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Décisions

Cass. 3e civ., 23 septembre 2021, n° 20-10.812

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvin

Rapporteur :

Mme Andrich

Avocats :

SCP Foussard et Froger, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Colmar, du 23 oct. 2019

23 octobre 2019

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 23 octobre 2019), le 18 septembre 2007, la société Grandes étapes françaises (GEF), exploitante de deux hôtels, a conclu un contrat de prestations de services avec la société Asian Villa, en mettant à sa disposition un local, ainsi que le linge nécessaire à une activité de soins du corps et du visage et en s'engageant à la rétrocession par l'hôtel du prix stipulé de la prestation, minoré d'une commission au titre de divers frais.

2. Ce contrat, conclu pour trois années, a été renouvelé en 2010, 2013 et 2016.

3. Le 9 janvier 2015, la société Asian Villa a demandé la requalification judiciaire du contrat de prestations de services en bail commercial.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La société Adsian Villa fait grief à l'arrêt de déclarer la demande de requalification du contrat en bail commercial prescrite, alors « que si le point de départ de la prescription biennale applicable à la demande de requalification d'une convention en bail commercial court à compter de la date de la conclusion du contrat, la fraude suspend le délai de la prescription pendant la durée du contrat ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme il le lui était demandé, si en refusant de conclure un contrat de bail commercial et en signant un contrat faussement intitulé "Contrat de prestations de services" quand la société Asian Villa disposait d'un véritable local stable, d'une clientèle personnelle et d'une autonomie de gestion, la société Grandes étapes françaises n'avait pas pour but exclusif de contourner le statut des baux commerciaux, de sorte que la fraude avait suspendu la prescription biennale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 145-60 du code de commerce, ensemble le principe selon lequel la fraude corrompt tout. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 145-60 du code de commerce et le principe selon lequel la fraude corrompt tout :

5. Il résulte de la combinaison de ce texte et de ce principe que la fraude suspend le délai de prescription biennale applicable aux actions au titre d'un bail commercial.

6. Pour dire irrecevable l'action en requalification du contrat de prestations de services en contrat de bail commercial, l'arrêt retient que le contrat liant les parties a été conclu le 18 septembre 2007 et, que l'action engagée par assignation du 10 février 2017 se heurte à la prescription, le délai pour agir ayant expiré le 18 septembre 2009, soit dans les deux ans du contrat initial.

7. En statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si une fraude, dont l'existence était invoquée, n'était pas de nature à suspendre la prescription biennale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur les deuxième et troisième moyens

Enoncé des moyens

8. Par son deuxième moyen, la société Asian Villa fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dommages et intérêts alors « que la cassation à intervenir s'agissant de l'irrecevabilité de la demande de requalification du contrat en bail commercial ne pourra manquer d'entrainer par voie de conséquence, et en application de l'article 625 du code de procédure civile, la cassation du chef ayant rejeté la demande de dommages et intérêts présentée. »

9. Par son troisième moyen, la société Asian Villa fait grief à l'arrêt de rejeter la demande d'annulation de la résiliation du contrat de prestation de services notifiée par lettre du 26 décembre 2018, alors « que cassation à intervenir s'agissant de l'irrecevabilité de la demande de requalification du contrat en bail commercial ne pourra manquer d'entraîner par voie de conséquence la cassation des chefs du dispositif de l'arrêt rejetant les demandes formées par la société Asian Villa en paiement de dommages et intérêts et en annulation de la résiliation du contrat liant les parties.
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Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

10. Il résulte de ce texte que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de la décision cassée se trouvant dans un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

11. La cassation sur le premier moyen entraîne la cassation, par voie de conséquence, des chefs du dispositif de l'arrêt rejetant les demandes formées par la société Asian Villa en paiement de dommages et intérêts et en annulation de la résiliation du contrat liant les parties, lesquelles se trouvent dans un lien de dépendance nécessaire avec la cassation prononcée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz.