Décisions
CA Poitiers, premier président, 18 janvier 2024, n° 23/00747
POITIERS
Autre
Autre
R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
MINUTE N°2/24
COUR D'APPEL DE POITIERS
N° RG 23/00747
N° Portalis DBV5-V-B7H-GYPO
REPARATION A RAISON D'UNE DETENTION
[O] [J]
Décision en premier ressort rendue publiquement le dix huit janvier deux mille vingt quatre, par Madame Isabelle LAUQUE, présidente de chambre, agissant sur délégation de Madame la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, assistée lors des débats et du prononcé de la présente décision de Madame Inès BELLIN, greffier,
Après débats en audience publique le 16 novembre 2023 ;
Sur la requête en réparation de la détention fondée sur les articles 149 et suivants et R26 et suivants du code de procédure pénale présentée par
REQUERANT :
Monsieur [O] [J]
né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 8]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Comparant en personne, assisté de Me Aurélie JOLY, avocat au barreau de TOULOUSE substitué par Me Arnaud BROCHARD, avocat au barreau de POITIERS
EN PRESENCE DE :
Monsieur l'agent judiciaire de l'Etat
Sous-direction du droit privé
[Adresse 5]
[Localité 6]
représenté par Me Renaud BOUYSSI de la SELARL ARZEL ET ASSOCIES, avocat au barreau de Poitiers
ET :
Monsieur le procureur général près la cour d'appel de Poitiers
[Adresse 3]
[Localité 7]
représenté par Madame Carole WOJTAS, Substitute générale
Le 23 août 2019, Monsieur [O] [J] a été mis en examen du chef de viol sur mineur de 15 ans par ascendant, de corruption de mineur de 15 ans par ascendant, de non justification d'adresse et de non déclaration de changement d'adresse par personne inscrite au FIJAIS et placé en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention de La Rochelle.
Il était remis en liberté et placé sous contrôle judiciaire le 14 mai 2020.
Par ordonnance du 30 juin 2021, le juge d'instruction de La Rochelle disait n'y avoir lieu à suivre contre lui des chefs de viol et de corruption de mineur de 15 ans par ascendant et déclarait la juridiction de La Rochelle incompétente pour connaître des infractions en lien avec son inscription au FIJAIS.
Il était renvoyé devant le tribunal correctionnel de Niort dans le cadre d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité et acceptait une peine de trois mois d'emprisonnement.
Par requête enregistrée au Greffe de la Cour d'Appel de Poitiers le 24 mars 2023, Monsieur [O] [J] a saisi Madame la première Présidente de la Cour d'appel de Poitiers d'une demande d'indemnisation suite à la détention injustifiée d'une durée de 5 mois. Il sollicite, au visa des articles 149 et suivants du Code de Procédure Pénale, la condamnation de l'Agent Judiciaire de l'État à lui verser une indemnisation de :
-7.804,80 euros au titre de la perte de revenus,
-1.617 euros au titre des réparations sur le matériel saisi,
-7.000 euros au titre de la perte de la chance,
soit un total de 16.421, 80 euros au titre de son préjudice matériel.
-20.000 euros en réparation de son préjudice moral,
-1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes, il fait valoir qu'il a subi une détention provisoire de 237 jours alors qu'il n'a été condamné qu'à 3 mois d'emprisonnement en sorte qu'il a subi prés de 5 mois de détention injustifiée.
Il explique qu'il travaillait pour le site Wikicampers, plate-forme permettant la location de camping-car et qu'il a perdu un emploi rémunéré du fait de son incarcération.
Il évalue à 1.560,96 euros par mois les revenus tirés de cette activité et demande donc au titre de la perte de revenus la somme de 7.804,80 euros correspondant à 5 mois d'activité.
Il demande également la réparation du matériel saisi à son domicile qui lui a coûté 1.617 euros.
Il formule également une demande au titre de la perte de chance expliquant qu'il était en pleine reconstruction professionnelle et que depuis son incarcération il ne retrouve pas d'emploi.
S'agissant de son préjudice moral, il met en avant son état psychologique et il souligne que son passé carcéral était ancien et que cette nouvelle incarcération injustifiée a été très mal vécue au point d'avoir attenter à ses jours.
Enfin, il fait valoir que sa compagne s'est retrouvée dans une situation inextricable et a du souscrire des crédits à la consommation.
L'agent judiciaire de l'État a conclu le 1 juin 2023. Il ne conteste pas la recevabilité de la requête sous réserve de rapporter le preuve du caractère définitif de l'ordonnance de non lieu du 30 juin 2021.
