Décisions
CA Nancy, ch. soc.-sect. 2, 18 janvier 2024, n° 22/02144
NANCY
Arrêt
Autre
ARRÊT N° /2024
PH
DU 18 JANVIER 2024
N° RG 22/02144 - N° Portalis DBVR-V-B7G-FBPO
Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de Nancy
19/00526
12 septembre 2022
COUR D'APPEL DE NANCY
CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2
APPELANT :
Monsieur [U] [O]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me François VALLAS, avocat au barreau d'EPINAL substitué par Me TZWANGUE, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
S.A. BACCARAT agissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY substituée par Me WOLF, avocat au barreau de PARIS
INTERVENANT
LE DEFENSEUR DES DROITS pris en la personne de Madame [B] [G]
[Adresse 6]
[Localité 5]
Ni comparant ni représenté
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats et du délibéré,
Président : WEISSMANN Raphaël,
Conseillers : BRUNEAU Dominique,
STANEK Stéphane,
Greffier lors des débats : RIVORY Laurène
DÉBATS :
En audience publique du 05 Octobre 2023 ;
L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 21 Décembre 2023 ; par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; puis à cette date le délibéré a été prorogé au 18 Janvier 2024 ;
Le 18 Janvier 2024 , la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES.
M. [U] [O] a été engagé sous contrat de travail à durée indéterminée, par la S.A Baccarat à compter du 04 juin 1985, en qualité de verrier.
La convention collective nationale de la fabrication du verre à la main, semi-automatique et mixte du 03 novembre 1994 s'applique au contrat de travail.
A compter du 07 avril 1991, M. [U] [O] a été placé en arrêt de travail, pour maladie des suites d'un accident de la circulation, prolongé de façon continue.
A compter du 19 janvier 1993, le salarié a été reconnu en qualité de travailleur handicapé, avec un taux d'incapacité de 85% fixé par la commission technique d'orientation et de reclassement de Meurthe-et-Moselle.
Le 01 octobre 1993, M. [U] [O] a repris son poste au sein de la S.A Baccarat, avec un reclassement au poste d'opérateur de ligne.
A compter de 2002, M. [U] [O] a été successivement désigné délégué syndical, représentant syndical au comité d'entreprise, délégué du personnel, secrétaire syndical et porte-parole syndical.
A compter de 2011, il a été en arrêt de travail pour maladie, du fait d'une épicondylite qui a été reconnue au titre du régime des maladies professionnelles par décision de la CPAM de Meurthe-et-Moselle rendue en 2012.
A la suite, le salarié a été affecté au poste d'agent de pulvérisation sur cristal.
Le salarié a fait plusieurs rechutes de cette maladie professionnelle en 2012, 2016, 2017 et 2018, avec placements en arrêts de travail.
Par décision du 10 janvier 2019 de la médecine du travail, M. [U] [O] a été déclaré inapte à son poste de travail.
Par décision du 10 mai 2019, l'inspection du travail a autorisé le licenciement du salarié.
Par courrier du 16 mai 2019, M. [U] [O] a été licencié pour inaptitude d'origine professionnelle.
Par requête du 09 décembre 2019, M. [U] [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy, aux fins :
- de juger qu'il a subi une discrimination du fait de son appartenance syndicale et de son handicap,
- de condamner la S.A Baccarat à lui payer les sommes de:
- 112 957,29 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier,
- 35 000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,
- de juger que la S.A Baccarat a violé son obligation de sécurité de résultat,
- de condamner la S.A Baccarat à lui payer la somme de 25 000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
- de juger que son inaptitude est la conséquence des manquements de l'employeur,
- de condamner la S.A Baccarat à lui payer la somme de 80 000,00 euros à titre de dommages et intérêt pour perte d'emploi,
- de la condamner à lui payer la somme de 3 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
- d'ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile.
Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 12 septembre 2022 qui a:
- rejeté l'exception de fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la S.A Baccarat,
- débouté M. [U] [O] de sa demande au titre de la discrimination du fait de son appartenance syndicale et de son handicap,
- condamné la S.A Baccarat à payer à M. [U] [O] les sommes suivantes :
- 7 000,00 euros de dommages et intérêts pour perte d'emploi,
- 1 200,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la S.A Baccarat de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire, hors les cas où elle est applicable de droit,
- condamné la S.A Baccarat aux dépens,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Vu l'appel formé par M. [U] [O] le 26 septembre 2022,
Vu l'appel incident formé par la S.A Baccarat le 24 mars 2023,
Vu l'article 455 du code de procédure civile,
Vu les conclusions de M. [U] [O] déposées sur le RPVA le 26 juin 2023, et celles de la S.A Baccarat déposées sur le RPVA le 14 septembre 2023,
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 20 septembre 2023,
M. [U] [O] demande à la cour:
- de confirmer le jugement rendu le 12 septembre 2022 en ce qu'il a rejeté l'exception de fin de non recevoir tirée de la prescription soulevée par la S.A Baccarat ;
- Infirmer ledit jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts au titre de la discr;imination du fait de son appartenance syndicale et de son handicap ;
- en conséquence, de condamner la S.A Baccarat à lui payer les sommes de:
- 110 409,39 euros au titre du préjudice matériel ;
- 35000 euros au titre du préjudice moral ;
- 35000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance dans l'évolution de carrière ;
- outre intérêts au taux légal sur les dommages-intérêts à compter de l'arrêt à intervenir, et capitalisation de ceux-ci dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,
- d'ordonner son reclassement dans la catégorie 4 A dès 1995 ;
- en conséquence condamner la S.A Baccarat à lui payer les sommes de:
- 11616,48 euros à titre de rappel de salaires pour la période de 1995 à 2000 ;
- 1161,64 euros au titre des congés payés afférents
- outre intérêts au taux légal sur les dommages-intérêts à compter de l'arrêt à intervenir, et capitalisation de ceux-ci dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,
- de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 12 septembre 2022 en ce qu'il a reconnu que la S.A Baccarat avait commis un manquement à son obligation de sécurité de moyens renforcée,
*
A titre principal :
- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la S.A Baccarat à lui verser la somme de 7 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour perte d'emploi,
Statuant à nouveau :
- de condamner la S.A Baccarat à lui verser la somme de 80 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de moyens renforcée,
- outre intérêts au taux légal sur les dommages-intérêts à compter de l'arrêt à intervenir, et capitalisation de ceux-ci dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,
*
A titre subsidiaire :
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la S.A Baccarat à lui verser la sommes de 7 000,00 euros de dommages-intérêts pour perte d'emploi,
- outre intérêts au taux légal sur les dommages-intérêts à compter de l'arrêt à intervenir, et capitalisation de ceux-ci dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,
*
En toute hypothèse,
- de condamner la S.A Baccarat à lui verser la sommes de 3 000,00 euros à titre d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner la S.A Baccarat aux entiers dépens.
La S.A Baccarat demande à la cour:
*Sur la discrimination prétendument subie :
- de constater que M. [U] [O] n'a fait l'objet d'aucun traitement discriminatoire de la part de la S.A Baccarat,
- en conséquence, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [U] [O] de l'intégralité de ses demandes à ce titre,
*Sur le prétendu manquement à l'obligation de sécurité :
- de constater qu'elle n'a pas manqué à son obligation de sécurité à l'égard de M. [U] [O] et ce, notamment dans l'aménagement de son poste,
- en conséquence, d'infirmer entrepris en ce qu'il l'a condamnée à verser à M. [U] [O] la somme de 7 000,00 à titre de dommages-intérêts pour perte d'emploi,
Statuant à nouveau :
- de débouter M. [O] de l'ensemble de ses demandes à ce titre,
En tout état de cause :
- de condamner M. [U] [O] à lui payer la somme de 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR ;
La cour renvoie expressément pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties aux conclusions déposées sur le RPVA par M. [U] [O] le RPVA le 26 juin 2023 et par la S.A Baccarat le 14 septembre 2023.
- Sur la demande de reclassement.
M. [U] [O] expose qu'il a été classé dans la catégorie 4A à partir du 1er mars 2001 lors de la révision des qualification de la Convention collective de la fabrication du verre à la main du 3 décembre 1985 ; que toutefois il a exercé avant 2001 les fonctions 'd'opérateur perceur aléseur de bijoux' et 'd'opérateur main vases', ces deux postes étant dans ce cadre respectivement classés en catégorie 4 A et 4 B alors qu'il était à l'époque classé en catégorie 3 B ; que de plus il a effectué un remplacement sur un poste classé 4 A durant une durée supérieure à trois mois, situation qui, aux termes de la convention collective applicable, lui permettait de bénéficier de cette classification ; il demande donc de se voir reconnaître un classement en catégorie 4 A à compter du 1er janvier 1995 et en conséquence de bénéficier d'un rappel de rémunération sur cette base.
La S.A Baccarat s'oppose à la demande, faisant valoir que M. [U] [O] a exactement exercé les fonctions correspondant à sa classification professionnelle.
