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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 11 janvier 2024, n° 21/01783

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Centre des Sciences Biologiques de la Santé (Sté)

Défendeur :

Chronopost (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Prigent

Conseillers :

Mme Renard, Mme Soudry

Avocats :

Me Cantrel, Me Cheviller

T. com. Paris, 4e ch., du 3 mai 2018, n°…

3 mai 2018

FAITS

La société Centre des Sciences Biologiques de la Santé (ci-après société CSBS) a pour activité notamment la vente de produits liés à la santé.

Elle a développé un produit conditionné en bouteilles de verre et commercialisé sous la dénomination Sea-AquaCell.

La société CSBS a conclu, le 25 février 2014, avec la société Chronopost un contrat d'une durée d'un an, renouvelable par tacite reconduction pour une durée indéterminée, en vue de l'acheminement des colis contenant ses produits jusqu'à leur destination convenue.

Ce contrat a fait l'objet d'un avenant le 18 novembre 2014. Le même jour, a été conclu un contrat intitulé « Chronopost.fr » par lequel la société Chronopost a mis à disposition de la société CSBS, à titre gracieux, une solution d'édition automatisée des bordereaux de transport et de transfert des données en vue de la facturation des prestations via un site internet.

Le 28 septembre 2015, la société Chronopost a adressé à la société CSBS une nouvelle proposition tarifaire à effet du 1er octobre 2015 qui a été acceptée le 29 septembre 2015.

La société CSBS a contesté les conditions de livraison de certains colis confiés à la société Chronopost au cours de l'année 2015.

Un accord transactionnel a été conclu le 16 septembre 2016 concernant les prestations effectuées du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015 pour lesquelles la société Chronopost s'est engagée à émettre un avoir de 15.000 euros HT au profit de la société CSBS.

Se plaignant de retards et d'avaries, la société CSBS a adressé de nouvelles réclamations à la société Chronopost par courriers des 13 juin 2016, 11 juillet 2016 et 12 décembre 2016 et a suspendu ses règlements au titre des prestations fournies.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 2 janvier 2017, la société Chronopost a, par l'intermédiaire de son conseil, mis en demeure la société CSBS de lui payer la somme de 56.479, 19 euros au titre des prestations effectuées.

Par lettre du 11 janvier 2017, le conseil de la société CSBS a répondu que la suspension des paiements résultait des inexécutions contractuelles imputables à la société Chronopost.

Par lettre du 19 janvier 2017, la société CSBS s'est plainte auprès de la société Chronopost d'une interruption de la connexion au service permettant l'édition de bons de transport la contraignant à avoir recours à un autre prestataire de transport.

Par lettre en réponse du même jour, la société Chronopost a contesté être à l'origine d'une interruption du service d'édition de bons de transport et a également réclamé le paiement d'une somme de 85.781,26 euros au titre des factures impayées.

Par lettre du 30 janvier 2017, la société Chronopost a pris acte de la rupture unilatérale et sans préavis des relations contractuelles par la société CSBS, celle-ci ayant cessé de lui confier le transport de colis.

PROCÉDURE

C'est dans ces conditions que la société Chronopost a, par acte du 10 février 2017, assigné la société CSBS devant le tribunal de commerce de Paris en paiement d'une somme de 93.737,33 euros avec intérêts au taux égal au taux de renoncement de la Banque Centrale Européenne majoré de 10 points de pourcentage et ce à compter de chaque échéance impayée jusqu'à leur paiement effectif et capitalisation des intérêts, d'une somme de 640 euros au titre des frais de recouvrement, d'une somme de 10.781,17 euros au titre de la pénalité de rupture sans préavis et d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 3 mai 2018, le tribunal de commerce de Paris a :

Condamné la société CSBS à payer à la société Chronopost la somme de 78.058, 04 euros ;

Dit que cette somme sera productrice d'un intérêt de retard égal au taux de refinancement de la Banque Centrale Européenne majoré de 10 points de pourcentage et ce à compter de chaque échéance impayée jusqu'à leur parfait paiement ;

Ordonné la capitalisation des intérêts ci-dessus dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

Condamné la société CSBS à payer à la société Chronopost la somme de 560 euros au titre des frais de recouvrement ;

Condamné la société CSBS à payer à la société Chronopost la somme de 10.781, 17 euros au titre de la pénalité prévue à l'article 8.3 du contrat ;

Débouté la société CSBS de l'ensemble de ses demandes ;

Ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

Condamné la société CSBS à payer à la société Chronopost la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejeté les demandes des parties autres, plus amples ou contraires ;

Condamné la société CSBS aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 78,36 euros dont 12,85 euros de TVA.

