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Décisions

CA Rouen, ch. civ. et com., 11 janvier 2024, n° 23/00561

ROUEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Societe d'Armatures Speciales (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Foucher-Gros

Conseillers :

M. Urbano, Mme Menard-Gogibu

Avocats :

Me Mazaltov, Me Enault

T. com. Evreux, 30 janvier 2023, n° 22/0…

30 janvier 2023

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La SCI [Adresse 13] est propriétaire de plusieurs parcelles situées sur la commune de [Localité 12] (27).

Par acte notarié du 20 décembre 1990, la SCI [Adresse 13] a consenti à la Société Lyonnaise Immobilière pour le commerce et d'Industrie, à la société Nationcredibail et à la Société Générale pour le Développement des Opérations de Crédit-bail Immobilier un bail à construction portant sur les parcelles cadastrées sections C n° [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 6] à [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9] et ZD n° [Cadastre 2] à [Cadastre 5], à charge pour les preneurs de faire édifier sur ces terrains un bâtiment à usage industriel. Le bail à construction a été consenti pour une durée de 23 ans commençant à courir le 20 décembre 1990 pour se terminer le 20 décembre 2013.

Un loyer annuel de cent trente-cinq mille francs hors taxe sur la valeur ajoutée (20.580,62 euros HT) a été mis à la charge du groupe bancaire.

Les locaux édifiés en exécution du bail à construction ont été donnés à crédit-bail immobilier à la société Concept Industriel de l'Armature, laquelle a, par la suite été absorbée par la Société d'Armatures Spéciales. Cette société est spécialisée dans la fabrication et la pose d'armatures pour béton.

En 1998, la Société d'Armatures Spéciales a demandé aux crédit-bailleurs de financer la construction de bâtiments supplémentaires. Cette demande a été acceptée et un avenant au contrat de crédit-bail de 1990 a donc été signé. Cet avenant impliquant une prolongation de la durée du contrat de crédit-bail, les parties ont régularisé le 10 décembre 1998 un avenant au contrat de bail à construction dont l'objet est notamment de proroger de trois ans la durée de ce contrat, lequel devait donc prendre fin le 20 décembre 2016.

Les locaux édifiés en exécution des contrats de 1990 et 1998 ont fait l'objet d'un état descriptif de division en 2007. Aux termes de cet acte, les locaux construits ont été divisés en quatre lots, ainsi répartis :

Bâtiment A

- lot n° 1 : local à usage de bureaux et d'atelier et les droits à construire pour une SHON de 12.771 m²,

- lot n° 2 : local à usage d'atelier et les droits à construite pour une SHON de 3.767m²,

- lot n° 3 : local à usage de stockage et les droits à construire pour une SHON de 441m²,

Bâtiment B

- lot n° 4 : local à usage de locaux sociaux et les droits à construire pour une SHON de 489 m².

Le 12 décembre 2007, à la suite du projet d'extension des lots 2 à 4 et d'une cession partielle intervenue entre les crédit-bailleurs au profit de la société Finamur, un avenant au bail à construction des 20 décembre 1990 et 10 décembre 1998 a été signé. Cet avenant n'a pas modifié la durée du bail à construction.

Le 19 novembre 2008, la Société d'Armatures Spéciales a levé l'option d'achat attachée au contrat de crédit-bail immobilier du lot n° 1.

Le 11 mars 2009, un dernier avenant au bail à construction, portant uniquement sur les lots n° 2 à 4, a été signé afin de proroger le contrat jusqu'au 20 décembre 2024.

Le 20 décembre 2016, le bail à construction portant sur le lot no 1 de l'état descriptif de division de l'ensemble immobilier sis à [Localité 12] a pris fin.

La Société d'Armatures Spéciales occupe les locaux correspondant au lot n° 1, soit un local à usage de bureaux et d'atelier d'une superficie de 12.771 m².

Par acte du 4 février 2020, la SCI [Adresse 13] a assigné la Société d'Armatures Spéciales devant le juge des référés du tribunal judiciaire d'Evreux aux fins de voir désigner un expert pour évaluer la valeur locative du lot n°1 occupé par la Société d'Armatures Spéciales dans l'ensemble immobilier sis à [Localité 12] et obtenir le paiement d'une provision de loyer de 16 000 euros par mois depuis le 20 décembre 2016.

