'Les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande.

Le juge est saisi par simple requête de l'une des parties, ou par requête commune ; il peut aussi se saisir d'office.

Le juge statue après avoir entendu les parties ou celles-ci appelées. Toutefois, lorsqu'il est saisi par requête, il statue sans audience, à moins qu'il n'estime nécessaire d'entendre les parties.

La décision rectificative est mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement. Elle est notifiée comme le jugement.

Si la décision rectifiée est passée en force de chose jugée, la décision rectificative ne peut être attaquée que par la voie du recours en cassation.'

L'article R.661-1 alinéa 1 du code de commerce dispose que : 'Les jugements et ordonnances rendus en matière de mandat ad hoc, de conciliation, de sauvegarde, de redressement judiciaire, de rétablissement professionnel et de liquidation judiciaire sont exécutoires de plein droit à titre provisoire.'

Il est constant que le jugement du 22 décembre 2021, rendu par le tribunal de commerce de Lyon, l'a été alors que la cour d'appel était saisie suivant déclaration d'appel du 16 décembre 2021. Dès lors, la juridiction était entièrement dessaisie du litige et ne pouvait intervenir, y compris sur une demande de rectification d'erreur matérielle en raison de l'effet dévolutif lié à la déclaration d'appel.

Il appartient en conséquence à la présente juridiction d'examiner la demande de rectification d'erreur matérielle présentée par la société Seredis et la SELARL AJ'UP et la SELARL MJ Alpes.

Eu égard aux éléments développés, une erreur matérielle est effectivement constatée concernant la numérotation des articles des statuts qui doivent faire l'objet d'une résolution et d'un vote.

En conséquence, il convient d'ordonner la rectification de l'erreur matérielle affectant le jugement rendu le 13 novembre 2021 par tribunal de commerce de Lyon en ordonnant au sein du dispositif en page 7 du jugement avec le remplacement de la phrase « du préambule, de l'article 3 et de l'article 15.2 » par la phrase 'des articles 1, 3 et 15.2', mention devant être faite en marge de la décision rendue.

Sur la recevabilité de la demande présentée par l'administrateur judiciaire et le débiteur

La société Selima et la Société Profidis ont fait valoir :

le changement par la débitrice de son enseigne en violation des clauses statutaires, ce qui mène à demander une simple ratification d'une situation de fait illicite à la juridiction saisie, ce qui constitue une faute civile de son dirigeant,

l'absence d'intérêt légitime à agir de la débitrice au visa de l'article 31 du code de procédure civile,

l'omission de statuer du tribunal de commerce dans la décision du 13 décembre 2021, quant à cette demande d'irrecevabilité de la requête déposée par la société débitrice.

La société Seredis, la SELARL AJ'UP et la SELARL MJ Alpes ont fait valoir :

l'objectif poursuivi d'adoption d'un plan de sauvegarde en conformité avec les statuts de la débitrice, de sorte que l'intérêt à agir de la débitrice en même temps que l'administrateur judiciaire est évident,

la présentation de la requête non pas alors qu'un changement d'enseigne est intervenu mais aux fins de tenue d'une assemblée générale en vue d'une modification des statuts pour les faire correspondre au changement d'enseigne et faciliter l'adoption du plan.

Sur ce,

L'article 31 du code de procédure civile dispose que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

La lecture de la requête permet de constater que la société Seredis a saisi le tribunal de commerce aux fins de tenir une assemblée générale extraordinaire, avec des modalités particulières concernant les droits de vote.

Parmi les modifications sollicitées est effectivement présente une demande relative au changement d'enseigne.

En se positionnant d'emblée contre ce changement, la société Selima et la Société Profidis font montre d'une volonté particulière, allant dans le sens uniquement du franchiseur initial, à savoir le Groupe Carrefour, et non dans le sens de l'intérêt social de la société Seredis.

