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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 18 janvier 2024, n° 22/00184

GRENOBLE

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Nougat Chabert et Guillot (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Figuet

Conseillers :

M. Bruno, Mme Faivre

Avocats :

Me Boronad, Me Mihajlovic, Me Templet-Teissier

T. com. Romans-sur-Isère, du 15 déc. 202…

15 décembre 2021

Faits et procédure :

1. [H] [E] est agent commercial indépendant dans le milieu de l'agroalimentaire. En 1990, il a été sollicité par la société Nougat Chabert et Guillot, et suite aux accords passés entre eux, il a prodigué des conseils techniques concernant le processus de fabrication de la pâte à nougat et a développé les ventes auprès des glaciers français. En 2000, il a quitté la société Nougat Chabert et Guillot et a continué à vendre des ingrédients destinés aux glaciers, chocolatiers et pâtissiers pour le compte de plusieurs entreprises.

2. En 2011, le directeur général de la société Nougat Chabert et Guillot a fait appel à monsieur [E] afin qu'il reprenne la commercialisation des ingrédients et assure leur développement chez les clients et les prospects industriels importants. [H] [E] a accepté un contrat d'agent commercial, signé le premier novembre 2011, le chargeant de visiter la clientèle des industriels de l'agroalimentaire en France.

3. En juillet 2015, la direction commerciale de la société Nougat Chabert et Guillot a été confiée à madame [F]. Il a été décidé de repenser la stratégie commerciale par l'augmentation des tarifs au niveau permettant de retrouver de la rentabilité et de privilégier la vente des produits à valeur ajoutée.

4. En juin 2020, Mme [F] a été nommée directrice générale de la société Nougat Chabert et Guillot. Le 24 juin 2020, [H] [E] a informé madame [F] de son arrêt pour maladie jusqu'au 21 juillet 2020, en précisant que son épouse, conjointe collaboratrice depuis de nombreuses années, assurera la continuité. Par courrier du 31 août 2020, la société Nougat Chabert et Guillot a notifié à [H] [E] la résiliation du contrat pour faute grave sans préavis et sans indemnité. Le 7 octobre 2020, [H] [E] a contesté la faute grave et a sollicité le versement de l'indemnité de rupture et de l'indemnité compensatrice de préavis.

5. Aucune issue amiable n'ayant été trouvée, [H] [E] a assigné la société Nougat Chabert et Guillot le 14 décembre 2020 devant le tribunal de commerce de Romans sur Isère, afin d'obtenir notamment le paiement des sommes suivantes’ :

- 300.000 euros à titre d'indemnité compensatrice pour le préjudice subi du fait de la rupture du contrat d'agent commercial’ ;

- 62.610 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis’ ;

- 10.000 euros à titre de dommages intérêts’ ;

- 10.080 euros TTC pour les commissions dues au titre du contrat Révillon’ ;

- 1.893 euros TTC pour les commissions dues au titre du contrat Lindt' de 2020 ;

- 7.200 euros TTC pour les commissions dues au titre du contrat avec Lindt de 2018’ ;

- 3.600 euros TTC pour les commissions dues au titre du contrat avec Nestlé Chocolat au Chili’ ;

- 1.102,20 euros TTC pour les commissions dues au titre du contrat Ranson Industrie.

6. Par jugement du 15 décembre 2021, le tribunal de commerce de Romans sur Isère a condamné la société Nougat Chabert et Guillot à payer à [H] [E] les sommes de’ :

- 195.087,89 euros au titre de l'indemnité de rupture,

- 1.893 euros TTC au titre de des commissions Lindt pour l'année 2020,

- 1.102,20 euros TTC au titre des commission Ranson Industrie pour l'année 2020,

- 14.021,04 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 3.000 euros de l'article 700 du code de procédure civile.

7. Le tribunal de commerce a 'également’ :

- dit n'y avoir lieu d'octroyer des dommages et intérêts à [H] [E], faute de les justifier,

- rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires,

- liquidé les dépens visés pour être mis à la charge de la société Nougat Chabert et Guillot.

8. La société Nougat Chabert et Guillot a interjeté appel de cette décision le 10 janvier 2022 en ce qu'elle a’ :

- condamné l'appelante à payer à [H] [E] les sommes de 195.087,89 euros au titre de l'indemnité de rupture, de 1.893 euros TTC au titre des commissions du client Lindt pour l'année 2020, de 1.102,20 euros TTC au titre des commissions du client Ranson Industrie pour l'année 2020, de 14.021,04 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis’ ; en ce qu'elle a été condamnée à payer à [H] [E] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile’ ; en ce qu'elle a été condamnée aux dépens.

L'instruction de cette procédure a été clôturée le 5 octobre 2023.

Prétentions et moyens de la société Nougat Chabert et Guillot :

9. Selon ses conclusions remises le 27 septembre 2022, elle demande à la cour, au visa des articles L 134-10, L 134-11 et L 134-13 du code de commerce’ :

- de déclarer irrecevables et mal fondées les demandes de [H] [E] ;

- de réformer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la concluante à verser à monsieur [E] les sommes de 195.087,89 euros au titre de l'indemnité de rupture, de 1.893 euros TTC au titre des commissions du client Lindt pour l'année 2020, de 1.102,20 euros TTC au titre des commissions du client Ranson Industrie pour l'année 2020, de 14.021,04 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile’ ;

- de confirmer ce jugement pour le surplus’ ;

- de constater que la rupture du contrat d'agent commercial de [H] [E] repose sur une faute grave’ ;

- en conséquence, de débouter [H] [E] en ses demandes, fins et prétentions’ ;

- subsidiairement, de fixer l'indemnité de rupture à la somme de 128.695,99 euros' et l'indemnité compensatrice de préavis à la somme de 11.684,25 euros’ ;

- en tout état de cause, de condamner [H] [E] à verser à la concluante la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile’ ;

- de condamner l'intimé aux entiers dépens.