Par ordonnance du 16 septembre 2020, le juge des référés a débouté la SCI [Adresse 13] de toutes ses demandes.

La SCI [Adresse 13] a interjeté appel de cette ordonnance.

Par arrêt du 25 mars 2021, la cour d'appel de Rouen a notamment ordonné une expertise aux fins d'évaluer la valeur locative du lot 1.

L'expert a déposé son rapport le 31 janvier 2022.

Par acte d'huissier du 8 avril 2022, la SCI [Adresse 13], a fait assigner la Société d'Armatures Spéciales devant le tribunal judiciaire d'Evreux aux fins de fixation du montant du loyer annuel du bail commercial du lot N°1 depuis le 20 décembre 2016 et de paiement des loyers impayés depuis cette date.

Par ordonnance du 30 janvier 2023, le juge de la mise en état saisi par des conclusions d'incident a :

- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société d'Armatures Spéciales,

- déclaré en conséquence le tribunal judiciaire d'Evreux compétent pour connaître du litige entre la Société civile immobilière [Adresse 13] et la société d'Armatures Spéciales,

- rejeté la fin de non-recevoir présentée par la société d'Armatures Spéciales au titre du défaut de qualité à agir de la SCI [Adresse 13],

- rejeté la fin de non-recevoir présentée par la société par actions simplifiée Société d'Armatures Spéciales au titre de de la prescription de l'action de la SCI [Adresse 13],

- déclaré en conséquence recevable l'action formée par la société [Adresse 13] à l'encontre la société par actions simplifiée Société d'Armatures Spéciales,

- débouté la Société civile immobilière [Adresse 13] de sa demande de provision,

- débouté les parties de toute demande plus ample ou contraire, en ce compris celle formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société par actions simplifiée Société d'Armatures Spéciales aux entiers dépens,

- ordonné le renvoi de l'affaire à l'audience de mise en état du 13 mars 2023 à 13h30 et invité Maître Laillet Touflet à conclure au fond.

La SAS Société d'Armatures Spéciales a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration du 14 février 2023.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 juin 2023.

EXPOSE DES PRETENTIONS

Vu les conclusions du 6 juin 2023, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la SAS Société d'Armatures Spéciales qui demande à la cour de :

Infirmer l'ordonnance entreprise,

Statuant à nouveau,

Vu les articles L145-33, L145-60, R145-23 et R145-27 du Code de commerce, l'article 122 du Code de Procédure Civile,

Juger le tribunal judiciaire d'Evreux incompétent et renvoyer les parties à mieux se pourvoir devant Monsieur le Président du tribunal judiciaire d'Evreux,

Annuler la procédure engagée devant le tribunal judiciaire d'Evreux suivant assignation signifiée le 8 avril 2022 faute de notification du mémoire en révision de loyer,

Juger la SCI [Adresse 13] irrecevable en son action, faute de droit et qualité à agir et les parties étant déjà tenues par un bail commercial au loyer de

23 000 euros,

Juger la SCI [Adresse 13] prescrite en son action,

Subsidiairement,

Juger que la SCI [Adresse 13] a renoncé à quelque loyer supplémentaire que ce soit au titre des années 2017 et 2018,

Juger la SCI [Adresse 13] irrecevable pour toute demande de loyer supérieure à 320 000 euros pour l'ensemble des lots 1 à 4,

En toute hypothèse,

Débouter la SCI [Adresse 13] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Condamner la SCI [Adresse 13] à verser la somme de 3 000 euros à la Société d'Armatures Spéciales au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner la SCI [Adresse 13] aux dépens.

