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Décisions

CA Versailles, ch. com. 3-1, 11 janvier 2024, n° 21/01375

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Société Générale Immobilier Patrimonial (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Thomas

Conseillers :

Mme Gautron-Audic, Mme Meurant, Me Riglet

Avocats :

Me Hongre-Boyeldieu, Me Le Calvez, Me Riglet, Me Zerhat, Me Seigle, Me Linares

T. com. Nanterre, 6e ch., du 27 janv. 20…

27 janvier 2021

EXPOSE DU LITIGE

La société Primaxia, aujourd'hui dénommée Société Générale Immobilier Patrimonial, ci-après dénommée SGIP, est spécialisée dans l'investissement immobilier neuf. Son activité consiste à commercialiser des biens immobiliers pour le compte de promoteurs, notamment de la société Sogeprom.

A cette fin, la société Primaxia a fait appel à des mandataires, dits conseillers immobiliers agréés Primaxia (CIAP), personnes physiques ou morales.

Par acte sous seing privé du 2 décembre 2003, la société Primaxia a conclu un contrat de mandat avec la société VIC 23 pour une durée d'une année à compter du 1er janvier 2004, renouvelable par tacite reconduction pour la même période. Ce contrat faisait référence à l'accord de partenariat conclu par la société Primaxia avec la Société Générale, aux termes duquel cette dernière devait adresser au mandataire des clients intéressés par un investissement dans le secteur de l'immobilier neuf.

Par acte sous seing privé du 1er janvier 2013, un second contrat de mandat a été consenti par la société Primaxia à la société VIC 23, pour une nouvelle durée d'une année, renouvelable également par tacite reconduction, faisant cette fois référence à l'accord de partenariat conclu par la société Primaxia avec le Crédit du Nord dans les mêmes termes que ceux précités.

Par contrat du 2 mars 2009, la société VIC 23 s'est substituée M. [J] [T] pour exercer les mandats précités. 

A la fin de l'année 2017, la société Primaxia a décidé de modifier son réseau de distribution et d'internaliser la commercialisation des programmes immobiliers.

Le 20 avril 2018, la société Primaxia a mis un terme aux mandats conclus avec la société VIC 23.

Considérant avoir été brutalement évincé du réseau de distribution et s'être vu privé de tout revenu ainsi que de l'indemnité compensatrice due aux agents commerciaux en application de l'article L. 134-12 du code de commerce, M. [T], par courrier du 14 octobre 2019 a sollicité de la SGIP, nouvelle dénomination de la société Primaxia, l'indemnisation de ses préjudices.

A défaut d'accord, par acte du18 novembre 2019, M. [T] a fait assigner la SGIP devant le tribunal de commerce de Nanterre, afin notamment de la voir condamnée à lui verser la somme de 490.000 € au titre de l'indemnité de rupture.

Par jugement du 27 janvier 2021, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- Débouté la SGIP de sa demande tendant à dire non applicable à VIC 23 le statut d'agent commercial fixé par les articles L. 134-1 à L. 134-17 du code de commerce ;

- Dit que M. [J] [T] est en droit de percevoir l'indemnité prévue par l'article L. 134-12 du code de commerce en suite de la rupture de son mandat d'agent commercial ;

- Condamné la SGIP à payer à M. [J] [T] la somme de 490.000 € au titre de l'indemnité compensatrice prévue par l'article L. 134-12 du code de commerce ;

- Débouté M. [J] [T] de se demande de dommages et intérêts ;

- Débouté la SGIP de ses demandes ;

- Condamné la SGIP à payer à M. [J] [T] la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Prononcé l'exécution provisoire du jugement ;

- Condamné la SGIP aux dépens de l'instance.

Par déclaration du 1er mars 2021, la SGIP a interjeté appel du jugement.

