Décisions
CA Limoges, ch. soc., 18 janvier 2024, n° 22/00706
LIMOGES
Arrêt
Autre
ARRET N° .
N° RG 22/00706 - N° Portalis DBV6-V-B7G-BIMA3
AFFAIRE :
Mme [G] [O] épouse [R]
C/
S.A.S. EURO PLV inscrite au RCS de LIMOGES sous le n° 379 293 665, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice
GV/MS
Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution
Grosse délivrée à Me Solange DANCIE, Me Philippe CHABAUD, le 18-01-24.
COUR D'APPEL DE LIMOGES
Chambre sociale
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ARRET DU 18 JANVIER 2024
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Le DIX HUIT JANVIER DEUX MILLE VINGT QUATRE la chambre économique et sociale a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe:
ENTRE :
Madame [G] [O] épouse [R]
née le 30 Juin 1972 à [Localité 2] (92), demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Philippe CHABAUD de la SELARL SELARL CHAGNAUD CHABAUD & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LIMOGES
APPELANTE d'une décision rendue le 05 SEPTEMBRE 2022 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE LIMOGES
ET :
S.A.S. EURO PLV inscrite au RCS de LIMOGES sous le n° 379 293 665, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Solange DANCIE de la SCP SCP DEBLOIS DANCIE, avocat au barreau de LIMOGES
INTIMEE
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Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l'affaire a été fixée à l'audience du 04 Décembre 2023. L'ordonnance de clôture a été rendue le 08 novembre 2023.
La Cour étant composée de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, de Madame Géraldine VOISIN et de Madame Valérie CHAUMOND, Conseillers, assistés de Mme Sophie MAILLANT, Greffier. A cette audience, Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, a été entendu en son rapport oral, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.
Puis Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 18 Janvier 2024 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
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LA COUR
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EXPOSE DU LITIGE
Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 17 mai 2005 à effet au 15 juin 2005, la société EURO PLV a engagé Mme [G] [O] épouse [R] en qualité de technico-commerciale (statut agent de maîtrise), moyennant un salaire brut mensuel de 2 300 €, outre des commissions de 2 % sur le chiffre d'affaires, pour 35 heures de travail hebdomadaire.
Elle était chargée en cette qualité de la vente, au nom et pour le compte de la société EURO PLV, des articles suivant : PLV, packaging et tous autres articles en carton, PVC ou métal sur le secteur de [Localité 6] et la région parisienne.
Un entretien a eu lieu entre Mme [R] et la direction de la société EURO PLV le 11 mars 2020.
Elle a été placée en arrêt maladie le 14 mars 2020, arrêt de travail renouvelé par la suite.
Postérieurement à la saisine de la juridiction prud'homale du 6 avril 2021, Mme [R] a effectué une visite de pré-reprise le 23 mars 2022.
Le 7 avril 2022, le médecin du travail a émis un avis d'inaptitude avec la mention 'inapte définitif au poste d'agent technico-commercial. L'état de santé de Mme [R] ne permet pas un reclassement interne'.
Par lettre recommandée avec accusé réception du 8 avril 2022, la société EURO PLV a convoqué Mme [R] à un entretien préalable à son licenciement prévu le 15 avril suivant.
Par lettre recommandée avec accusé réception du 20 avril 2022, la société EURO PLV lui a notifié son licenciement pour inaptitude avec impossibilité de reclassement.
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Mme [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Limoges le 6 avril 2021 aux fins de voir prononcer la résiliation de son contrat de travail aux torts exclusifs de la société EURO PLV et obtenir paiement de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis.
Par jugement avant dire droit du 31 janvier 2021, le conseil de prud'hommes de Limoges a ordonné la réouverture des débats pour production des éléments suivants :
- registre du personnel de la société EURO PVL,
- périmètre de l'activité de Mme [R] sous la direction de sa supérieure hiérarchique Mme [J],
- organigramme des différentes fonctions et différents postes de la direction avec description des fonctions - cotations éventuelles - qualifications, classifications tant pour les cadres que les chargés d'affaires,
- élément du CRM sur l'activité de Mme [R],
- avenants s'il y a au cours de sa carrière,
- entretiens annuels entre Mme [R] et sa hiérarchie depuis 2015,
- tout document récapitulant les objectifs annuels fixés à Mme [R] par sa direction.
Par jugement du 5 septembre 2022, le conseil de prud'hommes de Limoges a :
- dit les demandes de Mme [R] recevables et bien fondées ;
- condamné la société EURO PLV à lui verser la somme de 1 867,50 € net à titre de rappel de l'indemnité de licenciement ;
- condamné la société EURO PLV à verser à Mme [R] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
- débouté les parties de toutes les autres demandes.
Mme [R] a interjeté appel de ce jugement le 27 septembre 2022.
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Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 2 octobre 2023, Mme [G] [R] demande à la cour de :
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a jugé ses demandes recevables et bien fondées et condamné la société EURO PLV à lui verser une indemnité au titre du rappel de l'indemnité de licenciement ainsi qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;
- le réformer en ce qu'il l'a déboutée de toutes ses autres demandes et a limité la condamnation de la société au versement d'une somme de 1 867,50 € à titre de rappel de l'indemnité de licenciement ;
Et, statuant à nouveau,
- fixer la moyenne de ses rémunérations à 10 316 € à titre principal ou, à titre subsidiaire, 9 060 € ;
- condamner la société EURO PLV à lui verser les sommes de :
* 27 859,72 € brut au titre du rappel de salaire pour heures supplémentaires au titre des années 2018 à 2020, outre 2 785,97 € brut de congés payés y afférent,
* 11 303,32 € net au titre des repos compensateurs de remplacement non attribués au titre des années 2018 et 2019,
* 61 896 € net de dommages-intérêts pour travail dissimulé,
* 123 792 € net au de dommages-intérêts en réparation de l'inégalité de traitement et de la discrimination subie,
* 123 792 € net de dommages-intérêts en réparation du harcèlement moral subi,
* 65 016 € net de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour non-respect par la société employeur de son obligation de sécurité de résultat,
* 154 740 € net de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour licenciement nul, ou, à titre subsidiaire, 139 266 € net en réparation du préjudice subi pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 4 848,20 € net au titre du rappel de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
* 9 300 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 930 € brut au titre des congés payés y afférents,
* 10 316 € au titre du non-respect de la procédure de licenciement
* 7 750,12 € au titre des congés payés acquis au cours de l'arrêt maladie ;
En tout état de cause,
- solliciter l'obligation pour la société EURO PLV de remettre les documents modifiés (bulletins de salaire, attestation Pôle Emploi) sous astreinte de 300 € par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir ;
- condamner la société EURO PLV au paiement de la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonner le versement des intérêts à taux légal sur le fondement de l'article 1352-6 du code civil et ce, à compter de la date de saisine du conseil de prud'hommes ;
- ordonner la capitalisation des intérêts, en application des dispositions de l'article 1342-2 du code civil ;
- condamner la société EURO PLV aux entiers dépens de première instance et d'appel, en accordant pour ces derniers à Maître CHABAUD, avocat, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile, et ce compris ceux éventuels d'exécution ;
- débouter la société EURO PLV de ses demandes, fins et prétentions, et notamment toute demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de l'ensemble de ses demandes.
Mme [R] soutient qu'elle a réalisé de nombreuses heures supplémentaires sans être ni payées ni récupérées. Elle explique avoir fait l'objet d'une surcharge de travail conséquente et pérenne ne lui permettant pas de réaliser ses fonctions dans les 35 heures contractuellement prévues. Ainsi, la société s'est rendue coupable de travail dissimulé.
Elle soutient avoir fait l'objet de discrimination à raison de son sexe, l'employeur lui ayant refusé de manière abusive la qualification de cadre, malgré ses sollicitations réitérées.
En outre, elle dit avoir été victime de harcèlement moral caractérisé notamment par une modification unilatérale de sa rémunération, une dévalorisation constante, une attitude méprisante de la part de sa hiérarchie, une exposition délibérée à une surcharge de travail, un rendez-vous 'à charge' du 11 mars 2020 et l'attitude persistante de mise à l'écart, y compris pendant son arrêt maladie. L'ensemble de ces atteintes a eu de graves conséquences sur son état de santé.
La société EURO PLV a donc manqué à son obligation de sécurité de résultat dont l'indemnisation peut se cumuler avec celle allouée au titre du harcèlement moral.
Elle se dit dès lors fondée à voir prononcer la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur au regard de la gravité des manquements commis par celui-ci, ayant empêché la poursuite du contrat de travail.
A titre subsidiaire, les manquements caractérisés de la société EURO PLV justifient la requalification de son licenciement pour inaptitude en licenciement nul et, à tout le moins, sans cause réelle et sérieuse. Elle fait en effet valoir que l'inaptitude à l'origine du licenciement trouve sa cause dans les faits de harcèlement dont elle a été victime.