Par déclaration du 23 mai 2018, la société CSBS a interjeté appel du jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a :

Débouté la société CSBS de ses demandes, fins et exceptions, notamment de compensation ;

Condamné la société CSBS à payer à la société Chronopost la somme de 78.058,04 euros avec intérêts moratoires au taux de refinancement de la BCE majoré de 10 points ;

Ordonné la capitalisation des intérêts ;

Condamné la société CSBS à payer à la société Chronopost la somme de 560 euros au titre de frais de recouvrement ;

Condamné la société CSBS à payer à la société Chronopost la somme de 10.781,17 euros au titre de la pénalité ;

Ordonné l'exécution provisoire ;

Condamné la société CSBS à payer à la société Chronopost la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par jugement du 4 mars 2020, le tribunal de commerce de Béziers a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société CSBS.

Le 7 mai 2020, la société Chronopost a déclaré une créance de 108.352,42 euros à la procédure collective.

Par jugement du 23 septembre 2020, le tribunal de commerce de Béziers a adopté le plan de redressement présenté par la société CSBS et désigné Me [X] [W] en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Par ordonnance du 24 septembre 2020, le conseiller en charge de la mise en état de la cour d'appel de Paris a constaté l'interruption d'instance et a fixé au 9 novembre 2020 le délai pour accomplir les diligences prévues à l'article R.622-20 du code de commerce.

Par ordonnance du 12 novembre 2020, le magistrat en charge de la mise en état a radié l'affaire en l'absence d'accomplissement des diligences requises.

Par jugement du 16 décembre 2020, le tribunal de commerce de Béziers a modifié le plan de redressement et autorisé la fusion-absorption de la société Compagnie Malouine de navigation par la société CSBS.

Par acte du 28 décembre 2020, la société Chronopost a assigné en intervention forcée Me [X] [W], en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société CSBS.

Le 28 janvier 2021, l'affaire a été réinscrite après radiation.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions, notifiées par le RPVA le 1er mars 2023, la société Laboratoire CSBS-Odemer et Me [X] [W] ès qualités demandent à la cour, au visa des articles 1134, 1184, 1289 et 1315 anciens du code civil applicables au litige ainsi que de l'article 442-6 du code de commerce, de :

Déclarer bien-fondé et recevable l'appel formé par la société CSBS,

Confirmant en tant que de besoin la créance de la société Chronopost à la somme maximale de 78.058,04 euros TTC,

Infirmant le jugement du tribunal de commerce en date du 3 mai 2018 sur le surplus,

Et statuant à nouveau

Juger inapplicable et réputée non écrite la clause des conditions générales de vente de la société Chronopost prévoyant un délai de réclamation de 3 jours,

Juger que la société CSBS rapporte la preuve de ses préjudices liés aux retards de livraison et casses de produits confiés à la livraison à la société Chronopost au titre de l'année 2016,

Condamner la société Chronopost à payer à la société Laboratoire CSBS-Odemer la somme de 103.718,99 euros TTC au titre des préjudices liés au retard outre la somme de 21.987,47 euros TTC au titre des préjudices liés à la casse,

En toute hypothèse,

Débouter la société Chronopost de ses demandes portant sur les intérêts de retard, la capitalisation desdits intérêts et les frais de recouvrement,

Condamner la société Chronopost à payer à la société Laboratoire CSBS-Odemer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par le RPVA le 1er mars 2023, la société Chronopost demande à la cour, au visa des articles 1103, 1231-1 et suivants et 1343-2, 1383-2 du code civil et de l'article L. 441-6 du code de commerce, de :

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par la quatrième chambre du tribunal de commerce de Paris en date du 3 mai 2018 portant le numéro RG 2017013973,

En conséquence,

Dire et juger que la société Laboratoire CSBS-Odemer n'est détentrice d'aucune créance à l'encontre de la société Chronopost,

En tout état de cause,

Débouter la société Laboratoire CSBS-Odemer de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Condamner la société Laboratoire CSBS-Odemer à payer à la société Chronopost la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Et la condamner aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 9 mars 2023.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la demande en paiement de factures de la société Chronopost.