Par arrêt du 17 novembre 2022, la cour a :

- Ordonné la réouverture des débats et le renvoi à l'audience de mise en état du 16 février 2023 afin de permettre aux parties de prendre connaissance de l'arrêt à intervenir de la Cour de cassation statuant dans l'affaire SGIP - société Bertrand Demanes, et de prendre éventuellement de nouvelles conclusions tenant compte de cet arrêt et de former toutes observations utiles à ce titre,

- Sursis à statuer sur l'ensemble des demandes des parties dans l'attente de cet arrêt de la Cour de cassation,

- Réservé les dépens.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 5 octobre 2023, la SGIP demande à la cour de :

- Infirmer le jugement rendu le 27 janvier 2021 par le tribunal de commerce de Nanterre en ce qu'il a :

- Débouté la SGIP (anciennement dénommée Primaxia) de sa demande tendant à dire non applicable à VIC 23 le statut d'agent commercial fixé par les articles L. 134-1 à L. 134-17 du code de commerce ;

- Dit que M. [T] est en droit de percevoir l'indemnité prévue par l'article L. 134-12 du code de commerce en suite de la rupture de son mandat d'agent commercial ;

- Condamné la SGIP à payer à M. [T] la somme de 490.000 € au titre de l'indemnité compensatrice prévue par l'article L. 134-12 du code de commerce ;

- Débouté la SGIP de ses demandes ;

- Condamné la SGIP à payer à M. [T] la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, déboutant la SGIP de sa demande au même titre ;

- Prononcé l'exécution provisoire du jugement ;

- Condamné la SGIP aux dépens de l'instance ;

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Débouté M. [T] de sa demande de dommages et intérêts ;

En conséquence et statuant à nouveau,

- Juger que l'action directe de M. [T] à l'encontre de la SGIP n'est admise qu'à concurrence des sommes dues à la société VIC 23 ;

À titre principal,

- Juger que le statut d'agent commercial prévu aux articles L. 134-1 et suivants du code de commerce n'est pas applicable la société VIC 23 dans l'exercice de sa mission de commercialisation des programmes immobiliers pour le compte de la société Primaxia, aujourd'hui dénommée la SGIP ;

- Juger que l'exercice de cette activité de commercialisation est soumis aux dispositions de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970 ;

En conséquence,

- Juger qu'aucune indemnité de rupture n'est due à la société VIC 23 par la SGIP ;

À titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour considérait que l'activité de M. [T] relevait du statut d'agent commercial prévu par le code de commerce,

- Juger que la société VIC 23 et M. [T] ont perdu tout droit à rémunération au titre de L. 134-12 du code de commerce ;

À titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour considérait recevable l'action directe de M. [T],

- Juger que le montant de l'indemnité de rupture due par la SGIP à M. [T] ne peut être supérieur à six mois de commissions calculées sur la moyenne des trois dernières années d'exécution du contrat de mandat ;

En tout état de cause,

- Condamner M. [T] au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner M. [T] aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 24 mai 2023, M. [J] [T] demande à la cour de :

- Juger recevable l'action directe de M. [T] en sa qualité mandataire substitué, contre la SGIP;

- Juger que la mission effective confiée à M. [T] réunissait les conditions d'application du statut des agents commerciaux ;

- Confirmer le jugement rendu le 27 janvier 2021 par le tribunal de commerce de Nanterre en ce qu'il a :

- Débouté la SGIP (anciennement dénommée Primaxia) de sa demande tendant à dire non applicable à VIC 23 le statut d'agent commercial fixé par les articles L. 134-1 à L. 134-17 du code de commerce ;

- Dit que M.[T] est en droit de percevoir l'indemnité prévue par l'article L. 134-12 du code de commerce en suite de la rupture de son mandat d'agent commercial ;

- Condamné la SGIP à payer à M. [T] la somme de 490.000 € au titre de l'indemnité compensatrice prévue par l'article L. 134-12 du code de commerce ;

- Débouté la SGIP de ses demandes ;

- Condamné la SGIP à payer à M. [T] la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, déboutant la SGIP de sa demande au même titre ;

- Prononcé l'exécution provisoire du jugement ;

- Condamné la SGIP aux dépens de l'instance ;

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Débouté M. [T] de sa demande de dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau sur ce chef de jugement,

- Condamner la SGIP à payer à M. [T] la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat ;

- Condamner la SGIP anciennement dénommée Primaxia à payer à M. [T] la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la SGIP à supporter les entiers dépens de l'instance d'appel et de la première instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 novembre 2023.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

La SGIP fait valoir que si, en application de l'alinéa 2 de l'article 1994 du code civil, le sous-mandataire dispose d'une action directe contre le mandant d'origine, cette action ne peut toutefois être exercée qu'autant que l'action du mandataire intermédiaire n'est pas elle-même éteinte. L'appelante soutient qu'en l'espèce, elle n'est débitrice d'aucune indemnité à l'égard de la société VIC 23, dans la mesure où cette dernière ne bénéficie pas, en sa qualité de personne morale, du statut d'agent commercial de l'article L. 134-1 du code de commerce et donc de la dérogation instituée à l'article 4 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 dite loi Hoguet.