Vu les conclusions du 6 juin 2023, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la SCI [Adresse 13] qui demande à la cour de :

- Déclarer La société d'Armatures Spéciales mal fondée en son appel de l'ordonnance rendue le 30 janvier 2023 par le Juge de la Mise en Etat du tribunal judiciaire d'Evreux ;

- Déclarer mal fondées toutes ses demandes, notamment en son exception d'incompétence et en sa demande d'irrecevabilité de l'action en paiement,

- L'en débouter,

- Déclarer la société [Adresse 13] bien fondée en son appel incident et y faisant droit : réformer

Vu l'article 789 du code de procédure civile,

Vu l'article L251-1 et L251-2 du Code de la construction et de l'habitation,

Vu les articles L. 145-1 et suivants du Code de commerce,

Vu l'article 1728 du code civil,

Déclarer l'action en paiement des loyers non prescrite,

Vu l'arrêt de la Cour d'Appel de Rouen en date du 25 mars 2021,

Vu le rapport définitif de l'expert judiciaire rendu le 31 janvier 2022,

Vu l'assignation devant le Tribunal Judicaire d'Evreux en date du 8 avril 2022, sur requête de la SCI [Adresse 13] à l'encontre de La société d'Armatures Spéciales :

- Condamner à titre provisionnel la société d'Armatures Spéciales à s'acquitter, en deniers ou quittances auprès de la société [Adresse 13], de la somme de 400.000 euros HT, assortie des intérêts légaux à compter de la présente décision, au titre des loyers impayés depuis le 20 décembre 2016, pour tenir compte des futurs versements qui seraient opérés par la société locataire jusqu'au jour de l'audience'devant le tribunal judiciaire statuant au fond ;

- La condamner à régler la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société d'Armatures Spéciales aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'exception d'incompétence et la nullité de la procédure

La Société d'Armatures Spéciales fait valoir que :

*la SCI [Adresse 13] reconnait que les parties ont convenu d'un bail verbal au loyer de 15 052,34 euros porté ensuite à 23 000 euros mais prétend que ce montant serait « en deçà de sa valeur locative» ; c'est pourquoi, sur le fondement de l'article L145-33 du code de commerce, elle demande que le loyer soit de 2 328 232,32€HT cumulé entre le 20 décembre 2016 et le 19 décembre 2021, et que le loyer annuel soit de 433 000€ à compter du 20 décembre 2021. Il s'agit d'une demande de révision pour laquelle le tribunal judiciaire est incompétent.

La SCI [Adresse 13] réplique que :

*Le président du tribunal judiciaire a une compétence limitée « à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé », toutes les autres contestations étant portées devant le tribunal lui-même ; toutes les contestations autres que le prix du bail révisé ou renouvelé sont portées devant le tribunal judiciaire ;

* le 20 décembre 2016, le bail à construction portant sur le lot no 1 de l'état descriptif de division de l'ensemble immobilier sis à [Localité 12] (27), a pris fin et la propriété des constructions et aménagements édifiés par les crédits bailleurs et occupés par la Société d'Armatures Spéciales a été transférée de plein droit à la SCI [Adresse 13] ;

* le litige porte sur le premier bail commercial et la fixation du loyer initial et non d'un loyer révisé ou d'un bail renouvelé

Réponse de la cour

Aux termes de l'article L 145-33 du code de commerce, ''le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.

(').''

Aux termes de l'article R 145-23 du code de commerce : ''Les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal judiciaire ou le juge qui le remplace. Il est statué sur mémoire.

Les autres contestations sont portées devant le tribunal judiciaire qui peut, accessoirement, se prononcer sur les demandes mentionnées à l'alinéa précédent.

La juridiction territorialement compétente est celle du lieu de la situation de l'immeuble.''

Il est constant entre les parties que le litige porte sur la fixation du loyer à compter du 20 décembre 2016. Il en résulte que le litige entre les parties ne porte pas sur la fixation de la valeur locative du loyer d'un bail renouvelé ou révisé mais sur la fixation du loyer initial. Si les parties ne parviennent pas à s'entendre sur son montant, il doit correspondre à la valeur locative, l'article L145-33 ayant vocation à constituer le cadre de la determination de ce loyer.

Ainsi, nonobstant la référence à l'article L 145-33 du code de commerce, l'action diligentée ne portant pas sur la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, il résulte des dispositions de l'article R 145-23 du code de commerce précité, le tribunal judiciaire est compétent.

Dès lors l'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la Société d'Armatures Spéciales et déclaré le tribunal judiciaire compétent pour connaître du litige entre les parties.