Il ressort des bulletins de salaire de M. [U] [O] que s'il a occupé pour la période de 1993 à 2000 un emploi d''opérateur de ligne' dans les ateliers 'vases et surfaces planes' et 'décoration' dans lequel étaient effectuées des opérations de perçage, ni ces documents ni les fiches d'évaluation pour la période concernée ne font état qu'il était affecté aux postes d''opérateur perceur aléseur de bijoux' et d''opérateur main vases' ; en outre, il ne démontre pas qu'il a effectué un remplacement sur un poste lui permettant de revendiquer une classification supérieure à celle qui lui était reconnue à l'époque.
Par ailleurs, M. [U] [O] ne démontre pas qu'il a exercé l'une des fonctions du niveau 4 A visées à l'annexe de la Convention collective de la fabrication du verre à la main du 3 décembre 1985
Dès lors, la demande sera rejetée.
- Sur la discrimination.
- Sur la réalité du grief relatif à la discrimination.
L'article L 1132-1 du code du travail dispose qu'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, d'horaires de travail, d'évaluation de la performance, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d'un mandat électif, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de sa qualité de lanceur d'alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d'alerte, au sens, respectivement, du I de l'article 6 et des 1° et 2° de l'article 6-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
L'article L 1134-1 du même code précise que lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
M. [U] [O] expose qu'il a fait l'objet d'une discrimination relative à ses activités syndicales en ce qu'il a connu une évolution salariale moins favorable que celle de ces collègues de même niveau de classification durant la période pendant laquelle il a exercé ses mandats syndicaux ; qu'en particulier il n'a pas bénéficié de l'avancement d'échelon prévu par la convention collective applicable dans l'entreprise ; qu'il n'a par ailleurs bénéficié d'aucune formation durant cette période.
Pour une exacte appréciation des griefs formés par M. [O], il convient de rappeler que celui-ci s'est présenté aux élections professionnelles en 1998 et 2000, qu'il a représenté le syndicat SUD Verre à compter de 2001 et qu'à compter de 2002 et jusqu'en 2017 il a exercé plusieurs fonctions de représentation du personnel ; en conséquence, les griefs allégués doivent être analysés sur cette période.
S'agissant de l'évolution salariale de M. [O], il ressort des bulletins de salaire de l'intéressé et de la grille des salaires au 1er janvier 2013 qu'il était classé en catégorie 4 A coefficient 160 ; que cette catégorie compte 9 échelons de rémunération ;
L'article 6.1 de l'accord d'entreprise de 2002, dont la S.A Baccarat ne conteste pas l'applicabilité en l'espèce, prévoit que le salarié progresse d'un échelon tous les trois ans ;
Au 1er janvier 2013, soit après 12 années dans le coefficient 160, M. [O] était classé à l'échelon 1, soit le deuxième niveau de rémunération du coefficient, alors qu'il aurait dû, selon le mode de progression précédemment évoqué, être classé a minima à l'échelon 4, soit le cinquième niveau de rémunération.
S'agissant de la formation, la S.A Baccarat ne conteste pas que M. [U] [O] n'a pas bénéficié de formation postérieurement à l'année 2001.
Au regard de ces éléments, M. [U] [O] présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination.
Sur le grief relatif à l'évolution salariale, la S.A Baccarat expose que l'évolution de carrière de M. [U] [O] est conforme à celui des autres salariés engagés au même moment que lui, 42 % de ceux-ci disposant du même coefficient.
Toutefois, la S.A Baccarat ne démontre pas qu'au sein du coefficient 160, ces salariés ont connu une évolution de leur rémunération comparable avec celle de M. [O], et elle n'explique pas pour quelle raison M. [O] n'a pas bénéficié des dispositions conventionnelles précédemment évoquées.
Sur le grief relatif à l'absence de formation, la S.A Baccarat répond que M. [O] a, au regard des nécessité de reclassement, occupé un poste qui n'existait pas dans l'entreprise et pour lequel, par définition, il ne pouvait y exister de formation.
Toutefois, cette circonstance ne justifie en elle-même que M. [O] n'ait bénéficié d'aucune formation de 2002 à 2015.
Dès lors, la S.A Baccarat ne démontre pas que la situation de M. [U] [O] après cette date est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Il sera donc fait droit à la demande en son principe, et la décision entreprise sera infirmée sur ce point.
- Sur la réparation du préjudice subi de fait de la discrimination.
- Sur le préjudice matériel.
M. [U] [O] expose que la discrimination syndicale dont il a été victime a eu des conséquences sur sa rémunération et ses droits à retraite ; il apporte au dossier, pour chiffrer sa demande, des bulletins de paie de salarié de l'entreprise se situant au niveau de rémunération qu'il aurait du atteindre (pièces n° 64 à 70 de son dossier).