Elle expose’ :

10. - que le premier motif de la rupture du contrat pour faute grave s'appuie sur le fait que l'intimé n'a pas respecté l'obligation de l'exécuter personnellement, puisque la concluante a appris par mail de l'intimé du 24 juin 2020 que madame [E] travaillait en qualité de conjoint collaborateur depuis plusieurs années’ ; qu'en l'absence de production du récépissé de la déclaration d'option au statut de conjoint collaborateur, il en résulte que l'intimé a sous-traité tout ou partie de son activité à un tiers au contrat sans cadre juridique, et s'est rendu coupable du délit de travail dissimulé en employant son épouse sans la déclarer et sans qu'il soit justifié d'une situation statutaire, infraction de nature à engager la responsabilité du mandant' et de porter atteinte à sa réputation’ ; qu'en outre, l'intimé lui a indiqué que pendant son arrêt de maladie, son épouse assurerait la continuité, sans préciser quelles missions lui seraient confiées, de sorte qu'il a été manqué au caractère intuitu personae du contrat, par violation de son article 13.2’ ;

11. - que si l'intimé conteste ce motif en soutenant que son épouse travaillait avec lui depuis de nombreuses années, ce que la concluante n'ignorait pas, ce qu'a retenu le tribunal de commerce, les pièces produites indiquent au contraire que la concluante ignorait le rôle joué par madame [E], puisqu'elle intervenait dans le cadre de la représentation d'un fournisseur d'amandes auprès duquel la concluante s'approvisionnait, expliquant les relations de madame [E] avec les services achats, comptabilité, fournisseurs et qualité, mais pas avec les services commerciaux de la concluante’ ; que les mails échangés entre madame [E] et monsieur [N], travaillant pour le compte de la concluante, résultaient des relations privées existant entre le couple [E] et [N]’ ; que les attestations produites par l'intimé sont insuffisantes'ou non manuscrites  ;

12. - que la concluante n'a jamais accepté que madame [E] se substitue à son époux'ni toléré cette pratique’ ;

13. - que si le tribunal a considéré que madame [E] s'était limitée à des tâches administratives sans démarche commerciale, la situation est autre puisqu'à l'occasion de son arrêt de maladie en 2020, l'intimé a indiqué à la concluante que son épouse, conjointe collaboratrice depuis de nombreuses années, assurerait la continuité’ ; que cependant, la mission d'agent commercial étant de négocier, voire de conclure des contrats de vente selon l'article L134-1 du code de commerce, cette continuité ne pouvait se limiter à des tâches purement administratives’ ; que madame [F] a ainsi répondu à l'intimé que son contrat avait été conclu intuitu personae, avec l'interdiction d'en céder les droits et obligations sans autorisation, et en lui demandant de préciser les missions confiées à son épouse avec communication du récépissé de la déclaration d'option au statut de conjoint collaborateur ;

14. - que l'intimé n'a apporté aucune réponse sur ces points ni aucun justificatif’ ; que le 29 juin 2020, madame [E] a sollicité les assistantes commerciales pour des offres, ce qui indique qu'elle était en contact avec les clients pour la négociation de contrats de vente et qu'elle agissait en qualité d'agent commercial’ ;

15. - qu'en l'absence de justification du statut de madame [E], devant faire l'objet d'une déclaration au Centre de formalités des entreprises, l'absence de déclaration et d'affiliation aux organismes sociaux est constitutive de sanctions civiles et pénales'au titre d'un travail dissimulé, avec le risque d'une condamnation solidaire de la concluante par application de l'article L8222-2 du code du travail, ce qui justifie également la rupture du contrat sans indemnité ;

16. - que ce n'est qu'en cours d'instance que la concluante a eu la communication des pièces justifiant du statut de madame [E], de sorte qu'entre le 24 juin et le 31 août 2020, la concluante était fondée à penser que l'intimé avait irrégulièrement employé son épouse, malgré plusieurs mises en demeure’ ; que cette attitude de l'intimé constitue une violation de son obligation d'information de son mandant et de loyauté, constituant également une faute grave'et une violation de l'article 13 du contrat ;

17. - que le second motif de résiliation du contrat pour motif grave est la violation des règles de confidentialité, puisqu'il a été demandé à l'intimé le 26 juin 2020 de justifier des précautions prises afin de prévenir une divulgation interdite ou l'usage d'une information confidentielle par son épouse conformément à l'article 12 du contrat’ ; que si le tribunal a retenu que l'intimé a proposé l'utilisation d'une messagerie cryptée, cela n'a rien avoir avec l'obligation de confidentialité que l'intimé devait faire respecter à son épouse’ ; qu'il n'a pas justifié de l'acceptation par celle-ci de la clause de confidentialité figurant dans son contrat’ ; qu'il ne précise pas les précautions qu'il aurait prises’ ;

18. - que le troisième motif est l'absence de visite des clients pendant plusieurs mois, cette absence de prospection ayant entraîné une forte baisse du chiffre d'affaires, même si cette baisse n'est pas une faute en elle-même ; que monsieur [B], ayant succédé à l'intimé, confirme avoir découvert que de nombreux clients n'ont reçu aucune visite depuis 2020 et que les solutions commerciales proposées par la concluante étaient ignorées de la plupart des clients facturés’ ; que sur 111 clients attribués à l'intimé, 32 ont affirmé n'avoir pas été visités ou n'être pas en contact’ ;

19. - subsidiairement, concernant le calcul de l'indemnité de rupture et de préavis, que deux ans de commissions représentent 128.695,99 euros HT et non 300.000 euros comme soutenu par l'intimé’ ; que trois mois de commissions représente 11.684,25 euros’ ; que le tribunal a pris en compte les années 2018 et 2019 et non les deux dernières années pour le calcul des commissions alors qu'aucune raison n'impose de ne pas prendre en compte la partie de l'année 2020 puisque la rupture est intervenue le 31 août’ ; qu'il a également pris en compte le montant TTC des commissions pour le calcul du préavis et non leur montant HT alors que la TVA ne peut entrer dans la base du calcul de préjudice subi par l'agent commercial, puisqu'un préjudice n'est jamais assujetti à la TVA’ ;