L'exception d'incompétence étant rejetée, il convient de débouter la Société d'Armatures Spéciales de sa demande d'annulation de la procédure engagée le 8 avril 2022 faute de notification du mémoire en révision de loyer, cette procédure spéciale sur mémoire ne s'appliquant qu'aux contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé.

Sur la recevabilité de l'action engagée par la SCI [Adresse 13]

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, ''Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.''

Sur la qualité à agir de la SCI [Adresse 13] :

La Société d'Armatures Spéciales fait valoir que :

* la SCI [Adresse 13] n'est pas propriétaire des constructions pour lesquelles elle demande un loyer et n'a donc aucune qualité à agir ;

* la société d'Armatures Spéciales est propriétaire des bâtiments qu'elle a construits et payés.

La SCI [Adresse 13] réplique que :

* le 20 décembre 2016, le bail à construction portant sur le lot no 1 a pris fin ; à compter de cette date, la propriété des constructions et aménagements édifiés par les crédits bailleurs et occupés par La Société d'Armatures Spéciales a été transférée de plein droit à la SCI [Adresse 13].

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 31 du code de procédure civile, ''L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.''

Si les parties sont en désaccord sur l'assiette du bail s'agissant de la propriété des constructions édifiées sur le lot n° 1 de l'état descriptif de division de l'ensemble immobilier sis à [Localité 12] et qui sont occupées par la Société d'Armatures Spéciales, elles s'accordent sur l'existence d'un bail commercial qui a succédé au bail à construction ayant pris fin le 20 décembre 2016.

Il en résulte que la SCI [Adresse 13] en sa qualité de bailleresse a qualité pour agir en fixation du prix du loyer annuel du bail commercial portant sur le lot 1 au regard tant de la valeur locative des parcelles que de la valeur des constructions occupées par la Société d'Armatures Spéciales quand bien même cette dernière prétend en être la propriétaire.

L'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir présentée par la société d'Armatures Spéciales au titre du défaut de qualité à agir de la SCI [Adresse 13].

Sur la prescription de l'action engagée par La Société d'Armatures Spéciales :

La SAS Société d'Armatures Spéciales fait valoir que :

* l'action en révision du loyer du bail du 20 décembre 2016 est prescrite depuis le 20 décembre 2018 en application de l'article L145-60 du Code de commerce ; elle était déjà prescrite lors de la saisine du juge des référés le 4 février 2020 qui n'a pu de ce fait interrompre le délai de prescription.

La SCI [Adresse 13] réplique que :

* faute d'accord sur le montant du loyer, l'action est recevable ; les loyers ne sont pas prescrits le délai ayant été interrompu à maintes reprises par la saisine en référé du tribunal judiciaire d'Evreux le 4 février 2020, l'arrêt de la cour d'appel de Rouen, l'assignation objet de la présente procédure.

Réponse de la cour :

Aux termes de l'article L 145-60 du code de commerce : « Toutes les actions exercées en vertu du présent chapitre se prescrivent par deux ans ». Cet article est inséré dans le chapitre qui traite du bail commercial.

Aux termes de l'article 2224 du code civil : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit à connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »

Ainsi qu'il a été exposé plus haut la présente action tend à la fixation du loyer initial d'un bail commercial. Elle est en conséquence soumise à la prescription biennale.

La demande en fixation du loyer du bail commercial suppose qu'ait été demandée, par l'une ou l'autre des parties, l'application du statut des baux commerciaux ; dès lors, c'est à cette date que les parties ont connaissance des faits leur permettant d'exercer l'action en fixation du loyer. Il s'ensuit que le délai de prescription de l'action en fixation du loyer d'un tel bail court, non pas de la date à laquelle naît le bail commercial, mais de la date à laquelle la demande d'application du statut est formée par l'une ou l'autre des parties, le montant du loyer étant fixé à la valeur locative à compter du jour de cette demande.

