Cass. 2e civ., 12 février 2004, n° 01-17.791
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ancel
Rapporteur :
M. Loriferne
Avocat général :
M. Kessous
Avocat :
Me Blondel
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 24 septembre 2001), que MM. X..., propriétaires de différentes parcelles en nature de vigne, ont été autorisés à titre provisoire par un juge des référés à poursuivre l'exploitation des vignes leur appartenant, et qu'il a été enjoint à la société Champagne X..., devenue SARL Delbeck Bricout vendanges, et à la société civile d'exploitation des Vignobles X... (SCEV), qui revendiquaient le droit d'exploiter ces parcelles, de ne pas entraver le bon déroulement de la vendange et la bonne exploitation des parcelles litigieuses ; que le premier président de la cour d'appel a autorisé ces sociétés appelantes de cette décision à assigner à jour fixe MM. X... pour l'audience de la cour d'appel et que, le jour de l'audience, les intimés ont déposé et signifié leurs conclusions tendant à voir déclarer irrecevables l'appel de la société SCEV X... et les conclusions signifiées au nom de la SARL Champagne X... ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les sociétés appelantes font grief à l'arrêt d'avoir violé le principe de la contradiction, alors, selon le moyen :
1 ) que dans le cadre d'une procédure à jour fixe, l'intimé est tenu de présenter sa défense avant la date de l'audience, soit au plus tard la veille de celle-ci, faute de quoi il est réputé s'en tenir à ses moyens de première instance, sauf la faculté dont dispose le juge de reporter l'audience à une date ultérieure ou d'ordonner la réassignation s'il estime qu'il ne s'est pas écoulé un temps suffisant depuis l'assignation pour que la partie assignée ait pu préparer sa défense en temps utile ; que dès lors, en fondant sa décision sur des fins de non-recevoir formulées pour la première fois par les consorts X... dans des conclusions d'intimé communiquées le jour même de l'audience, outre sur des pièces nouvelles produites le même jour, la cour d'appel viole les articles 920, 921 et 923 du nouveau Code de procédure civile ;
2 ) qu'à raison même de l'impossibilité dans laquelle ils se trouvent de se défendre avant la date ultime de dépôt des conclusions, les plaideurs sont recevables, à toute hauteur de l'instance, fût-ce par le biais d'une note en délibéré, à se prévaloir de l'atteinte portée aux droits de la défense du fait de la date de communication des pièces et conclusions adverses ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel viole les articles 15, 16 et 445 du nouveau Code de procédure civile et l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3 ) que le souci de préserver les droits de la défense d'une partie ne justifie pas qu'il soit porté atteinte aux droits de la défense de l'autre partie, hormis l'hypothèse où cette dernière peut se voir reprocher d'avoir elle-même tardé à communiquer ses conclusions et pièces ; qu'il appartient le cas échéant aux juges de prendre toutes les mesures utiles pour que le principe du contradictoire soit respecté de part et d'autre, telle la réouverture des débats ou, en matière de procédure à jour fixe, le report à une audience ultérieure, voire l'ordre de réassigner l'intimé ; qu'en l'espèce, les sociétés appelantes ont assigné les consorts X... pour l'audience du 19 septembre 2001 le jour même où elles y ont été autorisées par le premier président de la cour d'appel à le faire, soit le 14 septembre 2001, de sorte qu'aucune carence ne pouvait leur être reprochée ; que dès lors, il appartenait aux juges du fond, s'ils estimaient que les consorts X... s'étaient trouvés dans l'impossibilité de communiquer leurs pièces et conclusions dans des conditions propres à assurer le respect des droits de la défense des appelantes de prendre les mesures idoines pour que les droits de toutes les parties en présence fussent respectés ; qu'à cet égard également, la cour d'appel viole les articles 15, 16 et 923 du nouveau Code de procédure civile et l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que l'arrêt relève que les appelantes, qui tenaient absolument à ce que l'affaire soit retenue le jour même, après avoir visé les conclusions des intimés, ont développé par la voix de leur conseil une argumentation tendant au rejet de la fin de non-recevoir soulevée dans ces écritures, sans solliciter la permission de répondre par une note en délibéré ou demander la réouverture des débats ; que, n'ayant élevé avant la clôture des débats aucune contestation sur la recevabilité de conclusions déposées devant la cour d'appel le jour de l'audience à jour fixe, les sociétés appelantes ne sont pas recevables à reprocher à la cour d'appel de les avoir retenues ;
D'où il suit que le moyen en peut être accueilli ;
Sur le second moyen :
Attendu que les sociétés en cause font grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevables les conclusions d'appel prises par la société Delbeck Bricout vendanges, alors, selon le moyen :
1 / que si les conclusions sont irrecevables lorsque les indications mentionnées à l'article 960, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile n'ont pas été fournies, l'irrecevabilité n'est en revanche pas encourue dans le cas où les indications fournies sont simplement entachées d'inexactitude ; qu'en rejetant les conclusions d'appel de la société Delbeck Bricout vendanges, motif pris que celles-ci avaient été prises sous une dénomination périmée et qu'elles ne tenaient pas compte du changement d'adresse du siège social, c'est-à-dire de simples inexactitudes, la cour d'appel viole, par fausse application, l'article 961 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / qu'en tout état de cause, les conclusions d'une partie indiquant une dénomination sociale ou une adresse inexacte sont recevables dès l'instant que les indications exactes ont finalement été fournies, sans que la régularisation soit subordonnée à l'accomplissement d'une démarche par la partie même qui encourt la fin de non-recevoir ;
qu'en l'espèce, l'irrecevabilité n'était pas encourue dès lors qu'il s'évince des constatations mêmes de l'arrêt que la cour d'appel a pu s'assurer, avec exactitude, de la nouvelle dénomination de la SARL Champagne X... et de l'adresse de son siège social, indication qui lui ont été fournies par les consorts X... eux-mêmes, ce qui révèle qu'ils n'ignoraient rien des éléments permettant l'identification des sociétés appelantes ; que sous cet angle également, la cour d'appel viole l'article 961 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que l'une des sociétés appelantes avait déposé des conclusions dans lesquelles elle était désignée sous son ancienne dénomination et faisant mention de l'adresse d'un siège social qui n'était plus exacte par suite de son transfert, la cour d'appel a pu déclarer ces conclusions irrecevables ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.