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Décisions

CA Bourges, 1re ch. com., 11 janvier 2024, n° 23/00092

BOURGES

Arrêt

Autre

PARTIES

Défendeur :

Sofoc (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tessier-Flohic

Conseillers :

M. Perinetti, Mme Ciabrini

Avocats :

Me Vaidie, Me Joly, SCP Avocats Business Conseils

T. com. Bourges, du 10 janv. 2023

10 janvier 2023

Exposé :

Suivant contrat du 1er septembre 2012, [C] [D] est devenu l'agent commercial de la société SOFOC, devenue aujourd'hui ALMAR SUEDMETTAL GROUP FRANCE (ASG FRANCE), dont l'activité consiste à concevoir, fabriquer et distribuer un ensemble d'accessoires de décoration intérieure et extérieure, avec le mandat de commercialiser ses différentes gammes de produits auprès de la clientèle des enseignes de grandes surfaces de bricolage (GSB).

Ce mandat était consenti avec bénéfice d'exclusivité pour toutes les enseignes de la GSB sur un territoire géographique composé des départements 60 et 95 et pour les enseignes LEROY MERLIN, CASTORAMA, BRICOMAN, BRICO DEPOT et BHV sur les départements 75, 92 et 93.

Par courrier recommandé en date du 21 novembre 2018, la société SOFOC a décidé de résilier pour faute grave le contrat de Monsieur [D].

Celui-ci a contesté les griefs qui étaient formés à son encontre dans des courriers en date des 10 décembre 2018 et 13 février 2019.

Estimant que le contrat d'agent commercial devait être requalifié en contrat de travail, le premier conseil de Monsieur [D] a fait valoir ses demandes d'indemnisation par-devant le conseil de prud'hommes de Montmorency (95) qui s'est déclaré incompétent par jugement du 24 février 2021 au profit du tribunal de commerce de Bourges.

Monsieur [D] a donc saisi, par exploit du 22 juin 2021, le tribunal de commerce de Bourges, sollicitant le versement d'une indemnité légale de cessation de mandat pour un montant de 53 364 € ainsi qu'une indemnité compensatrice de préavis inexécuté pour un montant de 8004,60 € TTC, outre une indemnité de 5000 € au titre des frais irrépétibles.

Par jugement du 10 janvier 2023, le tribunal de commerce de Bourges a : 

- Constaté la déchéance du droit à réparation du fait de la rupture du contrat d'agent commercial,

- Déclaré, en conséquence, irrecevables les demandes formées de ce chef par [E] [D] à l'encontre de la société SOFOC,

- Dit recevable et bien fondé Monsieur [D] en sa demande d'indemnisation au titre de l'inexécution du préavis, et condamné la société SOFOC à lui payer la somme de 5608 €

- Débouté la société SOFOC de sa demande reconventionnelle d'amende civile pour procédure abusive ,

- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Partagé les dépens et ordonné l'exécution provisoire de la décision.

[C] [D] a interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée le 26 janvier 2023 et demande à la cour, dans ses dernières écritures en date du 20 octobre 2023, à la lecture desquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, de :

Dire et juger que Monsieur [D] a bien notifié à la société SOFOC son intention de se prévaloir de l'indemnisation découlant de la cessation de son mandat dans l'année de la cessation des relations contractuelles ;

Dire et juger qu'il était fondé à réclamer à la société SOFOC le règlement d'une indemnité légale de cessation de mandat d'un montant de 53.364 € et condamner cette dernière à procéder à son règlement au profit de Monsieur [D] ;

Vu l'article L. 134-11 du Code de Commerce,

Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a limité le montant de l'indemnité compensatrice de préavis inexécuté à 5.068 € et condamner de ce chef la société SOFOC à régler à Monsieur [D] la somme de 8.004,60 € TTC ;

Condamner la société SOFOC à régler en outre à Monsieur [D] la somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles de première instance outre 5.000 € au titre des frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens .

La société ALMAR SUEDMETTAL GROUP FRANCE (ASG FRANCE), intimée à titre principal et appelante à titre incident, demande pour sa part à la cour, dans ses dernières écritures en date du 20 octobre 2023, à la lecture desquelles il est pareillement renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, de :

DIRE ET JUGER que l'appel de Monsieur [D] est mal fondé,

SUR L'INDEMNITE DE RUPTURE à titre principal :

De CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a constaté la déchéance du droit de Monsieur [D] à l'indemnité de cessation des relations contractuelles, En conséquence, le débouter de sa demande,

A titre subsidiaire, si la Cour venait à infirmer le jugement du tribunal de commerce,

MINORER le montant de l'indemnité de Monsieur [C] [D] au titre de la rupture de son contrat d'agent commercial.

SUR LE BIEN FONDE DE LA RUPTURE DU CONTRAT D'AGENT COMMERCIAL à titre principal :

INFIRMER le jugement du tribunal de commerce en ce qu'il a retenu l'absence de toute faute grave de la part de Monsieur [D] [C] dans l'exercice de son mandat,

Statuant à nouveau,

DIRE ET JUGER que la rupture du contrat d'agent commercial de Monsieur [D] repose sur une faute grave, et en conséquence,

INFIRMER le jugement en ce qu'elle a été condamnée à verser à Monsieur [D] une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 5.068 euros,

DEBOUTER Monsieur [C] [D] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire, si la Cour confirmait le jugement du tribunal de commerce en ce qu'il a retenu que la faute grave de Monsieur [D] n'était pas caractérisée,

CONFIRMER le jugement en ce qu'il a alloué à Monsieur [D] une indemnité de préavis de 5.068 euros.

DEBOUTER Monsieur [D] de sa demande tendant à se voir allouer une indemnité de préavis supérieure.

En tout état de cause,

INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la Société ALMAR SUEDMETTAL GROUP FRANCE de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile et de sa demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Statuant à nouveau,

CONDAMNER Monsieur [D] à verser à la Société ALMAR SUEDMETTAL GROUP FRANCE la somme de 4.000,00 euros pour procédure abusive sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile.

CONDAMNER Monsieur [C] [D] à la somme de 6.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

CONDAMNER Monsieur [C] [D] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 octobre 2023. L'arrêt a été mis à la disposition des parties le 11 janvier 2024.

Sur quoi :

I) sur la demande de rabat de l'ordonnance de clôture :

Selon l'article 802 du code de procédure civile, « Après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office. Sont cependant recevables les demandes en intervention volontaire, les conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et autres accessoires échus et aux débours faits jusqu'à l'ouverture des débats, si leur décompte ne peut faire l'objet d'aucune contestation sérieuse, ainsi que les demandes de révocation de l'ordonnance de clôture.

Sont également recevables les conclusions qui tendent à la reprise de l'instance en l'état où celle-ci se trouvait au moment de son interruption. »

En application de l'article 803 du même code, « L'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ; la constitution d'avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation. Si une demande en intervention volontaire est formée après la clôture de l'instruction, l'ordonnance de clôture n'est révoquée que si le tribunal ne peut immédiatement statuer sur le tout. L'ordonnance de clôture peut être révoquée, d'office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l'ouverture des débats, par décision du tribunal. L'ordonnance de clôture peut également être révoquée, après recueil de l'avis des parties, afin de permettre au juge de la mise en état, conformément à l'article 785, de décider de la convocation des parties à une audience de règlement amiable selon les modalités prévues aux articles 774-1 à 774-4 ».

En l'espèce, il est constant que selon le calendrier de procédure établi le 23 juin 2023 par le conseiller de la mise en état, les dernières conclusions de l'appelant devaient être déposées au plus tard le 21 septembre 2023, celles de l'intimée au plus tard le 20 octobre 2023, la clôture devant intervenir à la date du 24 octobre suivant et l'audience le 15 novembre 2023.

En fait, conformément au délai qui lui était ainsi imparti, la société ASG France a déposé ses écritures le 20 octobre 2023.

