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Décisions

CA Versailles, ch. com. 3-1, 11 janvier 2024, n° 22/04074

VERSAILLES

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Fiducial (SC)

Défendeur :

FLG Caducial (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Thomas

Conseillers :

Mme Gautron-Audic, Mme Meurant

Avocats :

Me Dupuis, Me Dontot, Me Grolee, Me De Lalun

CA Versailles n° 22/04074

10 janvier 2024

EXPOSÉ DES FAITS

La société FLG Caducial a déposé, le 5 avril 2021, la demande d'enregistrement n°4751668 portant sur le signe verbal FLG Caducial.

Le 28 juin 2021, la société Fiducial a formé opposition à l'enregistrement de cette marque, sur la base des droits antérieurs dont elle est titulaire avec la marque verbale de l'Union européenne Fiducial, déposée le 8 septembre 2011, enregistrée sous le n°010306141 et régulièrement renouvelée, en invoquant le risque de confusion et l'atteinte à la renommée de cette marque.

Par décision en date du 20 mai 2022, le Directeur Général de l'Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) a rejeté l'opposition.

Par déclaration en date du 20 juin 2022, la société Fiducial a formé recours contre cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 28 juillet 2023, la société Fiducial demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondé le recours formé à l'encontre de la décision du Directeur Général de l'INPI du 20 mai 2022,

- annuler la décision du Directeur Général de l'INPI du 20 mai 2022 en ce qu'elle a rejeté l'opposition formée par la société Fiducial à l'encontre de la demande d'enregistrement de marque FLG Caducial n°4 751 668 pour l'ensemble des services qu'elle désigne,

- condamner la société Caducial à lui verser la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Caducial aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Lexavoue Paris-Versailles.

Par dernières conclusions en date du 13 septembre 2023, la société FLG Caducial demande à la cour de :

- rejeter le recours formé par la société Fiducial contre la décision du Directeur de l'INPI du 20 mai 2022,

- débouter la société Fiducial de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer la décision du Directeur de l'INPI du 20 mai 2022 en ce qu'elle a rejeté intégralement l'opposition formée par la société Fiducial à l'encontre de la demande de marque 'FLG Caducial' n°21 4 751 668 et considéré que ladite demande de marque pouvait être adoptée comme marque pour l'ensemble des services qu'elle désigne,

- condamner la société Fiducial à payer à la société FLG Caducial la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Fiducial aux entiers dépens conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Par avis en date du 24 janvier 2023, le ministère public près la cour d'appel de Versailles estime que l'opposition formée par la société Fiducial doit être rejetée.

Par observations reçues le 1er septembre 2023, l'INPI estime que sa décision est fondée en ce qu'elle a conclu au rejet de l'opposition.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément à la décision du Directeur Général de l'INPI, à l'avis du ministère public et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Présentation des marques en cause

La marque verbale de l'Union européenne Fiducial, n°010306141, déposée le 8 septembre 2011, vise notamment les produits et services suivants :

- en classe 35 : aide à la direction et à la gestion des affaires ; conseils en organisation et direction des affaires ; tenue de livres ; location de machines et d'appareils de bureau ; comptabilité ; services d'expertise comptable, audit d'organisation des affaires, audit en matière de gestion du personnel ; services de commissaires aux comptes ; aide à la direction d'entreprises commerciales ou industrielles, estimations en affaires commerciales, systématisation de données dans un fichier central, établissement de déclarations fiscales, établissement de statistiques, établissement de relevés de comptes, services de revues de presse, vérification de comptes ; reproduction de documents ; bureaux de placement ; gestion de fichiers informatiques ; facturation ;

- en classe 36 : affaires financières ; affaires monétaires ; affaires immobilières ; estimations fiscales, expertises fiscales ; estimations immobilières ; gérance de biens immobiliers ; services de financement ; analyse financière ; constitution ou investissement de capitaux ; consultations en matière financière ; estimations financières (assurances, banques, immobilier) ; placements de fonds; audit financier ;

- en classe 41 : services de formation et d'enseignement ; organisation et conduite d'ateliers de formation ; services de publication et d'édition de livres, de revues et des journaux sur tout support ; publication électronique de livres et de périodiques en ligne ; organisation et conduite de colloques, conférences et congrès ;

- en classe 45 : services juridiques ; recherches judiciaires et légales, expertise juridique ; services de contentieux.

La demande d'enregistrement de la marque verbale française FLG CADUCIAL n°4751668 déposée par la société FLG Caducial vise les produits et services suivants :

- en classe 35 : Services d'expertise comptable ; conseils en acquisition d'entreprises ; conseils en affaires aux sociétés ; audits comptables et financiers ; audits d'entreprises [analyses commerciales] ; audits de comptes ; comptabilité ; comptabilité administrative ; comptabilité analytique ; comptabilité de gestion ; comptabilité informatisée ; comptabilité pour le compte de tiers ; services de comptabilité agréée pour les entreprises ; services de comptabilité judiciaire ; services de rapports concernant des informations comptables ; tenue de livres ; tenue de livres comptables ; tenue de bilans comptables ; conseils en matière de comptabilité ; conseils comptables en matière de fiscalité ; conseils comptables en matière d'établissement de déclarations fiscales ; conseils en fiscalité ; conseils professionnels en comptabilité ; consultations en matière de comptabilité fiscale ; planification fiscale ; établissement de déclarations fiscales ; établissement de bilans financiers et analyses d'entreprises ; établissement de relevés de comptes ; préparation de documents fiscaux ; préparation de cotisations fiscales informatisées ; préparation et rédaction de déclarations d'impôts sur le revenu ; services liés à la procédure de déclaration fiscale ; services de dépôt de déclarations fiscales ; mise à disposition d'informations d'affaires ; services d'informations en matière de comptabilité ; services d'information et de conseil en déclarations d'impôts sur le revenu ; consultations professionnelles d'affaires ; estimations en affaires commerciales ; prévisions économiques ; services d'expertise en productivité d'entreprise ; gestion administrative externalisée d'entreprises ; gestion de comptes de sociétés ; gestion de comptes de ventes ; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; travaux de bureau ; aide à la direction des affaires ; aide à la direction d'entreprises commerciales ou industrielles ; conseils en organisation et direction des affaires ; consultation pour la direction des affaires ; assistance et services de conseil en matière d'organisation et de gestion commerciale ; mise à disposition d'informations en matière de contacts d'affaires et commerciaux ; investigations pour affaires ; management de transition ; services de gestion informatisée de fichiers ; compilation d'informations au sein de bases de données informatiques ; compilation de données pour des tiers ; gestion de bases de données ; gestion de dossiers d'entreprises ; gestion de fichiers informatiques ; services de gestion de données ; services de saisie et de traitement de données ; mise à jour et maintenance de données dans des bases de données informatiques ; mise à jour et maintenance d'informations dans des registres ; rapports et analyses statistiques ; analyses de données commerciales ; études de projets pour entreprises ; négociations de contrats d'affaires pour des tiers ; recherches de données dans des fichiers informatiques pour des tiers ; recherches pour affaires ; renseignements d'affaires ; services de conseil en gestion de personnel ; services d'aide à la gestion du personnel ; préparation de feuilles de paye ; préparation de feuilles de paye pour le compte de tiers ; assistance liée aux fiches de salaire ; préparation des salaires ; services de traitement des salaires pour des tiers ; services de conseil en matière de rémunération du personnel ; préparation de documents ; facturation ; préparation de factures ; services de photocopie ; services de secrétariat ; assistance en matière de traitement de données ; services de tenue de registres d'actionnaires ; tenue de registres des actifs pour le compte de tiers ;