Enfin, l'employeur n'a pas respecté la procédure de licenciement en ne respectant le délai de 5 jours prévu par l'article L.1232-2 du code du travail.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 3 novembre 2023, la société EURO PLV demande à la cour de :
- confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions ;
- déclarer mal fondé l'appel de Mme [R] et la débouter de l'intégralité de ses demandes ;
- par application de l'article L. 3121-1 du code du travail, débouter Mme [R] de ses demandes en rappel de salaires pour heures supplémentaires ;
- subsidiairement, en application de l'article L. 3245-1 du code du travail, déclarer prescrites les demandes antérieures au 6 avril 2018, la demande en justice étant du 6 avril 2021 ;
En toute hypothèse,
- juger que Mme [R] ne présente pas d'éléments permettant de retenir ses demandes en paiement d'heures supplémentaires ;
- débouter Mme [R] de l'ensemble de ses demandes ;
- juger que l'indemnité tant conventionnelle que légale de licenciement de Mme [R] s'élevait à la somme de 43 538 € alors qu'il lui a été versé la somme de 43 835 € ;
- juger que l'indemnité de congés payés afférente à l'arrêt de travail pour maladie, au-delà de la période déjà indemnisée en application de la convention collective a été réglée à hauteur de 20 878,35 € brut, sur la base du salaire retenu pour le calcul de l'indemnité de licenciement et pour la période au-delà de celle qui lui a été conventionnellement indemnisée ;
- condamner Mme [R] à lui payer une indemnité de 8 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens et aux éventuels frais d'exécution de la décision à intervenir.
La société EURO PLV soutient que la demande de Mme [R] au titre des heures supplémentaires n'est pas infondée, la salariée ne produisant aucun élément de nature à établir leur réalité. Elle rappelle qu'elle contrôle le temps de travail de ses salariés commerciaux conformément aux dispositions légales, mais sans moyen de surveillance électronique, ceux-ci disposant d'une grande liberté dans l'organisation de leur temps de travail.
Mme [R] ne rapporte d'ailleurs pas la preuve du caractère intentionnel de la prétendue dissimulation que la société conteste.
La société EURO PLV fait valoir que c'est de manière parfaitement légitime qu'elle a refusé le statut cadre à Mme [R], sa qualification correspondant aux fonctions réellement exercées par elle d'agent technico-commercial, statut agent de maîtrise, aucune discrimination fondée sur le sexe ne pouvant être caractérisée en l'espèce.
La société EURO PLV conteste tout harcèlement moral commis à l'égard de Mme [R], aucun des faits allégués ne pouvant en outre le caractériser. Son état de santé s'est certainement dégradé, mais sans relation avec son travail.
La procédure de licenciement suivie était régulière, Mme [R] n'indiquant en tout état de cause pas en quoi elle aurait subi un préjudice du fait de cette prétendue irrégularité.
Le licenciement pour inaptitude de Mme [R] est fondé sur l'avis d'inaptitude émis par la médecine du travail, sans qu'elle ait une origine professionnelle.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 novembre 2023.
SUR CE,
I Sur les heures supplémentaires
Il résulte des dispositions des articles L. 3121'27 à L. 3121'29 du code du travail que la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à 35 heures par semaine, que toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent et que les heures supplémentaires se décomptent par semaine.
L'article L. 3171-4 du code du travail dispose que ' En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable'.
En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires.
Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
En l'espèce, Mme [R] produit à l'appui de sa demande :
' un tableau journalier établi en janvier 2018 et entre juillet 2019 et mars 2020 précisant les horaires et le nombre d'heures travaillées par jour et par semaine avec le nombre d'heures supplémentaires réalisées par semaine,
' son agenda Outlook de janvier 2018 à mars 2020,
' des mails adressés par elle ou en réponse du 3 janvier 2018 au 31 janvier 2018 et du 2 mars 2020 au 14 mars 2020,
' une liste de mails adressés ou répondus par elle du 9 juillet 2019 au 18 juin 2020,
' des attestations.
Ces éléments, notamment le tableau journalier, l'agenda Outlook et les mails, sont suffisamment précis pour que l'employeur puisse y répondre.
Ce dernier produit un relevé des frais de déplacement en voiture de Mme [R] (essence et télépéage) entre le 28 juin 2019 le 9 mars 2020 duquel il ressort que cette dernière travaillait la plupart du temps dans le cadre d'horaires journaliers non excessifs pour un salarié travaillant 35 heures par semaine (en général entre 9 heures et 18 heures).
La société EURO PLV produit également des relevés de frais de téléphone, repas et stationnement qui ne font pas état de dépassement d'horaires anormaux.
Le logiciel CMR permettant la consultation des comptes clients a fait l'objet d'un piratage informatique, comme la société EURO PLV en justifie (plainte pénale du 20 août 2021 et attestation de la société Koesio du 9 mars 2022).
La société EURO PLV a procédé également à l'analyse des mails produits par Mme [R] entre juillet 2019 et mars 2020. Or, il ressort effectivement de cette analyse, confrontée aux mails, que les horaires auxquels ils ont été envoyés ou reçus excèdent rarement l'amplitude journalière comprise entre 9 heures et 18 heures, ce qui est confirmé par l'agenda outlook de janvier 2018 à mars 2020. De plus, il existe des coupures dans la journée ne correspondant pas à des rendez-vous, et des temps de récupération selon les semaines.
Enfin, l'examen du contenu de ces mails en mars 2020 (seuls mails produits en intégralité) ne conduit pas à considérer que ceux adressés avant 8 heures 30 ou après 18 heures correspondaient à des tâches urgentes et/ou nécessaires. Par exemple le 12 mars 2020 à 19 heures 25 : 'Top Bise très bonne soirée [G] [O]-[R]'.
Mme [R] produit également des attestations de collègues et de clients indiquant qu'elle était particulièrement compétente et disponible, ce qui n'est pas suffisamment pour démontrer la réalisation d'heures supplémentaires.
Un ancien collègue commercial atteste néanmoins : 'nous faisions tous plus de 35 heures par semaine. Ce n'est pas possible autrement en générant plus d'un million d'euros de CA en comptant les déplacements, les rendez-vous et le travail à la maison en plus du bureau'. Mais cette attestation n'est pas suffisamment précise pour remettre en cause les mails produits dont il est fait état ci-dessus qui ne démontrent pas la réalisation d'heures supplémentaires, ce d'autant plus que Mme [R] bénéficiait de l'aide d'une assistante administrative.
Mme [R] doit donc être déboutée de ses demandes en paiement de rappel de salaires d'heures supplémentaires, ainsi qu'au titre des repos compensateurs et du travail dissimulé.
Le jugement sera donc confirmé de ces chefs.
II Sur la discrimination
L'article L. 1132-1 du code du travail dispose que 'Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, d'horaires de travail, d'évaluation de la performance, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d'un mandat électif, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de sa qualité de lanceur d'alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d'alerte, au sens, respectivement, du I de l'article 6 et des 1° et 2° de l'article 6-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique'.
L'article L. 1134-1 du même code dispose que 'Lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles'.
Selon son contrat de travail du 17 mai 2005, Mme [R] a été embauchée en qualité d'agent technico-commercial, statut agent de maîtrise. Ses bulletins de salaire mentionnent 'agent de maîtrise niveau III échelon 2 coefficient 315".
Elle soutient que, parce qu'elle est une femme, elle s'est vue refuser le statut de cadre par la société EURO PLV, ce qui constituerait une discrimination.
Elle a réclamé à plusieurs reprises ce statut, ainsi que cela ressort de son mail du 12 mai 2017, du 8 janvier 2018 et de son entretien annuel de 2019.
Il convient de vérifier si Mme [R] exerçait effectivement des fonctions de cadre au sein de la société EURO PLV.
La convention collective du personnel des industries de cartonnage prévoit que le cadre est un salarié qui « Participe à l'élaboration des objectifs et bénéficie d'une large autonomie de jugement et d'initiative ». Il dispose de « Initiative dans la recherche et l'utilisation des moyens permettant d'atteindre les objectifs fixés. Responsabilité de la gestion de son secteur (qualité, coût, délais). Connaissance et pratique d'une ou plusieurs disciplines. Les connaissances acquises par la formation et/ou l'expérience professionnelle sont des niveaux I et II de l'éducation nationale ».
Or, Mme [R] ne produit aucun élément de nature à établir qu'elle aurait eu de telles responsabilités.
Ainsi, l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 11 décembre 2014 qu'elle produit au sujet de M. [M] [L] n'est pas probant puisque ce salarié a été engagé en qualité de technico-commercial, statut cadre, dès l'origine de son contrat de travail du 3 décembre 2007. De plus, selon cet arrêt, il est devenu chef des ventes [Localité 6] dès le 1er octobre 2008, ce qui implique un niveau de responsabilité important. Si cet arrêt mentionne qu'il a été engagé 'pour effectuer la vente des articles suivants PLV, packaging et tout autre article en carton, PVC ou métal et affecté sur le département Île-de-France et région Sud est', fonctions que Mme [R] estime comme équivalentes aux siennes, il convient de considérer qu'elles peuvent être exercées différemment, avec l'autonomie et les responsabilités que confèrent le statut cadre selon la définition de la convention collective ci-dessus énoncée. De plus, le secteur de M. [M] [L] est plus large que celui de Mme [R] (seulement [Localité 6] et région parisienne selon son contrat de travail).
De même, le registre du personnel de la société EURO PLV sur les années 2005, 2007 et 2020 ne permet aucunement de déterminer si Mme [R] exerçait des fonctions de cadre ou si d'autres salariés, exerçant les mêmes fonctions qu'elle, ont bénéficié de ce statut.
Le fait que M. [F] [X] (cf arrêt de la cour d'appel de Versailles du 22 mars 2023) ait été engagé par contrat de travail 17 août 2015 en qualité de technico-commercial, moyennant un salaire mensuel de 3 000 € brut et des commissions, n'induit aucune discrimination à l'égard de Mme [R] qui a perçu un revenu net imposable de 85'177,83 € (cf fiche de paie de décembre 2019) pour l'année 2019, alors que ce dernier a perçu un revenu net imposable de 44 192 € sur l'année 2018 (cf fiche de paie de décembre 2018).