La SGIP rappelle que le statut d'agent commercial n'est, selon l'alinéa 2 de l'article L. 134-1 précité, pas applicable en cas de dispositions législatives particulières régissant la mission de l'agent. Elle indique que les dispositions de la loi Hoguet règlementent de manière spécifique l'activité d'intermédiaire en matière immobilière et qu'elles excluent donc l'application du statut de l'agent commercial aux agents immobiliers.

L'appelante indique que si l'article 4 de la loi Hoguet offre la possibilité aux agents immobiliers de recourir aux services de collaborateurs chargés de négocier, s'entremettre ou s'engager pour leur compte, l'activité de ces collaborateurs est également soumise à la loi Hoguet. Elle soutient que la dérogation introduite par la loi du 13 juillet 2006 à l'article 4 précité, permettant aux collaborateurs non-salariés de bénéficier du statut d'agent commercial, doit être conjuguée avec le décret d'application de la loi Hoguet du 20 juillet 1972 et ne peut dès lors bénéficier qu'aux seuls négociateurs immobiliers personnes physiques.

La SGIP explique que :

- les négociateurs immobiliers personnes physiques sont seuls susceptibles d'obtenir l'attestation d'habilitation visée par l'article 4 de la loi Hoguet, dès lors que le contrôle du bulletin n° 2 du casier judiciaire prévu à l'article 3, II du décret du 20 juillet 1972, auquel renvoie l'article 9 du même décret, qui ne vise, depuis le décret du 19 juin 2015, que les personnes physiques, n'est pas possible pour les personnes morales ;

- le ministère de la justice, la Cour de cassation et le Conseil d'Etat ont confirmé que les personnes morales n'étaient pas susceptibles d'être titulaires de la carte professionnelle habilitant les négociateurs immobiliers ;

- le simple mandat, par lequel le titulaire de la carte professionnelle confère au mandataire le pouvoir de représentation ne peut valoir habilitation au sens de l'article 4 de la loi Hoguet, cette habilitation ayant pour objet d'autoriser une personne à exercer l'activité réglementée visée à l'article 1 de ladite loi ; que seule l'attestation visée à l'article 9 du décret du 20 juillet 1972 permet une habilitation au sens de l'article 4 précité.

La SGIP expose que néanmoins, cette stricte limitation du champ d'application de l'article 4 de la loi du 2 janvier 1970 n'empêche pas l'agent immobilier de recourir aux services de collaborateurs non-salariés personnes morales ; que ces personnes morales, qui ne sont pas en mesure de bénéficier d'une attestation d'habilitation, ne peuvent se prévaloir du statut d'agent commercial et sont soumises aux dispositions impératives de la loi Hoguet.

Elle relève que dans le contrat du 2 mars 2009 par lequel la société VIC 23 a conféré mandat à M. [T], elle s'est présentée en tant qu'agent immobilier et non en qualité d'agent commercial.

La SGIP conteste l'application conventionnelle du statut d'agent commercial. Elle soutient que les dispositions de la loi Hoguet constituent des dispositions d'ordre public auxquelles il n'est pas possible de déroger conventionnellement, et qu'en tout état de cause, les stipulations du mandat n'établissent pas que les parties l'ont voulu, de manière certaine et non équivoque.

La SGIP estime que M. [T], mandaté par la société VIC 23, n'a pas exercé d'activité relevant du statut d'agent commercial, dès lors d'une part, qu'il ne disposait d'aucun pouvoir de négociation concernant les conditions de vente et les tarifs qui étaient fixés par le mandant et d'autre part, qu'il n'a assuré aucune mission de prospection puisque la clientèle lui était apportée par la société Primaxia et les banques partenaires et que le catalogue des programmes immobiliers était mis à sa disposition par la société Primaxia.

Subsidiairement, la SGIP fait valoir que la société VIC 23 a perdu son droit à indemnisation, dès lors que les contrats de mandat des 2 décembre 2003 et 1er janvier 2013 ont pris fin le 31 décembre 2018 et qu'aucune demande indemnitaire n'a été formulée dans le délai d'un an imparti par l'article L. 134-12 du code commerce. Elle considère que la demande formulée par M. [T] ne peut être prise en compte dans la mesure où elle n'avait pas de lien contractuel avec ce dernier et que l'article L. 134-12 vise le mandant.