Il sera constaté que les deux parties ne critiquent pas le jugement entrepris en sa disposition condamnant la société CSBS à payer à la société Chronopost la somme en principal de 78.058, 04 euros.

La cour n'est donc pas saisie de cette demande de la société Chronopost en paiement d'une somme en principal.

Sur les demandes d'indemnisation de la société CSBS au titre des retards et avaries.

La société CSBS prétend que la société Chronopost n'a pas respecté les délais contractuels prévus pour l'acheminement d'un grand nombre de colis. En tenant compte de la date de remise du colis à la société Chronopost et après avoir exclu les weekends et jours fériés, elle estime que sur un total de 16 156 envois en 2016 (8 996 envois au 1er semestre et 7 160 envois au second semestre), près de 48 % des colis Chrono 13 et Chrono Relais 13 ont été livrés hors des délais contractuels. Elle reproche également à la société Chronopost de nombreuses avaries de colis et notamment un taux de casse de 22 % en 2016. Elle observe qu'elle ne pouvait pas tenir compte des préconisations de la société Chronopost concernant le conditionnement puisque celles-ci ne lui ont été adressées que le 14 novembre 2016, soit plus de deux ans après le début de la relation contractuelle. Elle ajoute en outre que c'est au transporteur d'apporter la preuve de la déficience ou de l'inadéquation de l'emballage et que le transporteur ne peut pas invoquer la déficience d'un conditionnement qu'il a toujours accepté sans faire la moindre réserve. Elle conteste encore la clause contractuelle concernant le délai de réclamation à observer en soutenant que ce délai a été unilatéralement écourté à trois jours par la société Chronopost à l'occasion d'une modification tarifaire en 2015, que cette clause est peu précise, qu'elle prive de toute substance l'obligation essentielle du contrat, qu'elle entraîne un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties et qu'elle rend vaine toute possibilité de réclamation. Elle demande en conséquence qu'elle soit réputée non écrite.

La société Chronopost invoque tout d'abord le non-respect des dispositions concernant les règles de forme et de délai des réclamations prévues à l'article 10 de ses conditions générales de vente. En ce qui concerne le délai de réclamation de trois jours, elle fait valoir qu'il s'agit du délai légal prévu à l'article L. 133-3 du code de commerce auquel elle a décidé de se conformer à compter du 1er septembre 2015 et que cette modification contractuelle a été acceptée par la société CSBS. Ensuite elle dénie les retards invoqués et conteste la force probante des pièces produites par la société CSBS. Elle dément encore les taux de casse évoqués. Elle précise que le taux de casse était de 2,55 % et non de 25 %, soit 282 sur 11.065 colis. Elle indique avoir accepté, à titre commercial uniquement, d'indemniser la société CSBS à hauteur de 15.000 euros HT sur l'année 2015 selon un protocole du 16 septembre 2016 et ce, alors que la société CSBS sollicitait la somme de 60.000 euros HT, tout en adressant, en parallèle, à la société CSBS des préconisations sur le conditionnement de ses colis afin qu'il n'y ait plus de difficulté. Elle fait valoir que la société CSBS n'ayant pas appliqué les nouvelles recommandations d'emballage, sa responsabilité ne peut être recherchée en application de l'article 7.1 des conditions générales de vente.

Sur le non-respect des formes et délais de réclamation

L'article 10 des conditions générales de vente de la société Chronopost, intitulé « Réclamation », prévoit que :

« Sous peine de forclusion et d'irrecevabilité de la demande, toute réclamation doit être spécifiquement adressée au « Service Clients » par écrit, dont les coordonnées figurent sur le bordereau de transport, dans les délais suivants :

- pour les transports nationaux : au plus tard dans les trois (3) jours qui suivent la livraison pour les professionnels ou au plus tard dans les quatorze (14) jours qui suivent la livraison pour les consommateurs,

(')

La réclamation doit être motivée et accompagnée des justificatifs du préjudice subi (lettre de transport, facture d'achat, photographies justifiant l'avarie).