- en classe 36 : Affaires financières ; affacturage ; services d'informations, de données, de conseils et de consultations relatifs à la finance ; analyses financières ; analyses d'investissements ; analyses de données financières ; services d'expertise financière ; collecte d'informations financières ; consultation en matière financière ; services d'estimation fiscale ; estimations financières [assurances, banques, immobilier] ; services fiduciaires ; administration de fiducies ; conseils en fiducies ; gestion de fiducies ; mise à disposition d'informations en matière de services fiduciaires ; gestion financière ; gestion d'affaires financières en matière immobilière ; recherches financières ; consultations en matière immobilière ; services d'information en matière de biens immobiliers ; services d'information en matière de marché de l'immobilier et des propriétés ; services de conseil en matière de propriété immobilière ; conseil en matière d'impôts sur le revenu ; conseil en déclarations d'impôts sur le revenu [autre que comptabilité] ; conseil en matière d'estimations fiscales ; conseil en matière d'expertises fiscales ; conseil en matière d'endettement ; conseil en matière d'investissements pour la retraite ; conseil en matière d'investissements de capitaux ; conseil en matière de financement de projets ; conseils fiscaux non comptables ; services de conseils en matière fiscale [non comptables] ;

- en classe 41 : Services de formation ; publication de bulletins d'information (newsletters) ; mise à disposition de publications en ligne non téléchargeables ; organisation et conduite de colloques, conférences, séminaires, webinar et ateliers ; services d'information, d'assistance et de conseil relatifs aux services précités ;

- en classe 45 : Services juridiques ; services d'assistance juridique ; conseils et représentation juridiques ; recherches légales ; services de veille juridique ; services d'élaboration de documents juridiques ; service de rédaction d'actes juridiques ; services de rédaction de contrats ; certification de documents juridiques ; compilation d'informations juridiques ; mise à disposition d'expertises juridiques ; réalisation d'audits de conformité juridique ; réalisation d'audits de conformité réglementaire ; services parajuridiques.

Sur l'usage sérieux de la marque antérieure

La société Fiducial sollicite la confirmation de la décision du 20 mai 2022 en ce qu'elle a reconnu que l'usage sérieux de la marque antérieure était établi pour quasiment tous les services proposés, et avance que l'usage sérieux - même limité à un État membre - peut être établi par un faisceau d'éléments, les juridictions devant procéder à une appréciation globale des preuves produites afin de justifier d'une exploitation sérieuse de la marque pour les services opposés. Elle ajoute que les pièces sans date certaine, ou hors période de référence, constituent des preuves indirectes permettant de confirmer l'utilisation de la marque. Elle analyse les éléments justifiant de l'usage sérieux de sa marque pour les différents services opposés.

Elle sollicite l'infirmation de la décision en ce qu'elle n'a pas reconnu l'usage sérieux de la marque pour : les services de revue de presse (en classe 35), les services de publications et d'édition de livres, de revues et des journaux sur tout support ; publication de livres et de périodiques en ligne (en classe 41).

La société FLG Caducial indique que la société Fiducial doit justifier dun usage sérieux - quantitativement et qualitativement - de sa marque pour chacun des services sur lesquels est fondée l'opposition, sous sa forme enregistrée ou sous une forme modifiée qui n'en altère pas le caractère distinctif à titre de marque. Elle soutient que le directeur de l'INPI n'a pas procédé à une analyse minutieuse des pièces versées par la société Fiducial, qui ne justifie pas de l'usage sérieux de sa marque pour tous les services invoqués.

Elle fait état de l'irrecevabilité des pièces nouvellement versées, et du fait que la période à prendre en considération s'étend du 5 avril 2016 au 5 avril 2021. Elle ajoute que s'agissant d'une marque de l'Union européenne, son usage doit être justifié pour une partie substantielle de ce territoire, et procède à l'analyse des pièces versées afin de justifier d'un usage sérieux pour chacun des services visés.

Le directeur général de l'INPI (l'INPI) rappelle que s'agissant d'un recours en annulation, il est dépourvu d'effet dévolutif, de sorte que les pièces produites pour la première fois devant la cour doivent être écartées. Il rappelle la période pour laquelle l'usage sérieux doit être justifié, et sollicite la confirmation de son analyse contenue dans sa décision querellée.