La S.A Baccarat soutient que les situations auxquelles se réfère M. [O] ne sont pas comparables à la sienne.
C'est par une exacte appréciation des éléments du dossier, et par une motivation que la cour adopte, que les premiers juges ont estimé que le panel auquel M. [U] [O] se réfère pour chiffrer son préjudice ne peut être retenu, certains membres de ce groupe ayant été embauchés à une qualification plus élevée, d'autres ayant suivi un cursus professionnel différent du sien.
Le préjudice de M. [U] [O] sera dont chiffré sur la base de la différence entre son échelon dans la qualification 4 A échelon 1 et l'échelon 4 du même grade sur la période considérée.
Au regard de la rémunération mensuelle moyenne de M. [O] sur la période, et en tenant compte de la perte de droits à la retraite liée à la minoration de cette rémunération, il sera fait droit à sa demande à hauteur de 23 500 euros.
- Sur le préjudice moral.
M. [U] [O] a, du fait de la discrimination dont il a fait l'objet, subi un préjudice moral qu'il convient d'indemniser ;
Il sera fait droit à cette demande à hauteur de 5000 euros.
- Sur le préjudice relatif à la perte de chance d'évolution de carrière.
M. [U] [O] expose qu'il n'a pas bénéficié de l'évolution de carrière qu'il pouvait espérer, l'impossibilité d'acceder au niveau 4B ne lui ayant pas permis notamment d'acceder au statut ETAM.
Toutefois, si M. [U] [O] a été pénalisé du fait de sa faible évolution de rémunération dans le cadre de la qualification 4 A coefficient 160, il ne démontre pas en quoi la discrimination dont il a été l'objet ne lui a pas permis d'acceder aux coefficients supérieurs, étant précisé que le temps théorique de passage à ce coefficient résultant des dispositions conventionnelles rappelées précédemment est de 27 ans (9 échelons et 3 ans par échelon), et qu'il n'est pas contesté que 42 % des salariés embauchés à la même époque que M. [O] relèvent du même coefficient 160.
Dès lors, la demande sera rejetée.
- Sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.
M. [U] [O] expose que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité en n'aménageant pas son poste de travail conformément aux préconisation du médecin du travail, en lui infligeant une sanction disciplinaire non justifiée, et en omettant de le faire convoquer à une visite de reprise.
C'est par une exacte appréciation des éléments du dossier et par une motivation que la cour adopte que les premiers juges ont constaté que le droit de retrait invoqué par M. [O] le 1er septembre 2006, ayant entraîné un avertissement était injustifié et que cette sanction n'était donc pas sans fondement.
Par ailleurs, M. [U] [O] ne démontre pas le préjudice que lui aurait causé l'absence de visite de reprise, visite dont les premiers juges ont rappelé qu'il pouvait lui-même en solliciter l'organisation.
En revanche, c'est par une exacte appréciation des éléments du dossier et par une motivation que la cour adopte que les premiers juges ont constaté que M. [U] [O] avait, en août 2016, été affecté sur le poste de travail dans le cadre duquel il avait contracté sa maladie professionnelle et ce sans avis préalable du médecin du travail et sans respecter les restrictions indiquées par celui-ci lors d'une visité précédente ;
Par ailleurs, si des aménagements de poste ont été effectués, il ressort des pièces n° 27 à 33 du dossier de M. [O] que l'employeur a manqué de célérité notamment dans la mise en place des aménagements recommandés ; que cette attitude a causé à M. [U] [O] un préjudice qu'il convient de réparer ;
La cour évalue à la somme de 10 000 euros le montant de la réparation due à ce titre.
La décision entreprise sera réformée sur ce point.
La S.A Baccarat qui succombe supportera les dépens d'appel.
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de M. [U] [O] l'intégralité des frais irrépétibles qu'il a exposés ; il sera fait droit à cette demande à hauteur de 2500 euros.
PAR CES MOTIFS:
La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
INFIRME le jugement rendu le 12 septembre 2022 par le conseil de prud'hommes de Nancy ;
STATUANT A NOUVEAU
DIT que M. [U] [O] a été victime de faits de discrimination en raison de son appartenance syndicale ;
CONDAMNE la S.A Baccarat à payer à M. [U] [O] les sommes de:
- 23 500 euros au titre du préjudice matériel issu de la discrimination ;
- 5000 euros au titre du préjudice moral ;
CONDAMNE la SA Baccarat à payer à M. [U] [O] la somme de 10 000 euros au titre du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ;
DIT que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du présent arrêt , et capitalisation de ceux-ci dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,
Y ajoutant:
CONDAMNE la S.A Baccarat aux dépens d'appel,
LA CONDAMNE à payer à M. [U] [O] une somme de 2500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ,
Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.
LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE
Minute en dix pages
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DU 18 JANVIER 2024
N° RG 22/02144 - N° Portalis DBVR-V-B7G-FBPO
Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de Nancy
19/00526
12 septembre 2022
COUR D'APPEL DE NANCY
CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2
APPELANT :
Monsieur [U] [O]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me François VALLAS, avocat au barreau d'EPINAL substitué par Me TZWANGUE, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
S.A. BACCARAT agissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY substituée par Me WOLF, avocat au barreau de PARIS
INTERVENANT
LE DEFENSEUR DES DROITS pris en la personne de Madame [B] [G]
[Adresse 6]
[Localité 5]
Ni comparant ni représenté
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats et du délibéré,
Président : WEISSMANN Raphaël,
Conseillers : BRUNEAU Dominique,
STANEK Stéphane,
Greffier lors des débats : RIVORY Laurène
DÉBATS :
En audience publique du 05 Octobre 2023 ;
L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 21 Décembre 2023 ; par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; puis à cette date le délibéré a été prorogé au 18 Janvier 2024 ;
Le 18 Janvier 2024 , la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES.
M. [U] [O] a été engagé sous contrat de travail à durée indéterminée, par la S.A Baccarat à compter du 04 juin 1985, en qualité de verrier.
La convention collective nationale de la fabrication du verre à la main, semi-automatique et mixte du 03 novembre 1994 s'applique au contrat de travail.
A compter du 07 avril 1991, M. [U] [O] a été placé en arrêt de travail, pour maladie des suites d'un accident de la circulation, prolongé de façon continue.
A compter du 19 janvier 1993, le salarié a été reconnu en qualité de travailleur handicapé, avec un taux d'incapacité de 85% fixé par la commission technique d'orientation et de reclassement de Meurthe-et-Moselle.
Le 01 octobre 1993, M. [U] [O] a repris son poste au sein de la S.A Baccarat, avec un reclassement au poste d'opérateur de ligne.
A compter de 2002, M. [U] [O] a été successivement désigné délégué syndical, représentant syndical au comité d'entreprise, délégué du personnel, secrétaire syndical et porte-parole syndical.
A compter de 2011, il a été en arrêt de travail pour maladie, du fait d'une épicondylite qui a été reconnue au titre du régime des maladies professionnelles par décision de la CPAM de Meurthe-et-Moselle rendue en 2012.
A la suite, le salarié a été affecté au poste d'agent de pulvérisation sur cristal.
Le salarié a fait plusieurs rechutes de cette maladie professionnelle en 2012, 2016, 2017 et 2018, avec placements en arrêts de travail.
Par décision du 10 janvier 2019 de la médecine du travail, M. [U] [O] a été déclaré inapte à son poste de travail.
Par décision du 10 mai 2019, l'inspection du travail a autorisé le licenciement du salarié.
Par courrier du 16 mai 2019, M. [U] [O] a été licencié pour inaptitude d'origine professionnelle.
Par requête du 09 décembre 2019, M. [U] [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy, aux fins :
- de juger qu'il a subi une discrimination du fait de son appartenance syndicale et de son handicap,
- de condamner la S.A Baccarat à lui payer les sommes de:
- 112 957,29 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier,
- 35 000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,
- de juger que la S.A Baccarat a violé son obligation de sécurité de résultat,
- de condamner la S.A Baccarat à lui payer la somme de 25 000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
- de juger que son inaptitude est la conséquence des manquements de l'employeur,
- de condamner la S.A Baccarat à lui payer la somme de 80 000,00 euros à titre de dommages et intérêt pour perte d'emploi,
- de la condamner à lui payer la somme de 3 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
- d'ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile.
Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 12 septembre 2022 qui a:
- rejeté l'exception de fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la S.A Baccarat,
- débouté M. [U] [O] de sa demande au titre de la discrimination du fait de son appartenance syndicale et de son handicap,
- condamné la S.A Baccarat à payer à M. [U] [O] les sommes suivantes :
- 7 000,00 euros de dommages et intérêts pour perte d'emploi,
- 1 200,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la S.A Baccarat de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire, hors les cas où elle est applicable de droit,
- condamné la S.A Baccarat aux dépens,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Vu l'appel formé par M. [U] [O] le 26 septembre 2022,
Vu l'appel incident formé par la S.A Baccarat le 24 mars 2023,
Vu l'article 455 du code de procédure civile,
Vu les conclusions de M. [U] [O] déposées sur le RPVA le 26 juin 2023, et celles de la S.A Baccarat déposées sur le RPVA le 14 septembre 2023,
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 20 septembre 2023,
M. [U] [O] demande à la cour:
- de confirmer le jugement rendu le 12 septembre 2022 en ce qu'il a rejeté l'exception de fin de non recevoir tirée de la prescription soulevée par la S.A Baccarat ;
- Infirmer ledit jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts au titre de la discr;imination du fait de son appartenance syndicale et de son handicap ;
- en conséquence, de condamner la S.A Baccarat à lui payer les sommes de:
- 110 409,39 euros au titre du préjudice matériel ;
- 35000 euros au titre du préjudice moral ;
- 35000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance dans l'évolution de carrière ;
- outre intérêts au taux légal sur les dommages-intérêts à compter de l'arrêt à intervenir, et capitalisation de ceux-ci dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,
- d'ordonner son reclassement dans la catégorie 4 A dès 1995 ;
- en conséquence condamner la S.A Baccarat à lui payer les sommes de:
- 11616,48 euros à titre de rappel de salaires pour la période de 1995 à 2000 ;
- 1161,64 euros au titre des congés payés afférents
- outre intérêts au taux légal sur les dommages-intérêts à compter de l'arrêt à intervenir, et capitalisation de ceux-ci dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,
- de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 12 septembre 2022 en ce qu'il a reconnu que la S.A Baccarat avait commis un manquement à son obligation de sécurité de moyens renforcée,
*
A titre principal :
- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la S.A Baccarat à lui verser la somme de 7 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour perte d'emploi,
Statuant à nouveau :
- de condamner la S.A Baccarat à lui verser la somme de 80 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de moyens renforcée,
- outre intérêts au taux légal sur les dommages-intérêts à compter de l'arrêt à intervenir, et capitalisation de ceux-ci dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,
*
A titre subsidiaire :
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la S.A Baccarat à lui verser la sommes de 7 000,00 euros de dommages-intérêts pour perte d'emploi,
- outre intérêts au taux légal sur les dommages-intérêts à compter de l'arrêt à intervenir, et capitalisation de ceux-ci dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,
*
En toute hypothèse,
- de condamner la S.A Baccarat à lui verser la sommes de 3 000,00 euros à titre d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner la S.A Baccarat aux entiers dépens.
La S.A Baccarat demande à la cour:
*Sur la discrimination prétendument subie :
- de constater que M. [U] [O] n'a fait l'objet d'aucun traitement discriminatoire de la part de la S.A Baccarat,
- en conséquence, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [U] [O] de l'intégralité de ses demandes à ce titre,
*Sur le prétendu manquement à l'obligation de sécurité :
- de constater qu'elle n'a pas manqué à son obligation de sécurité à l'égard de M. [U] [O] et ce, notamment dans l'aménagement de son poste,
- en conséquence, d'infirmer entrepris en ce qu'il l'a condamnée à verser à M. [U] [O] la somme de 7 000,00 à titre de dommages-intérêts pour perte d'emploi,
Statuant à nouveau :
- de débouter M. [O] de l'ensemble de ses demandes à ce titre,
En tout état de cause :
- de condamner M. [U] [O] à lui payer la somme de 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR ;
La cour renvoie expressément pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties aux conclusions déposées sur le RPVA par M. [U] [O] le RPVA le 26 juin 2023 et par la S.A Baccarat le 14 septembre 2023.
- Sur la demande de reclassement.
M. [U] [O] expose qu'il a été classé dans la catégorie 4A à partir du 1er mars 2001 lors de la révision des qualification de la Convention collective de la fabrication du verre à la main du 3 décembre 1985 ; que toutefois il a exercé avant 2001 les fonctions 'd'opérateur perceur aléseur de bijoux' et 'd'opérateur main vases', ces deux postes étant dans ce cadre respectivement classés en catégorie 4 A et 4 B alors qu'il était à l'époque classé en catégorie 3 B ; que de plus il a effectué un remplacement sur un poste classé 4 A durant une durée supérieure à trois mois, situation qui, aux termes de la convention collective applicable, lui permettait de bénéficier de cette classification ; il demande donc de se voir reconnaître un classement en catégorie 4 A à compter du 1er janvier 1995 et en conséquence de bénéficier d'un rappel de rémunération sur cette base.
La S.A Baccarat s'oppose à la demande, faisant valoir que M. [U] [O] a exactement exercé les fonctions correspondant à sa classification professionnelle.