Qui plus est, les moyens soulevés par la société Selima et la Société Profidis dans ce cadre relèvent des moyens de fond et non de moyens concernant l'intérêt à agir.

En effet, la société Seredis dispose d'un intérêt fondamental à agir s'agissant de la possibilité de faire perdurer son fonds de commerce qui est confronté à des difficultés d'importance au plan financier ayant déjà entraîné l'ouverture d'une procédure de sauvegarde. De plus, son objet social porte sur l'exploitation d'un fonds de commerce de type supermarché. En sus, les appelantes ne rapportent pas la preuve de ce que le changement d'enseigne est intervenu avant même la réunion de l'assemblée générale extraordinaire.

Enfin, la lecture des statuts ne permet pas de retenir que la société Seredis ne peut exister que si elle exerce sous l'enseigne Carrefour City.

Il ressort de la lecture de la requête mais aussi des pièces versées en procédure, notamment concernant les états de situation de la société Seredis, ainsi que des pièces comptables, que cette dernière disposait d'un intérêt à agir pour déposer une requête aux fins de pouvoir organiser une assemblée générale extraordinaire concernant la modification de différents points des statuts de la société.

En outre, le droit à agir est différent du succès ou du bien-fondé de la prétention.

En conséquence, les moyens présentés pas la société Selima et la Société Profidis seront rejetés, l'intérêt à agir de la société Seredis, de son administrateur judiciaire ainsi que de son mandataire judiciaire étant constitué sans difficulté au visa de l'article 31 du code de procédure civile.

Sur la demande de modifications statutaires prévues par le plan de sauvegarde

La société Selima et la Société Profidis ont fait valoir que :

L'article L626-3 du code de commerce ne permet pas d'imposer d'imposer l'adoption de résolutions modifiant les éléments fondamentaux du contrat de société liant les associés et conditionnant l'existence de la société,

la société a été créée aux fins d'exploiter un fonds de commerce sous enseigne Carrefour à l'exception de tout autre,

le contrat de location-gérance gérance initial entre la société Seredis et la société Servalis prévoyait comme condition essentielle la poursuite d'une exploitation sous enseigne Carrefour,

les suites de l'AGE mèneront à la création d'une personne morale différente de celle créée à l'origine, alors que seule l'accord des différents associés peut mener à une telle modification et non une décision judiciaire,

le tribunal de commerce de Lyon a omis de statuer sur sa demande d'application de l'article L626-3 du code de commerce,

la clause interdisant le changement d'enseigne est légale

les associés minoritaires ne peuvent être privés de leurs droits, notamment de blocage, et du droit de participer à la vie sociale,

les décisions sur le précédent recours relatif à l'ouverture de la procédure de sauvegarde n'ont aucun impact sur la présente instance

les demandes de modification des statuts présentées sont imprécises ce qui empêche un vote en connaissance de cause par les associés,

à titre subsidiaire, si une modification de l'article 3 des statuts est sollicitée, celles concernant le préambule et l'article 15, ne sont pas mentionnées dans le plan de sauvegarde,

la décision prive les associés minoritaires de leur droit et permet une modification des statuts par une majorité réduite,

le changement d'objet social et d'enseigne est considéré comme illicite par la jurisprudence,

les modifications sollicitées ne sont pas nécessaires car le plan de sauvegarde tel qu'envisagé compromet la survie de la société Seredis avec une augmentation de son passif,

le plan de sauvegarde prévu a écarté sans motif la proposition de Carrefour au profit d'un changement d'enseigne hasardeux,

la disproportion entre l'atteinte aux droits des associés et le but poursuivi doit être constatée, la juridiction devant en tirer les conséquences nécessaires.