*****

La décision de l'INPI querellée a reconnu l'usage sérieux de la marque antérieure Fiducial pour les services suivants : aide à la direction et à la gestion des affaires ; conseils en organisation et direction des affaires ; tenue de livres ; location de machines et d'appareils de bureau ; comptabilité ; services d'expertise comptable, audit d'organisation des affaires, audit en matière de gestion du personnel ; services de commissaires aux comptes ; aide à la direction d'entreprises commerciales ou industrielles, estimations en affaires commerciales, systématisation de données dans un fichier central, établissement de déclarations fiscales, établissement de statistiques, établissement de relevés de comptes, vérification de comptes ; reproduction de documents ; bureaux de placement ; gestion de fichiers informatiques ; facturation ; affaires financières ; affaires monétaires ; affaires immobilières ; estimations fiscales, expertises fiscales ; estimations immobilières ; gérance de biens immobiliers ; analyse financière ; constitution ou investissement de capitaux ; consultations en matière financière; estimations financières (assurances, banques, immobilier) ; placements de fonds ; audit financier. Services de formation et d'enseignement ; organisation et conduite d'ateliers de formation ; organisation et conduite de colloques, conférences et congrès.

Il n'a pas reconnu l'usage sérieux de la marque pour les : services de revue de presse (classe 35), services de publications et d'édition de livres, de revues et des journaux sur tout support ; publication de livres et de périodiques en ligne (classe 41).

L'INPI dans ses observations, reconnaît l'existence d'une omission pour les : services juridiques, recherches judiciaires et légales, expertises juridiques ; services de contentieux.

Selon l'article L.712-5-1 du code de la propriété intellectuelle,

L'opposition fondée sur une marque antérieure enregistrée depuis plus de cinq ans est rejetée lorsque l'opposant, sur requête du titulaire de la demande d'enregistrement, ne peut établir :

1° Que la marque antérieure a fait l'objet, pour les produits ou services sur lesquels est fondée l'opposition, d'un usage sérieux au cours des cinq années précédant la date de dépôt ou la date de priorité de la demande d'enregistrement contestée, dans les conditions prévues à l'article L.714-5 ou, s'il s'agit d'une marque de l'Union européenne, à l'article 18 du règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 ;

2° Ou qu'il existait de justes motifs pour son non-usage.

Aux fins de l'examen de l'opposition, la marque antérieure n'est réputée enregistrée que pour ceux des produits ou services pour lesquels un usage sérieux a été prouvé ou de justes motifs de non-usage établis.

Il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce. L'usage sérieux doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné.

Il ne peut être exclu qu'un faisceau d'éléments de preuve permette d'établir les faits à démontrer alors même que chacun de ces éléments, pris isolément, serait impuissant à rapporter la preuve de l'exactitude de ces faits.

La décision querellée sera suivie en ce qu'elle a retenu que, s'il s'agit d'une marque de l'Union européenne, il n'est pas requis que son usage soit géographiquement étendu pour qu'il soit considéré comme sérieux, et le territoire de la France peut être considéré comme suffisant pour les besoins de l'appréciation de l'usage sérieux au sein de l'Union européenne.

Elle sera aussi suivie en ce qu'elle a indiqué que la demande d'enregistrement de la marque FLG CADUCIAL étant intervenue le 5 avril 2021, il convient que la société Fiducial justifie de l'usage sérieux de sa propre marque dans les cinq années précédentes, soit du 5 avril 2016 au 5 avril 2021.

La société FLG Caducial reconnaît que la marque antérieure a été régulièrement exploitée pour les 'services comptables'.

S'agissant des services 'aide à la direction et à la gestion des affaires ; conseils en organisation et direction des affaires ; tenue de livres ; comptabilité ; services d'expertise comptable ; audit d'organisation des affaires, audit en matière de gestion du personnel ; bureaux de placement ; services de commissaires aux comptes ; aide à la direction d'entreprises commerciales ou industrielles ; estimations en affaires commerciales', il ressort des pièces versées que le groupe Fiducial s'est construit dans les années 1970, et s'est développé en utilisant le signe Fiducial pour constituer un leader dans le domaine des services aux petites et moyennes entreprises, reconnu pour ses activités comptables et fiscales.

A l'exception du service 'bureau de placement', désignant l'activité consistant à rechercher pour des personnes une offre d'emploi correspondant à leur profil, les services précités correspondent aux métiers mêmes exercés par le groupe Fiducial dans les domaines fiscal et comptable. La société FLG Caducial ne conteste du reste pas, pour les services comptables, l'usage de la marque antérieure.

La décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a reconnu l'usage sérieux de la marque antérieure pour ces services, à l'exception de celui de 'bureau de placement', dont l'usage n'est pas établi par les pièces produites.

S'agissant des services 'établissement de déclarations fiscales, établissement de relevés de compte, vérification de comptes, facturation', ils relèvent des services comptables dont l'usage sérieux n'est pas discuté par la société FLG Caducial, qui ne le conteste pas davantage devant la cour d'appel. La décision sera confirmée en ce qu'elle a reconnu leur usage sérieux.

S'agissant des services 'gestion de fichiers informatiques, systématisation de données dans un fichier central', dont l'usage sérieux a été reconnu par l'INPI, les pièces produites établissent que la société Fiducial a proposé à ses clients une activité d' 'éditeur de logiciel de gestion' ainsi qu'une activité d' 'opérateur cloud et réseau' (pièce 7-1), que ses statuts proposaient notamment l'hébergement et la fourniture de sauvegarde de données (pièce 31), et l'importance du chiffre d'affaires de la branche informatique de la société Fiducial est attestée par son commissaire aux comptes pour les années 2016 à 2019 (pièce 17). Il est aussi établi qu'en 2021 la société Fiducial proposait à ses clients une solution de sauvegarde spécialisée dans les environnements virtuels.

Ces pièces sont de nature à établir l'usage sérieux de la marque antérieure pour ces services, quand bien même la société FLG Caducial conteste leur commercialisation effective sous le signe Fiducial.

S'agissant des services de 'reproduction de documents, location de machines et d'appareils du bureau', la plaquette de présentation de 'fiducial Office solutions' éditée en 2019 (pièce 7-5) montre qu'était proposé aux clients un service d'imprimerie en ligne pour tous types d'imprimés, et deux articles de journaux de la même année font état de l'intervention de la société Fiducial dans le domaine des fournitures de bureau, ce qui ressort aussi de son site www.fiduciaire.fr et d'un communiqué de presse du mois de septembre 2020.

Ces éléments, qui se corroborent entre eux, suffisent à établir l'usage de la marque Fiducial pour ces services.