Il ressort des bulletins de salaire de M. [U] [O] que s'il a occupé pour la période de 1993 à 2000 un emploi d''opérateur de ligne' dans les ateliers 'vases et surfaces planes' et 'décoration' dans lequel étaient effectuées des opérations de perçage, ni ces documents ni les fiches d'évaluation pour la période concernée ne font état qu'il était affecté aux postes d''opérateur perceur aléseur de bijoux' et d''opérateur main vases' ; en outre, il ne démontre pas qu'il a effectué un remplacement sur un poste lui permettant de revendiquer une classification supérieure à celle qui lui était reconnue à l'époque.
Par ailleurs, M. [U] [O] ne démontre pas qu'il a exercé l'une des fonctions du niveau 4 A visées à l'annexe de la Convention collective de la fabrication du verre à la main du 3 décembre 1985
Dès lors, la demande sera rejetée.
- Sur la discrimination.
- Sur la réalité du grief relatif à la discrimination.
L'article L 1132-1 du code du travail dispose qu'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, d'horaires de travail, d'évaluation de la performance, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d'un mandat électif, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de sa qualité de lanceur d'alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d'alerte, au sens, respectivement, du I de l'article 6 et des 1° et 2° de l'article 6-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
L'article L 1134-1 du même code précise que lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
M. [U] [O] expose qu'il a fait l'objet d'une discrimination relative à ses activités syndicales en ce qu'il a connu une évolution salariale moins favorable que celle de ces collègues de même niveau de classification durant la période pendant laquelle il a exercé ses mandats syndicaux ; qu'en particulier il n'a pas bénéficié de l'avancement d'échelon prévu par la convention collective applicable dans l'entreprise ; qu'il n'a par ailleurs bénéficié d'aucune formation durant cette période.
Pour une exacte appréciation des griefs formés par M. [O], il convient de rappeler que celui-ci s'est présenté aux élections professionnelles en 1998 et 2000, qu'il a représenté le syndicat SUD Verre à compter de 2001 et qu'à compter de 2002 et jusqu'en 2017 il a exercé plusieurs fonctions de représentation du personnel ; en conséquence, les griefs allégués doivent être analysés sur cette période.
S'agissant de l'évolution salariale de M. [O], il ressort des bulletins de salaire de l'intéressé et de la grille des salaires au 1er janvier 2013 qu'il était classé en catégorie 4 A coefficient 160 ; que cette catégorie compte 9 échelons de rémunération ;
L'article 6.1 de l'accord d'entreprise de 2002, dont la S.A Baccarat ne conteste pas l'applicabilité en l'espèce, prévoit que le salarié progresse d'un échelon tous les trois ans ;
Au 1er janvier 2013, soit après 12 années dans le coefficient 160, M. [O] était classé à l'échelon 1, soit le deuxième niveau de rémunération du coefficient, alors qu'il aurait dû, selon le mode de progression précédemment évoqué, être classé a minima à l'échelon 4, soit le cinquième niveau de rémunération.
S'agissant de la formation, la S.A Baccarat ne conteste pas que M. [U] [O] n'a pas bénéficié de formation postérieurement à l'année 2001.
Au regard de ces éléments, M. [U] [O] présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination.
Sur le grief relatif à l'évolution salariale, la S.A Baccarat expose que l'évolution de carrière de M. [U] [O] est conforme à celui des autres salariés engagés au même moment que lui, 42 % de ceux-ci disposant du même coefficient.
Toutefois, la S.A Baccarat ne démontre pas qu'au sein du coefficient 160, ces salariés ont connu une évolution de leur rémunération comparable avec celle de M. [O], et elle n'explique pas pour quelle raison M. [O] n'a pas bénéficié des dispositions conventionnelles précédemment évoquées.
Sur le grief relatif à l'absence de formation, la S.A Baccarat répond que M. [O] a, au regard des nécessité de reclassement, occupé un poste qui n'existait pas dans l'entreprise et pour lequel, par définition, il ne pouvait y exister de formation.
Toutefois, cette circonstance ne justifie en elle-même que M. [O] n'ait bénéficié d'aucune formation de 2002 à 2015.
Dès lors, la S.A Baccarat ne démontre pas que la situation de M. [U] [O] après cette date est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Il sera donc fait droit à la demande en son principe, et la décision entreprise sera infirmée sur ce point.
- Sur la réparation du préjudice subi de fait de la discrimination.
- Sur le préjudice matériel.
M. [U] [O] expose que la discrimination syndicale dont il a été victime a eu des conséquences sur sa rémunération et ses droits à retraite ; il apporte au dossier, pour chiffrer sa demande, des bulletins de paie de salarié de l'entreprise se situant au niveau de rémunération qu'il aurait du atteindre (pièces n° 64 à 70 de son dossier).
La S.A Baccarat soutient que les situations auxquelles se réfère M. [O] ne sont pas comparables à la sienne.