A défaut de réserves détaillées portées par le destinataire sur le bordereau de livraison, il appartient au réclamant d'apporter la preuve que le dommage a eu lieu pendant le transport et d'établir que le dommage est imputable au transport. »

Il sera tout d'abord relevé que lesdites conditions générales de vente ont été acceptées par la société CSBS le 29 septembre 2015 en même temps qu'une proposition tarifaire. La société CSBS ne peut donc prétendre qu'il s'agit d'une modification unilatérale de la part de la société Chronopost.

Il résulte également des termes mêmes des conditions générales de vente que celles-ci sont applicables dans les rapports entre l'expéditeur, la société CSBS, et la société Chronopost. Ainsi aucune imprécision ne ressort de la clause litigieuse concernant l'auteur de la réclamation qui est nécessairement l'expéditeur. Il sera à cet égard relevé que les échanges de courriels produits aux débats concernant les réclamations adressées à la société Chronopost émanent bien d'employés de la société CSBS. En outre, la société CSBS ne peut se prévaloir de l'absence de définition du terme « livraison » alors que cette notion est définie en droit des transports comme l'opération par laquelle le transporteur remet la marchandise à l'ayant droit qui l'accepte ou qui est en mesure d'en vérifier l'état.

Il sera relevé que la clause litigieuse édicte non pas une limitation de responsabilité mais une forclusion en cas de non-respect du formalisme et du délai de réclamation. Contrairement à ce que soutient la société CSBS, cette clause n'est pas de nature à priver de sa substance l'obligation essentielle du débiteur qui est de remettre les colis qui lui sont confiés en bon état à leur destinataire dans le délai imparti. En effet, il résulte des débats qu'il était parfaitement possible à la société CSBS de suivre les colis envoyés grâce au logiciel Chronotrace mis à sa disposition par la société Chronopost et ainsi de dénoncer des retards ou des refus de livraison de colis de la part de ses clients. La société CSBS ne peut en conséquence valablement soutenir que ladite clause lui interdisait en pratique tout recours.

Enfin il convient de relever que la clause litigieuse ne fait que reprendre les dispositions de l'article L. 133-3 du code de commerce applicables aux avaries ou aux pertes partielles. Cette clause, en ce qu'elle s'applique aux avaries et aux pertes partielles, ne saurait donc créer un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. En revanche, il convient d'examiner ladite clause au regard des dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce en ce qu'elle s'applique aux retards et pertes totales.

L'article L. 442-6 du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige dispose que:

« I.-Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers:

(...)

2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

III.-L'action est introduite devant la juridiction civile ou commerciale compétente par toute personne justifiant d'un intérêt, par le ministère public, par le ministre chargé de l'économie ou par le président de l'Autorité de la concurrence lorsque ce dernier constate, à l'occasion des affaires qui relèvent de sa compétence, une pratique mentionnée au présent article.

Lors de cette action, le ministre chargé de l'économie et le ministère public peuvent demander à la juridiction saisie d'ordonner la cessation des pratiques mentionnées au présent article. Ils peuvent aussi, pour toutes ces pratiques, faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites et demander la répétition de l'indu. Ils peuvent également demander le prononcé d'une amende civile ('). La réparation des préjudices subis peut également être demandée. Dans tous les cas, il appartient au prestataire de services, au producteur, au commerçant, à l'industriel ou à la personne immatriculée au répertoire des métiers qui se prétend libéré de justifier du fait qui a produit l'extinction de son obligation.

La juridiction peut ordonner la publication, la diffusion ou l'affichage de sa décision ou d'un extrait de celle-ci selon les modalités qu'elle précise. Elle peut également ordonner l'insertion de la décision ou de l'extrait de celle-ci dans le rapport établi sur les opérations de l'exercice par les gérants, le conseil d'administration ou le directoire de l'entreprise. Les frais sont supportés par la personne condamnée.