S'agissant de l' 'établissement de statistiques', il est justifié par la société Fiducial d'études statistiques qu'elle a réalisées pour certaines professions, de la réalisation de baromètres de conjonctures pour ses clients auxquels elle a fourni également des statistiques sur les sujets comme la sécurité en France, études dont la diffusion est établie pendant la période concernée sous le nom 'fiduciaire'. En conséquence, et bien que la société FLG Caducial soutienne que cette activité ne serait que ponctuelle et accessoire, l'usage sérieux de la marque pour ce service sera retenu.

S'agissant des 'affaires financières ; affaires monétaires ; services de financement ; analyse financière ; constitution ou investissement de capitaux ; consultations en matière financière ; estimations financières ; placements de fonds ; audit financier', la plaquette de présentation éditée en février 2019 de Fiducial Banque, les statuts de la banque Fiducial et sa communication établissent que sont proposés aux clients les différents types de services et d'opérations de banque ; il en est de même de la plaquette de présentation de Fiducial conseil et des statuts de celle-ci pour toutes les opérations de conseil relatives à la gestion du patrimoine, la diffusion de produits financiers et de conseils en investissements financiers. Le commissaire aux comptes de la société Fiducial atteste de l'importance de son chiffre d'affaires réalisé pour la période concernée pour les activités financières et comptables d'une part, finance d'autre part. L'effectivité des services proposés à ce titre, tendant à accompagner les entreprises dans leur développement, ressort également des articles de presse versés (pièces 5-2 et suivantes), du site Internet www.fiducial.fr, de sorte que la société FLG Caducial ne sera pas suivie en ce qu'elle dénonce une absence de commercialisation effective desdits services sous la marque Fiducial.

Les 'affaires immobilières, estimations immobilières, gérance de biens immobiliers' sont couvertes par les statuts de Fiducial gérance, les missions de celle-ci figurant sur le site internet éponyme, la plaquette de présentation de Fiducial gérance éditée en février 2019. Le site Internet www.fiducial.fr revendique aussi, au titre des activités de la société Fiducial, 'la gestion de votre épargne immobilière et forestière', et un communiqué de presse de juin 2020 fait état des services proposés dans le secteur de l'immobilier. Ces pièces, concordantes entre elles, révèlent l'effectivité de l'usage sérieux du signe pour ces services.

Les 'estimations fiscales, expertises fiscales' ressortent des nombreuses pièces versées par la société Fiducial et entrent dans l'activité d'accompagnement pluridisciplinaire proposé par la société Fiducial aux petites et moyennes entreprises, ainsi qu'en témoignent les extraits de presse versés. L'usage sérieux de la marque antérieure, pendant la période concernée, pour ces services sera retenu.

Pour les 'services de formation et d'enseignement, organisation et conduite d'ateliers de formation, organisation et conduite de colloques, conférences et congrès', il est justifié par le commissaire aux comptes de la société Fiducial du chiffre d'affaires de sa branche consacrée à la formation pour les années 2015 à 2019, de formations organisées notamment par Fiducial Legal, d'offres de formations à l'usage de logiciels professionnels proposés à la vente, quand bien même ces dernières offres seraient proposées sous le signe 'fiducial néo suite'. L'usage sérieux de ces signes sera retenu.

Pour les 'services juridiques, recherches judiciaires et légales, expertises juridiques, services de contentieux', sont produites des factures émises par Fiducial Legal entrant dans la période de référence, pour des services d'analyse et de suivi de procédures judiciaires et d'actes juridiques (pièce 18), d'une plaquette de présentation du cabinet d'avocats Fiducial Sofiral, de la présence du cabinet Fiducial Legal by Lamy dans un classement de cabinets d'avocats, de conseils juridiques pour les cabinets d'infirmier et les pharmacies proposés ainsi que de la proposition de conseil et de défense par des avocats sur le site www.fiducial.fr ('les avocats de Fiducial Sofiral et Fiducial Legal by Lamy exercent leur mission de conseil et de défense des intérêts de leurs clients dans le respect professionnel de leur déontologie' - pièce 7-1).

Ces pièces, qui se corroborent, établissent l'usage sérieux de la marque Fiducial pour ses services, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres preuves versées au débat, quand bien même le terme fiducial est parfois associé avec d'autres signes n'en altérant pas le caractère distinctif.

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S'agissant des 'services de revue de presse' de la classe 35, et des 'services de publication et d'édition de livres, de revues et des journaux sur tout support ; publication électronique de livres et de périodiques en ligne' de la classe 41, la décision contestée a retenu que leur usage sérieux n'était pas établi.

Pour les services de revue de presse, sont justifiés pendant la période concernée des achats de 3èmes de couverture auprès d'organes de presse, un communiqué de presse, mais ces pièces ne peuvent suffire à établir que la société Fiducial propose à ses clients une synthèse d'articles de presse. Les autres pièces ne permettent pas davantage de prouver que cette société propose une véritable analyse de la presse, laquelle se distingue de la diffusion de communications provenant d'autorités comme l'AMF ou la DGCCRF, qui relèvent de l'information à ses clients dans le cadre de l'aide à la direction des affaires.

S'agissant des services précités de classe 41, l'INPI et la société FLG Caducial observent sans être contestés que certaines pièces sont produites pour la première fois devant la cour, qui n'en tiendra par conséquent pas compte.

La société Fiducial justifie publier l'Observatoire Fiducial des métiers (à destination des notaires, des pharmaciens, des médecins généralistes) ; outre ce magazine annuel, elle montre qu'elle publie chaque année 'le cahier Fiducial du pharmacien' afin de permettre aux professionnels d'évaluer les performances de leur entreprise, ainsi que le 'baromètre de conjectures des TPE', et le baromètre sécurité des Français (sa pièce 21-26). Ces éléments établissent l'usage sérieux de la marque Fiducial pour les services d'édition et de publication de livres et revues pendant la période considérée ; leur caractère prétendument accessoire, ou le fait qu'ils s'adressent à des professionnels déterminés, ne peut suffire à les écarter.

Par contre, il n'est pas justifié de la publication en ligne, qui ne sera donc pas retenue.

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Aussi la décision de l'INPI sera confirmée s'agissant des services pour lesquels la marque antérieure est réputée enregistrée, sauf à y ajouter les 'services juridiques, recherches judiciaires et légales, expertises juridiques, services de contentieux' ainsi que les 'services de publication et d'édition de livres, de revues et des journaux sur tout support', et à en retirer les 'services de placement'.