C'est par une exacte appréciation des éléments du dossier, et par une motivation que la cour adopte, que les premiers juges ont estimé que le panel auquel M. [U] [O] se réfère pour chiffrer son préjudice ne peut être retenu, certains membres de ce groupe ayant été embauchés à une qualification plus élevée, d'autres ayant suivi un cursus professionnel différent du sien.
Le préjudice de M. [U] [O] sera dont chiffré sur la base de la différence entre son échelon dans la qualification 4 A échelon 1 et l'échelon 4 du même grade sur la période considérée.
Au regard de la rémunération mensuelle moyenne de M. [O] sur la période, et en tenant compte de la perte de droits à la retraite liée à la minoration de cette rémunération, il sera fait droit à sa demande à hauteur de 23 500 euros.
- Sur le préjudice moral.
M. [U] [O] a, du fait de la discrimination dont il a fait l'objet, subi un préjudice moral qu'il convient d'indemniser ;
Il sera fait droit à cette demande à hauteur de 5000 euros.
- Sur le préjudice relatif à la perte de chance d'évolution de carrière.
M. [U] [O] expose qu'il n'a pas bénéficié de l'évolution de carrière qu'il pouvait espérer, l'impossibilité d'acceder au niveau 4B ne lui ayant pas permis notamment d'acceder au statut ETAM.
Toutefois, si M. [U] [O] a été pénalisé du fait de sa faible évolution de rémunération dans le cadre de la qualification 4 A coefficient 160, il ne démontre pas en quoi la discrimination dont il a été l'objet ne lui a pas permis d'acceder aux coefficients supérieurs, étant précisé que le temps théorique de passage à ce coefficient résultant des dispositions conventionnelles rappelées précédemment est de 27 ans (9 échelons et 3 ans par échelon), et qu'il n'est pas contesté que 42 % des salariés embauchés à la même époque que M. [O] relèvent du même coefficient 160.
Dès lors, la demande sera rejetée.
- Sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.
M. [U] [O] expose que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité en n'aménageant pas son poste de travail conformément aux préconisation du médecin du travail, en lui infligeant une sanction disciplinaire non justifiée, et en omettant de le faire convoquer à une visite de reprise.
C'est par une exacte appréciation des éléments du dossier et par une motivation que la cour adopte que les premiers juges ont constaté que le droit de retrait invoqué par M. [O] le 1er septembre 2006, ayant entraîné un avertissement était injustifié et que cette sanction n'était donc pas sans fondement.
Par ailleurs, M. [U] [O] ne démontre pas le préjudice que lui aurait causé l'absence de visite de reprise, visite dont les premiers juges ont rappelé qu'il pouvait lui-même en solliciter l'organisation.
En revanche, c'est par une exacte appréciation des éléments du dossier et par une motivation que la cour adopte que les premiers juges ont constaté que M. [U] [O] avait, en août 2016, été affecté sur le poste de travail dans le cadre duquel il avait contracté sa maladie professionnelle et ce sans avis préalable du médecin du travail et sans respecter les restrictions indiquées par celui-ci lors d'une visité précédente ;
Par ailleurs, si des aménagements de poste ont été effectués, il ressort des pièces n° 27 à 33 du dossier de M. [O] que l'employeur a manqué de célérité notamment dans la mise en place des aménagements recommandés ; que cette attitude a causé à M. [U] [O] un préjudice qu'il convient de réparer ;
La cour évalue à la somme de 10 000 euros le montant de la réparation due à ce titre.
La décision entreprise sera réformée sur ce point.
La S.A Baccarat qui succombe supportera les dépens d'appel.
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de M. [U] [O] l'intégralité des frais irrépétibles qu'il a exposés ; il sera fait droit à cette demande à hauteur de 2500 euros.
PAR CES MOTIFS:
La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
INFIRME le jugement rendu le 12 septembre 2022 par le conseil de prud'hommes de Nancy ;
STATUANT A NOUVEAU
DIT que M. [U] [O] a été victime de faits de discrimination en raison de son appartenance syndicale ;
CONDAMNE la S.A Baccarat à payer à M. [U] [O] les sommes de:
- 23 500 euros au titre du préjudice matériel issu de la discrimination ;
- 5000 euros au titre du préjudice moral ;
CONDAMNE la SA Baccarat à payer à M. [U] [O] la somme de 10 000 euros au titre du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ;
DIT que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du présent arrêt , et capitalisation de ceux-ci dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,
Y ajoutant:
CONDAMNE la S.A Baccarat aux dépens d'appel,
LA CONDAMNE à payer à M. [U] [O] une somme de 2500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ,
Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.
LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE
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