La société Seredis, la SELARL AJ'UP et la SELARL MJ Alpes ont fait valoir que :

l'ouverture d'une procédure de sauvegarde était impérative en raison des marges pratiquées par le franchiseur qui mettaient en péril économique la société Seredis,

l'absence d'accord entre les parties a mené à la résiliation des contrats liant la débitrice au franchiseur, résiliation prononcée par le juge-commissaire et considérée comme nécessaire à la réussite de la sauvegarde,

le plan de sauvegarde mis en œuvre, avec un changement d'enseigne, permettra un apurement des dettes ainsi que le versement de dividendes aux différents associés,

la modification des statuts est nécessaire pour procéder à l'adoption du plan et à la réorganisation de la société Seredis,

le mandataire judiciaire et le ministère public sont favorables au plan, mais aussi à la requête en ce qu'elle permettra en cas d'adoption des modifications, de parvenir à la sauvegarde de la société Seredis, en conformité avec les dispositions de l'article L626-3 du code de commerce,

la clause d'enseigne imposée par Carrefour est illicite,

la modification statutaire n'entraînera pas la création d'une nouvelle personne morale puisque les associés, la forme sociale et l'activité de supérette resteront dans un réseau de distribution similaire,

l'intérêt commun des associés, mais aussi de la société, porte sur la recherche et le partage du profit, le changement d'enseigne profitant également aux appelantes,

l'article L626-3 du code de commerce exige uniquement que le projet de plan indique s'il y aura une modification du capital et des statuts, sans pour autant exiger qu'un détail de toutes les modifications statutaires soit fait, et n'impose pas une obligation pour le tribunal de subordonner sa décision à l'adoption des modifications,

le plan de sauvegarde a été adoptée à l'audience du 3 février 2022, ce qui démontre la bonne identification des modifications statutaires,

les associés minoritaires disposent d'un recours judiciaire s'agissant des décisions rendues ce qui démontre le respect de leurs droits d'associés,

le changement d'enseigne dans le cadre des procédures collectives est licite,

le franchiseur, dans le cadre des procédures collectives, a pour habitude d'accuser les franchisés de fraude, étant rappelé que l'action de Carrefour à l'encontre de l'enseigne concurrente a été rejetée,

les flux financiers de la société FWH ont été reconnus comme normaux par la cour d'appel de Lyon dans ses arrêts du 3 février 2022, et avaient pour objet de soutenir la débitrice, palliant ainsi la carence des associées appelantes, et du franchiseur qui ont méconnu leur devoir d'assistance,

la médiation avec le franchiseur a échoué en raison du caractère peu sérieux des propositions qui n'auraient pas permis un retour à la rentabilité,

la remise en cause du principe de la sauvegarde ne peut intervenir dans la présente instance, la question ayant été tranchée définitivement par la cour de cassation dans deux arrêts de la chambre commerciale du 4 octobre 2023, en faveur des sociétés de M. [W],

les créances déclarées au passif par le groupe Carrefous via les sociétés Carrefour Proximité France et CSF ont été écartées du passif et ne pourraient l'intégrer qu'en cas de recours favorable, ce qui permettrait leur paiement selon les modalités du plan,

les résultats financiers sont positifs depuis l'adoption du plan de sauvegarde, ce qui a permis une distribution de dividendes, y compris aux appelantes.

Sur ce,

L'article L.626-3 du code de commerce dispose que : 'Lorsque le projet de plan prévoit une modification du capital ou des statuts, l'assemblée générale extraordinaire ou l'assemblée des associés ainsi que, lorsque leur approbation est nécessaire, les assemblées spéciales mentionnées aux articles L. 225-99 et L. 228-35-6 ou les assemblées générales des masses visées à l'article L. 228-103 sont convoquées dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Le tribunal peut décider que l'assemblée compétente statuera sur les modifications statutaires, sur première convocation, à la majorité des voix dont disposent les associés ou actionnaires présents ou représentés dès lors que ceux-ci possèdent au moins la moitié des parts ou actions ayant le droit de vote. Sur deuxième convocation, il est fait application des dispositions de droit commun relatives au quorum et à la majorité.