Enfin, la SGIP conteste le quantum de l'indemnité réclamée par M. [T]. Elle indique que l'usage tendant à évaluer l'indemnité de cessation de contrat à deux années de commissions brutes, calculées sur la moyenne des trois dernières années d'exécution du mandat, ne lie pas le juge qui peut, en fonction des circonstances de l'espèce, fixer une indemnité d'un montant inférieur. Elle considère que la société VIC 23 et M. [T] ont bénéficié du cadre particulièrement avantageux des contrats de mandat leur permettant de bénéficier, d'une part, de son catalogue de produits immobiliers et d'autre part, de la clientèle apportée par la société Primaxia en application des conventions de partenariat conclues avec la Société Générale et le Crédit du Nord. L'appelante demande donc à la cour de limiter l'indemnisation à 6 mois de commissions calculées sur la moyenne des trois dernières années d'exécution de son mandat.

M. [T] répond que le contrat, rédigé par la société Primaxia, a été expressément soumis aux dispositions des articles L. 134-1 à L. 134-17 du code de commerce régissant le statut des agents commerciaux. Il soutient que l'action dont il bénéficie en qualité de mandataire substitué contre le mandant est une action directe parfaite, qui n'est pas soumise aux conditions de l'action du mandataire intermédiaire. Il ajoute avoir en tout état de cause agi alors que la créance de la société VIC 23 n'était pas éteinte. Il souligne avoir revendiqué le droit à l'indemnité de l'article L. 132-12 du code de commerce par courrier adressé à la SGIP le 14 octobre 2019, soit dans l'année impartie par la loi.

Il rappelle que la Cour de cassation dans son arrêt du 17 mai 2023 a confirmé que le titulaire de la carte professionnelle visée à l'article 3 de la loi Hoguet peut habiliter une personne morale elle-même titulaire de la carte professionnelle et que cette dernière se voit en conséquence appliquer le statut des agents commerciaux. Il indique que la société VIC 23, titulaire de la carte professionnelle et non salariée de la société Primaxia, bénéficie de la dérogation prévue à l'article 4 de la loi Hoguet.

M. [T] expose que la mission qui lui avait été confiée ne consistait pas en une simple entremise dans la vente de biens immobiliers ; qu'il assumait une mission de prospection au sein des équipes de la Société Générale, auprès des investisseurs privés, via la présentation des différents dispositifs fiscaux aux conseillers en gestion de patrimoine de la Société Générale, l'audit de la situation de l'investisseur privé, l'étude patrimoniale et fiscale, la définition de la stratégie d'investissement, la recherche du bien immobilier permettant de répondre aux besoins de l'investisseur, la présentation de biens immobiliers compatibles avec le dispositif fiscal visé et l'accompagnement tout au long des opérations d'investissements. Il estime donc qu'il avait un rôle central afin de valoriser et optimiser sur le plan fiscal le patrimoine des investisseurs privés. Il réclame une indemnité de 490.000 €, correspondant à deux années de commissions brutes.

M. [T] invoque l'exécution déloyale du contrat par la SGIP au regard de la rupture brutale du mandat qui l'a soudainement privé de revenus nonobstant les termes du courriel de la SGIP du 7 février 2019. Il estime que la SGIP a abusé à son égard de sa position et de la confiance instaurée durant 8 années de collaboration. Il réclame 50.000 € de dommages et intérêts.

****

Sur l'action directe de M. [T]

L'article 1994 du code civil dispose : "Le mandataire répond de celui qu'il s'est substitué dans la gestion :

1° quand il n'a pas reçu le pouvoir de se substituer quelqu'un ;

2° quand ce pouvoir lui a été conféré sans désignation d'une personne, et que celle dont il a fait choix était notoirement incapable ou insolvable. Dans tous les cas, le mandant peut agir directement contre la personne que le mandataire s'est substituée ".

Il n'est pas discuté qu'en application de ces dispositions, le mandataire substitué bénéficie d'une action directe personnelle contre le mandant.

L'article L. 134-12 du code de commerce dispose que : "En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

L'agent commercial perd le droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits.

Les ayants droit de l'agent commercial bénéficient également du droit à réparation lorsque la cessation du contrat est due au décès de l'agent".

La SGIP soutient que la société VIC 23 n'a formulé aucune demande auprès d'elle dans l'année de la cessation du contrat, entrainant la perte de son droit à indemnisation et de celui de M. [T].