Les conclusions déposées par Monsieur [D] le 30 octobre 2023 à 17h37, comprenant une pièce nouvelle numéro 12, soit postérieurement à l'ordonnance de clôture intervenue le 24 octobre 2023, devront nécessairement, en l'absence de toute cause grave révélée postérieurement à cette dernière, être déclarées irrecevables sur le fondement des textes précités.

Il conviendra d'examiner, successivement, les prétentions formées par Monsieur [D] au titre de la cessation de son contrat, puis au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

II) sur les prétentions formées par Monsieur [D] en réparation du préjudice subi du fait de la cessation du contrat du 1er septembre 2012 :

Selon l'article L 134 ' 12 du code de commerce, « en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi. L'agent commercial perd le droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits (...). »

Il a été jugé que « les dispositions de l'article L. 134-12 ne sont assorties d'aucun formalisme, mais l'agent doit manifester l'intention non équivoque de faire valoir ses droits à réparation » ( Cass. com., 15 mars 2017, n° 15-20.115) et que les demandes présentées devant le conseil des prud'hommes et fondées sur l'existence d'un prétendu contrat de travail ne peuvent valoir notification au mandant de l'intention de l'agent de réclamer une indemnisation au titre de la cessation d'un contrat (Cass. com., 29 sept. 2009, n° 08-17.611).

En application de cette dernière jurisprudence, la circonstance que Monsieur [D] ait entendu saisir le conseil de prud'hommes de Montmorency, qui s'est finalement déclaré incompétent par jugement du 24 février 2021, apparaît inopérante pour caractériser, au sens du texte précité, la notification au mandant par l'agent commercial « qu'il entend faire valoir ses droits ».

Il convient donc d'examiner s'il peut être déduit des termes utilisés par Monsieur [D] dans les courriers qu'il a pu adresser à la société ASG France dans le délai d'un an à compter de la cessation de ses fonctions que celui-ci a manifesté, de manière non équivoque, son intention de faire valoir ses droits à réparation résultant de l'article L. 134 ' 12 du code de commerce précité, étant rappelé à cet égard qu'une telle appréciation doit être effectuée strictement, puisqu'il a pu être jugé, par exemple, qu'un courrier par lequel un agent commercial se borne à prendre acte de la rupture des relations de travail et à indiquer qu'il « demanderait réparation devant les juridictions compétentes », ne vaut pas notification de son intention non équivoque de réclamer l'indemnité due au titre de la rupture du contrat d'agence commerciale (Cour de cassation, Chambre commerciale, 1 Mars 2017 ' n° 15-12.482).

À cet égard, il est constant que par courrier recommandé en date du 21 novembre 2018, la société ASG France a notifié à Monsieur [D] « la résiliation à effet immédiat du contrat d'agent commercial » conclu entre les parties le 1er septembre 2012 (pièce numéro 4 du dossier de l'intimée).

Monsieur [D] produit (pièces numéros 4,5 et 6 de son dossier) trois courriers qu'il indique avoir adressés à la société ASG France les 10, 13 et 18 février 2019.

La cour observe, toutefois, que seuls les accusés de réception afférents aux courriers du 10 et du 18 février 2019, dûment signés par le représentant de la société ASG France, ont été versés aux débats.

La preuve de l'envoi en la forme recommandée du courrier daté du 13 février 2019 n'étant, ainsi, pas rapportée « et la société ASG France contestant avoir reçu un tel courrier » il y a lieu d'examiner seulement les termes contenus dans les lettres en date des 10 et 18 février 2019.

À cet égard, la première de ces deux lettres est ainsi rédigée : « j'ai bien reçu votre courrier me notifiant votre décision unilatérale de rompre nos relations commerciales, et dans des termes dont je ne partage pas le fondement. Ceci dit, je prends acte de votre décision et je vous informe que je vais procéder à la vente de la clientèle de mon secteur, puisque j'ai bien pris note qu'il n'y a aucune disparition du périmètre ni même une nouvelle répartition géographique ».

De tels termes, qui se bornent à prendre acte de la notification de la résiliation du contrat d'agent commercial, et à informer la société intimée de l'intention de l'appelant de « vendre la clientèle de [son] secteur », ne peuvent, à l'évidence, correspondre à une manifestation non équivoque de la volonté de Monsieur [D] de faire valoir ses droits à réparation en application des dispositions de l'article L. 134 ' 12 précité.