Sur le risque de confusion

La société Fiducial soutient que les services sont identiques ou similaires et que les signes présentent de fortes ressemblances, ce qui est de nature à créer un risque de confusion dans l'esprit du public entre les marques en cause, justifiant son opposition.

Sur la comparaison des services

Dans sa décision, l'INPI a retenu que de nombreux services visés par la demande d'enregistrement étaient identiques ou similaires aux services invoqués par la marque antérieure, à l'exception des 'services de publication et d'édition de livres, de revues et des journaux sur tout support ; publication électronique de livres et de périodiques en ligne', ce qui n'était pas contesté par la société FLG Caducial.

La société Fiducial demande qu'il soit pris acte que la similarité de l'ensemble des services revendiqués par la demande d'enregistrement a été reconnue par la décision du 20 mai 2022. Elle ajoute que les 'services de publication et d'édition de livres, de revues et de journaux sur tout support ; publication électronique de livres et de périodiques en ligne' de la marque antérieure, ayant fait l'objet d'un usage sérieux, sont opposables à la demande d'enregistrement ; que les services visés par la demande de marque sont identiques ou hautement similaires à ces services-ci.

Elle relève que la société FLG Caducial ne conteste la décision que s'agissant des services 'travaux de bureau ; services de secrétariat ; services de tenue de registres d'actionnaires ; tenue de registre des actifs pour le compte de tiers'.

Elle fait état de l'identité et/ou proximité des services de 'travaux de bureau, services de secrétariat' de la demande enregistrement, avec la 'reproduction de documents' de la marque antérieure, de celle des 'services de secrétariat ; services de tenue de registres d'actionnaires ; tenue de registre des actifs pour le compte de tiers' avec les 'services d'expertise comptable' de la marque antérieure.

La société FLG Caducial sollicite le rejet des demandes relatives aux services pour lesquels la marque antérieure n'est pas réputée enregistrée, du fait du défaut d'usage. Elle ne conteste pas que certains services visés par sa demande enregistrement soient identiques ou similaires à ceux de la marque antérieure, tout en relevant l'interprétation particulièrement large de la similarité dont fait montre la société Fiducial. Elle conteste la similarité de ses services avec les 'services d'expertise comptable' et ceux de 'reproduction de documents' de la marque antérieure.

L'INPI relève qu'il n'y a pas lieu de comparer les services de 'mise à disposition de publication en ligne' de la demande d' enregistrement, avec ceux de 'publication électronique de livres et de périodiques en ligne' de la marque antérieure, dont l'usage n'est pas démontré. Elle souligne l'absence de modification sur le sens de la décision attaquée, celle-ci ayant écarté le risque de confusion et l'atteinte à la renommée de la marque antérieure en raison des différences prépondérantes entre les signes.

*****

La décision sera confirmée en ce qu'elle a reconnu l'identité ou la similarité entre les services visés par la demande d' enregistrement et ceux visés par la marque antérieure.

La cour rappelle qu'elle n'a pas retenu l'usage sérieux de la marque antérieure pour les services de 'publication électronique de livres et de périodiques en ligne', de sorte qu'ils ne seront pas pris en considération, alors qu'ils étaient opposés à ceux de 'mise à disposition de publication en ligne' de la demande d'enregistrement. En conséquence, ces derniers services n'apparaissent pas identiques ou similaires avec ceux de la marque antérieure.

La 'publication de bulletins d'information (newsletters)' de la demande d'enregistrement apparaît identique ou similaire aux 'services de publication et d'édition de livres, de revues et des journaux sur tout support' de la marque antérieure, les journaux contenant des informations er il s'agit dans les deux cas de publication.

La décision ne sera pas suivie en ce qu'elle a retenu que les services de 'travaux de bureau ; services de secrétariat' de la demande d'enregistrement étaient similaires à la 'reproduction de documents' de la marque antérieure, généralement assurée par des sociétés de reprographie. Le seul fait que la reproduction de documents peut entrer dans une activité de bureau ou de secrétariat ne saurait rendre ses services identiques ou similaires.

Les 'services d'expertise comptable' de la marque antérieure ne sauraient couvrir les 'services de secrétariat' et les 'services de tenue de registres d'actionnaires' de la demande d'enregistrement, quand bien même ces derniers peuvent être réalisés par des experts-comptables. En revanche, la 'tenue de registre des actifs pour le compte de tiers' apparaît relever des prestations relatives à la comptabilité, exercée par des experts-comptables.

En conséquence, l'identité ou la similarité des services visés par la demande d'enregistrement telle que retenue par la décision du 20 mai 2022 sera confirmée, sauf s'agissant des services de 'travaux de bureau ; services de secrétariat ; services de tenue de registres d'actionnaires'.

De même, la décision sera confirmée en ce qu'elle n'a pas retenu l'identité et/ou similarité de la'publication de bulletins d'information (newsletters)' de la demande d' enregistrement, avec les services visés par la marque antérieure.

Sur la comparaison des signes

La décision querellée a conclu à l'absence de similarité entre le signe FLG CADUCIAL et la marque antérieure FIDUCIAL.

La société Fiducial critique l'analyse contenue dans la décision qui a considéré que l'élément FLG était arbitraire et tout autant distinctif et dominant que CADUCIAL. Elle souligne qu'il s'agit de deux marques verbales contenant chacune un néologisme, et qu'un mot est plus aisément mémorisable qu'un sigle constitué de consonnes, de sorte que CADUCIAL attirera davantage l'attention du consommateur que FLG et constituera l'élément dominant. Elle souligne que FIDUCIAL et CADUCIAL sont de même longueur, et comptent six lettres communes placées dans le même ordre et la même position, de sorte qu'ils présentent une très forte ressemblance, alors que FLG est d'une lecture moins aisée et ne forme pas un ensemble avec CADUCIAL.

Elle écarte les décisions de jurisprudence citées par la société FLG Caducial, et en cite d'autres concluant à une similarité des signes malgré la présence d'un élément verbal mineur situé en attaque.