La juridiction peut ordonner l'exécution de sa décision sous astreinte.

Les litiges relatifs à l'application du présent article sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret.

(...) »

S'il est vrai que l'article L. 442-6 I du code de commerce mentionne uniquement l'engagement de la responsabilité civile de l'auteur de la pratique, cette disposition spéciale n'interdit pas à la victime d'une pratique visée par ce texte de demander la nullité de la clause ou du contrat contraire à l'ordre public.

En outre, il sera relevé que l'article L. 442-4 du code de commerce issu de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 ouvre expressément l'action en nullité de la clause créant un déséquilibre significatif au profit de la partie victime d'un tel déséquilibre et que ce nouveau texte apporte un éclairage rétroactif aux anciennes dispositions.

La preuve de la pratique prohibée par les dispositions susvisées suppose d'une part, de caractériser une tentative de soumission ou d'une soumission du partenaire commercial à une clause et d'autre part, de démontrer que cette clause est constitutive de déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

L'existence d'obligations créant un déséquilibre significatif peut notamment se déduire d'une absence totale de réciprocité ou de contrepartie à une obligation, ou encore d'une disproportion importante entre les obligations respectives des parties.

Les clauses sont appréciées dans leur contexte, au regard de l'économie de la relation contractuelle.

Il appartient à la société qui se prétend victime d'apporter la preuve du déséquilibre qu'elle subit.

Le fait d'imposer à un cocontractant professionnel le respect de certaines formalités ou délais pour dénoncer une inexécution contractuelle ne saurait traduire à lui seul l'existence d'un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

En outre, la société CSBS ne démontre pas que la clause litigieuse serait de nature à l'empêcher de réclamer à la société Chronopost l'indemnisation de retards ou d'avaries ni à supprimer l'obligation de bonne livraison de cette dernière.

En conséquence, la demande tendant à voir juger inapplicable et réputé non écrit l'article 10 des conditions générales de vente de la société Chronopost sera écartée.

Sur les retards,

Il appartient à celui qui se prévaut d'une inexécution contractuelle d'en rapporter la preuve.

En l'espèce, à l'appui de ses allégations, la société CSBS communique tout d'abord une pièce n°11 qui regroupe par référence de colis, un bordereau d'expédition, une facture à l'attention du client ainsi qu'un suivi d'expédition. Toutefois il sera relevé que le suivi d'expédition tel qu'il y est décrit résulte des seules données entrées par les employés de la société CSBS de sorte qu'il ne peut servir de preuve. Il sera en outre observé que les éléments qui y sont contenus ne permettent pas de déterminer la date de remise du colis à la société Chronopost ni celle de la remise du colis au point de livraison, seuls éléments de nature à établir un retard contractuel.

Ensuite la société CSBS verse aux débats une pièce n°10 qui se présente sous la forme d'un fichier Excel dans lequel sont indiqués des références de colis, des dates et heures de remise, des dates et heures de livraison ainsi que des événements et compléments d'information. Toutefois il apparaît que ce fichier ne se contente pas de reprendre les données extraites du logiciel Chronotrace de la société Chronopost puisqu'il y ajoute des colonnes et apporte des modifications et qu'il ne recense pas les données utiles à la détermination des retards allégués. Il sera ainsi relevé qu'il n'est pas notamment mentionné si la date de livraison retenue est celle de la remise du colis au point de livraison ou celle de son retrait par le destinataire. Le caractère probant de cette pièce ne peut donc pas être retenu.

Dans ces conditions, la société CSBS échoue à rapporter la preuve des retards allégués. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande d'indemnisation de ce chef.

Sur les avaries,

Il appartient à celui qui se prévaut d'une inexécution contractuelle d'en rapporter la preuve.

A l'appui de ses allégations concernant les avaries de colis, la société CSBS allègue que la pièce n°10 versée aux débats recense tous les colis qui ont été refusés par ses clients. Toutefois ainsi qu'il a été précédemment jugé cette pièce qui se présente sous la forme d'un fichier Excel ne peut être retenue à titre de preuve dès lors qu'elle ne se contente pas de reproduire les données extraites du logiciel de la société Chronopost mais comporte des ajouts et modifications. Il sera en outre souligné que le motif des refus de livraison par les clients n'y est pas indiqué.