Enfin, si le contrat de travail de Mme [R] prévoyait qu'elle représentait la société EURO PLV pour le secteur de [Localité 6] et de la région parisienne, cela ne signifie pas qu'elle avait la 'Responsabilité de la gestion de son secteur (qualité, coût, délais)', comme prévu par la convention collective pour un cadre.
Au total, Mme [R] ne démontre pas qu'elle ait exercé des fonctions relevant d'une classification supérieure à celle d'agent de maîtrise niveau III, soit selon la convention collective : « Emploi à haut niveau de professionnalisme ou d'encadrement. Reçoit des directives constituant le cadre d'ensemble de l'activité et définissant les objectifs. Large autonomie pour les moyens, le mode opératoire, les opérations de conformité et l'ordre de succession. A en charge la réalisation des objectifs de son domaine d'activité. Maîtrise confirmée d'une spécialisation. Les connaissances acquises par la formation et/ou l'expérience professionnelle de niveau 3 de l'éducation nationale », à l'échelon 315.
Ne démontrant pas qu'elle ait exercé des fonctions de cadre en étant rémunérée comme un agent de maîtrise et qualifiée à tort de tel, Mme [R] ne peut pas en conséquence dire qu'elle a subi une discrimination par rapport à des collègues masculins qui auraient bénéficié du statut cadre pour effectuer le même travail.
En conséquence, au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de débouter Mme [R] de sa demande en paiement de dommages et intérêts présentée à ce titre et de confirmer le jugement de ce chef.
III Sur le harcèlement moral
L'article L. 1152-1 du code du travail dispose que : 'Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel'.
L'article L. 1152-3 du même code prévoit que : 'Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul'.
L'article L 1154-1 du même code que : 'Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles'.
Mme [R] présente et soutient les éléments suivants à l'appui de sa demande tendant à voir constater qu'elle a été victime de harcèlement moral de la part de son employeur :
1) une modification unilatérale de sa rémunération de par :
a) un changement de son secteur géographique
Le contrat de travail de Mme [R] stipulait en son article 4 que '[G] [O] représentera la société EURO PLV, plus particulièrement sur les départements : [Localité 6] et RP (75'91'92'93'94'95'77' 78). Il n'est pas fait obstacle à une représentation sur un autre département dès l'instant que l'intérêt de la société y est prouvé'.
Les termes du contrat de travail permettaient donc à la société EURO PLV de modifier unilatéralement le secteur géographique de Mme [R].
Suite à son déménagement en Limousin en 2011 (attestation de M. [T], PDG de la société EURO PLV, du 4 février 20105), Mme [R] s'est vue confier le secteur ouest de la France avec la ville de [Localité 5], puis en 2017'2018, un client important situé à [Localité 7].
Si elle soutient qu'il en est résulté pour elle un manque à gagner considérable, ses fiches de paie de décembre 2009 à décembre 2020 montrent au contraire une augmentation de son revenu net imposable annuel passant de 48'324 €en décembre 2009 à 85'177,83 € en décembre 2019 et 61'633,09 € en décembre 2020.
Elle ne démontre donc pas avoir subi une perte de revenus.
Par ailleurs, si elle reproche à son employeur qu'à compter du 11 mars 2020, il ne l'a plus autorisée à prospecter sur le secteur géographique de [Localité 6] et la région parisienne, même concernant ses anciens clients, ce n'est pas ce qui ressort du mail invoqué (pièce n° 23) du 12 mars 2020 de Mme [J], sa supérieure hiérarchique directe, qui indique : 'la région parisienne en dehors des comptes que tu as conservés lors de ta venue à [Localité 4] ne fait pas partie de ta zone de prospection, et nous privilégions aujourd'hui la transmission de contacts entre collègues'.
Il s'évince donc de ce mail que la région parisienne ne faisait plus partie de la zone de prospection de Mme [R], à l'exception des comptes clients qu'elle avait conservés dans cette zone. Elle gardait donc l'autorisation de prospection de ses anciens clients situés en région parisienne.
Elle ne peut donc faire grief de ce chef contre la société EURO PLV.
b) la fixation unilatérale d'objectifs inatteignables
Mme [R] écrit dans un mail du 1er mars 2019 à Mme [J] : 'Je tiens à préciser que nous n'arrivons pas à nos objectifs respectifs, mais il faut savoir qu'ils ont été déterminés unilatéralement par la direction, sans aucune concertation avec le terrain et la réalité du marché... Pour ma part, je me retrouve en situation d'échec car on n'a pas souhaité m'entendre lors des « entretiens » de la fin d'exercice 2018. On m'a donné un objectif tout à fait inatteignable car l'année 2017/2018 était tout à fait exceptionnelle avec un dépassement de 50 % de mon objectif, cela ne peut être considéré comme la norme'.
En réponse à un mail du 5 février 2020 de Mme [R] dans lequel elle se plaint que la société a perdu des clients et suite à l'entretien du 11 mars 2020, Mme [J] lui a répondu le 12 mars 2020 que : 'nous avons accepté sa proposition d'objectif à 1'584'000 € pour ton secteur, en recul par rapport à ton objectif de 2 M d'€ sur le précédent exercice, et tenant compte de la perte ou du recul de ces clients'.
Il convient en conséquence de considérer que les objectifs ont été négociés entre Mme [R] et la société EURO PLV.
Par ailleurs, le fait que Mme [R] n'ait pas pu respecter ses objectifs a notamment pour cause la perte de clients de la société EURO PLV dans un contexte plus général. Dans son mail du 12 mars 2020, Mme [J] ne lui en fait pas le reproche : 'Pour ce qui concerne les dossiers perdus, nous en avons tenu compte dans tes objectifs'. Mais, elle attire l'attention de Mme [R] sur la forte présence du jouet dans son secteur, domaine en recul d'activité, si bien qu'elle l'incite à diversifier sa clientèle en lui précisant différents moyens pour conquérir de nouveaux marchés. En tout état de cause, elle l'assure, avec l'ensemble des services internes, de son soutien.
Il convient de considérer en conséquence que la direction de la société EURO PLV avait pris en compte les difficultés de Mme [R] à atteindre ses objectifs, compte tenu de la situation de l'entreprise.
Ce grief ne peut donc pas être retenu.
2) une dévalorisation et une mise à l'écart constantes
En premier lieu, le mail de M. [H] [T] du 1er mars 2019, adressé à l'ensemble des commerciaux, dans lequel il indique : 'Le mois de février vient de s'achever, nous avons enregistré un petit chiffre d'affaires bien en dessous des besoins de l'entreprise... Il va falloir cravacher dur pour arriver à refaire ce retard' ne traduit pas un comportement de harcèlement, mais une volonté de mobilisation des commerciaux face à une perte de chiffre d'affaires de l'entreprise.
En second lieu, les mails adressés par Mme [R] les :
- 2 novembre 2016 : 'J'ai vraiment le sentiment que nous sommes actuellement devenus les parias d'Europlv...je suis très usée par tout cela',
- 12 mai 2017 : 'Suite à ma mésaventure de mardi, je crois que j'ai besoin de vider un peu mon sac, car je suis un peu au bout du rouleau nerveusement et physiquement',
- 1er décembre 2016 au sujet d'une faute d'orthographe de son directeur sur son nom : 'j'ai le sentiment d'être méprisée',
- 17 février 2020 : 'Je ne sais pas si je vais tenir encore longtemps',
sont davantage la manifestation d'un ressenti que la preuve de faits concrets qui pourraient être reprochés à l'employeur.
Mais, il ressort de son mail du 8 janvier 2020 adressé à un collègue qu'elle a été évincée d'une réunion lors de la visite d'un client, la société EURO PLV ne rapportant pas la preuve qu'elle soit arrivée en retard. De même, dans un mail du 11 mars 2020, elle indique qu'une autre réunion a été commencée sans elle.
Mme [R] a pu effectivement se sentir dévalorisée et humiliée à juste titre.
3) une attitude méprisante et une absence de soutien de la hiérarchie
Il ressort de mails adressés entre le 17 juillet 2019 et le 8 août 2019 que Mme [R], se disant à court d'arguments, a demandé à Mme [J], sa supérieure hiérarchique, d'intervenir auprès du client Bayer en litige avec la société EURO PLV. Or, Mme [J] lui a répondu que la gestion de ce litige lui incombait, la direction lui ayant déjà donné des directives à ce sujet, c'est à dire proposer au client la destruction des produits.
Il convient de considérer que la direction ayant déjà donné sa position, il appartenait au commercial de gérer la difficulté.
Dans un autre échange de février 2020, Mme [J] a demandé à Mme [R] de se concentrer sur d'autres cibles que certains clients. Il ne peut être constaté dans cet injonction aucune attitude désobligeante ou méprisante, mais seulement l'exercice du pouvoir de direction.
Mme [R] fait également état d'un entretien téléphonique retranscrit par elle-même avec Mme [J] du 24 avril 2019. Dans cet écrit, Mme [R] a écrit les reproches que Mme [J] lui aurait fait (notamment une agressivité dans la rédaction de ses mails, des agissements dans un intérêt personnel et non dans celui de l'entreprise, une absence d'esprit d'équipe).
Mais, il convient de considérer que ce document, émanant de Mme [R] elle-même, peut difficilement constituer un élément de preuve et qu'en tout état de cause, un employeur peut formuler des reproches à l'égard d'un salarié s'ils sont justifiés.