20. - que le montant de deux ans de commissions ne s'impose pas, alors que l'intimé ne justifie pas s'être retrouvé dans une situation de précarité, puisqu'à plus de 69 ans, il peut faire valoir ses droits à la retraite’ ; que le fait qu'il ait souscrit un prêt de 15.000 euros et qu'il ait vendu un bien immobilier est sans lien avec la rupture du contrat’ ;

21. - s'agissant de la demande reconventionnelle de l'intimé pour manquement de la concluante à ses obligations de bonne foi et d'information réciproque dans l'exécution du contrat, que suite à l'arrêt pour maladie de l'intimé en 2016 et 2017, madame [S] est intervenue pour suivre certains clients, alors que l'intimé a continué à être commissionné’ ; qu'à son retour, une situation de blocage a été créée par l'intimé, allant jusqu'à insulter madame [S]’ ; que l'attitude négative de l'intimé s'est poursuivie en 2019 avec des interpellations adressées à l'équipe commerciale qui s'en est plainte, outre son absence lors d'un salon international’ ; que pendant les quatre dernières années, neuf réunions d'échanges par an ont eu lieu avec l'intimé, outre 14.011 mails entre le 14 septembre 2017 et le 27 août 2020’ ;

22. - que l'intimé ne peut reprocher l'absence de paiement de commissions sur les ventes Nestlé Chocolat au Chili, puisque ce territoire ne lui avait pas été confié’ ; que même s'il est intervenu sur ce marché, il avait accepté de ne pas être commissionné en contrepartie d'autres avantages’ ;

23. - concernant les sommes demandées au titre des commissions Révillon, que si l'intimé soutient que ces contrats ont été perdus en raison du fait de la concluante, le problème de qualité invoqué remonte à juillet 2015 et n'a pas affecté le chiffre d'affaires réalisé avec ce client Révillon’ ; que pour le client Lindt, la présence de pesticide n'était pas imputable à la concluante mais à son fournisseur, alors que le lot incriminé a été reconnu conforme par la Direction de la répression des fraudes ; que le client Ranson représente moins de 100 euros de commissions et non 1.102,20 euros.

Prétentions et moyens de [H] [E]’ :

24. Selon ses conclusions remises le 10 octobre 2022, il demande à la cour, au visa des articles L. 134-4, L. 134-11 et L. 134-12 du code de commerce, de l'article 1217 du code civil’ :

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné l'appelante à lui verser les sommes de 195.087,89 euros au titre de l'indemnité de rupture sauf à en réformer le montant pour le porter à la somme de 300.000 euros’ ; de 14.021,04 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis sauf à en réformer le montant pour le porter à la somme de 45.404,59 euros’ ; de 1.893 euros TTC au titre des commissions dues au titre du contrat avec Lindt pour l'année 2020’ ; de 1.102,20 euros TTC au titre des commissions dues au titre du contrat avec Ranson Industrie’ ;

- de réformer ce jugement en ce qu'il a débouté le concluant de ses demandes tendant à voir condamner l'appelante à lui verser les sommes suivantes: 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, 10.080 euros TTC pour les commissions dues au titre du contrat avec Révillon en 2018, 7.200 euros TTC pour les commissions dues au titre du contrat avec Lindt en 2018, 3.600 euros TTC pour les commissions dues au titre du contrat avec Nestlé Chocolat au Chili’ ;

- en conséquence, de condamner l'appelante à verser au concluant les sommes suivantes :

* 300.000 euros à titre d'indemnité de rupture,

* 45.404,59 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

* 10.080 euros TTC de commission au titre du contrat avec Révillon en 2018,

* 7.200 euros TTC de commission au titre du contrat avec Lindt en 2018,

* 3.600 euros TTC de commission au titre du contrat avec Nestlé Chocolat au Chili’ ;

- en tout état de cause, de condamner l'appelante à lui verser la somme de 6.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner l'appelante aux entiers dépens.

Il soutient’ :

25. - concernant le statut de son épouse, que l'agent commercial, étant un professionnel indépendant, est libre d'organiser son activité comme il l'entend, pouvant ainsi employer des sous-agents rémunérés par lui , ou déléguer à son conjoint l'exécution de certaines tâches’ ; que le statut de conjoint collaborateur est reconnu par l'article R121-1 du code de commerce’ ; que le mandant ne peut s'opposer à l'existence d'un conjoint collaborateur aux côtés de l'agent commercial, puisque l'article L121-7 prévoit que dans les rapports avec les tiers, les actes de gestion et d'administration accomplis par le conjoint collaborateur sont réputés l'être pour le compte du chef d'entreprise et n'entraîne aucune obligation personnelle à la charge de ce conjoint’ ; que l'article 3 du contrat a stipulé que le concluant exercera son activité en toute indépendance avec l'entière liberté dans l'organisation de la prospection, dans le choix de sa structure juridique et ses méthodes de travail’ ; que le concluant a ainsi toujours été l'unique agent commercial et unique cocontractant de l'appelante’ ;

26. - concernant la situation de madame [E], qu'elle a travaillé pendant de nombreuses années avec le concluant et avec l'appelante en toute transparence, alors qu'elle apparaît sur le registre spécial des agents commerciaux aux côtés du concluant en sa qualité de conjoint collaborateur’ ; qu'elle est affiliée en cette qualité depuis 2013 à l'Urssaf’ ; que l'appelante n'a ainsi jamais encourue de sanction au titre d'un travail dissimulé’ ;

27. - que l'appelante connaissait cette situation, puisque madame [E] échangeait régulièrement avec les personnes responsables des achats, des expéditions, des fournisseurs, de la qualité’ ; qu'elle a participé à des réunions commerciales’ ; que c'est par courtoisie et loyauté que le concluant a informé madame [F] le 24 juillet 2020 que son épouse assurerait la continuité suite à son arrêt pour maladie’ ; qu'il a répondu à madame [F] concernant le statut de son épouse et la confidentialité prévue dans le contrat, en joignant l'extrait de son immatriculation au registre des agents commerciaux faisant apparaître son épouse  ; que des relations amicales existaient avec les époux [N], alors que monsieur [N] était le directeur général de l'appelante’ ;