Si, du fait des pertes constatées dans les documents comptables, les capitaux propres sont inférieurs à la moitié du capital social, l'assemblée est d'abord appelée à reconstituer ces capitaux à concurrence du montant proposé par l'administrateur et qui ne peut être inférieur à la moitié du capital social. Elle peut également être appelée à décider la réduction et l'augmentation du capital en faveur d'une ou plusieurs personnes qui s'engagent à exécuter le plan.

Les engagements pris par les actionnaires ou associés ou par de nouveaux souscripteurs sont subordonnés dans leur exécution à l'acceptation du plan par le tribunal.

En cas d'augmentation du capital social prévu par le projet de plan, les associés ou actionnaires peuvent bénéficier de la compensation à concurrence du montant de leurs créances admises et dans la limite de la réduction dont elles sont l'objet dans le projet de plan.'

L'article L626-3 du code de commerce ne prévoit pas, en cas de convocation d'une assemblée générale, la nécessité de préciser ou lister dans la convocation les articles des statuts et les modifications susceptibles d'être apportées. Il indique uniquement les modalités de décomptes des votes dans le cadre des assemblées générales convoquées.

Les appelantes font état de ce que l'absence d'informations précises dans les convocations concernant les articles des statuts devant être modifiés ou des projets de résolution, ne sont pas conformes à l'article L626-3 du code de commerce.

Or, le texte ne prévoyant pas cette condition particulière concernant le contenu des convocations, les appelantes ne peuvent y ajouter une condition supplémentaire, le moyen étant inopérant.

S'agissant de l'information des appelantes concernant la modification de certains articles des statuts soit en l'espèce, de l'article 1 de l'article 3 et de l'article 15.2, il est relevé que la requête puis l'ordonnance rendue sont claires quant aux articles susceptibles d'être modifiés après le vote en assemblées générale extraordinaire suivant les modalités de l'article L626-3 du code de commerce.

En outre, les informations sont nécessairement données dans le cadre de la présentation des résolutions qui sont soumises aux votes.

Enfin, dans la présente instance, il est relevé que la requête déposée par l'administrateur et le débiteur, a détaillé les modifications qui étaient sollicitées, modifications reprises in extension dans le jugement du 13 décembre 2021.

Concernant la modification de la clause des statuts relatives à l'enseigne, les appelantes font valoir que sa modification en viendrait à modifier l'objet social mais surtout à modifier la personne morale créée initialement.

Le K-bis de la société Seredis définit l'activité principale de celle-ci comme étant « Supermarché », ce qui n'oblige à aucun moment au maintien d'une enseigne particulière.

Les parties à l'instance font montre d'un désaccord concernant le caractère licite de la clause ayant désigné l'enseigne sous laquelle l'activité devait se tenir.

S'il est licite que les associés choisissent ensemble d'exercer sous une enseigne précise dans le cadre d'une activité de vente, ce choix n'a de caractère légal que dans les limites de la légalité des statuts supportant cette clause. En aucun cas un choix de nature contractuel n'est définitif et ne peut être remis en cause. Si la clause est licite, elle n'a toutefois qu'une force conventionnelle.

En effet, la question relative à l'enseigne relève des statuts de la société, et notamment du préambule en ce qui concernant la société Seredis, où il est indiqué qu'il s'agit de la reprise d'un fonds de commerce appartenant à la société Carrefour Proximité et de l'article 3 ' « Objet Social » où il est indiqué une exploitation de fonds de commerce de type supermarché sous l'enseigne Carrefour City.

De fait, l'enseigne sous laquelle l'activité est exercée relève avant tout d'un choix conventionnel des associés.

En outre, la procédure de sauvegarde et plus globalement les procédures collectives qui ont pour objet de permettre en priorité aux entreprises de poursuivre leur activité et d'apurer leurs dettes, disposent d'outils particuliers comme le changement d'enseigne mais aussi la possibilité de résilier les contrats de franchise, ce qui a été fait en l'espèce.