Mme [R] reproche à Mme [J] d'avoir refusé qu'elle participe en visioconférence à une réunion qui s'est tenue deux jours avant le confinement général du 17 mars 2020 (cf mails des 13 mars 2020).
Il convient de considérer que les autres membres de la réunion ont dû y assister et que le confinement n'avait pas encore été prononcé, si bien que ce grief ne peut pas être retenu.
Mme [R] produit enfin des attestations de trois salariés ayant démissionné en raison du climat conflictuel existant avec leur hiérarchie, notamment Mme [J] et M. [Z] [T]. Mais ils ne font pas état de harcèlement moral de ces personnes à l'égard de Mme [R].
Au total, le grief d'une attitude méprisante et d'une absence de soutien de la hiérarchie ne peut pas être retenu contre la société EURO PLV.
4) la surcharge de travail
Il n'est pas établi que Mme [R] ait effectuée des heures supplémentaires.
La preuve d'une surcharge de travail n'est donc pas rapportée.
5) le rendez-vous « à charge » du 11 mars 2020
S'inquiétant de la perte de clients et donc de revenus, Mme [R] avait, dans un mail du 5 février 2020, sollicité un rendez-vous auprès de la direction.
Cet entretien a eu lieu le 11 mars 2020 en présence de M. [H] [T], PDG de la société EURO PLV, son fils [Z] [T] responsable du pôle commercial et Mme [J], directrice commerciale.
Mais, Mme [R] ne produit aucun élément concernant le déroulement de cet entretien. Elle fait référence à son dossier auprès de la médecine du travail qui relate ses propos selon lesquels, lors de cet entretien, Mrs [T] et la directrice n'auraient relevé à son encontre que des points négatifs et que par suite, elle a été placée en arrêt maladie.
Dans son mail du 12 mars 2020 adressé à Mme [R], Mme [J] revient sur cet entretien en rappelant les objectifs chiffrés, la perte de certains clients par l'entreprise, notamment dans le secteur du jouet, les moyens pour conquérir de nouveaux marchés avec des précisions sur le client Cargo, en lui confirmant le soutien de la direction.
Mais ce mail, même s'il est rédigé sur un ton ferme, ne comporte pas de propos désobligeants ou méprisants.
Ce grief ne peut donc pas être retenu.
6) l'attitude persistante de la société EURO PLV pendant l'arrêt de travail de Mme [R]
Mme [R] soutient que la société EURO PLV a continué à la mettre à l'écart pendant son arrêt maladie.
Lors de l'entretien sollicité par Mme [R] en date du 19 octobre 2020,selon le seul compte rendu signé par M. [V], secrétaire du CSE, qui peut être pris en compte, cette dernière a fait part à M. [H] [T] et M. [Z] [T] de ses difficultés et notamment de ses difficultés relationnelles avec Mme [J] l'empêchant de poursuivre son travail. Suite à sa demande de reclassement dans l'entreprise ou dans une filiale, la direction lui a répondu qu'aucun poste n'était disponible et lui a proposé un poste 'au service décorticage', poste au plus bas de l'échelle dans l'entreprise.
Il convient de considérer que cette expression est déplacée et humiliante vis-à-vis d'une technico-commerciale ayant 15 ans d'ancienneté.
Mme [R] ne peut pas reprocher à la société EURO PLV de ne pas l'avoir informée d'un projet de licenciement économique de plusieurs salariés dans la mesure où M. [T] lui a répondu le 2 décembre 2020 que son poste n'était pas supprimé et que son retour était attendu. De plus, les motifs d'un licenciement économique ne doivent pas être inhérents à la personne du salarié, si bien que Mme [R] n'était pas concernée.
Mme [R] ne peut pas davantage reprocher à son employeur le refus d'accès au logiciel de gestion des clients pendant son arrêt de travail puisqu'elle avait interdiction de travailler.
En juillet 2021, elle s'est vue affecter un véhicule de société Renault Berlingo comportant 154'802 kilomètres en lieu et place d'un véhicule Renault Scénic comportant 99'298 kilomètres qui devait être restitué, le contrat de location arrivant à échéance.
La société EURO PLV ne conteste pas qu'il s'agit d'un véhicule 'classe inférieure', ayant par là-même réduit l'avantage en nature correspondant sur les fiches de paie de Mme [R].
Sur ce fait, il convient de considérer qu'il est effectivement humiliant de se voir affecté un véhicule de classe inférieure, mais il convient de tenir compte du fait que Mme [R] ne travaillait plus depuis plus d'un an.
Le fait que l'employeur ait fait réaliser à l'endroit de Mme [R] une contre-visite médicale en mars 2022 n'est pas constitutif de harcèlement moral, mais relève d'un droit de ce dernier.
Au total, il peut être relevé comme manquements de l'employeur la mise à l'écart de Mme [R] lors de deux réunions en janvier et mars 2020, la proposition de la reclasser au service 'décorticage' et l'affectation d'un véhicule de classe inférieure.
Mais, pris dans leur ensemble, les faits avancés par Mme [R] contre son employeur ne caractérisent pas des faits de harcèlement moral, faute soit d'être établis, soit d'être suffisamment graves et répétés.
En conséquence, Mme [R] doit donc être déboutée de ses demandes tendant à voir:
- condamner la société EURO PLV à lui payer la somme de 123 792 € net en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral.,
- voir dire et juger son licenciement nul et voir condamner la société EURO PLV à lui payer la somme de 154 740 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.
Au vu de l'ensemble des éléments ci-dessus énoncés, il ne peut pas être relevé contre l'employeur un manquement à son obligation de sécurité de résultat, ni de manquements suffisamment graves pour voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts.
Mme [R] doit donc être déboutée de ses demandes correspondantes.
En réalité, le licenciement de Mme [R] repose sur une cause réelle et sérieuse, son inaptitude constatée par le médecin du travail le 7 avril 2022, sans possibilité de reclassement.
Elle doit donc être déboutée de sa demande tendant à voir dire et juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse avec paiement des indemnités afférentes.
La demande tendant à voir obliger la société EURO PLV à remettre à Mme [R] les documents modifiés (bulletins de salaire, attestation Pôle Emploi) est sans objet.
III Sur les indemnités dues
1) Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement
Mme [R], embauchée le 17 mai 2005, avait 16 années et 11 mois d'ancienneté à la date du licenciement le 20 avril 2022.
En application des dispositions de l'article R. 1234-4 du code du travail, il convient de prendre en compte comme salaire de référence le tiers des trois derniers mois, soit une moyenne de 9 060,15 € brut, pour calculer l'indemnité de licenciement.
Conformément à la convention collective du 17 avril 2019 en son article 51-1 concernant les agents de maîtrise, elle a droit à une indemnité de licenciement s'élevant à :
' 1/4 de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à 10 ans, soit 1/4 de 9 060,15 € x 10 ans = 22'650,37 €
' 1/3 de mois par année d'ancienneté pour les années à partir de 10 ans, soit 1/3 de 9060,15 € x 10 ans = 18'120,30 € et 2'768,37 € sur 11 mois,
soit un total de 43'539,04 €.
Mme [R] ayant déjà perçu la somme de 43'835 €au titre de son indemnité de licenciement, elle doit être déboutée de sa demande en paiement complémentaire à ce titre.
Le jugement sera donc réformé en ce qu'il a condamné la société EURO PLV à lui payer la somme de 1 867,50 € à ce titre.
2) Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents
Le licenciement étant fondé sur une inaptitude d'origine non professionnelle, Mme [R] doit être déboutée de sa demande à ce titre.
3) Sur le non-respect de la procédure de licenciement
Mme [R] a été convoquée par lettre reçue le samedi 9 avril 2022 à l'entretien préalable de licenciement du 15 avril 2022, dans un délai inférieur au délai de cinq jours ouvrables prévus par l'article L. 1232'2 du code du travail.
Par courrier du 13 avril 2022, Mme [R] a informé la société EURO PLV qu'elle ne se rendrait pas à cet entretien préalable, en raison de son état de santé attesté par un certificat médical du 11 avril 2022.
En conséquence, même si le délai de cinq jours ouvrables avait été respecté, Mme [R] ne se serait pas présentée à cet entretien. Elle n'a donc subi aucun préjudice résultant du non-respect de ce délai.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts présentée à ce titre.
4) Sur les congés payés
La société EURO PLV a pris en compte la jurisprudence de la Cour de cassation (arrêt du 13 septembre 2023 n° 22'17. 340, n° 22'17. 341, n° 22'17. 342) en mentionnant sur sa fiche de paie d'octobre 2023 la somme de 20 838,35 € brut au titre des congés payés de février 2020 à avril 2022 et en lui payant la somme complémentaire de 11'002,71 € par chèque du 25 octobre 2023, montant supérieur à sa demande à hauteur de 7 750,12 €. Elle a donc été remplie de ses droits.
Elle doit donc être déboutée de sa demande en paiement présentée à ce titre.
- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Mme [R] succombant à l'instance, elle doit être condamnée aux dépens.
Il est équitable de la condamner à payer à la société EURO PLV la somme de 2 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
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PAR CES MOTIFS
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La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Limoges le 5 septembre 2022, sauf en ce qu'il a condamné la société EURO PLV à payer à Mme [R] la somme de 1 867,50 € ;
Statuant à nouveau,
DEBOUTE Mme [G] [O] épouse [R] de l'ensemble de ses demandes ;
CONDAMNE Mme [G] [O] épouse [R] à payer à la société EURO PLV la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme [G] [O] épouse [R] aux dépens.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sophie MAILLANT. Pierre-Louis PUGNET.