Il ressort de l'arrêt du 25 mars 2021 que le 4 février 2020, la SCI [Adresse 13] a assigné la société d'Armatures Spéciales devant le juge des référés du tribunal judiciaire d'Evreux aux fins de voir désigner un expert pour évaluer la valeur locative du lot n°1. Ainsi, c'est à cette date que la SCI La Brêche au Loup a demandé l'application du statut. A défaut pour la SAS Société d'Armatures Spéciales de produire une revendication antérieure d'application du statut, le délai de prescription a commencé à courir le 4 février 2020. Cette assignation à eu pour effet d'interrompre le délai de prescription jusqu'à l'ordonnance du 16 septembre 2020. Ce délai a été interrompu à nouveau par la déclaration d'appel, jusqu'à l'arrêt du 25 mars 2021.

Il en résulte que l'action introduite le 8 février 2022, moins de deux années après le 25 mars 2021 n'est pas prescrite.

L'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir présentée par la société d'Armatures Spéciales au titre de de la prescription de l'action de la SCI [Adresse 13].

Sur l'objet de l'action :

La société Société d'Armature Spéciale soutient qu'une action en fixation du loyer initial n'aurait pas d'objet dès lors que ce loyer a déjà été fixé à 23 000 euros.

La société [Adresse 13] répond qu'il n'y a jamais eu d'accord, que les procès-verbaux d'assemblée générale sont nuls.

Réponse de la cour :

L'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Dès lors que la SCI [Adresse 13] conteste l'existence d'un accord sur le montant du loyer, l'action a un objet quelle que soit ensuite la solution adoptée par le juge du fond.

L'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle a déclaré recevable l'action formée par la société [Adresse 13] à l'encontre de la société par actions simplifiée Société d'Armatures Spéciales.

A supposer que la SCI [Adresse 13] ait renoncé à quelque loyer supplémentaire que ce soit au titre des années 2017 et 2018 la conséquence n'en serait pas l'irrecevabilité de toute demande de loyer supérieure à 320 000 euros mais le rejet d'une partie des demandes. Cette question relève des pouvoirs de la juridiction du fond.

La société Société d'Armatures Spéciales sera déboutée de ses demandes subsidiaire tendant à voir déclarer irrecevable toute demande supérieure à 320 000 €.

Sur la demande de provision présentée par La SCI [Adresse 13]

La SCI [Adresse 13] soutient que :

* elle est propriétaire des constructions, cela résulte tant de la loi que de la convention ; aucun acte translatif de propriété n'a été régularisé devant notaire, permettant d'écarter tant les dispositions légales que les dispositions contractuelles ; le 25 mars 2021, les juges du fond ont reconnu qu'elle était propriétaire de tous les lots ; durant les opérations d'expertise, la Société d'Armatures Spéciales n'a jamais contesté la qualité de propriétaire du lot N°1 de la SCI [Adresse 13] ;

* la Société d'Armatures spéciales est redevable de tous les impôts, taxes, redevances et contributions de toute nature relatifs au terrain et constructions qu'elle a pris à bail de la SCI [Adresse 13] ;

* la SCI [Adresse 13] a réglé la taxe foncière portant sur l'année 2020 et 2021 ; elle est aujourd'hui intégralement propriétaire, sans aucune restriction, du lot n°1 ;

* le preneur étant tenu de régler le loyer, l'obligation de paiement des arriérés de loyers et charges pesant sur la locataire n'est pas sérieusement contestable, son étendue est directement liée aux conclusions du rapport d'expertise ;

* l'existence du bail commercial pas discutable ; les parties sont en désaccord depuis le terme du bail à construction sur le montant du loyer commercial ;

* quant à la prétendue tenue d'assemblée générale d'approbation des comptes 2017, 2018, 2019, les assemblées générales ne se sont jamais tenues ; il s'agit, là encore, de faux à l'instar de ceux sanctionnés par le tribunal judiciaire d'Evreux dans son jugement du 4 avril 2023 qui est frappé d'appel ;

* Monsieur [K] [E] a eu la « naïveté » de faire confiance à ses enfants qui se sont comportés comme gérants de fait de la SCI [Adresse 13] et ont ainsi pu régulariser des actes lui causant grief.