28. - qu'il n'y a pas eu ainsi de manquement au caractère intuitu personae du contrat, d'autant qu'il a prévu la possibilité de recruter des salariés ou de travailler avec d'autres professionnels sans avoir à solliciter l'autorisation préalable de l'appelante’ ;

29. - concernant le grief touchant à la confidentialité, que le concluant a rassuré madame [F], en lui indiquant avoir pris les précautions nécessaires (ordinateurs protégés, possibilité d'utilisation d'une messagerie cryptée)’ ; que l'article 12 du contrat a dévolu au concluant la liberté de mise en œuvre des mesures nécessaires afin de prévenir la divulgation d'une information confidentielle ou d'un secret de commerce, alors que le contrat n'a prévu aucun contrôle du mandant ;

30. - s'agissant du grief pris d'une absence de visite des clients, ce qui aurait entraîné une forte baisse du chiffre d'affaires, qu'il n'a pas été reproché avant la rupture l'absence de visites’ ; que l'année 2020 ne peut être prise en considération en raison de la crise sanitaire résultant de l'épidémie Covid 19, puisque la population a été confinée du 17 mars au 11 mai 2020, sans que la prospection commerciale fasse partie des motifs dérogatoires permettant de se déplacer’ ; qu'après le confinement, les entreprises n'ont pas retrouvé toutes leurs capacités alors que de nombreux cadres sont restés en télétravail afin de limiter le nombre de salariés présents sur les sites’ ; que le concluant a informé l'appelante des visites faites à ses clients soit dans le cadre de rapports soit dans une demande d'échantillons’ ; que le concluant justifie de ses visites réalisées au dernier semestre 2019 et au premier trimestre 2020, avant le confinement, auprès de clients représentant 40'% de son chiffre d'affaires’ ;

31. - que la baisse de chiffre d'affaires reprochée résulte de problèmes de qualité dénoncés par des clients depuis 2017, ainsi pour la société Lindt qui a annulé un contrat de 56.630 euros HT en juin 2020 suite à la présence de pesticide dans un lot de pistaches’ ; que 10 tonnes de ce produit ont été concernées, avec une information des clients, ce qui a eu une incidence sur l'image de l'appelante et les commandes’ ; qu'en décembre 2017, la société Révillon a décidé de ne pas reconduire le contrat d'achat de nougat en raison de prix trop élevés et de la présence de mites', ce qui a occasionné une perte de chiffre d'affaires de 280.000 euros’ ; que madame [F] a fait le choix d'augmenter les tarifs de 20 à 40'% par rapport à la concurrence alors qu'en 2019 le concluant l'a alertée sur le fait que les clients acceptaient difficilement l'augmentation des prix ; que cependant, le chiffre d'affaires réalisé par le concluant est resté stable’ ; qu'en dehors des contrats annulés en raison de problèmes de qualité, il y aurait eu ainsi une augmentation de ce chiffre avant la survenue de la crise sanitaire’ ;

32. - qu'il en résulte que l'appelante a cherché depuis l'automne 2018 à obtenir la rupture du contrat d'agence sans versement d'une indemnité, en usant d'humiliations répétées, avant de prendre les devants lorsqu'elle a été avisée de l'état de santé du concluant, risquant de rompre le contrat pour ce motif avec obligation pour le mandant de régler l'indemnité de rupture sans possibilité de discussion sauf concernant son montant’ ; qu'il a été ainsi reproché au concluant des agressions verbales à l'encontre du personnel de l'appelante ; qu'à partir de l'année 2018, madame [F] a cherché à mettre en place des contacts directs avec les clients et a supprimé des réunions commerciales de sorte qu'il ne peut être reproché au concluant un manque de prospection ; que l'absence de participation du concluant à un salon résultait d'une absence d'information et de son état de santé’ ;

33. - concernant le montant de l'indemnité de rupture, que les commissions dues au concluant sont égales à 10'% de la marge réalisée’ ; que suite à la rupture du contrat, le concluant a eu recours à un découvert bancaire de 15.000 euros en septembre 2021 alors qu'un bien immobilier a été vendu en 2022’ ; qu'il est d'usage de fixer le montant du préjudice à deux ans de commissions’ ; qu'en raison d'un contrat conclu en 2011 et de sa rupture brutale, le préjudice subi est supérieur, alors que la perte subi aura des effets sur le calcul de sa pension de retraite’ ; que le préjudice subi peut ainsi être évalué à 300.000 euros’ ;

34. - concernant l'indemnité compensatrice de préavis, que le concluant devait percevoir des commissions jusqu'au 31 décembre 2020, le préavis étant de trois mois et son expiration devant coïncider avec la fin d'un mois civil’ ; qu'il en résulte que le concluant était en droit de bénéficier d'une indemnité de quatre mois (soit du 2 septembre au 31 décembre)’ ; qu'en 2019, le montant HT des commissions étant de 76.562,47 euros, le concluant est en droit d'obtenir le paiement complémentaire de 45.404,59 euros, en raison du paiement de 31.157,88 euros HT le 31 août 2020’ ;

35. - s'agissant des commissions dues au titre du client Lindt pour l'année 2020, que l'annulation des commandes en cours résulte d'un fait imputable à l'appelante en raison d'un défaut de conformité, alors que le contrat annulé représentait un chiffre d'affaires HT de 56.630 euros, avec une marge de 15.789 euros, soit une commission de 1.578 euros HT ou 1.893 euros TTC’ ;

36. - que s'agissant du contrat Révillon de l'année 2018, l'annulation des commandes résulte d'un prix trop élevé et d'un problème de conformité, avec une perte de 280.000 euros de chiffre d'affaires et de 84.000 euros de marge, soit une perte de commission de 8.400 euros HT ou 10.080 euros TTC’ ;