Toutefois, comme l'a relevé le tribunal, l'intimé justifie avoir, par la voie de son conseil, adressé à la SGIP une demande de règlement de l'indemnité de rupture prévue à l'article susvisé par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 octobre 2019, soit dans l'année ayant suivi la résiliation du contrat notifiée le 20 avril 2018, à effet au 31 décembre 2018.

En outre, il a fait délivrer à la SGIP une assignation à comparaître devant le tribunal de commerce de Nanterre le 18 novembre 2019, soit à nouveau dans l'année de la cessation du contrat litigieux.

Il apparaît ainsi que M. [T], en sa qualité de mandataire substitué, a exercé son action directe en réclamant l'indemnité compensatrice à la SGIP avant l'expiration du délai d'un an octroyé par l'article L.134-12 susvisé à la société VIC 23 en tant que mandataire, alors que cette dernière n'avait pas sollicité pour elle-même cette indemnisation et que la SGIP n'avait procédé à aucun paiement. L'appelante ne saurait par conséquent se prévaloir de la perte du droit à indemnisation de son cocontractant, survenue après l'exercice de l'action directe.

En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a estimé fondée l'action directe exercée par M. [T].

Sur l'application du statut d'agent commercial à M. [T]

Selon l'article L.134-1 du code de commerce, l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux.

L'application du statut d'agent commercial ne dépend pas de la volonté exprimée par les parties dans le contrat mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée.

Il résulte de la combinaison des articles L. 134-1 du code de commerce, 4, alinéas 1 et 2, de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce et 9 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 fixant les conditions d'application de cette loi que le titulaire de la carte professionnelle prévue à l'article 3 de la loi précitée a la possibilité d'habiliter une personne à négocier, s'entremettre ou s'engager pour son compte, si celle-ci justifie de l'attestation visée à l'article 9 du décret précité ou si celle-ci est elle-même titulaire de la carte professionnelle et que le statut des agents commerciaux lui est alors applicable.

Il n'est pas contesté que la société VIC 23 est titulaire de la carte professionnelle, de sorte que le statut des agents commerciaux peut lui être appliqué. Par ailleurs, M. [T] produit le "contrat d'agent commercial" qu'il a conclu avec la société VIC 23 le 2 mars 2009.

La SGIP soutient que M. [T] ne disposait d'aucun pouvoir de prospection et de négociation comme le requièrent pourtant les dispositions de l'article L. 134-1 précité.

La mission de prospection a pour objet d'apporter de nouveaux clients au mandataire. Le contrat liant la société VIC 23 à M. [T] mentionne expressément le pouvoir de prospection de l'agent commercial à l'article 2. S'il ressort effectivement de l'article 2 du contrat conclu entre la société Primaxia, devenue SGIP, et la société VIC 23 que le mandataire se voit adresser "les clients de la banque qui sont intéressés par un investissement dans le secteur de l'immobilier neuf", la clause précise toutefois qu' "En fonction de l'offre disponible, le mandant pourra autoriser le mandataire à présenter aussi l'offre du mandant à sa propre clientèle". Or, l'examen du tableau des ventes réalisées par M. [T], communiqué par ce dernier en pièce n° 6, établit que si la majorité des transactions a eu lieu avec des clients apportés par la Société Générale et le Crédit du Nord, banques partenaires de la SIGP, des ventes ont été régularisées avec des clients tiers. En conséquence, M. [T] établit qu'il a disposé du pouvoir de prospection.

Par ailleurs, concernant le pouvoir de négociation, la SGIP reconnaît que M. [T] était" chargé de présenter à la clientèle apportée le(s) bien(s) [immobiliers] les plus pertinents "provenant du catalogue électronique de la société Primaxia, aujourd'hui SGIP. Il ressort ainsi des propres conclusions de la SGIP que M. [T] avait pour mission de sélectionner, au sein de l'offre immobilière de la société Primaxia, le ou les biens "les plus pertinents", c'est-à-dire ceux correspondant à la situation et aux attentes des investisseurs sur les plans financier et fiscal, afin de favoriser la conclusion de contrats de vente. Alors que la faculté de modifier les conditions des contrats et/ou les prix est indifférente, il apparait que M. [T] disposait effectivement d'un pouvoir de négociation.

En conséquence, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a dit que le statut de l'agent commercial est applicable à M. [T].