Elle fait état d'une rythmique identique des éléments dominants des signes en cause, dont les deux dernières syllabes sont les mêmes. Elle avance que l'élément d'attaque ne saurait prévaloir sur l'élément CADUCIAL, dominant et immédiatement perceptible, et conclut à la similarité phonétique, au moins en grande partie, des signes.

Elle souligne leur absence de signification évidente, et relève que si FIDUCIAL peut évoquer le terme fiduciaire, le mot CADUCEE n'est pas connu du public et la demande d'enregistrement peut aussi évoquer la CADUCITE, pour en conclure qu'il s'agit de deux néologismes présentant la même structure consistant à associer le final -AL à un mot connu de la langue française présentant en 2ème et 3ème syllabes DU et CI. Elle en déduit que les signes présentent une ressemblance majeure.

La société FLG Caducial souligne que sa demande de marque est constituée de deux éléments verbaux, FLG et CADUCIAL, et que les signes diffèrent par leur structure, leur longueur, et leur séquence d'attaque. Elle fait état de cas similaires dans lesquels la présence d'un premier signe provoquait une impression d'ensemble très différente entre les signes en cause, et relève que les décisions citées par la société Fiducial reposent sur la comparaison de signes dans lesquels les éléments verbaux étaient identiques, ou dans lesquels les éléments placés devant sont les initiales du terme qui suit.

Elle ajoute que l'unique ressemblance phonétique tient aux syllabes placées en fin de signes, lesquelles ont des rythmes différents, et qu'ils se distinguent par leurs sonorités d'attaque et centrales, ce d'autant que le consommateur s'attache particulièrement à la séquence d'attaque.

Elle relève aussi que les marques sont conceptuellement différentes, la marque antérieure évoquant le terme fiduciaire, de sorte qu'elle est peu distinctive pour les services concernés, alors que la demande d'enregistrement évoque le caducée, emblème des professions médicales, FLG n'ayant pas de signification particulière.

Elle affirme que CADUCIAL ne présente pas un caractère dominant, FLG étant tout aussi distinctif et placé en position d'attaque. Selon elle, le consommateur ne considérera pas le nombre identique de lettres entre les néologismes, et les différences entre les signes excluent tout risque de confusion.

L'INPI conclut à l'absence de confusion entre les signes qui ne présentent pas la même structure, le même rythme, et n'ont pas la même signification.

*****

Selon la CJUE (C-251/95), le risque de confusion doit donc être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce. Cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par les marques, en tenant compte, notamment, des éléments distinctifs et dominants de celles-ci.

La marque antérieure est verbale, comme la demande d'enregistrement.

Visuellement, la marque antérieure comme la demande d' enregistrement commencent par la lettre F pour finir par les lettres DUCIAL.

Cependant, elles présentent une structure bien différente, puisque la marque antérieure est constituée d'un seul signe, alors que la demande d'enregistrement est constituée de deux entités, d'une part un sigle de 3 lettres, d'autre part un signe de 8 lettres.

Elles sont aussi de longueur différente, la demande de marque comportant 11 lettres séparées par un espace entre la 3ème et la 4ème -ce qui lui donne une physionomie particulière-, alors que la marque antérieure est constituée de 8 lettres.

Leurs séquences d'attaque sont également différentes, puisque la marque antérieure commence par les lettres FI constituant la 1ère syllabe, alors que la demande d' enregistrement commence par les trois lettres FLG suivies de CA constituant la 1ère syllabe du second signe (CADUCIAL).

Le fait, allégué par la société Fiducial, que la lecture de l'élément premier FLG serait moins fluide que celle du second élément constituant la demande enregistrement ne saurait le rendre moins important visuellement, cet élément d'attaque FLG de la demande d'enregistrement lui conférant une physionomie bien distincte.

De même, la société Fiducial ne peut utilement faire état de décisions rendues dans lesquelles l'élément verbal constituant la marque antérieure était repris dans la demande d'enregistrement, ou lorsque celle-ci ne différait de la marque initiale que par la position des initiales du terme suivant, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Il s'ensuit que malgré la présence des même lettres dans la même position, les signes sont bien différents visuellement.

Phonétiquement, la marque est constituée de trois syllabes, alors que la demande d'enregistrement sera prononcée en six syllabes, de sorte qu'elles présentent un rythme bien distinct, la demande d'enregistrement étant deux fois plus longue.

De plus, leurs sonorités d'attaque sont différentes.

Il est exact que la marque et la demande d' enregistrement présentent la même syllabe DU et la même sonorité de chute CIAL.

Néanmoins, les différences sont d'autant plus importantes que l'élément FLG de la demande d'enregistrement - placé en attaque - est une combinaison de lettres dénuée de sens, ce qui contraint le consommateur à les épeler et, ce faisant, à leur donner une attention particulière.

Enfin, la sonorité d'attaque de la marque antérieure, 'ca', est considérablement plus dure que celle de la demande d'enregistrement, 'ef', plus douce, ce qui donne une prononciation très distincte aux deux signes.

Aussi, il existe des différences phonétiques importantes entre la marque et la demande d'enregistrement.

Conceptuellement, c'est à raison que la décision contestée a retenu que la marque antérieure évoquait le domaine fiduciaire, qui n'est pas évoqué par la demande d'enregistrement.

Le terme fiduciaire évoque, selon le dictionnaire, un 'établissement s'occupant de l'organisation commerciale, comptable, administrative et fiscale pour le compte de sociétés privées' ce qui correspond exactement à l'activité d'expertise comptable, et apparaît se rapporter à l'activité de la société Fiducial. Celle-ci reconnaît du reste dans ses écritures que le terme fiduciaire peut, pour une partie du public, renvoyer au terme 'fiduciaire'.

La demande d'enregistrement évoque pour sa part le caducée, signe emblématique des professions médicales, les pharmaciens étant la clientèle principale de la société FLG Caducial.

Si la société Fiducial soutient que Caducial évoque aussi la caducité, il n'en demeure pas moins que ces deux notions, dont serait dérivée la demande d'enregistrement, sont bien distinctes de la notion de fiduciaire évoquée par la marque antérieure.

Le fait que les deux signes partagent DUCI ne saurait les rapprocher, ces deux syllabes étant dépourvues de sens.

