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Décisions

CA Lyon, 1re ch. B, 16 janvier 2024, n° 23/02466

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

ADA (SA), ADA Services (SARL), EDA (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Goursaud

Conseillers :

Mme Lemoine, Mme Lecharny

Avocats :

Me Vital-Durand, Me Fabre

TGI Lyon, du 12 juin 2018, n° 16/06604

12 juin 2018

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES:

Le 28 juillet 2014, la société Ada qui exerce, tant en France qu'à l'étranger, une activité de location de véhicules automobiles utilitaires et de tourisme au travers d'un réseau de commerçants indépendants bénéficiaires d'un contrat de franchise, a signé un contrat de franchise avec la société Rauber Location, en vue de l'exploitation en exclusivité sous l'enseigne Ada d'un fonds de commerce sur les communes de [Localité 5] et d'[Localité 3].

Le même jour, elle a également signé un contrat de location gérance en vue de l'exploitation par la société Rauber Location, d'une agence de location de véhicules sous l'enseigne Ada dont elle est propriétaire à [Localité 4]-Centre commercial Casino.

Par ailleurs, selon un contrat cadre de location en date du 27 février 2015, la société Eda, filiale de la société Ada, qui a pour activité commerciale la location de courte durée de véhicules automobiles, a fait bénéficier la société Rauber Location de sous-locations de véhicules tant de tourisme qu'utilitaires pour l'année 2015.

Enfin, la société Rauber Location a régularisé le 28 juillet 2014 avec la société Ada Services, autre filiale de la société Ada, un contrat de prestation de service portant sur des outils informatiques nécessaires à la gestion informatique de son agence et de son parc de véhicules.

Par jugement en date du 6 juin 2015, le tribunal de commerce de Grenoble a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Rauber Location, et désignant Maître [I] [Z], ès qualité de mandataire judiciaire.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 12 juin 2015, la société Ada a mis en demeure, tant la société Rauber Location, que Maître [Z], d'avoir à se prononcer sur la poursuite du contrat de franchise, ainsi que du contrat de location gérance.  

A cette même date, la société Eda a mis en demeure tant la société Rauber Location, que Maître [Z] d'avoir à se prononcer sur la poursuite du contrat cadre de location de véhicules.

Par lettres en date du 15 juin 2015, Maître [Z] a donné son accord à la poursuite des contrats susvisés et la société Rauber Location a confirmé sa volonté de poursuivre lesdits contrats.

Par jugement en date du 1er septembre 2015, le tribunal de commerce de Grenoble a désigné la SELARL AJ Partenaires, représentée par Maître [F] [B], en qualité d'administrateur judiciaire de la société Rauber Location avec mission d'assistance.

Par courrier du 3 septembre 2015, les sociétés Ada et Eda ont résilié les contrats signés avec la société Rauber Location en raison du non-paiement des sommes dues au titre de la poursuite des contrats.

Par courrier des 3 septembre 2015 et 7 septembre 2015, Maître [B] a rappelé aux sociétés Ada et Eda les difficultés rencontrées par la société Rauber Location du fait du non-renouvellement par ces dernières du parc automobile.

Par courrier du 9 septembre 2015, le conseil de la société Ada et de la société Eda a accepté de suspendre les effets de cette résiliation à condition d'obtenir le paiement des sommes dues au titre de la poursuite des contrats, soit une somme de 17.412,44 € pour la société Ada et une somme de 60.772,56 € pour la société Eda.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 14 septembre 2015, Maître [B] a demandé aux sociétés Ada et Eda d'accorder à la société Rauber Location un moratoire pour le paiement de ses dettes et rappelé la nécessité de remplacer les véhicules restitués pour la poursuite de l'activité de la société et par courrier du 18 septembre 2015, le conseil des sociétés Ada et Eda a accepté l'échéancier proposé par la société Rauber Location et a indiqué qu'elle livrerait de nouveaux véhicules.

Par courrier en date du 24 septembre 2015, Maître [B] a demandé de nouveau aux sociétés Ada et Eda de procéder au remplacement des véhicules restitués depuis l'ouverture de la procédure.