Sur les demandes indemnitaires,

Sur la demande au titre de l'indemnité de rupture,

Comme rappelé précédemment, en application de l'article L. 134-12 du code de commerce, l'agent commercial a droit, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

Il est d'usage que cette indemnité soit évaluée sur la base de 2 années de commissions brutes calculées à partir de la moyenne des trois dernières années d'exécution du contrat.

La SGIP soutient que M. [T] n'a ni prospecté, ni fidélisé de clientèle pour la société Primaxia, compte-tenu de l'apport de clientèle et de la nature des biens proposés.

Cependant, pour les motifs précités, M. [T] a usé de son pouvoir de prospection afin de développer la clientèle de la société Primaxia, qui doit être distinguée de celle des agences bancaires. Si les clients de la société Primaxia étaient effectivement ceux des agences bancaires, il n'en demeure pas moins que par son action de prospection, M. [T] a contribué au développement de la clientèle de la société Primaxia. Il doit être rappelé que M. [T] justifie de ventes conclues avec des clients n'émanant pas des banques partenaires. Par ailleurs, la notion de fidélisation de la clientèle doit, en l'espèce, être appréhendée par rapport au marché particulier de l'investissement immobilier neuf. Il doit en outre être souligné qu'à l'occasion des ventes, le prêt immobilier proposé était émis par la Société Générale, contribuant ainsi à la fidélisation de la clientèle du groupe auquel appartient la SGIP, anciennement dénommée Primaxia. Enfin, il ne peut être contesté que du fait de la rupture du mandat, M. [T] n'a plus été en mesure de bénéficier des prospects provenant des agences bancaires de la Société Générale et du Crédit Mutuel, banques partenaires de la SGIP.

Néanmoins, il ne peut être occulté que le partenariat existant entre la société Primaxia et les banques Société Générale et Crédit du Nord, a facilité le travail de prospection, puisqu'une grande part de cette tâche a été effectuée par le CIAP auprès des CGP, professionnels, titulaires de portefeuilles clients, et non directement auprès de tous les clients des agences bancaires.

Au regard des pièces produites, le montant moyen des commissions brutes perçues par M. [T] au cours des trois dernières années d'exécution du mandat s'élève à la somme de 245.000 €.

L'examen du tableau des ventes réalisées par M. [T] entre 2016 et 2018 permet de constater que l'essentiel des contrats a été conclu avec des clients de la Société Générale ou du Crédit du Nord.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, l'indemnisation doit être fixée à la somme de 350.000 €. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur la demande au titre de l'exécution déloyale du contrat par la SGIP

Au soutien de sa demande indemnitaire, M. [T] invoque un courriel que M. [E], directeur immobilier des réseaux France de la Société Générale lui a adressé le 7 février 2019 et dans lequel il indique : "Je puis vous assurer que la société PRIMAXIA n'a nullement l'intention de vous mettre en péril financièrement et qu'elle connait parfaitement l'historique de votre contribution durant votre partenariat".

Toutefois, cet email n'émane pas d'un membre de la direction de la SGIP. L'engagement de ce personnel de la Société Générale ne peut être opposé à la SGIP. La cour constate que cette dernière a mis fin au contrat de mandat en respectant un préavis suffisant de plus de 8 mois, de sorte qu'il ne peut être considéré que la rupture de la relation contractuelle a été brutale. Il ressort de surcroît d'un courriel de M. [T] du 18 octobre 2018, qu'il a mis fin à la relation contractuelle avant le 31 décembre 2018, date d'expiration du délai de préavis. S'il invoque des problèmes de santé, aucun élément de preuve ne permet de corroborer ces dires.

En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a débouté M. [T] de sa demande indemnitaire au titre de l'exécution déloyale du contrat.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

Au regard de la solution du litige, le jugement déféré sera confirmé du chef des dépens. La SGIP, qui succombe à titre principal, supportera les dépens d'appel.

En revanche, le jugement entrepris sera infirmé du chef des frais irrépétibles et la SGIP sera condamnée au paiement de la somme de 8.000 € au titre des frais irrépétibles exposés par M. [T] en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré, sauf en celles de ses dispositions relatives au quantum de l'indemnité compensatrice et à l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne la Société Générale Immobilier Patrimonial à payer à M. [J] [T] la somme de 350.000 € au titre de l'indemnité compensatrice de l'article L. 134-12 du code de commerce ;

Condamne la Société Générale Immobilier Patrimonial aux dépens d'appel ;

Condamne la Société Générale Immobilier Patrimonial à payer à M. [J] [T] la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.