Le courrier recommandé du 18 février 2019 est, quant à lui, rédigé en ces termes : « vous portez à ma connaissance qu'il est important de me rappeler que je ne suis pas propriétaire de votre clientèle. Vous soutenez vos écrits au travers d'un prétendu fondement [sic] que je bénéficiais d'un mandat de représentation par voie contractuelle et qu'il a été résilié par votre courrier du 21 novembre 2018, pour en conclure que vous ne m'autorisez pas à transférer mon contrat. Je ne peux que constater que votre intention est réellement de me nuire et de me porter un préjudice certain, pour des raisons dont je vous laisse l'entière paternité et j'en prends acte. Néanmoins, de toute évidence, vous ne connaissez pas du tout la réalité du fondement contractuel de nos relations ayant existé. À cet effet, je vous remercie de bien vouloir le produire par tous moyens à votre convenance, et dans un délai de 48 heures à la réception de la présente, la copie du document contractuel sur lequel vous vous fondez pour asseoir vos affirmations. Ce courrier vaut mise en demeure d'agir autant pour l'indemnisation que vous restez me devoir en l'absence d'autorisation de cession de mon secteur à un tiers, ainsi que pour la remise de la copie du document contractuel nous ayant lié et que vous détiendrez de toute évidence. Cette mise en demeure, comme vous le savez, marquera le point de départ de mes demandes de réparation si vous persistez à vous maintenir dans votre position (') ».

Il doit être observé que les termes « ce courrier vaut mise en demeure d'agir autant pour l'indemnisation que vous restez me devoir » sont immédiatement suivis par l'expression « en l'absence d'autorisation de cession de mon secteur à un tiers ainsi que pour la remise de la copie du document contractuel nous ayant lié », de sorte que la réclamation formée par l'appelant se trouve circonscrite à ces deux seuls domaines, et qu'il ne saurait être déduit de ces termes l'existence de l'expression d'une manifestation certaine et non équivoque de volonté de Monsieur [D] de se prévaloir de son droit à indemnisation résultant des dispositions de l'article L. 134 ' 12 du code de commerce.

C'est en conséquence à bon droit que les premiers juges, dans la décision dont appel, ont retenu la déchéance du droit à réparation tenant à l'absence d'une telle manifestation dans un délai d'un an à compter de la cessation des fonctions de Monsieur [D].

La décision dont appel devra donc être confirmée en ce qu'elle a écarté les prétentions indemnitaires formées par Monsieur [D] sur le fondement de l'article L. 134 ' 12 précité au titre de la cessation du contrat en date du 1er septembre 2012.

III) sur l'indemnité au titre du préavis prévue à l'article L. 134 ' 11 du code de commerce :

Selon l'article L. 134-11 du code de commerce, « Un contrat à durée déterminée qui continue à être exécuté par les deux parties après son terme est réputé transformé en un contrat à durée indéterminée. Lorsque le contrat d'agence est à durée indéterminée, chacune des parties peut y mettre fin moyennant un préavis. Les dispositions du présent article sont applicables au contrat à durée déterminée transformé en contrat à durée indéterminée. Dans ce cas, le calcul de la durée du préavis tient compte de la période à durée déterminée qui précède.

La durée du préavis est d'un mois pour la première année du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée, de trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes. En l'absence de convention contraire, la fin du délai de préavis coïncide avec la fin d'un mois civil.

Les parties ne peuvent convenir de délais de préavis plus courts. Si elles conviennent de délais plus longs, le délai de préavis prévu pour le mandant ne doit pas être plus court que celui qui est prévu pour l'agent.

Ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque le contrat prend fin en raison d'une faute grave de l'une des parties ou de la survenance d'un cas de force majeure. »

Il est couramment admis, en application du dernier alinéa de ce texte, que la faute grave est celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel (cass. com. 15 oct. 2002, n° 00-18.122).