Ensuite la société CSBS produit une pièce n° 12 qui est un fichier informatique contenant des captures d'écran des courriels concernant cinq réclamations adressées à la société Chronopost à la suite de bris de colis. Outre le fait que ces cinq réclamations ne peuvent démontrer le taux de casse de 22 % invoqué, les photographies produites ne permettent pas de caractériser les avaries dénoncées ni de les imputer au transport.

Dans ces circonstances, la responsabilité de la société Chronopost ne peut pas être retenue et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation de ce chef.

Sur l'imputabilité de la rupture et la demande au titre de l'indemnité de rupture.

La société CSBS demande la réformation du jugement entrepris en ce qu'il lui a imputé la rupture unilatérale et sans préavis du contrat et l'a condamnée au paiement de l'indemnité de rupture prévue à l'article 8.3 du contrat. Elle affirme que la société Chronopost est à l'origine de la rupture du contrat dès lors qu'elle a interrompu la connexion lui permettant de préparer ses ordres d'expédition, ce qui l'a contrainte à recourir à un autre prestataire.

La société Chronopost réplique que la société CSBS est à l'origine de la rupture du contrat puisqu'elle a cessé de lui confier des colis à compter du 17 janvier 2017. Elle relève que la société CSBS ne lui a adressé aucun courriel concernant l'arrêt de la connexion au site « Prestashop » ni ne s'est adressée à sa « hotline ». Elle réclame en conséquence la confirmation du jugement ayant condamné la société CSBS à lui payer l'indemnité de rupture prévue au contrat.

Le contrat conclu le 25 février 2014 entre la société Chronopost et la société CSBS et modifié le 18 novembre 2014 indique en son article 8 que :

« 8.1 Le présent contrat prend effet à compter de sa signature par les deux parties pour une durée d'un an. Il est ensuite renouvelable par tacite reconduction pour une durée indéterminée, sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties, par lettre recommandée avec accusé de réception adressée à l'autre partie, trois mois au moins avant le terme de la première année.

8.2 Une fois le contrat renouvelé pour une durée indéterminée, chaque partie pourra alors y mettre fin à tout moment moyennant un préavis de trois mois notifiés à l'autre partie par lettre recommandée avec accusé de réception. Pendant toute la durée de ce préavis, les parties s'engagent à continuer à exécuter le contrat de bonne foi, aux conditions habituelles.

8.3 En cas de non-respect des dispositions précitées par le cocontractant et notamment en cas de non-respect de la durée minimale du contrat ou du préavis et après une mise en demeure adressée par lettre recommandée avec accusé de réception restée sans effet pendant huit jours, Chronopost sera fondée à réclamer au contractant une pénalité équivalente à 20 % du montant total facturé au cours de trois mois précédent l'envoi de ladite mise en demeure, sans préjudice des dommages et intérêts auxquels elle pourrait prétendre.

(') »

Il ressort d'un courrier recommandé du 19 janvier 2017 adressé par la société CSBS à la société Chronopost que la société CSBS a pris l'initiative de recourir à un autre prestataire en invoquant l'impossibilité d'éditer des bons de transport et d'expédier des colis sans avoir au préalable alerté son cocontractant sur les difficultés rencontrées. Par courrier recommandé en réponse du 19 janvier 2017, la société Chronopost a dénié avoir interrompu la collecte des colis et a précisé n'avoir été alertée d'aucune difficulté de nature à interrompre les expéditions notamment concernant l'édition des bons de transport. Enfin par lettre recommandée du 30 janvier 2017, la société Chronopost a constaté que la société CSBS ne lui confiait plus aucun colis et a pris acte de la rupture du contrat de son fait.

Il sera relevé que la société CSBS ne justifie pas avoir alerté la société Chronopost de difficultés de connexion au service en ligne d'édition des bordereaux de transport mis à sa disposition avant de recourir aux services d'un autre prestataire.