N° RG 22/00706 - N° Portalis DBV6-V-B7G-BIMA3
AFFAIRE :
Mme [G] [O] épouse [R]
C/
S.A.S. EURO PLV inscrite au RCS de LIMOGES sous le n° 379 293 665, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice
GV/MS
Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution
Grosse délivrée à Me Solange DANCIE, Me Philippe CHABAUD, le 18-01-24.
COUR D'APPEL DE LIMOGES
Chambre sociale
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ARRET DU 18 JANVIER 2024
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Le DIX HUIT JANVIER DEUX MILLE VINGT QUATRE la chambre économique et sociale a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe:
ENTRE :
Madame [G] [O] épouse [R]
née le 30 Juin 1972 à [Localité 2] (92), demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Philippe CHABAUD de la SELARL SELARL CHAGNAUD CHABAUD & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LIMOGES
APPELANTE d'une décision rendue le 05 SEPTEMBRE 2022 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE LIMOGES
ET :
S.A.S. EURO PLV inscrite au RCS de LIMOGES sous le n° 379 293 665, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Solange DANCIE de la SCP SCP DEBLOIS DANCIE, avocat au barreau de LIMOGES
INTIMEE
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Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l'affaire a été fixée à l'audience du 04 Décembre 2023. L'ordonnance de clôture a été rendue le 08 novembre 2023.
La Cour étant composée de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, de Madame Géraldine VOISIN et de Madame Valérie CHAUMOND, Conseillers, assistés de Mme Sophie MAILLANT, Greffier. A cette audience, Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, a été entendu en son rapport oral, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.
Puis Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 18 Janvier 2024 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
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LA COUR
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EXPOSE DU LITIGE
Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 17 mai 2005 à effet au 15 juin 2005, la société EURO PLV a engagé Mme [G] [O] épouse [R] en qualité de technico-commerciale (statut agent de maîtrise), moyennant un salaire brut mensuel de 2 300 €, outre des commissions de 2 % sur le chiffre d'affaires, pour 35 heures de travail hebdomadaire.
Elle était chargée en cette qualité de la vente, au nom et pour le compte de la société EURO PLV, des articles suivant : PLV, packaging et tous autres articles en carton, PVC ou métal sur le secteur de [Localité 6] et la région parisienne.
Un entretien a eu lieu entre Mme [R] et la direction de la société EURO PLV le 11 mars 2020.
Elle a été placée en arrêt maladie le 14 mars 2020, arrêt de travail renouvelé par la suite.
Postérieurement à la saisine de la juridiction prud'homale du 6 avril 2021, Mme [R] a effectué une visite de pré-reprise le 23 mars 2022.
Le 7 avril 2022, le médecin du travail a émis un avis d'inaptitude avec la mention 'inapte définitif au poste d'agent technico-commercial. L'état de santé de Mme [R] ne permet pas un reclassement interne'.
Par lettre recommandée avec accusé réception du 8 avril 2022, la société EURO PLV a convoqué Mme [R] à un entretien préalable à son licenciement prévu le 15 avril suivant.
Par lettre recommandée avec accusé réception du 20 avril 2022, la société EURO PLV lui a notifié son licenciement pour inaptitude avec impossibilité de reclassement.
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Mme [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Limoges le 6 avril 2021 aux fins de voir prononcer la résiliation de son contrat de travail aux torts exclusifs de la société EURO PLV et obtenir paiement de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis.
Par jugement avant dire droit du 31 janvier 2021, le conseil de prud'hommes de Limoges a ordonné la réouverture des débats pour production des éléments suivants :
- registre du personnel de la société EURO PVL,
- périmètre de l'activité de Mme [R] sous la direction de sa supérieure hiérarchique Mme [J],
- organigramme des différentes fonctions et différents postes de la direction avec description des fonctions - cotations éventuelles - qualifications, classifications tant pour les cadres que les chargés d'affaires,
- élément du CRM sur l'activité de Mme [R],
- avenants s'il y a au cours de sa carrière,
- entretiens annuels entre Mme [R] et sa hiérarchie depuis 2015,
- tout document récapitulant les objectifs annuels fixés à Mme [R] par sa direction.
Par jugement du 5 septembre 2022, le conseil de prud'hommes de Limoges a :
- dit les demandes de Mme [R] recevables et bien fondées ;
- condamné la société EURO PLV à lui verser la somme de 1 867,50 € net à titre de rappel de l'indemnité de licenciement ;
- condamné la société EURO PLV à verser à Mme [R] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
- débouté les parties de toutes les autres demandes.
Mme [R] a interjeté appel de ce jugement le 27 septembre 2022.
==0==
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 2 octobre 2023, Mme [G] [R] demande à la cour de :
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a jugé ses demandes recevables et bien fondées et condamné la société EURO PLV à lui verser une indemnité au titre du rappel de l'indemnité de licenciement ainsi qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;
- le réformer en ce qu'il l'a déboutée de toutes ses autres demandes et a limité la condamnation de la société au versement d'une somme de 1 867,50 € à titre de rappel de l'indemnité de licenciement ;
Et, statuant à nouveau,
- fixer la moyenne de ses rémunérations à 10 316 € à titre principal ou, à titre subsidiaire, 9 060 € ;
- condamner la société EURO PLV à lui verser les sommes de :
* 27 859,72 € brut au titre du rappel de salaire pour heures supplémentaires au titre des années 2018 à 2020, outre 2 785,97 € brut de congés payés y afférent,
* 11 303,32 € net au titre des repos compensateurs de remplacement non attribués au titre des années 2018 et 2019,
* 61 896 € net de dommages-intérêts pour travail dissimulé,
* 123 792 € net au de dommages-intérêts en réparation de l'inégalité de traitement et de la discrimination subie,
* 123 792 € net de dommages-intérêts en réparation du harcèlement moral subi,
* 65 016 € net de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour non-respect par la société employeur de son obligation de sécurité de résultat,
* 154 740 € net de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour licenciement nul, ou, à titre subsidiaire, 139 266 € net en réparation du préjudice subi pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 4 848,20 € net au titre du rappel de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
* 9 300 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 930 € brut au titre des congés payés y afférents,
* 10 316 € au titre du non-respect de la procédure de licenciement
* 7 750,12 € au titre des congés payés acquis au cours de l'arrêt maladie ;
En tout état de cause,
- solliciter l'obligation pour la société EURO PLV de remettre les documents modifiés (bulletins de salaire, attestation Pôle Emploi) sous astreinte de 300 € par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir ;
- condamner la société EURO PLV au paiement de la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonner le versement des intérêts à taux légal sur le fondement de l'article 1352-6 du code civil et ce, à compter de la date de saisine du conseil de prud'hommes ;
- ordonner la capitalisation des intérêts, en application des dispositions de l'article 1342-2 du code civil ;
- condamner la société EURO PLV aux entiers dépens de première instance et d'appel, en accordant pour ces derniers à Maître CHABAUD, avocat, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile, et ce compris ceux éventuels d'exécution ;
- débouter la société EURO PLV de ses demandes, fins et prétentions, et notamment toute demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de l'ensemble de ses demandes.
Mme [R] soutient qu'elle a réalisé de nombreuses heures supplémentaires sans être ni payées ni récupérées. Elle explique avoir fait l'objet d'une surcharge de travail conséquente et pérenne ne lui permettant pas de réaliser ses fonctions dans les 35 heures contractuellement prévues. Ainsi, la société s'est rendue coupable de travail dissimulé.
Elle soutient avoir fait l'objet de discrimination à raison de son sexe, l'employeur lui ayant refusé de manière abusive la qualification de cadre, malgré ses sollicitations réitérées.
En outre, elle dit avoir été victime de harcèlement moral caractérisé notamment par une modification unilatérale de sa rémunération, une dévalorisation constante, une attitude méprisante de la part de sa hiérarchie, une exposition délibérée à une surcharge de travail, un rendez-vous 'à charge' du 11 mars 2020 et l'attitude persistante de mise à l'écart, y compris pendant son arrêt maladie. L'ensemble de ces atteintes a eu de graves conséquences sur son état de santé.
La société EURO PLV a donc manqué à son obligation de sécurité de résultat dont l'indemnisation peut se cumuler avec celle allouée au titre du harcèlement moral.
Elle se dit dès lors fondée à voir prononcer la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur au regard de la gravité des manquements commis par celui-ci, ayant empêché la poursuite du contrat de travail.
A titre subsidiaire, les manquements caractérisés de la société EURO PLV justifient la requalification de son licenciement pour inaptitude en licenciement nul et, à tout le moins, sans cause réelle et sérieuse. Elle fait en effet valoir que l'inaptitude à l'origine du licenciement trouve sa cause dans les faits de harcèlement dont elle a été victime.