37. - pour le contrat Lindt de 2018, que le problème a concerné également un problème de conformité, constaté sur 14 tonnes de pistaches vendues également à d'autres clients, avec une perte de 270.000 euros’ ; que le rapport des services de la répression des fraudes ne concerne pas cette production, mais une autre, les pesticides étant différents’ ;

38. - que selon l'article 9.3 du contrat, le concluant a également droit aux commissions résultant d'affaires transmises avant la rupture du contrat, jusqu'à un mois à compter de cette rupture si elles résultent principalement de son action avant ce fait’ ; que l'appelante a conclu avec la société Nestlé Chocolat au Chili un contrat portant sur 100.000 euros HT, devant générer 3.000 euros HT de commissions’ ; que ce contrat résulte des actions du concluant’ ;

39. - que le concluant a également négocié avec la société Ranson en décembre 2019 un premier contrat sur lequel il aurait dû percevoir 918 euros de commissions, outre celles afférentes à d'autres contrats appelés à suivre, ce que l'appelante a reconnu dans son courrier du 31 août 2020’ ;

40. - s'agissant de la demande reconventionnelle pour manquement aux obligations de loyauté et d'information, que le concluant a été confronté à des absences de réponse de son mandant, lequel a parfois échangé directement avec les clients sans l'en informer, ce qui a affecté son image’ ; qu'un contrat Réauté Chocolat a été perdu en 2018, faute de réponse pendant cinq mois’ ; que lors de son arrêt de travail pour maladie en 2020, l'appelante a refusé de collaborer avec son épouse pourtant conjoint collaborateur’ ; que madame [F] a porté atteinte à l'intimité de la vie privée du concluant en divulguant auprès des salariés et des clients qu'il était en arrêt pour maladie.

41. Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS DE LA DECISION’ :

1) Concernant les motifs de la rupture’ :

42. Le tribunal de commerce a retenu qu'il est démontré que l'épouse de l'intimé travaille depuis de nombreuses années avec son époux en toute transparence, notamment avec la société Nougat Chabert et Guillot de par les nombreux échanges passés avec elle depuis 2016 avec des personnes qui occupent des postes essentiels dans la société, au service achats, comptabilité, fournisseurs, qualité mais aussi avec la direction générale antérieure à 2015. Il a également constaté que l'extrait K-bis fait bien mention du statut de conjoint collaborateur de [D] [E] et que l'attestation Urssaf démontre que madame [E] était déclarée en tant que conjoint collaborateur depuis le 1er janvier 2013 et non au 30 juin 2020 comme l'affirme la société Nougat Chabert et Guillot. Il en a retiré qu'il ne saurait donc y avoir travail dissimulé ou sous-traitance.

43. La cour constate, sur ce point, que selon l'article L134-1 du code de commerce, l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux.

44. Selon l'article L121-4, dans sa rédaction applicable lors de la conclusion du contrat d'agent commercial de monsieur [E], le conjoint du chef d'une entreprise artisanale, commerciale ou libérale qui y exerce de manière régulière une activité professionnelle opte pour l'un des statuts suivants : conjoint collaborateur, conjoint salarié ou conjoint associé. Les droits et obligations professionnels et sociaux du conjoint résultent du statut pour lequel il a opté. Le chef d'entreprise déclare le statut choisi par son conjoint auprès des organismes habilités à enregistrer l'immatriculation de l'entreprise. Seul le conjoint collaborateur fait l'objet d'une mention dans les registres de publicité légale à caractère professionnel. Cet article a fait l'objet de nombreuses modifications ultérieurement, et selon la version en vigueur lors de la résiliation du contrat le 31 août 2020, le chef d'entreprise est tenu de déclarer l'activité professionnelle régulière de son conjoint dans l'entreprise et le statut choisi par ce dernier auprès des organismes habilités à enregistrer l'immatriculation de l'entreprise. Seul le conjoint collaborateur fait l'objet d'une mention dans les registres de publicité légale à caractère professionnel. A défaut de déclaration d'activité professionnelle, le conjoint ayant exercé une activité professionnelle de manière régulière dans l'entreprise est réputé l'avoir fait sous le statut de conjoint salarié. A défaut de déclaration du statut choisi, le chef d'entreprise est réputé avoir déclaré que ce statut est celui de conjoint salarié. L'article R134-5 précise que l'agent commercial déclare, en outre, les nom, nom d'usage, prénoms, date et lieu de naissance, domicile, lorsqu'il est différent du sien, de son conjoint qui collabore effectivement à son activité professionnelle dans les conditions définies à l'article R. 121-1, selon lequel est considéré comme conjoint collaborateur le conjoint du chef d'une entreprise commerciale, artisanale ou libérale qui exerce une activité professionnelle régulière dans l'entreprise sans percevoir de rémunération et sans avoir la qualité d'associé au sens de l'article 1832 du code civil.

45. En l'espèce, le contrat signé le 1er novembre 20211 a stipulé que l'intimé exercera son activité en toute indépendance, et qu'il jouira d'une entière liberté dans l'organisation de sa prospection. Il choisira sa structure juridique et déterminera seul ses méthodes de travail, de façon autonome et sans lien quelconque de subordination avec l'appelante. Il ne pourra toutefois recourir à des sous-agents sans le consentement exprès, préalable et écrit de l'appelante. L'article 13 a précisé que le contrat est conclu intuitu personae, en fonction de la personnalité de l'agent commercial, quelle que soit la forme juridique de son entreprise.

46. Concernant le statut de madame [E], le statut de sous-agent n'a pas été revendiqué, et en application des articles susvisés et du contrat d'agent commercial, l'intimé était en droit, sans l'accord de l'appelante, de l'associer à ses activités sous le couvert du statut de conjointe collaboratrice. A ce titre, dans son mail du 24 juin 2020 informant l'appelante de son arrêt maladie, monsieur [E] lui a indiqué que son épouse, conjointe collaboratrice depuis de nombreuses années, assurera la continuité de son activité. La cour relève que le contrat d'agent commercial permettait à l'intimé de recourir à son épouse dans ce cadre, en raison de la liberté conférée dans l'organisation de son activité. Le fait que le contrat ait été conclu intuitu personae, en fonction de la personnalité de monsieur [E], n'était pas un obstacle à ce qu'il recourt à son épouse en raison de son statut de conjointe collaboratrice. A ce titre, le tribunal de commerce a justement relevé que le contrat intuitu personne n'a pas été cédé.