En outre, la société Chronopost justifie, par la production de bordereaux de tournée de collecte tamponnés par la société CSBS que celle-ci ne lui a plus confié aucun colis à compter du 18 janvier 2017.

Dans ces conditions, la société CSBS a pris l'initiative de la rupture du contrat sans préavis.

Les dispositions contractuelles relatives à l'indemnité de rupture sont donc applicables et le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur les intérêts et frais de recouvrement,

La société CSBS revendique l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée au paiement d'intérêts de retard majorés, à la capitalisation des intérêts ainsi qu'à des frais de recouvrement. Elle fait valoir qu'elle a été placée en redressement judiciaire le 4 mars 2020 et justifie avoir été contrainte de cesser ses paiements en raison du silence observé par la société Chronopost à l'égard de ses réclamations.

Selon les articles L. 631-14 et L. 622-28 du code de commerce, le jugement d'ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations, à moins qu'il ne s'agisse des intérêts résultant de contrats de prêts conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d'un paiement différé d'un an ou plus.

Il ressort de ces dispositions que seuls les intérêts postérieurs au jugement d'ouverture sont concernés et non les intérêts échus.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la condamnation principale de la société CSBS au paiement d'une somme de 78.058,04 euros sera productrice d'un intérêt de retard égal au taux de refinancement de la Banque Centrale Européenne majoré de 10 points de pourcentage et ce à compter de chaque échéance impayée et de l'infirmer en ce qu'il a dit que ces intérêts courraient jusqu'à leur parfait paiement, lesdits intérêts étant arrêtés à la date du jugement d'ouverture du 4 mars 2020 en application des dispositions susvisées.

Le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil étant précisé que cette capitalisation, qui a commencé à la date de l'assignation du 10 février 2017, est arrêtée à la date du jugement d'ouverture du 4 mars 2020.

Par ailleurs, l'article L. 441-10 II du code de commerce prévoit que tout professionnel en situation de retard de paiement est de plein droit débiteur, à l'égard du créancier, d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé par décret. (') Toutefois le créancier ne peut invoquer le bénéfice de ces indemnités lorsque l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire interdit le paiement à son échéance de la créance qui lui est due.

En l'espèce, il apparaît que les factures impayées qui ont donné lieu à la condamnation à une indemnité forfaitaire de recouvrement étaient échues à la date d'ouverture du redressement judiciaire de la société CSBS. Ces indemnités sont donc dues dès lors que le retard de paiement est caractérisé. Il ressort en outre de ce qui précède que les réclamations de la société CSBS n'étaient pas fondées et que c'est à tort qu'elle a suspendu ses paiements.

Dès lors, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la société CSBS payer à la société Chronopost la somme de 560 euros au titre des frais de recouvrement.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile,

La société CSBS succombe à l'instance. Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront confirmées. Les dépens de l'instance d'appel seront fixés à la procédure collective de la société CSBS. De même, il y a lieu de fixer au passif de la procédure collective de la société CSBS une somme supplémentaire de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La demande de la société CSBS sur ce point sera rejetée.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Rejette la demande de la société Laboratoire CSBS-Odemer tendant à voir juger inapplicable et réputé non écrit l'article 10 des conditions générales de vente de la société Chronopost ;

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a dit que la condamnation principale de la société Centre des Sciences biologiques de la santé, désormais dénommée société Laboratoire CSBS-Odemer, au paiement d'une somme de 78.058,04 euros sera productrice d'un intérêt de retard égal au taux de refinancement de la Banque Centrale Européenne majoré de 10 points de pourcentage jusqu'à leur parfait paiement ;

Statuant à nouveau de ce chef,

Dit que les intérêts majorés sont arrêtés à la date du jugement d'ouverture du 4 mars 2020 ;

Y ajoutant,

Précise que la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil, à compter du 10 février 2017, est arrêtée à la date du jugement d'ouverture du 4 mars 2020 ;

Fixe au passif de la procédure collective de la société CSBS la créance de la société Chronopost à une somme supplémentaire de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de la société CSBS au titre des frais irrépétibles ;

Fixe au passif de la procédure collective de la société CSBS les dépens de l'instance d'appel.