Il ressort que la marque antérieure et la demande d'enregistrement évoquent chacune des notions éloignées conceptuellement.

Sur le risque de confusion

La société Fiducial rappelle que le risque de confusion doit être apprécié globalement et fait état de la forte similarité visuelle et phonétique entre les marques, la conception syntaxique identique des termes fiducial et caducial, deux signes FLG ne constituant pas une différence suffisante pour écarter les ressemblances. Elle souligne l'identité ou la proximité de presque tous les services et le risque de confusion qui en découle dans l'esprit du public. Elle ajoute que la marque antérieure possède un caractère distinctif élevé, ce d'autant qu'il s'agit d'une marque de renommée, ce qui est de nature à provoquer un rapprochement dans l'esprit du consommateur, d'autant plus que la marque antérieure fait partie d'une famille de marques déclinées sur le même nom fiducial. Elle en déduit que la demande d'enregistrement constitue une imitation de la marque antérieure, de sorte que la décision de l'INPI doit être annulée.

Après avoir relevé que caducial n'a pas un caractère dominant dans le signe contesté et que fiducial est faiblement distinctif pour les services invoqués, la société FLG Caducial conclut à l'absence de risque de confusion. Elle souligne que la renommée alléguée de la marque antérieure doit en tout état de cause être limitée aux services comptables et juridiques, et qu'en l'espèce les signes ne présentent pas de similitude suffisante. Elle avance que les services sont proposés à un public professionnel de dirigeants d'entreprises d'un niveau d'attention élevé, de sorte que le risque de confusion est d'autant moins important. Elle indique exercer ses activités sous la dénomination FLG CADUCIAL depuis 2007, de sorte que les signes coexistent sur le marché depuis 15 ans. Elle en conclut à l'absence de risque de confusion.

L'INPI observe que les signes sont suffisamment différents pour écarter tout risque de confusion, malgré la grande proximité de certains services. Il ajoute que la connaissance de la marque antérieure Fiducial sur le marché est atténuée par sa distinctivité moyenne, de sorte qu'elle ne peut suffire à créer un risque de confusion avec le signe contesté.

*****

Le risque de confusion doit être apprécié globalement, étant rappelé qu'un faible degré de similitude entre les produits ou services désignés, peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement un fort degré de similitude entre les produits et services peut compenser un faible degré de similitude entre les signes.

Il convient également de considérer que l'élément Caducial ne constitue pas l'élément dominant de la demande d'enregistrement, alors qu'il s'y trouve précédé du sigle FLG, parfaitement arbitraire et distinctif puisqu'il ne présente pas de lien avec les services visés.

Si les services visés par la marque et la demande d'enregistrement sont pour la plupart similaires ou identiques, les signes en cause ne présentent pas une telle similarité.

Par ailleurs le risque de confusion est d'autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure s'avère important (CJUE, 11 novembre 1997). Or en l'espèce la marque antérieure apparaît modérément distinctive, en ce qu'elle évoque les termes fiducie ou fiduciaire partiellement descriptifs des services proposés ; aussi, et au vu de la différence entre les signes, la connaissance de la marque sur le marché des services comptables ne peut justifier l'existence d'un risque de confusion.

Au surplus, il est exact que le public concerné par les marques en cause est constitué de professionnels présentant un degré d'attention élevé ; de même, la coexistence sur un marché déterminé de deux marques peut contribuer à amoindrir le risque de confusion entre celles-ci dans l'esprit du public pertinent, et en l'espèce il est justifié que la société FLG Caducial a cette dénomination sociale depuis 2007 et exerce depuis son activité de conseil auprès des pharmaciens sous cette appellation, ce que la société Fiducial ne pouvait ignorer puisque à plusieurs reprises les deux sociétés ont figuré sur les mêmes plaquettes ; il sera aussi mentionné le fait que la marque verbale 'caducial' a été déposée en 2007 pour les services de comptabilité, et a expiré en 2017, sans que la société Fiducial ne soutienne l'avoir contestée alors.

Enfin, l'existence d'une famille de marques invoquée par la société Fiducial ne saurait justifier de l'existence d'un risque de confusion plus élevé, la famille de marques ayant en commun le signe FIDUCIAL non repris par la demande d'enregistrement.

Au vu de ce qui précède, et en l'absence de similarité des signes, l'existence d'un risque de confusion n'apparaît pas établi, ainsi que l'a apprécié la décision querellée.

Sur l'atteinte à la renommée de la marque

La société Fiducial relève que la renommée de sa marque a été reconnue par la décision en cause pour certains services, revendique être le leader français des services pluridisciplinaires aux très petites et petites entreprises, et fait état d'articles de presse en ce sens. Elle en déduit que la renommée de sa marque pour ses services est manifeste, et la revendique aussi pour d'autres services non retenus par la décision considérée.

Elle analyse la similitude des signes FIDUCIAL et FLG CADUCIAL, dont les ressemblances importantes prédominent en dépit de l'ajout du signe FLG. Elle critique la décision de l'INPI qui a conclu que le signe contesté ne risquait pas d'évoquer la marque antérieure dans l'esprit du public, au vu des différences entre les signes, alors que ceux-ci présentent une similarité. Elle relève que les deux signes sont constitués d'un néologisme, que l'élément verbal de la demande d'enregistrement à la même structure que sa marque 'xx+DUCIAL', et que les signes sont identiques ou similaires. Elle fait état de la forte renommée de sa marque. Elle ajoute que la connexion faite entre les signes par le public suffit à retenir l'atteinte à la renommée, et que tel est le cas en l'espèce, ce d'autant qu'elle a constitué une famille de marques associée au signe FIDUCIAL.

Elle avance que le demandeur à l'enregistrement bénéficie du pouvoir d'attraction de la marque renommée, les consommateurs pouvant s'adresser à celui-ci en croyant qu'il est lié à cette marque, de sorte qu'il peut tirer indûment profit de la renommée de la marque antérieure. Cette atteinte étant d'autant plus grave que les services sont identiques ou similaires.

Elle en déduit que son opposition à l'enregistrement de la marque FLG FIDUCIAL est fondée.