Par jugement du 2 décembre 2015, le tribunal de commerce de Grenoble, saisi par Mr [B] d'une requête en ce sens le 1er décembre 2015, a converti le redressement judiciaire de la société Rauber Location en liquidation judiciaire.

Par acte d'huissier en date du 26 mai 2016, la SA Ada, la SA Eda et l'EURL Ada Services, ci-après les sociétés Ada et Eda, ont fait assigner Maître [F] [B] devant le tribunal de grande instance de Lyon aux fins de consacrer sa responsabilité et obtenir l'indemnisation de leur préjudice sur le fondement de l'article 1382 ancien du code civil.

Par jugement du 12 juin 2018, le tribunal de grande instance de Lyon a :

- déclaré irrecevable l'EURL Ada Services en ses demandes,

- débouté la SA Ada et la SA Eda de l'ensemble de leurs demandes,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement,

- condamné la SA Ada, la SA Eda et l'EURL Ada Services à payer à Maître [F] [B] la somme de 1.200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

- condamné la SA Ada, la SA Eda et l'EURL Ada Services aux dépens de l'instance.

Sur appel des sociétés Ada et Eda, par un arrêt rendu le 25 février 2021, la cour d'appel de Lyon a :

- infirmé le jugement en toutes ses dispositions,

et statuant à nouveau,

- déclaré recevables les demandes de la société Ada Services,

- dit que Mr [F] [B] a commis une faute au préjudice des sociétés Ada, Eda et Ada Services,

- condamné Mr [F] [B] à payer les sommes suivantes :

* à la société Ada : 24.164,29 €,

* à la société Eda : 79.823,40 €,

* à la société Ada Services : 3.672 € ,

- condamné Mr [F] [B] aux dépens de première instance et d'appel,

- rejeté la demande de Mr [F] [B] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mr [B] à payer à ce titre aux sociétés ADA, Eda et Ada Services la somme de 2.000 € chacune.

Maître [F] [B] a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

Par un arrêt du 23 novembre 2022 la Cour de cassation a cassé et annulé, sauf en ce qu'il déclare recevables les demandes de la société Ada Services, l'arrêt rendu le 25 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon et remis, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Lyon autrement composée.

La Cour de cassation, au visa de l'article 1382 devenu 1240 du code civil, a cassé l'arrêt pour manque de base légale estimant que les motifs retenus par la cour étaient impropres à établir que l'administrateur judiciaire aurait imposé aux sociétés du groupe Ada la poursuite des contrats en cause ainsi que des moratoires.

Par déclaration de saisine du 23 mars 2023, la SA Ada, la SARL Ada Services et la SA Eda ont saisi la cour d'appel de Lyon.

Au terme de leurs dernières conclusions notifiées le 19 octobre 2023, les sociétés Ada demandent à la cour de :

- les recevoir et les dire bien fondées en leur appel du jugement rendu le 12 juin 2018 par le tribunal de grande instance de Lyon,

- juger recevable la société Ada Services,

ce faisant,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il les a déboutées de leurs demandes,

statuant à nouveau,

- juger que Maître [F] [B] a commis une faute quasi délictuelle en continuant les contrats conclus par la société Rauber Location avec les sociétés Ada, Eda et Ada Services alors que la société Rauber Location ne pouvait assumer les charges de ces contrats,

- condamner Maître [F] [B] à payer à la société Ada la somme de 24.164,29 €, correspondant au préjudice matériel qu'elle a subi du fait de la faute qu'il a commise,

- condamner Maître [F] [B] à payer à la société Eda la somme de 117.758,10 €, correspondant au préjudice matériel qu'elle a subi du fait de la faute qu'il a commise,

- condamner Maître [F] [B] à payer à la société Ada Services la somme de 15.444 € correspondant au préjudice matériel qu'elle a subi du fait de la faute qu'il a commise,

- débouter Maître [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner Maître [F] [B] à verser à chacune la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

Le groupe des sociétés Ada sollicite la reconnaissance d'une faute de Maître [B] à l'origine de leur préjudice engageant sa responsabilité.