47. Selon l'article L134-13 du code de commerce, l'indemnité compensatrice réparant le préjudice subi par l'agent commercial en cas de cessation de ses relations avec son mandant n'est pas due lorsque la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent. Cette faute s'apprécie lors de la rupture du contrat, la lettre notifiant la rupture fixant les griefs reprochés à l'agent.

48. En la cause, l'appelante a demandé à monsieur [E] le 25 juin 2020 de lui transmettre sans délais les documents justifiant de la déclaration d'option de son épouse au statut de conjoint collaborateur. Elle a réitéré cette demande le 30 juin 2020 en demandant également de justifier de la signature d'un engagement de confidentialité de madame [E]. L'intimé n'a pas donné suite à ces demandes, en indiquant seulement, par mail du 2 juillet 2020, que le travail de son épouse à ses côtés n'avait jamais posé de problème. Ce n'est finalement qu'à la fin du mois de juillet 2020 qu'il a transmis à l'appelante un extrait d'immatriculation sur le registre spécial des agents commerciaux, identifiant son épouse comme collaborant à son activité commerciale depuis le 1er janvier 2014. L'appelante lui a demandé en retour de justifier également de la déclaration d'option au statut de conjoint collaborateur auprès du Centre de formalités des entreprises.

49. La cour constate que selon l'article R123-3 du code de commerce, tant dans sa rédaction en vigueur lors de l'immatriculation de madame [E] que dans ses versions ultérieures, les greffes des tribunaux de commerce ou des tribunaux de grande instance statuant commercialement créent et gèrent les centres compétents pour les agents commerciaux. Ils exercent à cet égard les fonctions dévolues aux centres de formalités des entreprises. En conséquence, madame [E] a bien été déclarée comme collaborant à l'activité de son époux, ce que constate l'extrait délivré par le greffe et adressé par l'intimé fin juillet 2020. Il en résulte que monsieur [E] n'avait pas à justifier à l'appelante de la déclaration d'option de son épouse au statut de conjoint collaborateur, puisque cet extrait délivré par le greffe mentionnait bien la qualité de conjointe collaboratrice de madame [E], depuis le 1er janvier 2014. L'appelante était de ce fait mal fondée à invoquer une absence de déclaration de madame [E]. Elle ne pouvait se prévaloir d'une sous-traitance ou d'un travail dissimulé, pouvant engager sa responsabilité. Il en résulte que ce grief n'a pu fonder l'existence d'une faute grave exonérant le mandant du paiement de l'indemnité compensatrice prévue à l'article L134-12 du code de commerce.

50. Concernant le respect du caractère intuitu personae stipulé au contrat, le tribunal a exactement retenu que monsieur [E] n'a pas cédé ses droits et obligations à son épouse. Peu importe à cet égard que madame [E] ait exercée ou non seulement des tâches administratives, puisqu'elle pouvait, en sa qualité de conjointe collaboratrice, participer à l'activité de son époux.

51. Concernant la confidentialité des données, l'article 13 du contrat d'agence a stipulé que monsieur [E] s'engage à ne pas divulguer d'informations confidentielles et à n'utiliser ces informations que dans le cadre de la bonne exécution du contrat. Il prendra toute précaution utile pour prévenir une divulgation interdite par ses employés ou les professionnels travaillant pour son compte.

52. La cour note que madame [E] était connu de l'appelante depuis de nombreuses années, selon les nombreux mails produits, puisqu'elle transmettait des commandes émanant de clients. L'appelante reconnaît d'ailleurs dans ses conclusions que madame [E] intervenait auprès d'elle afin d'assurer la ventes de certains produits. Il est justifié que madame [E] adressait à l'appelante des factures de commissions, sous l'en-tête «'Candy'Nuts'», laquelle est également celle sous laquelle exerçait son époux. Il en résulte que cette personne exerçait, outre son activité de conjointe collaboratrice de l'intimé, une activité personnelle auprès de l'appelante. L'appelante est ainsi mal fondée à invoquer une faute prise d'un défaut d'information de l'intimé.

53. En réponse à la sollicitation de l'appelante sur les mesures prises à ce titre eu égard au statut de madame [E], l'intimé a seulement proposé à l'appelante une protection supplémentaire en messagerie cryptée. La cour ne peut ainsi que constater que l'intimé n'a pas justifié des précautions utilisées pour prévenir une divulgation d'informations confidentielles par son épouse. Cependant, compte tenu du statut de madame [E], de son action auprès de l'appelante depuis plusieurs années, ainsi que de l'absence de tout élément indiquant que madame [E] ait méconnu cette obligation, il n'est pas justifié que le manquement invoqué ait constitué une faute grave justifiant l'absence de paiement de l'indemnité compensatrice due à l'agent commercial.

54. Concernant l'absence de visite de la clientèle, le tribunal a retenu l'effet du contexte sanitaire et de la pandémie de la Covid 19 au cours de l'année 2020’ ; que la prospection commerciale ne faisait pas partie des motifs dérogatoires pour pouvoir se déplacer durant le premier confinement’ ; que le télétravail fortement encouragé ne permettait pas de rencontrer les personnes décisionnaires’ ; que l'intimé a été en arrêt de travail du 24 juin 2020 au 24 juillet 2020’ ; que depuis 2017, plusieurs gros fournisseurs ont annulé des commandes afin de dénoncer des problèmes de qualité, notamment Lindt qui représentait un chiffre d'affaires de 56.630 euros et Révillon pour 280.000 euros’ ; que la perte de plusieurs clients a eu un impact sur la baisse du chiffre d'affaires de l'appelante sans qu'aucune faute ne soit imputable à monsieur [E] (présence de pesticide dans les pistaches, présence d'asticots et de mites)’ ; que l'appelante avait décidé de majorer ses tarifs entre 20% et 40 %, ce qui a amené certains clients à se détourner de celle-ci et à chercher d'autres fournisseurs’ ; que l'intimé a informé la direction dès novembre 2019 des difficultés qu'il rencontrait pour faire accepter ces hausses’ ; que le chiffre d'affaires de l'intimé est resté stable malgré la perte de contrats et la crise sanitaire.

