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Décisions

Cass. com., 17 janvier 2024, n° 22-19.451

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

M. Riffaud

Avocat général :

Mme Henry

Avocats :

SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SARL Delvolvé et Trichet

Rennes, du 7 juin 2022

7 juin 2022

Intervention

1. Il est donné acte au Conseil national des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires de son intervention volontaire au soutien de la société [L] [S], en sa qualité de liquidateur de la société Silicia Glass.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 7 juin 2022), le 28 août 2019, la société Silicia Glass a été mise en redressement judiciaire. Cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire par un jugement du 2 décembre 2019, la société [L] [S] étant désignée en qualité de liquidateur.

3. L'UNEDIC, en son Centre de gestion et d'études - AGS (CGEA) de [Localité 5], gestionnaire de l'Association de garantie des salaires (l'AGS), ayant avancé différentes rémunérations dues aux salariés de la société Silicia Glass, le liquidateur a saisi le juge-commissaire d'une requête aux fins d'être autorisé à lui régler, à titre provisionnel, la créance superprivilégiée qui en était résultée.

Examen des moyens

Sur le second moyen

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Et sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Le liquidateur fait grief à l'arrêt d'infirmer l'ordonnance du juge-commissaire en ce qu'elle a dit que le paiement autorisé au profit de l'AGS au titre de la créance superprivilégiée serait fait à titre provisionnel et que les fonds indûment versés devraient être restitués sur première demande du liquidateur en application des dispositions de l'article R. 643-2 du code de commerce, alors :

« 1°/ que la subrogation transmet à son bénéficiaire, dans la limite de ce qu'il a payé, la créance et ses accessoires, à l'exception des droits exclusivement attachés à la personne du créancier ; que le droit à un paiement prioritaire de la créance garantie par le superprivilège des salaires sur les fonds disponibles et les premières rentrées, prévu par l'article L. 625-8 du code de commerce, déroge à la règle de l'interdiction du paiement des créances antérieures à l'ouverture de la procédure, en raison de la nature alimentaire de la créance salariale ; que ce droit est dès lors exclusivement attaché à la personne du salarié ; que l'AGS subrogée dans les droits des salariés pour lesquels elle a réalisé des avances au titre des créances garanties par le privilège prévu à l'article L. 3253-2 pour les rémunérations de toute nature dues aux salariés pour les soixante derniers jours de travail, peut seulement se prévaloir du droit d'être payée par préférence sur toute autre créance privilégiée lors de la répartition de l'actif, mais ne peut bénéficier d'un droit au paiement prioritaire et définitif de sa créance sur les fonds disponibles et les premières rentrées ; qu'elle ne peut obtenir tout au plus qu'un paiement à titre provisionnel sur autorisation du juge-commissaire, les fonds indûment versés devant être restitués ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 625-8 du code de commerce, L. 3253-16 du code du travail et 1346-4 du code civil ;

2°/ qu'à supposer que l'AGS qui a réalisé des avances au titre des créances garanties par le privilège prévu à l'article L. 3253-2 pour les rémunérations de toute nature dues aux salariés pour les soixante derniers jours de travail, soit subrogée dans les droits des salariés au bénéfice du paiement prioritaire prévu par l'article L. 625-8 du code de commerce, ce droit à un paiement prioritaire ne l'autorise pas à échapper à l'obligation faite à tout créancier qui a reçu un paiement en violation de la règle de l'égalité des créanciers chirographaires ou par suite d'une erreur sur l'ordre des privilèges, de restituer les sommes ainsi versées ; que dès lors, quand bien même elle serait subrogée dans le droit des salariés à un paiement prioritaire des créances superprivilégiées, les sommes versées par avance à l'AGS au titre de ces créances ne peuvent l'être qu'à titre provisionnel et doivent être restituées le cas échéant notamment pour permettre de faire face aux frais et dépens de la liquidation judiciaire exposés dans l'intérêt de tous les créanciers y compris de l'AGS ; qu'en décidant que le juge-commissaire ne pouvait décider que les sommes ainsi versées l'étaient à titre provisionnel, la cour d'appel a violé les articles L. 625-8, L. 643-7-1, L. 643-8 et L. 643-3 dans leur rédaction applicable à la cause et R. 643-2 du code de commerce ;

3°/ qu'en toute hypothèse, le droit au paiement prioritaire des créances bénéficiant du superprivilège des salaires prévu par l'article L. 625-8 du code de commerce est sans application à une procédure de liquidation judiciaire qui plus est comme en l'espèce, sans poursuite d'activité ; que dès lors l'AGS qui a réalisé des avances au titre des créances garanties par le privilège prévu à l'article L. 3253-2 pour les rémunérations de toute nature dues aux salariés pour les soixante derniers jours de travail dans une procédure de liquidation judiciaire sans poursuite de l'activité, ne pouvait se prévaloir du droit au paiement prioritaire prévu par l'article L. 625-8 du code de commerce, pour échapper au caractère provisionnel du paiement de sa créance ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué a violé l'article L. 625-8 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

6. D'une part, l'article L. 625-8 du code de commerce, rendu applicable à la liquidation judiciaire de la société Silicia Glass par l'article L. 641-14, alinéa 1er, du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021, prévoit que, nonobstant l'existence de toute autre créance, les créances que garantit le privilège établi aux articles L. 143-10 [L. 3253-2 et L. 3253-3], L. 143-11 [L. 3253-4], L. 742-6 et L. 751-15 [L. 7313-8] du code du travail doivent, sur ordonnance du juge-commissaire, être payées dans les dix jours du prononcé du jugement ouvrant la procédure par le débiteur ou, lorsqu'il a une mission d'assistance, par l'administrateur, si le débiteur ou l'administrateur dispose des fonds nécessaires et que, à défaut de disponibilités, ces sommes doivent être acquittées sur les premières rentrées de fonds.

7. D'autre part, il résulte du 2° de l'article L. 3253-16 du code du travail, que, lors d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, les institutions de garantie mentionnées à l'article L. 3253-14 de ce code sont subrogées dans les droits des salariés pour lesquels elles ont réalisé des avances, pour les créances garanties par le privilège prévu aux articles L. 3253-2, L. 3253-4 et L. 7313-8, et les créances avancées au titre du 3° de l'article L. 3253-8 du même code.

8. La subrogation dont bénéficient les institutions de garantie ayant pour effet de les investir de la créance des salariés avec tous ses avantages et accessoires, présents et à venir, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que le superprivilège garantissant le paiement de leurs créances, lequel n'est pas exclusivement attaché à la personne des salariés, est transmis à l'AGS qui bénéficie ainsi du droit à recevoir un paiement qui, opéré sur les premières rentrées de fonds de la procédure collective et hors le classement des différentes créances sujettes à admission, ne constitue pas un paiement à titre provisionnel opéré sur le fondement de l'article L. 643-3, alinéa 1, du code de commerce et ne peut ainsi donner lieu à répétition.

9. Le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.