Enfin, l'employeur n'a pas respecté la procédure de licenciement en ne respectant le délai de 5 jours prévu par l'article L.1232-2 du code du travail.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 3 novembre 2023, la société EURO PLV demande à la cour de :
- confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions ;
- déclarer mal fondé l'appel de Mme [R] et la débouter de l'intégralité de ses demandes ;
- par application de l'article L. 3121-1 du code du travail, débouter Mme [R] de ses demandes en rappel de salaires pour heures supplémentaires ;
- subsidiairement, en application de l'article L. 3245-1 du code du travail, déclarer prescrites les demandes antérieures au 6 avril 2018, la demande en justice étant du 6 avril 2021 ;
En toute hypothèse,
- juger que Mme [R] ne présente pas d'éléments permettant de retenir ses demandes en paiement d'heures supplémentaires ;
- débouter Mme [R] de l'ensemble de ses demandes ;
- juger que l'indemnité tant conventionnelle que légale de licenciement de Mme [R] s'élevait à la somme de 43 538 € alors qu'il lui a été versé la somme de 43 835 € ;
- juger que l'indemnité de congés payés afférente à l'arrêt de travail pour maladie, au-delà de la période déjà indemnisée en application de la convention collective a été réglée à hauteur de 20 878,35 € brut, sur la base du salaire retenu pour le calcul de l'indemnité de licenciement et pour la période au-delà de celle qui lui a été conventionnellement indemnisée ;
- condamner Mme [R] à lui payer une indemnité de 8 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens et aux éventuels frais d'exécution de la décision à intervenir.
La société EURO PLV soutient que la demande de Mme [R] au titre des heures supplémentaires n'est pas infondée, la salariée ne produisant aucun élément de nature à établir leur réalité. Elle rappelle qu'elle contrôle le temps de travail de ses salariés commerciaux conformément aux dispositions légales, mais sans moyen de surveillance électronique, ceux-ci disposant d'une grande liberté dans l'organisation de leur temps de travail.
Mme [R] ne rapporte d'ailleurs pas la preuve du caractère intentionnel de la prétendue dissimulation que la société conteste.
La société EURO PLV fait valoir que c'est de manière parfaitement légitime qu'elle a refusé le statut cadre à Mme [R], sa qualification correspondant aux fonctions réellement exercées par elle d'agent technico-commercial, statut agent de maîtrise, aucune discrimination fondée sur le sexe ne pouvant être caractérisée en l'espèce.
La société EURO PLV conteste tout harcèlement moral commis à l'égard de Mme [R], aucun des faits allégués ne pouvant en outre le caractériser. Son état de santé s'est certainement dégradé, mais sans relation avec son travail.
La procédure de licenciement suivie était régulière, Mme [R] n'indiquant en tout état de cause pas en quoi elle aurait subi un préjudice du fait de cette prétendue irrégularité.
Le licenciement pour inaptitude de Mme [R] est fondé sur l'avis d'inaptitude émis par la médecine du travail, sans qu'elle ait une origine professionnelle.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 novembre 2023.
SUR CE,
I Sur les heures supplémentaires
Il résulte des dispositions des articles L. 3121'27 à L. 3121'29 du code du travail que la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à 35 heures par semaine, que toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent et que les heures supplémentaires se décomptent par semaine.
L'article L. 3171-4 du code du travail dispose que ' En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable'.
En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires.
Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
En l'espèce, Mme [R] produit à l'appui de sa demande :
' un tableau journalier établi en janvier 2018 et entre juillet 2019 et mars 2020 précisant les horaires et le nombre d'heures travaillées par jour et par semaine avec le nombre d'heures supplémentaires réalisées par semaine,
' son agenda Outlook de janvier 2018 à mars 2020,
' des mails adressés par elle ou en réponse du 3 janvier 2018 au 31 janvier 2018 et du 2 mars 2020 au 14 mars 2020,
' une liste de mails adressés ou répondus par elle du 9 juillet 2019 au 18 juin 2020,
' des attestations.
Ces éléments, notamment le tableau journalier, l'agenda Outlook et les mails, sont suffisamment précis pour que l'employeur puisse y répondre.
Ce dernier produit un relevé des frais de déplacement en voiture de Mme [R] (essence et télépéage) entre le 28 juin 2019 le 9 mars 2020 duquel il ressort que cette dernière travaillait la plupart du temps dans le cadre d'horaires journaliers non excessifs pour un salarié travaillant 35 heures par semaine (en général entre 9 heures et 18 heures).
La société EURO PLV produit également des relevés de frais de téléphone, repas et stationnement qui ne font pas état de dépassement d'horaires anormaux.
Le logiciel CMR permettant la consultation des comptes clients a fait l'objet d'un piratage informatique, comme la société EURO PLV en justifie (plainte pénale du 20 août 2021 et attestation de la société Koesio du 9 mars 2022).
La société EURO PLV a procédé également à l'analyse des mails produits par Mme [R] entre juillet 2019 et mars 2020. Or, il ressort effectivement de cette analyse, confrontée aux mails, que les horaires auxquels ils ont été envoyés ou reçus excèdent rarement l'amplitude journalière comprise entre 9 heures et 18 heures, ce qui est confirmé par l'agenda outlook de janvier 2018 à mars 2020. De plus, il existe des coupures dans la journée ne correspondant pas à des rendez-vous, et des temps de récupération selon les semaines.
Enfin, l'examen du contenu de ces mails en mars 2020 (seuls mails produits en intégralité) ne conduit pas à considérer que ceux adressés avant 8 heures 30 ou après 18 heures correspondaient à des tâches urgentes et/ou nécessaires. Par exemple le 12 mars 2020 à 19 heures 25 : 'Top Bise très bonne soirée [G] [O]-[R]'.
Mme [R] produit également des attestations de collègues et de clients indiquant qu'elle était particulièrement compétente et disponible, ce qui n'est pas suffisamment pour démontrer la réalisation d'heures supplémentaires.
Un ancien collègue commercial atteste néanmoins : 'nous faisions tous plus de 35 heures par semaine. Ce n'est pas possible autrement en générant plus d'un million d'euros de CA en comptant les déplacements, les rendez-vous et le travail à la maison en plus du bureau'. Mais cette attestation n'est pas suffisamment précise pour remettre en cause les mails produits dont il est fait état ci-dessus qui ne démontrent pas la réalisation d'heures supplémentaires, ce d'autant plus que Mme [R] bénéficiait de l'aide d'une assistante administrative.
Mme [R] doit donc être déboutée de ses demandes en paiement de rappel de salaires d'heures supplémentaires, ainsi qu'au titre des repos compensateurs et du travail dissimulé.
Le jugement sera donc confirmé de ces chefs.
II Sur la discrimination
L'article L. 1132-1 du code du travail dispose que 'Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, d'horaires de travail, d'évaluation de la performance, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d'un mandat électif, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de sa qualité de lanceur d'alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d'alerte, au sens, respectivement, du I de l'article 6 et des 1° et 2° de l'article 6-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique'.
L'article L. 1134-1 du même code dispose que 'Lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles'.
Selon son contrat de travail du 17 mai 2005, Mme [R] a été embauchée en qualité d'agent technico-commercial, statut agent de maîtrise. Ses bulletins de salaire mentionnent 'agent de maîtrise niveau III échelon 2 coefficient 315".
Elle soutient que, parce qu'elle est une femme, elle s'est vue refuser le statut de cadre par la société EURO PLV, ce qui constituerait une discrimination.
Elle a réclamé à plusieurs reprises ce statut, ainsi que cela ressort de son mail du 12 mai 2017, du 8 janvier 2018 et de son entretien annuel de 2019.
Il convient de vérifier si Mme [R] exerçait effectivement des fonctions de cadre au sein de la société EURO PLV.
La convention collective du personnel des industries de cartonnage prévoit que le cadre est un salarié qui « Participe à l'élaboration des objectifs et bénéficie d'une large autonomie de jugement et d'initiative ». Il dispose de « Initiative dans la recherche et l'utilisation des moyens permettant d'atteindre les objectifs fixés. Responsabilité de la gestion de son secteur (qualité, coût, délais). Connaissance et pratique d'une ou plusieurs disciplines. Les connaissances acquises par la formation et/ou l'expérience professionnelle sont des niveaux I et II de l'éducation nationale ».
Or, Mme [R] ne produit aucun élément de nature à établir qu'elle aurait eu de telles responsabilités.
Ainsi, l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 11 décembre 2014 qu'elle produit au sujet de M. [M] [L] n'est pas probant puisque ce salarié a été engagé en qualité de technico-commercial, statut cadre, dès l'origine de son contrat de travail du 3 décembre 2007. De plus, selon cet arrêt, il est devenu chef des ventes [Localité 6] dès le 1er octobre 2008, ce qui implique un niveau de responsabilité important. Si cet arrêt mentionne qu'il a été engagé 'pour effectuer la vente des articles suivants PLV, packaging et tout autre article en carton, PVC ou métal et affecté sur le département Île-de-France et région Sud est', fonctions que Mme [R] estime comme équivalentes aux siennes, il convient de considérer qu'elles peuvent être exercées différemment, avec l'autonomie et les responsabilités que confèrent le statut cadre selon la définition de la convention collective ci-dessus énoncée. De plus, le secteur de M. [M] [L] est plus large que celui de Mme [R] (seulement [Localité 6] et région parisienne selon son contrat de travail).
De même, le registre du personnel de la société EURO PLV sur les années 2005, 2007 et 2020 ne permet aucunement de déterminer si Mme [R] exerçait des fonctions de cadre ou si d'autres salariés, exerçant les mêmes fonctions qu'elle, ont bénéficié de ce statut.
Le fait que M. [F] [X] (cf arrêt de la cour d'appel de Versailles du 22 mars 2023) ait été engagé par contrat de travail 17 août 2015 en qualité de technico-commercial, moyennant un salaire mensuel de 3 000 € brut et des commissions, n'induit aucune discrimination à l'égard de Mme [R] qui a perçu un revenu net imposable de 85'177,83 € (cf fiche de paie de décembre 2019) pour l'année 2019, alors que ce dernier a perçu un revenu net imposable de 44 192 € sur l'année 2018 (cf fiche de paie de décembre 2018).