55. Le tribunal en a retiré que l'appelante ne rapporte pas la preuve d'une baisse du chiffre d'affaires qui serait imputable à une faute de l'intimé, et que si l'insuffisance des résultats de l'agent commercial peut être une cause de rupture du contrat, elle ne saurait être qualifiée de faute grave et ne peut dispenser le mandant du versement de l'indemnité de rupture et du respect du préavis.

56. La cour ne peut que confirmer ces motifs, parfaitement établis au regard du nombre volumineux de pièces produites par monsieur [E]. Il est justifié de l'augmentation des prix par l'appelante, générant des difficultés auprès de sa clientèle, ainsi que des problèmes sanitaires rencontrés concernant certaines denrées commercialisées auprès de grands groupes agro-alimentaires. Le grief pris d'une absence suffisante de prospection ne peut être retenu.

57. En conséquence, la cour conclut que le tribunal a exactement retenu que l'appelante ne rapporte pas la preuve d'une faute imputable à l'intimé, d'une gravité suffisante pour l'exonérer du paiement de l'indemnité compensatrice résultant de la résiliation du contrat d'agent commercial et de l'indemnité de préavis.

2) Concernant les commissions dues à l'intimé’ :

58. Concernant le paiement des commissions dues en application du contrat d'agent commercial, le tribunal a indiqué que le montant de la commission est égal à 10% de la marge réalisée par la société Nougat Chabert et Guillot’ ; que selon l'article 6-3 du contrat, le droit à commissions ne sera pas acquis en cas d'inexécution de l'opération pour des motifs non imputables à la société, notamment en cas de force majeure empêchant l'exécution du contrat ou en cas d'exécution fautive par le client. Il a retenu que selon les pièces versées à l'appui de ses demandes, l'intimé reste créancier des commissions au titre de différents contrats annulés lorsque l'inexécution est imputable à l'appelante, notamment pour des problèmes de qualité, et que la perte des contrats relevant de litiges (Lindt 2018, Révillon 2015), est d'une part antérieure à la rupture du contrat d'agent commercial ou n'est pas imputable à la société Nougat Chabert et Guillot. En conséquence, le tribunal a dit que l'intimé a droit au paiement des commissions Lindt 2020 pour un montant de 1.893 euros TTC, contrat annulé pour défaut de conformité reconnu par l'appelante.

59. La cour indique, sur ce point, que la perte de certains clients provient de l'augmentation des prix pratiqués par l'appelante ainsi que de problèmes de conformité concernant les produits livrés par elle et sur lesquels elle a ainsi la maîtrise. Il ne s'agit pas ainsi de motifs permettant de l'exonérer des commissions dues au titre de contrats perdus pour ces motifs. Il en résulte que le tribunal a justement retenu le paiement des commissions Lindt 2020. Par contre, il n'a pu évincer le paiement des commissions Lindt 2018 et Révillon 2015, procédant des mêmes principes. En conséquence, la cour fera droit aux demandes de l'intimé portant sur ces commissions, à hauteur respectivement de 7.200 euros TTC et de 10.080 euros TTC.

60. Le tribunal a également constaté que selon l'article 9-3-1 du contrat d'agent commercial, en cas de cessation pour quelque motif que ce soit, monsieur [E] peut prétendre aux commissions sur toutes les affaires résultant d'un ordre transmis antérieurement à la rupture du contrat et sur les affaires conclues dans un délai d'un mois à compter de la rupture du contrat, si elles résultent principalement de son action sur le secteur avant la cessation du contrat. En conséquence, il a condamné la société Nougat Chabert et Guillot à payer la somme de 1.102,20 euros au titre des ventes Ranson Industrie.

61. La cour constate que les ventes Ranson Industrie sont intervenues pour le compte de la société Vandemoortele, celle-ci ne souhaitant pas référencer un autre fournisseur. Par courrier du 31 août 2020, l'appelante a cependant accepté de régler à l'intimé les commissions dues au titre de ces ventes, même si elles n'ont pas fait l'objet d'ordre direct de la part de la société Vandemoortele, au motif que l'intimé a eu une action directe sur ce client en lui précisant que les produits étaient référencés chez Ranson Industrie. L'intimé justifie des contacts pris avec la société Vandemoortele concernant la fourniture de trois tonnes d'ingrédients, pour un montant de 28.705 euros, générant une marge de 9.185 euros pour l'appelante, marge à partir de laquelle il a calculé sa commission de 10'%. Il en résulte que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné l'appelante à lui payer cette commission.

62. Concernant les commissions de la vente Nestlé Chocolat au Chili, le tribunal a rejeté la demande suite à l'accord de monsieur [E] selon mail du 10 octobre 2019. La cour ne peut que constater la réalité de cet accord afin que l'appelante traite ce marché en direct, afin de ne pas être pénalisée par les frais résultant de l'intervention de l'intimé et de conserver sa compétitivité. Le contrat d'agence a en effet stipulé que le territoire géographique concerné était le territoire métropolitain, sauf dérogation devant figurer dans une annexe, non produite.