La société FLG Caducial soutient que les pièces nouvelles produites par la société Fiducial sont irrecevables comme versées hors délai, et rappelle les conditions cumulatives de l'atteinte à une marque de renommée, soit l'identité ou la similitude des signes en conflit au vu duquel le public établi un lien entre ces marques, l'existence d'une renommée de la marque antérieure dans le territoire pour les services pertinents, et la démonstration d'une atteinte à la renommée de la marque antérieure. Elle indique que l'absence d'une seule de ces conditions suffit à écarter le fondement de l'atteinte à la marque de renommée, et que l'existence d'un juste motif permet au tiers d'utiliser un signe similaire à la marque renommée.

Elle fait état de l'absence de similitude entre les signes en conflit, qui suffit à rejeter l'opposition sur le fondement de la renommée de la marque antérieure, et qui a été précédemment démontrée ; ce d'autant qu'il s'agit d'un public professionnel de dirigeants d'entreprises, de niveau d'attention élevé, et que la demande de marque est exploitée depuis 15 ans.

Elle relève que la décision du 20 mai 2022 a considéré la marque comme renommée pour certains services et non pour d'autres, alors qu'il n'est pas établi que la marque est renommée sur le territoire de l'Union européenne, ni en France. Elle procède à l'analyse des pièces versées par la société Fiducial, et note que la preuve de la renommée pour chacun des services invoqués à l'appui de l'opposition fait défaut.

Elle avance que la société Fiducial n'établit pas la moindre atteinte dont elle aurait souffert, alors qu'elle utilise le signe en question depuis 2007. Elle en déduit l'absence de toute dilution ou ternissement de la marque, dont il n'est pas établi qu'elle véhicule une image de prestige particulière. Elle revendique être spécialisée dans le secteur de la pharmacie et être installée sur un seul site, alors que la société Fiducial est généraliste et que ses collaborateurs sont répartis à différents endroits du territoire. Elle en déduit n'avoir aucun intérêt à se placer dans le sillage de la société Fiducial, et ajoute bénéficier d'un juste motif à l'usage du signe FLG Caducial, qu'elle utilise depuis 2007 sans contestation de la requérante. Enfin, elle fait état de sa bonne foi, et sollicite la confirmation de la décision du 20 mai 2022.

L'INPI soutient qu'à supposer même que la marque soit renommée pour l'ensemble des services visés, la décision est fondée car les signes sont trop différents pour que le public fasse un lien entre ces marques. Il ajoute que l'appréciation des similitudes des signes participe de l'appréciation du lien entre les marques dans l'esprit du public, lequel n'effectuera pas un tel rapprochement au vu des différences entre les signes. Cette impression d'ensemble différente ne peut être compensée par le caractère distinctif moyen de la marque antérieure et la proximité des services. Enfin, la renommée de la marque antérieure n'apparaît pas si importante que les consommateurs feront un lien entre elle et la demande d'enregistrement.

Il demande la confirmation du rejet de l'opposition.

*****

Le règlement 2017/2001 du 14 juin 2017 sur la marque européenne prévoit en son article 8, point 5 :

'Sur opposition du titulaire d'une marque antérieure enregistrée..., la marque demandée est refusée à l'enregistrement si elle est identique ou similaire à une marque antérieure, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels elle est demandée sont identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque cette marque antérieure est une marque de l'Union européenne qui jouit d'une renommée dans l'Union ou une marque nationale qui jouit d'une renommée dans l'État membre concerné, et que l'usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de cette marque antérieure ou leur porterait préjudice'.

De même, l'article L.711-3 du code de la propriété intellectuelle prévoit que

'Ne peut être valablement enregistrée et, si elle est enregistrée, est susceptible d'être déclarée nulle une marque portant atteinte à des droits antérieurs ayant effet en France, notamment :...

2° Une marque antérieure enregistrée..., jouissant d'une renommée en France ou, dans le cas d'une marque de l'Union européenne, d'une renommée dans l'Union, lorsque la marque postérieure est identique ou similaire à la marque antérieure, que les produits ou les services qu'elle désigne soient ou non identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée ou demandée et lorsque l'usage de cette marque postérieure sans juste motif tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, ou qu'il leur porterait préjudice ;'....

Comme le reconnaissent les parties, cette protection suppose la réunion de trois conditions cumulatives : l'existence d'une renommée de la marque antérieure, l'identité ou la similitude des signes en conflit, le profit tiré indûment par la marque nouvelle et sans juste motif du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, ou portant préjudice à celle-ci.

Indépendamment du caractère renommé ou non de la marque antérieure pour l'ensemble de ses services, il ne peut y avoir atteinte à sa renommée lorsque les signes sont trop différents pour que soit retenue une identité ou une similitude entre eux.

Or, il a été précédemment établi l'absence d'identité ou de similitude entre les signes, de sorte que le public ne fera pas de lien entre la marque antérieure et la demande d'enregistrement, ce d'autant que -la société FLG Caducial n'étant pas contestée sur ce point- les signes en cause s'adressent à un public professionnel de dirigeants d'entreprises, ayant un niveau d'attention élevé, en leur proposant des services importants pour leur activité économique.

À titre surabondant, il sera rappelé que le signe FLG Caducial est exploité depuis 15 ans par la société FLG Caducial, et la société Fiducial ne justifie pas d'un seul exemple de confusion intervenu ni ne prouve que le public aurait établi un lien entre les deux signes.

Au vu de la différence entre les impressions d'ensemble provoquées par les signes, qui ne peut être compensée par l'identité ou la proximité des services, une des conditions nécessaires pour que soit reconnue une atteinte à la renommée de la marque antérieure fait défaut, et la décision sera confirmée en ce qu'elle a estimé mal fondée l'opposition sur ce fondement.

Sur les autres demandes

Succombant en son recours, la société Fiducial sera condamnée au paiement des dépens d'appel, dont distraction ainsi qu'au versement d'une somme de 5.000 € à la société FLG Caducial, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire,

Rejette le recours formé par la société Fiducial à l'encontre de la décision du Directeur Général de l'INPI du 20 mai 2022,

Rejette toute autre demande de la société Fiducial,

Condamne la société Fiducial au versement de la somme de 5.000 € à la société FLG Caducial au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement des entiers dépens dont distraction.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Bérangère MEURANT, Conseiller pour le Président empêché et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.