Enfin, si le contrat de travail de Mme [R] prévoyait qu'elle représentait la société EURO PLV pour le secteur de [Localité 6] et de la région parisienne, cela ne signifie pas qu'elle avait la 'Responsabilité de la gestion de son secteur (qualité, coût, délais)', comme prévu par la convention collective pour un cadre.
Au total, Mme [R] ne démontre pas qu'elle ait exercé des fonctions relevant d'une classification supérieure à celle d'agent de maîtrise niveau III, soit selon la convention collective : « Emploi à haut niveau de professionnalisme ou d'encadrement. Reçoit des directives constituant le cadre d'ensemble de l'activité et définissant les objectifs. Large autonomie pour les moyens, le mode opératoire, les opérations de conformité et l'ordre de succession. A en charge la réalisation des objectifs de son domaine d'activité. Maîtrise confirmée d'une spécialisation. Les connaissances acquises par la formation et/ou l'expérience professionnelle de niveau 3 de l'éducation nationale », à l'échelon 315.
Ne démontrant pas qu'elle ait exercé des fonctions de cadre en étant rémunérée comme un agent de maîtrise et qualifiée à tort de tel, Mme [R] ne peut pas en conséquence dire qu'elle a subi une discrimination par rapport à des collègues masculins qui auraient bénéficié du statut cadre pour effectuer le même travail.
En conséquence, au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de débouter Mme [R] de sa demande en paiement de dommages et intérêts présentée à ce titre et de confirmer le jugement de ce chef.
III Sur le harcèlement moral
L'article L. 1152-1 du code du travail dispose que : 'Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel'.
L'article L. 1152-3 du même code prévoit que : 'Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul'.
L'article L 1154-1 du même code que : 'Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles'.
Mme [R] présente et soutient les éléments suivants à l'appui de sa demande tendant à voir constater qu'elle a été victime de harcèlement moral de la part de son employeur :
1) une modification unilatérale de sa rémunération de par :
a) un changement de son secteur géographique
Le contrat de travail de Mme [R] stipulait en son article 4 que '[G] [O] représentera la société EURO PLV, plus particulièrement sur les départements : [Localité 6] et RP (75'91'92'93'94'95'77' 78). Il n'est pas fait obstacle à une représentation sur un autre département dès l'instant que l'intérêt de la société y est prouvé'.
Les termes du contrat de travail permettaient donc à la société EURO PLV de modifier unilatéralement le secteur géographique de Mme [R].
Suite à son déménagement en Limousin en 2011 (attestation de M. [T], PDG de la société EURO PLV, du 4 février 20105), Mme [R] s'est vue confier le secteur ouest de la France avec la ville de [Localité 5], puis en 2017'2018, un client important situé à [Localité 7].
Si elle soutient qu'il en est résulté pour elle un manque à gagner considérable, ses fiches de paie de décembre 2009 à décembre 2020 montrent au contraire une augmentation de son revenu net imposable annuel passant de 48'324 €en décembre 2009 à 85'177,83 € en décembre 2019 et 61'633,09 € en décembre 2020.
Elle ne démontre donc pas avoir subi une perte de revenus.
Par ailleurs, si elle reproche à son employeur qu'à compter du 11 mars 2020, il ne l'a plus autorisée à prospecter sur le secteur géographique de [Localité 6] et la région parisienne, même concernant ses anciens clients, ce n'est pas ce qui ressort du mail invoqué (pièce n° 23) du 12 mars 2020 de Mme [J], sa supérieure hiérarchique directe, qui indique : 'la région parisienne en dehors des comptes que tu as conservés lors de ta venue à [Localité 4] ne fait pas partie de ta zone de prospection, et nous privilégions aujourd'hui la transmission de contacts entre collègues'.
Il s'évince donc de ce mail que la région parisienne ne faisait plus partie de la zone de prospection de Mme [R], à l'exception des comptes clients qu'elle avait conservés dans cette zone. Elle gardait donc l'autorisation de prospection de ses anciens clients situés en région parisienne.
Elle ne peut donc faire grief de ce chef contre la société EURO PLV.
b) la fixation unilatérale d'objectifs inatteignables
Mme [R] écrit dans un mail du 1er mars 2019 à Mme [J] : 'Je tiens à préciser que nous n'arrivons pas à nos objectifs respectifs, mais il faut savoir qu'ils ont été déterminés unilatéralement par la direction, sans aucune concertation avec le terrain et la réalité du marché... Pour ma part, je me retrouve en situation d'échec car on n'a pas souhaité m'entendre lors des « entretiens » de la fin d'exercice 2018. On m'a donné un objectif tout à fait inatteignable car l'année 2017/2018 était tout à fait exceptionnelle avec un dépassement de 50 % de mon objectif, cela ne peut être considéré comme la norme'.
En réponse à un mail du 5 février 2020 de Mme [R] dans lequel elle se plaint que la société a perdu des clients et suite à l'entretien du 11 mars 2020, Mme [J] lui a répondu le 12 mars 2020 que : 'nous avons accepté sa proposition d'objectif à 1'584'000 € pour ton secteur, en recul par rapport à ton objectif de 2 M d'€ sur le précédent exercice, et tenant compte de la perte ou du recul de ces clients'.
Il convient en conséquence de considérer que les objectifs ont été négociés entre Mme [R] et la société EURO PLV.
Par ailleurs, le fait que Mme [R] n'ait pas pu respecter ses objectifs a notamment pour cause la perte de clients de la société EURO PLV dans un contexte plus général. Dans son mail du 12 mars 2020, Mme [J] ne lui en fait pas le reproche : 'Pour ce qui concerne les dossiers perdus, nous en avons tenu compte dans tes objectifs'. Mais, elle attire l'attention de Mme [R] sur la forte présence du jouet dans son secteur, domaine en recul d'activité, si bien qu'elle l'incite à diversifier sa clientèle en lui précisant différents moyens pour conquérir de nouveaux marchés. En tout état de cause, elle l'assure, avec l'ensemble des services internes, de son soutien.
Il convient de considérer en conséquence que la direction de la société EURO PLV avait pris en compte les difficultés de Mme [R] à atteindre ses objectifs, compte tenu de la situation de l'entreprise.
Ce grief ne peut donc pas être retenu.
2) une dévalorisation et une mise à l'écart constantes
En premier lieu, le mail de M. [H] [T] du 1er mars 2019, adressé à l'ensemble des commerciaux, dans lequel il indique : 'Le mois de février vient de s'achever, nous avons enregistré un petit chiffre d'affaires bien en dessous des besoins de l'entreprise... Il va falloir cravacher dur pour arriver à refaire ce retard' ne traduit pas un comportement de harcèlement, mais une volonté de mobilisation des commerciaux face à une perte de chiffre d'affaires de l'entreprise.
En second lieu, les mails adressés par Mme [R] les :
- 2 novembre 2016 : 'J'ai vraiment le sentiment que nous sommes actuellement devenus les parias d'Europlv...je suis très usée par tout cela',
- 12 mai 2017 : 'Suite à ma mésaventure de mardi, je crois que j'ai besoin de vider un peu mon sac, car je suis un peu au bout du rouleau nerveusement et physiquement',
- 1er décembre 2016 au sujet d'une faute d'orthographe de son directeur sur son nom : 'j'ai le sentiment d'être méprisée',
- 17 février 2020 : 'Je ne sais pas si je vais tenir encore longtemps',
sont davantage la manifestation d'un ressenti que la preuve de faits concrets qui pourraient être reprochés à l'employeur.
Mais, il ressort de son mail du 8 janvier 2020 adressé à un collègue qu'elle a été évincée d'une réunion lors de la visite d'un client, la société EURO PLV ne rapportant pas la preuve qu'elle soit arrivée en retard. De même, dans un mail du 11 mars 2020, elle indique qu'une autre réunion a été commencée sans elle.
Mme [R] a pu effectivement se sentir dévalorisée et humiliée à juste titre.
3) une attitude méprisante et une absence de soutien de la hiérarchie
Il ressort de mails adressés entre le 17 juillet 2019 et le 8 août 2019 que Mme [R], se disant à court d'arguments, a demandé à Mme [J], sa supérieure hiérarchique, d'intervenir auprès du client Bayer en litige avec la société EURO PLV. Or, Mme [J] lui a répondu que la gestion de ce litige lui incombait, la direction lui ayant déjà donné des directives à ce sujet, c'est à dire proposer au client la destruction des produits.
Il convient de considérer que la direction ayant déjà donné sa position, il appartenait au commercial de gérer la difficulté.
Dans un autre échange de février 2020, Mme [J] a demandé à Mme [R] de se concentrer sur d'autres cibles que certains clients. Il ne peut être constaté dans cet injonction aucune attitude désobligeante ou méprisante, mais seulement l'exercice du pouvoir de direction.
Mme [R] fait également état d'un entretien téléphonique retranscrit par elle-même avec Mme [J] du 24 avril 2019. Dans cet écrit, Mme [R] a écrit les reproches que Mme [J] lui aurait fait (notamment une agressivité dans la rédaction de ses mails, des agissements dans un intérêt personnel et non dans celui de l'entreprise, une absence d'esprit d'équipe).
Mais, il convient de considérer que ce document, émanant de Mme [R] elle-même, peut difficilement constituer un élément de preuve et qu'en tout état de cause, un employeur peut formuler des reproches à l'égard d'un salarié s'ils sont justifiés.