Ni la requête aux fins de tenue d'une assemblée générale extraordinaire pour modifier les statuts et notamment l'objet social, ni la modification de l'enseigne sous laquelle la société Seredis exerce, ne mènent à créer une nouvelle personne morale.

En effet, les associés restent les mêmes, avec la même répartition des parts, et avec la modification d'éléments conventionnels qui ne viennent en rien modifier l'activité principale de la société intimée.

Les différents moyens présentés par la société Selima et la Société Profidis reviennent à imposer le maintien de la marque Carrefour à la société Seredis, ce qui est contraire à l'objet et à l'intérêt social de cette dernière société, qui, du fait de la procédure de sauvegarde, tente de perdurer.

Il est rappelé que le but d'une procédure de sauvegarde est de permettre à une entreprise de poursuivre son activité, de régler son passif tout en maintenant au maximum l'emploi, mais aussi d'éviter d'en arriver à la cessation des paiements sans quoi elle serait exposée à la mise en œuvre d'un redressement judiciaire ou d'une liquidation judiciaire.

En faisant droit à la requête présentée, et en ordonnant la tenue d'une assemblée générale suivant les termes de l'article L 626-3 du code de commerce pour la modification de l'article 1, de l'article 3 et de l'article 15.2, les premiers juges ont fait une juste appréciation des besoins de la société Seredis dans le cadre de la procédure de sauvegarde ouverte à son profit.

Qui plus est, en prenant les décisions nécessaires à la longévité de la société Seredis, aucune atteinte aux droits d'associés de la société Selima et la Société Profidis ne peut être constaté.

Les moyens de la société Selima et la Société Profidis ne sont pas propres à infirmer la décision déférée qui sera donc confirmée dans sa totalité.

Sur les demandes accessoires

La société Selima et la Société Profidis échouant en leurs prétentions, elles seront condamnées à supporter les entiers dépens de la procédure d'appel.

L'équité commande d'accorder à la société Seredis, et à la SELARL AJ'UP et la SELARL MJ Alpes une indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En conséquence, la société Selima sera condamnée à leur payer la somme de 10.000 euros à ce titre.

La société Profidis sera condamnée à leur payer la somme de 10.000 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, dans les limites de l'appel

Déclare recevable la demande d'irrecevabilité de la tierce-opposition formée par la SAS Seredis, la SELARL AJ'UP ès qualité et la SELARL MJ-Alpes à l'encontre de la SAS Selima et de la SAS Profidis,

Rejette la demande d'irrecevabilité de la tierce-opposition formée par la SAS Selima et la SAS Profidis,

Rejette la demande de nullité du jugement rendu par le tribunal de commerce de Lyon le 13 décembre 2021,

Ordonne la rectification de l'erreur matérielle affectant le jugement du tribunal de commerce de Lyon le 13 décembre 2021 au sein du dispositif en page 7 du jugement avec le remplacement de la phrase « du préambule, de l'article 3 et de l'article 15.2 » par la phrase 'des articles 1, 3 et 15.2', mention devant être faite en marge de la décision rendue,

Retient l'intérêt à agir de la SAS Seredis et de la SELARL AJ'UP, ès qualité, et de la SELARL MJ-Alpes, ès qualité,

Confirme la décision déférée dans son intégralité,

Y ajoutant

Condamne la SAS Selima et la SAS Profidis à supporter les entiers dépens de la procédure d'appel,

Condamne la SAS Selima à payer à la SAS Seredis, à la SELARL AJ'UP en sa qualité d'administrateur judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan et à la SELARL MJ-Alpes en sa qualité de mandataire judiciaire la somme unique de 10.000 euros à titre d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS Profidis à payer à la SAS Seredis, à la SELARL AJ'UP en sa qualité d'administrateur judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan et à la SELARL MJ-Alpes en sa qualité de mandataire judiciaire la somme unique de 10.000 euros à titre d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.