Elles font valoir que dès lors que l'administrateur judiciaire décide de la poursuite des contrats, la décision s'impose, en application de l'article L 622-13 II du code du commerce, aux co-contractants qui n'ont pas d'autre choix que de fournir la prestation attendue et soutiennent qu'il n'appartient pas aux co-contractants de s'assurer de la possibilité de la poursuite du contrat mais bien à l'administrateur de vérifier, lorsqu'il décide de cette poursuite qu'il aura la trésorerie suffisante pour honorer le contrat.

Elles reprochent en l'espèce à Maître [B] :

- d'avoir opté pour la continuation des contrats en précisant qu'il s'opposerait à toute résiliation des dits contrats si elles venaient à saisir le juge-commissaire et de leur avoir ainsi imposé de renoncer à la résiliation des contrats qu'elles avaient notifiée, entretenant l'illusion qu'elles seraient payées de leur créance par la proposition d'un échéancier, alors qu'il était manifeste que la société Rauber Location ne pouvait plus faire face à ses obligations financières,

- alors qu'elles avaient émis des réserves à leur obligation de poursuivre le contrat, d'avoir exercé sur elles une pression en leur laissant croire qu'elles auraient une responsabilité dans le redressement judiciaire de la société Rauber Location, et de s'être fourvoyé en exigeant la livraison de véhicules complémentaires en dehors de tout respect des clauses du contrat alors que leur refus était légitime, faute de disposer de garanties de paiement,

- de ne pas s'être assuré des capacités financières de son administrée pour faire face au règlement des créances, ne disposant à cette époque d'aucun prévisionnel ni d'aucun plan sérieux de poursuite d'activité,

- alors qu'il était informé de la dégradation importante de la situation financière de son administrée de ne pas avoir immédiatement sollicité sa liquidation judiciaire et d'avoir au contraire poursuivi la période d'observation tandis que leurs créances à l'égard de la société Rauber Location ne faisaient qu'augmenter.

Elles soutiennent que la faute de Maître [B] est directement à l'origine de leur préjudice dès lors que les factures émises au titre de la poursuite des contrats n'ont pas été réglées et qu'elles n'ont rien perçu dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Rauber Location.

Au terme de ses conclusions notifiées le 20 juin 2023, Mr [F] [B] demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris,

- dire et juger que les sociétés Ada, Eda et Ada Services ne rapportent pas la preuve de l'existence d'une faute commise par l'administrateur judiciaire dans l'exercice de sa mission en lien causal direct avec un préjudice indemnisable,

en conséquence,

- débouter les sociétés Ada, Eda et Ada Services de l'ensemble de leurs prétentions à son encontre,

Reconventionnellement,

- condamner les sociétés Ada, Eda et Ada Services à lui payer la somme de 15.000 € chacune sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Mr [F] [B] conclut au rejet des demandes au motif que les sociétés du groupe Ada ne rapportent pas la preuve de l'existence d'une faute commise par lui dans l'exercice de sa mission qui soit en lien causal direct avec un préjudice indemnisable.

Il fait valoir que :

- il n'a pas opté ni exigé la poursuite des contrats puisque cette continuation résulte au contraire de la volonté des appelantes de poursuivre leurs relations commerciales ainsi qu'elles l'avaient d'ailleurs reconnu en première instance,

- sa désignation par le tribunal de commerce le 1er septembre 2015 résulte de la volonté du tribunal de poursuivre l'activité de la société Rauber Location en vue de son redressement,

- il a dès sa désignation, sollicité d'un cabinet d'expertise comptable l'élaboration d'un prévisionnel d'exploitation pour la période du 1er septembre 2015 au 29 février 2016 et sauf à obérer toute chance de redressement de la société Rauber Location, il ne pouvait, immédiatement après sa désignation, résilier les contrats litigieux,

- ce sont les sociétés Ada qui de leur propre chef ont suspendu la résiliation des contrats et accepté ainsi un risque commercial dont elles ne sauraient aujourd'hui faire peser sur lui la réalisation,

- en toute connaissance de cause, puisqu'elles avaient été étroitement informées de l'évolution de la procédure de redressement judiciaire, elles ont maintenu leur relation commerciale avec la société Rauber Location pendant la période d'observation,

- s'agissant du non-respect des moratoires, il est imputable aux sociétés du groupe Ada qui n'ont pas respecté leurs engagements en ne fournissant pas les véhicules indispensables à la poursuite d'activité de la société Rauber Location, laquelle limitée dans sa possibilité de dégager un chiffre d'affaires suffisant n'a pu honorer les règlements des échéances prévues,

- elles sont donc seules à l'origine de leur préjudice.