Pour conclure à l'existence d'une telle faute grave, l'exonérant de son obligation de verser l'indemnité de préavis, la société ASG France reproche à Monsieur [D] un défaut de prospection régulière du secteur ainsi que des négligences et carences dans la promotion des produits, le non-respect des objectifs fixés, le rendement insuffisant et la diminution du chiffre d'affaires ainsi que l'absence de "remontées terrain" et de rapports d'activité.

Selon les articles 2,3 et 4 du contrat d'agent commercial conclu par les parties le 1er septembre 2012, « l'agent commercial s'engage à proposer les produits et services contractuels dont la représentation lui est confiée, en vertu du présent contrat, par le mandant, conformément aux conditions générales de vente et tarifs pratiqués par celui-ci, que l'agent commercial déclare parfaitement connaître, et selon les instructions et objectifs qui lui seront communiqués, à cet effet, si nécessaire par le mandant. L'agent commercial s'engage à une action commerciale dont les moyens doivent être appropriés à la mission qui lui est confiée à l'égard de la clientèle, afin d'assurer, dans l'intérêt réciproque des parties, une promotion efficace des ventes de produits dont la représentation lui est confiée par le mandant aux termes du présent contrat. L'agent commercial s'engage, pendant toute la durée du présent contrat, à informer régulièrement le mandant de tout élément utile, dans le cadre de l'objet du présent contrat et dont il pourrait avoir connaissance lors de l'exécution de celui-ci, concernant notamment les produits et services contractuels, les besoins de la clientèle, l'état du marché et de la concurrence, les réclamations des clients ou des tiers, ainsi que toute atteinte éventuelle aux marques commerciales utilisées par l'agent commercial, et tout incident de nature à affecter les ventes du mandant, sans que cette liste soit limitative. À cette fin, il transmettra au mandant un rapport selon les besoins de ce dernier ».

L'intimée soutient en premier lieu que la plupart des magasins que l'appelant devait suivre n'ont jamais été prospectés ni même visités en 2018, en dépit de ses obligations et des objectifs prioritaires qui lui avaient été impartis.

Force est toutefois de constater qu'au soutien d'une telle allégation, la société ASG France se prévaut essentiellement des termes qu'elle a elle-même utilisés dans le courrier de rupture du 21 novembre 2018 et de l'attestation réalisée par [R] [L], son directeur commercial, selon lequel « Monsieur [D] est un élément perturbateur avec un réel manque de sérieux » (pièce numéro 26 de son dossier).

Le lien de subordination du signataire de cette attestation, salarié de la société intimée, doit conduire à la plus grande circonspection s'agissant des termes qui y sont contenus.

Le seul élément produit par la société ASG France pour justifier d'un défaut de prospection régulière de secteurs et de négligence dans la promotion des produits qui serait imputable à Monsieur [D] réside dans un courrier électronique rédigé le 17 octobre 2018 par Monsieur [V], lequel, sur la demande expresse de Monsieur [L], indique : « nous aimerions avoir en tant que commercial une autre personne que Monsieur [D]. En effet, Monsieur [D] n'est jamais disponible pour nous » (pièce numéro 15).

Cependant, un tel élément isolé ne saurait suffire à caractériser, au sens du dernier alinéa de l'article L. 134 ' 11 du code de commerce précité, l'existence d'une faute grave rendant impossible le maintien du lien contractuel, et exclusive du versement de l'indemnité compensatrice de préavis.

D'autre part, en l'absence de toute clause d'objectif insérée dans le contrat d'agent commercial du 1er septembre 2012 signé par les parties, c'est en vain que la société ASG France reproche à l'appelant de ne pas avoir rempli les objectifs qui lui avaient été assignés.

Par ailleurs, l'intimée soutient que l'appelant a provoqué, par son inaction, une importante diminution de son chiffre d'affaires en région parisienne, en l'occurrence de plus de 20 %.

L'agent commercial étant tenu, dans le cadre de son contrat, d'une obligation de moyens et non de résultat, la baisse du chiffre d'affaires sur le secteur qui lui est confié ne peut constituer une faute grave que s'il est rapporté la preuve qu'elle résulte d'une insuffisance de son activité.