La SAS Société d'Armatures Spéciales réplique que :

* la validité du bail à construction est contestée car il n'y a pas eu d'autorisation préalable du conseil d'administration ; le bail à construction lui est gravement préjudiciable ; elle a construit et payé 17 468m² de bâtiments ;

* la SCI [Adresse 13] prétend déposséder La société d'Armatures Spéciales et s'approprier son patrimoine qui est également son outil industriel ;

* la sanction de conventions réglementées non autorisées est la nullité qu'elle est en droit d'opposer à la SCI [Adresse 13] ; le bail à construction lui est inopposable ;

* personne n'a jamais reconnu la propriété de la SCI [Adresse 13] sur les bâtiments ou le montant du loyer revendiqué par cette dernière.

* la SCI [Adresse 13] est propriétaire du terrain et la société d'Armatures Spéciales est propriétaire des constructions ;

* la SCI [Adresse 13] a renoncé à l'accession et n'a donc pas régularisé fiscalement une propriété à laquelle elle a renoncé ; la société d'Armatures Spéciales paie la taxe foncière pour les bâtiments dont elle est propriétaire et la SCI [Adresse 13] paie la taxe foncière pour le terrain dont elle est propriétaire.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 789 3°du code de procédure civile, '' lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour : (')

3° Accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Le juge de la mise en état peut subordonner l'exécution de sa décision à la constitution d'une garantie dans les conditions prévues aux articles 514-5,517 et 518 à 522 ; (').''

Contrairement à ce que soutient la SCI [Adresse 13], il ne ressort pas de l'arrêt du 25 mars 2021 de la cour d'appel de Rouen que la bailleresse est propriétaire des constructions édifiées sur le lot 1 querellé.

Dans le cadre de l'expertise ordonnée par cet arrêt, la SAS Société d'Armatures Spéciales a, par un dire à l'expert du 20 juillet 2021 mentionné ses contestations portant sur la propriété des bâtiments. La SCI [Adresse 13] ne peut dès lors aucunement prétendre qu'en cours d'expertise la SAS Société d'Armatures Spéciales n'a jamais contesté la qualité de propriétaire du lot N°1 de la SCI [Adresse 13].

Si cette dernière produit des factures trimestrielles destinées à la SAS Société d'Armatures Spéciales à compter de janvier 2019 pour ''la location annuelle de bâtiments et immeuble de bureaux suivant bail à établir pour un montant annuel de

320 000 euros HT'' outre une attestation de son expert-comptable du 13 septembre 2022 selon laquelle la SCI [Adresse 13] a reçu un avis de taxes foncière à son nom pour les années 2020 et 2021 réglées en 2022, la SAS Société d'Armatures Spéciales produit également des avis de taxes foncières de 2017 à 2022 pour les biens situés [Adresse 11] à [Localité 12] ainsi que les déclarations fiscales 2072 de la SCI pour les année 2017 et 2019 et ses bilans 2018 et 2020 qui mentionnent au titre de ses immobilisations corporelles des terrains et non des constructions.

La SAS Société d'Armatures Spéciales produit encore des relevés de compte de la SCI [Adresse 13] mentionnant, d'une part, des virements de la locataire de

15 052,34 euros chacun en 2016, 2017 et 2018 corroborés par trois factures mentionnant que les sommes ont été payées à titre de ''location terrain'', et d'autre part, des virements de la locataire de 23 000 euros chacun de 2019 à 2022 qui ne sont pas corroborés par des quittances de loyer.

Ces éléments produits de part et d'autre ne permettent pas sans un examen au fond de déterminer la consistance de l'assiette du bail quant aux constructions édifiées dont chacune des parties se prétend propriétaire et par la même la valeur du loyer annuel correspondant à la valeur des biens occupés de sorte qu'il existe une contestation sérieuse sur la créance de loyer de la SCI [Adresse 13].

L'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a débouté La SCI [Adresse 13] de sa demande de provision.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

Y ajoutant

Déboute la société Société d'Armatures Spéciales de sa demande d'annulation de la procédure engagée devant le tribunal judiciaire d'Evreux suivant assignation signifiée le 8 avril 2022 faute de notification du mémoire en révision de loyer,

Déboute la société Société d'Armatures Spéciales de sa demandes tendant à juger la SCI [Adresse 13] irrecevable pour toute demande de loyer supérieure à

320 000 euros pour l'ensemble des lots 1 à 4,

Condamne la Société d'Armatures Spéciales aux dépens de l'appel,

La condamne à payer à la SCI [Adresse 13] la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.