Mme [R] reproche à Mme [J] d'avoir refusé qu'elle participe en visioconférence à une réunion qui s'est tenue deux jours avant le confinement général du 17 mars 2020 (cf mails des 13 mars 2020).
Il convient de considérer que les autres membres de la réunion ont dû y assister et que le confinement n'avait pas encore été prononcé, si bien que ce grief ne peut pas être retenu.
Mme [R] produit enfin des attestations de trois salariés ayant démissionné en raison du climat conflictuel existant avec leur hiérarchie, notamment Mme [J] et M. [Z] [T]. Mais ils ne font pas état de harcèlement moral de ces personnes à l'égard de Mme [R].
Au total, le grief d'une attitude méprisante et d'une absence de soutien de la hiérarchie ne peut pas être retenu contre la société EURO PLV.
4) la surcharge de travail
Il n'est pas établi que Mme [R] ait effectuée des heures supplémentaires.
La preuve d'une surcharge de travail n'est donc pas rapportée.
5) le rendez-vous « à charge » du 11 mars 2020
S'inquiétant de la perte de clients et donc de revenus, Mme [R] avait, dans un mail du 5 février 2020, sollicité un rendez-vous auprès de la direction.
Cet entretien a eu lieu le 11 mars 2020 en présence de M. [H] [T], PDG de la société EURO PLV, son fils [Z] [T] responsable du pôle commercial et Mme [J], directrice commerciale.
Mais, Mme [R] ne produit aucun élément concernant le déroulement de cet entretien. Elle fait référence à son dossier auprès de la médecine du travail qui relate ses propos selon lesquels, lors de cet entretien, Mrs [T] et la directrice n'auraient relevé à son encontre que des points négatifs et que par suite, elle a été placée en arrêt maladie.
Dans son mail du 12 mars 2020 adressé à Mme [R], Mme [J] revient sur cet entretien en rappelant les objectifs chiffrés, la perte de certains clients par l'entreprise, notamment dans le secteur du jouet, les moyens pour conquérir de nouveaux marchés avec des précisions sur le client Cargo, en lui confirmant le soutien de la direction.
Mais ce mail, même s'il est rédigé sur un ton ferme, ne comporte pas de propos désobligeants ou méprisants.
Ce grief ne peut donc pas être retenu.
6) l'attitude persistante de la société EURO PLV pendant l'arrêt de travail de Mme [R]
Mme [R] soutient que la société EURO PLV a continué à la mettre à l'écart pendant son arrêt maladie.
Lors de l'entretien sollicité par Mme [R] en date du 19 octobre 2020,selon le seul compte rendu signé par M. [V], secrétaire du CSE, qui peut être pris en compte, cette dernière a fait part à M. [H] [T] et M. [Z] [T] de ses difficultés et notamment de ses difficultés relationnelles avec Mme [J] l'empêchant de poursuivre son travail. Suite à sa demande de reclassement dans l'entreprise ou dans une filiale, la direction lui a répondu qu'aucun poste n'était disponible et lui a proposé un poste 'au service décorticage', poste au plus bas de l'échelle dans l'entreprise.
Il convient de considérer que cette expression est déplacée et humiliante vis-à-vis d'une technico-commerciale ayant 15 ans d'ancienneté.
Mme [R] ne peut pas reprocher à la société EURO PLV de ne pas l'avoir informée d'un projet de licenciement économique de plusieurs salariés dans la mesure où M. [T] lui a répondu le 2 décembre 2020 que son poste n'était pas supprimé et que son retour était attendu. De plus, les motifs d'un licenciement économique ne doivent pas être inhérents à la personne du salarié, si bien que Mme [R] n'était pas concernée.
Mme [R] ne peut pas davantage reprocher à son employeur le refus d'accès au logiciel de gestion des clients pendant son arrêt de travail puisqu'elle avait interdiction de travailler.
En juillet 2021, elle s'est vue affecter un véhicule de société Renault Berlingo comportant 154'802 kilomètres en lieu et place d'un véhicule Renault Scénic comportant 99'298 kilomètres qui devait être restitué, le contrat de location arrivant à échéance.
La société EURO PLV ne conteste pas qu'il s'agit d'un véhicule 'classe inférieure', ayant par là-même réduit l'avantage en nature correspondant sur les fiches de paie de Mme [R].
Sur ce fait, il convient de considérer qu'il est effectivement humiliant de se voir affecté un véhicule de classe inférieure, mais il convient de tenir compte du fait que Mme [R] ne travaillait plus depuis plus d'un an.
Le fait que l'employeur ait fait réaliser à l'endroit de Mme [R] une contre-visite médicale en mars 2022 n'est pas constitutif de harcèlement moral, mais relève d'un droit de ce dernier.
Au total, il peut être relevé comme manquements de l'employeur la mise à l'écart de Mme [R] lors de deux réunions en janvier et mars 2020, la proposition de la reclasser au service 'décorticage' et l'affectation d'un véhicule de classe inférieure.
Mais, pris dans leur ensemble, les faits avancés par Mme [R] contre son employeur ne caractérisent pas des faits de harcèlement moral, faute soit d'être établis, soit d'être suffisamment graves et répétés.
En conséquence, Mme [R] doit donc être déboutée de ses demandes tendant à voir:
- condamner la société EURO PLV à lui payer la somme de 123 792 € net en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral.,
- voir dire et juger son licenciement nul et voir condamner la société EURO PLV à lui payer la somme de 154 740 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.
Au vu de l'ensemble des éléments ci-dessus énoncés, il ne peut pas être relevé contre l'employeur un manquement à son obligation de sécurité de résultat, ni de manquements suffisamment graves pour voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts.
Mme [R] doit donc être déboutée de ses demandes correspondantes.
En réalité, le licenciement de Mme [R] repose sur une cause réelle et sérieuse, son inaptitude constatée par le médecin du travail le 7 avril 2022, sans possibilité de reclassement.
Elle doit donc être déboutée de sa demande tendant à voir dire et juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse avec paiement des indemnités afférentes.
La demande tendant à voir obliger la société EURO PLV à remettre à Mme [R] les documents modifiés (bulletins de salaire, attestation Pôle Emploi) est sans objet.
III Sur les indemnités dues
1) Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement
Mme [R], embauchée le 17 mai 2005, avait 16 années et 11 mois d'ancienneté à la date du licenciement le 20 avril 2022.
En application des dispositions de l'article R. 1234-4 du code du travail, il convient de prendre en compte comme salaire de référence le tiers des trois derniers mois, soit une moyenne de 9 060,15 € brut, pour calculer l'indemnité de licenciement.
Conformément à la convention collective du 17 avril 2019 en son article 51-1 concernant les agents de maîtrise, elle a droit à une indemnité de licenciement s'élevant à :
' 1/4 de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à 10 ans, soit 1/4 de 9 060,15 € x 10 ans = 22'650,37 €
' 1/3 de mois par année d'ancienneté pour les années à partir de 10 ans, soit 1/3 de 9060,15 € x 10 ans = 18'120,30 € et 2'768,37 € sur 11 mois,
soit un total de 43'539,04 €.
Mme [R] ayant déjà perçu la somme de 43'835 €au titre de son indemnité de licenciement, elle doit être déboutée de sa demande en paiement complémentaire à ce titre.
Le jugement sera donc réformé en ce qu'il a condamné la société EURO PLV à lui payer la somme de 1 867,50 € à ce titre.
2) Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents
Le licenciement étant fondé sur une inaptitude d'origine non professionnelle, Mme [R] doit être déboutée de sa demande à ce titre.
3) Sur le non-respect de la procédure de licenciement
Mme [R] a été convoquée par lettre reçue le samedi 9 avril 2022 à l'entretien préalable de licenciement du 15 avril 2022, dans un délai inférieur au délai de cinq jours ouvrables prévus par l'article L. 1232'2 du code du travail.
Par courrier du 13 avril 2022, Mme [R] a informé la société EURO PLV qu'elle ne se rendrait pas à cet entretien préalable, en raison de son état de santé attesté par un certificat médical du 11 avril 2022.
En conséquence, même si le délai de cinq jours ouvrables avait été respecté, Mme [R] ne se serait pas présentée à cet entretien. Elle n'a donc subi aucun préjudice résultant du non-respect de ce délai.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts présentée à ce titre.
4) Sur les congés payés
La société EURO PLV a pris en compte la jurisprudence de la Cour de cassation (arrêt du 13 septembre 2023 n° 22'17. 340, n° 22'17. 341, n° 22'17. 342) en mentionnant sur sa fiche de paie d'octobre 2023 la somme de 20 838,35 € brut au titre des congés payés de février 2020 à avril 2022 et en lui payant la somme complémentaire de 11'002,71 € par chèque du 25 octobre 2023, montant supérieur à sa demande à hauteur de 7 750,12 €. Elle a donc été remplie de ses droits.
Elle doit donc être déboutée de sa demande en paiement présentée à ce titre.
- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Mme [R] succombant à l'instance, elle doit être condamnée aux dépens.
Il est équitable de la condamner à payer à la société EURO PLV la somme de 2 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
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PAR CES MOTIFS
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La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Limoges le 5 septembre 2022, sauf en ce qu'il a condamné la société EURO PLV à payer à Mme [R] la somme de 1 867,50 € ;
Statuant à nouveau,
DEBOUTE Mme [G] [O] épouse [R] de l'ensemble de ses demandes ;
CONDAMNE Mme [G] [O] épouse [R] à payer à la société EURO PLV la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme [G] [O] épouse [R] aux dépens.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sophie MAILLANT. Pierre-Louis PUGNET.