Or il résulte des propres écritures de la société ASG France que le chiffre d'affaires général de celle-ci a baissé, durant la période considérée, de 12 %.

Au surplus, Monsieur [D] produit une attestation rédigée le 20 mai 2022 par [E] [K], ancien directeur de la société ASG France pour la période de juin 2012 à juillet 2015, dans laquelle celui-ci indique notamment : « j'ai eu à déplorer une perte totale de référencement chez Bricorama durant l'été 2012, chez Monsieur Bricolage début 2013 et chez Brico Dépôt en 2014. Dans les trois cas, les produits SOFOC ont été remplacés chez les distributeurs en grande majorité par des produits importés d'Asie par les distributeurs eux-mêmes. À partir de 2014, Leroy Merlin a également souhaité réduire ses achats chez SOFOC à cause de la mauvaise santé financière de l'entreprise, afin que SOFOC ne puisse pas se retrouver en position de dépendance économique vis-à-vis de Leroy Merlin en cas de défaillance (') Du fait de la typologie de clientèle et des parts de marché respectives de chaque enseigne sur le secteur de Monsieur [D] (avec une très forte présence des enseignes Bricorama, Brico Dépôt et Leroy Merlin), ces différentes pertes d'activité n'étaient absolument pas compensables par des gains chez d'autres distributeurs » (pièce numéro 10 du dossier de l'appelant).

Au vu de ces éléments, il n'est pas suffisamment établi par la société ASG France que la baisse du chiffre d'affaires sur le secteur de prospection qu'elle avait confié à l'appelant serait due à une insuffisance d'activité pouvant être reprochée à celui-ci.

En outre, il convient d'observer que l'absence de « remontées terrain » et de rapport d'activité n'ont nullement été reprochés à Monsieur [D] avant les termes contenus dans le courrier de rupture du 21 novembre 2018, alors même que le contrat d'agent commercial avait été conclu plus de six ans plus tôt, soit le 1er septembre 2012.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, c'est à bon droit que le tribunal de commerce, dans la décision dont appel, a estimé qu'aucune faute grave ne pouvait être reprochée à Monsieur [D] et ne pouvait donc priver celui-ci de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 134 ' 11 du code de commerce.

Selon ce texte, cette indemnité doit correspondre à une somme équivalant à trois mois de commission ; au vu de l'attestation rédigée le 25 mai 2021 par la société Wilson Audit & Conseils, expert-comptable de l'appelant, faisant état de commissions perçues de 22 351,56 € en 2017 et de 18 699,80 € pour la période du 1er janvier au 21 novembre 2018, c'est à bon droit que le tribunal de commerce a alloué à Monsieur [D] une indemnité justement fixée à la somme de 5608 €.

IV) sur les autres demandes :

Il résulte de ce qui précède que la décision dont appel devra être confirmée en l'intégralité de ses dispositions.

Aucune faute ou légèreté blâmable ne pouvant être reprochée à Monsieur [D] dans l'exercice de son droit d'appel à l'égard de la décision rendue le 10 janvier 2023 par le tribunal de commerce, la demande formée par la société ASG France, tendant à l'octroi d'une indemnité de 4000 € en raison du caractère prétendument abusif de la procédure, devra nécessairement être rejetée.

L'équité commandera, en outre, de ne pas allouer à la société ASG France d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles que celle-ci a dû exposer en cause d'appel, eu égard à la nature de l'affaire et à l'échec de [C] [D] pour des motifs formels.

Par contre, succombant, il supportera les dépens.

Par ces motifs :

La cour,

- Dit n'y avoir lieu à rabat de l'ordonnance de clôture et déclare irrecevables les conclusions déposées par [C] [D] le 30 octobre 2023 à 17h37, ainsi que la pièce nouvelle numéro 12.

- Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement entrepris,

Y ajoutant

- Rejette la demande de la société ALMAR SUEDMETTAL GROUP FRANCE tendant d'une part à l'octroi de dommages-intérêts pour procédure abusive et d'autre part au remboursement de frais irrépétibles.

- Condamne [C] [D] aux entiers dépens d'appel.