- enfin, elles ne rapportent même pas la preuve de ce qu'elles n'ont pas déjà perçu ou ne percevront pas le paiement de leurs créances dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Rauber et elles n'ont pas produit l'état de leurs créances.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 30 octobre 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Suite à l'arrêt de la Cour de cassation, l'arrêt de la cour d'appel de Lyon n'est pas remis en cause en ce qu'il a déclaré recevables les demandes de la société Ada Services.

L'administrateur judiciaire engage sa responsabilité civile sur le fondement de l'article1382, devenu 1240, du code civil à raison des négligences ou fautes qu'il commet ; il est tenu d'une simple obligation de moyens et cette responsabilité obéit au régime de droit commun de la responsabilité civile délictuelle.

Il appartient donc aux sociétés Ada et Eda d'établir à l'encontre de Mr [B], désigné en qualité d'administrateur judiciaire de la société Rauber Location avec mission d'assister le débiteur dans ses actes de gestion, l'existence d'une faute de sa part dans l'exécution de cette mission, d'un préjudice et d'un lien de causalité direct et certain entre la faute et le préjudice.

Aux termes de l'article L. 622-13 II du code du commerce, l'administrateur a seul la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur.

L'alinéa suivant précise qu'au vu des documents prévisionnels dont il dispose, l'administrateur s'assure, au moment où il demande l'exécution du contrat, qu'il disposera des fonds nécessaires pour assurer le paiement en résultant. S'il s'agit d'un contrat à exécution ou paiement échelonnés dans le temps, l'administrateur y met fin s'il lui apparaît qu'il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant.

Il convient au préalable de relever que la désignation de Mr [B] en qualité d'administrateur judiciaire de la société Rauber Location s'inscrit dans un contexte particulier puisque dans le cadre du redressement judiciaire de la société Rauber Location, un accord avait été donné par Maître [Z], désigné comme mandataire judiciaire pour la poursuite des contrats, et que le tribunal suite à l'avis de Maître [Z] en décidant de nommer Mr [B] administrateur judiciaire pour assister le débiteur dans les actes de gestion, a considéré que l'entreprise était susceptible de se redresser et a donc estimé que la poursuite de l'exécution des contrats était nécessaire.

Il apparaît dans ces conditions difficile alors que Mr [B] venait d'être désigné par un jugement du 1er septembre 2015 de lui reprocher d'avoir annoncé par courrier du 3 septembre, puis dans des courriers ultérieurs, qu'il envisageait la poursuite des contrats pendant la période d'observation, insisté auprès de la société Ada pour répondre aux demandes de renouvellement des véhicules, ou encore de ne pas avoir immédiatement sollicité sa liquidation judiciaire, ce qui aurait été contraire à la décision du tribunal.

Pour les mêmes raisons, et dans le contexte évoqué ci-dessus, le grief formé par les appelantes tiré de ce que Mr [B] ne se serait pas assuré des capacités financières de son administrée pour faire face au règlement des créances, car il ne disposait à cette époque d'aucun prévisionnel ni d'aucun plan sérieux de poursuite d'activité, est inopérant et ce alors même que Mr [B] a dès sa nomination, le 3 septembre 2015, demandé à l'expert-comptable de la société de lui fournir les éléments comptables nécessaires à sa mission, notamment les comptes d'exploitation réels et prévisionnels jusqu'en février 2016.

Les sociétés Ada et Eda font grief à Mr [B] d'avoir entretenu l'illusion qu'elles seraient payées de leur créance par la proposition d'un échéancier, alors qu'il était manifeste que la société Rauber Location ne pouvait plus faire face à ses obligations financières, affirmation qui est contredite, par les pièces produites aux débats qui démontrent au contraire que Mr [B] a fait preuve de transparence quant à la réalité financière de la société Rauber Location.