3) Concernant le calcul de l'indemnité compensatrice :

63. Le tribunal a précisé que selon l'article L.134-12 du code de commerce, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi’ ; que le versement de deux années de commissions est prévu par l'usage au titre de cet article. Au vu des éléments produits par l'intimé concernant le calcul de l'indemnité due, le tribunal a retenu qu'en 2019, le montant TTC des commissions facturées par [H] [E] s'est élevé à 88.874,97 euros’ ; qu'en 2018, ce montant s'est élevé à 106.212,92 euros, soit au total la somme de 195.087,89 euros. Le tribunal a conclu que l'intimé est bien fondé à réclamer à l'appelante la somme de 195.087,89 euros au titre de l'indemnité de rupture.

64. La cour relève qu'il est effectivement d'usage que l'indemnité soit calculée sur la base des deux dernières années de commissions perçues par l'agent commercial. Le paiement de cette indemnité est d'ordre public, et l'agent ne perd le droit à réparation que pour les causes prévues par la loi. En conséquence, l'appelante est mal fondée à soutenir que monsieur [E] ne justifie pas d'un préjudice en raison d'un prochain départ en retraite. D'ailleurs, en cas de décès de l'agent commercial, l'article L134-12 alinéa 3 prévoit le bénéficie de l'indemnité compensatrice au profit des ayants droit de l'agent décédé.

65. L'indemnité compensatrice se calcule cependant sur l'ensemble des rémunérations brutes perçues par l'agent commercial. Il s'agit ainsi notamment des commissions perçues hors TVA, puisque celle-ci n'est pas acquise au mandant, mais est recouvrée pour le compte de l'État. En outre, l'indemnité compensatrice visant la réparation du préjudice subi par l'agent n'est pas assujettie à la TVA.

66. Cette indemnité doit être arrêtée à la date de la résiliation du contrat, en l'espèce le 31 août 2020 comme soutenu par l'appelante. Il convient ainsi de prendre en compte l'ensemble des rémunérations brutes perçues par monsieur [E] entre le 31 août 2018 et le 31 août 2020. A cet égard, l'appelante produit le tableau des commissions versées à monsieur [E], duquel il résulte que sur cette période, la somme totale de 145.209,31 euros HT a été versée à l'intimé.

67. Il a été indiqué plus haut que les commissions sont dues à l'intimé pour les dossiers Lindt 2020 et Ranson Industrie. Ces commissions doivent ainsi être intégrées, pour leur montant HT, au montant retenu plus haut résultant du tableau produit par l'appelante. Il convient ainsi d'ajouter à la somme de 145.209,31 euros HT celles de 1.577,50 euros HT (Lindt 2020) et de 918,50 euros HT (Ranson Industrie). Le montant total de l'indemnité compensatrice est ainsi de 147.705,31 euros.

68. Il en résulte que le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné l'appelante à régler à ce titre la somme de 195.087,89 euros. Statuant à nouveau, la cour condamnera l'appelante à payer à monsieur [E] la somme de 147.705,31 euros.

4) Concernant l'indemnité de préavis’ :

69. S'agissant de l'indemnité compensatrice de préavis, le tribunal a dit que la preuve de la faute grave n'étant pas rapportée, [H] [E] devait bénéficier d'un préavis d'une durée de trois mois qui aurait dû se terminer le 31 décembre 2020. Le préavis n'ayant pas été pas respecté, il a conclu que l'intimé peut légitiment prétendre à une indemnité compensatrice de 14.021,04 euros, calculée sur la base de la somme de 4.673,68 euros / mois.

70. La cour note que le contrat a été conclu à durée indéterminée. A compter de la troisième année de son application, l'article 9.1 a prévu que le préavis sera de trois mois en cas de résiliation. Il s'agit de la reprise du délai prévu à l'article L134-11 du code de commerce. En l'absence de faute grave justifiant la résiliation du contrat d'agence, il en résulte que l'indemnité de préavis est due par l'appelante.

71. Concernant le calcul de cette indemnité, la rupture du contrat d'agent commercial a été notifiée le 31 août 2020 et il n'est pas contesté que la réception de la lettre notifiant cette rupture est intervenue le 2 septembre 2020. Si l'article 9.1 du contrat stipule que le délai de préavis court à compter du jour de la réception de cette lettre, il ne prévoit pas, comme soutenu par l'intimé, que son expiration doit coïncider avec la fin d'un mois civil. En conséquence, l'indemnité de préavis ne représente que trois mois de commission, et non quatre comme soutenu par monsieur [E].

72. Au regard du montant des commissions versées à l'intimé, l'indemnité de préavis sera ainsi fixée à 18.463,16 euros. Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a alloué à l'intimé la somme de 14.021,04 euros.

5) Concernant la demande de dommages et intérêts de monsieur [E]’ :

73. En tout état de cause, la cour relève que la preuve d'un préjudice moral n'est pas rapportée. Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.

74. Il résulte enfin du sens du présent arrêt qu'il est équitable de condamner l'appelante à payer à monsieur [E] la somme complémentaire de 4.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile. Elle sera en outre condamnée aux dépens exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu les articles L134-1 et suivants, l'article L121-4 du code de commerce ;

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a’ :

- condamné la société Nougat Chabert et Guillot à payer à [H] [E] la somme de 195.087.89 euros au titre de l'indemnité de rupture’ ;

- condamné la société Nougat Chabert et Guillot à payer à [H] [E] la somme de 14.021,04 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis’ ;

- rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires ;

Confirme le jugement déféré en ses autres dispositions soumises à la cour ;

statuant à nouveau’ ;

Condamne la société Nougat Chabert et Guillot à payer à [H] [E] la somme de 147.705,31 euros au titre de l'indemnité de rupture’ ;

Condamne la société Nougat Chabert et Guillot à payer à [H] [E] la somme de 18.463,16 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

Condamne la société Nougat Chabert et Guillot à payer à [H] [E] les sommes de’ :

- 10.080 euros TTC au titre des commissions Révillon 2018’ ;

- 7.200 euros TTC au titre des commissions Lindt 2018’ ;

y ajoutant  ;

Condamne la société Nougat Chabert et Guillot à payer à [H] [E] la somme de 4.000 euros au titre des frais engagés par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel’ ;

Condamne la société Nougat Chabert et Guillot aux dépens exposés en cause d'appel’ ;