Il ressort notamment des échanges de courriers versés aux débats que le 3 novembre 2015, il a exigé du dirigeant de l'entreprise la communication de ses comptes d'exploitation, qu'une réunion a été organisée dès le lendemain pour examiner les dits comptes et qu'à l'issue de cette réunion, ainsi qu'il ressort du compte-rendu établi par Mr [B], des mesures ont été prises malgré le fait que les comptes prévisionnels faisaient apparaître une rentabilité réduite, par la mise en place de fermeture d'un site.

Selon ce compte-rendu du 12 novembre 2015, non contesté quant à l'exactitude de sa teneur, chacune des parties, après avoir commenté ces prévisions, avaient convenu que même si les perspectives de présentation à terme d'un plan de redressement étaient encore incertaines, les efforts conjugués par le franchiseur et le franchisé étaient de nature à favoriser le redressement de l'entreprise, que le représentant de la société Ada avait pris acte qu'en l'état des perspectives de rentabilité annuelle envisagée, la mise en œuvre d'un tel plan de redressement serait conditionnée par l'abandon d'une partie de sa créance et que la société Ada avait accepté un décalage des moratoires.

Ces éléments, notamment le décalage du moratoire, sont confirmés par le courrier en réponse du conseil des sociétés Ada et Eda en date du 20 novembre 2015.

Il en résulte ainsi qu'en connaissance de cause de la situation financière obérée de la société Rauber Location, les sociétés Ada et Eda ont bien accepté à cette date la continuation du moratoire.

Le premier juge a donc justement retenu que les demanderesses avaient à plusieurs reprises et jusqu'au 20 novembre 2015, accepté d'accorder des délais de paiement à la société Rauber Location en pleine connaissance de sa situation financière précaire ce qui rend sans fondement la critique faite à Mr [B] de ne pas s'être assuré des capacités financières de son administrée pour faire face au règlement des créances ou d'avoir entretenu l'illusion que les sociétés Ada et Eda seraient payées de leur créance par la proposition d'un échéancier.

Le reproche selon lequel Mr [B] leur aurait imposé de renoncer à la résiliation des contrats ou aurait exercé sur elles une pression en leur laissant croire qu'elles auraient une responsabilité dans le redressement judiciaire de la société Rauber Location n'est pas davantage fondé.

Les incitations faites par Mr [B] dans divers courriers aux sociétés Ada et Eda de renouveler la flotte des véhicules ne caractérisent pas un comportement fautif de sa part dès lors qu'il s'agissait d'une condition nécessaire à la poursuite de l'activité.

Par ailleurs, le fait pour Mr [B], en sa qualité d'administrateur judiciaire, d'avoir opté pour la poursuite des contrats, proposé un moratoire et émis un avis négatif à la demande de constat de la résiliation ne faisait pas obstacle à ce que les sociétés maintiennent leur demande de résiliation des contrats pour non-paiement des échéances en application de l'article L. 622-13 III du code du commerce, le juge n'étant pas tenu par l'avis de l'administrateur judiciaire, ni que les sociétés refusent les moratoires proposés qu'elles avaient, ainsi que rappelé plus haut, accepté en toute connaissance de cause des difficultés financières de la société débitrice qui n'honorait plus les échéances depuis le jugement d'ouverture et n'avait pas respecté le premier moratoire.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il n'est donc pas justifié d'un manquement fautif de Mr [B] dans l'exécution de sa mission d'administrateur judiciaire de la société Rauber Location en relation avec un préjudice subi par les sociétés Ada et Eda.

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il les a déboutées de l'ensemble de leurs demandes.

Il l'est également en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mr [B] en cause d'appel et la cour condamne à ce titre les sociétés Ada, Eda et Ada services à lui payer, chacune, la somme de 1.500 €.

Les dépens d'appel qui comprennent ceux afférents à la décision cassée sont à la charge des sociétés Ada et Eda.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

statuant dans les limites de sa saisine,

Confirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à son appréciation,

y ajoutant,

Condamne les sociétés Ada, Eda et Ada services à payer, chacune, à Mr [F] [B] la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Condamne les sociétés Ada, Eda et Ada services, in solidum, aux dépens d'appel qui comprennent ceux afférents à la décision cassée.