Sur le fond, rappelant que Monsieur [O] [J] a été incarcéré pendant 8 mois et 24 jours, que la durée maximale de détention encourue était de 4 mois au titre des seules infractions dont il a été reconnu coupable et qu'à ce titre il a été condamné à la peine de 3 mois d'emprisonnement, il soutient que la détention indemnisable est limitée à 1 mois et 24 jours.
Au titre de la perte de revenus, il propose une indemnisation à hauteur de 1.500 euros. En revanche, il soutient que la dégradation du matériel saisi, à la supposer avérée, ne résulte pas de la détention et il conclut au rejet de ce chef de demande.
S'agissant de la perte de chance, il fait valoir que les arguments avancés sont les mêmes que ceux sous-tendant sa demande au titre de la perte de revenus et que la rupture de son contrat de travail intervenu deux ans après sa remise en liberté n'apparaît nullement en lien causal avec la détention subie.
Enfin , sur le préjudice moral, rappelant que la demande indemnitaire doit être examinée sur la base d'un mois et 24 jours de détention injustifiée, il souligne que [O] [J] avait déjà été condamné à 11 reprises et incarcéré plusieurs fois. Il propose une indemnisation à hauteur de 3.000 euros et demande à la cour de ramener la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile à de plus justes proportions.
Par conclusions du 15 juin 2023, le ministère public conclut à l'irrecevabilité de la requête faute de justifier du caractère définitif de la décision et sur le fond au rejet des demandes à l'exception de celle formée au titre du préjudice moral qu'il demande à la cour de fixer à la somme de 3.000 euros.
Madame l'avocate générale rappelle que la détention indemnisable est de 52 jours et exclut l'argument du choc carcéral soulignant que le casier judiciaire du requérant porte mention de 13 condamnations pénales et qu'il avait été incarcéré en 1997, 2008, 2012 et 2015.
Sur les conditions de sa détention, elle fait valoir qu'il a été placé au SMPR à compter du 27 août 2019 puis qu'il a fait l'objet d'une hospitalisation psychiatrique jusqu'au 16 septembre 2019.
Sur sa situation personnelle, Madame l'avocate générale relève les nombreuses imprécisions relatives à la situation personnelle de [O] [J] rendant difficile l'établissement de la vérité. Elle indique que celui ci avait fait des tentatives de suicide avant d'être incarcéré et que les crédits souscrits par sa compagne durant son incarcération ne sont pas en lien avec la détention du requérant.
S'agissant de la demande formée au titre de la perte de revenus, Madame l'avocate générale conclut à son rejet relevant que la période indemnisable se situe en dehors de la période estivale de location de camping-car sur laquelle il fonde son calcul et surtout qu'il ne communique aucun élément de nature fiscale établissant la déclaration des revenus tirés de cette activité.
Elle souligne que le préjudice relatif à la réparation du matériel saisi au cours de l'enquête et qui lui a été restitué est sans lien avec la détention et qu'enfin, [O] [J] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une perte de chance de conserver un emploi.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de la demande d'indemnisation
Aux termes des articles 149 et 150 du Code de procédure pénale, une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire, au cours d'une procédure terminée à son égard, par une décision de non-lieu, de relaxe, ou d'acquittement devenue définitive. Cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral, directement causé par la privation de liberté.
Il ressort des pièces du dossier que la requête a été présentée dans le délai de l'article 149-2 du code de procédure pénale et que les deux décisions fondant la requête sont définitives.
Ainsi, la requête en indemnisation de la détention provisoire de Monsieur [O] [J] doit être déclarée recevable.
Sur l'assiette de l'indemnisation :
En cas de relaxe partielle, comme en l'espèce, si la durée de la détention provisoire effectuée par le demandeur est supérieure à celle encourue au titre de l'infraction pour laquelle il a été condamné, sa demande en réparation de la détention doit être accueillie pour la partie de la détention qui excède la durée compatible avec l'infraction qui a justifié la condamnation.
La durée maximale de détention provisoire compatible avec l'infraction qui a justifié la condamnation et la durée de la peine d'emprisonnement prononcée en répression de cette infraction ne se cumulent pas.
En l'espèce, relaxé pour les faits d'agressions sexuelles mais condamné pour infractions à la législation sur le FIJAIS, la durée maximale de détention possible au titre de ces infractions était limitée à 4 mois et [O] [J] a été condamné à une peine de 3 mois d'emprisonnement après avoir été placé en détention provisoire pendant 8 mois et 24 jours.
Dés lors, l'assiette de l'indemnisation doit être fixée à 4 mois et 24 jours.
Sur la demande indemnitaire :
Toute détention injustifiée cause nécessairement à celui qui l'a subie un préjudice que le juge doit veiller à réparer dans son intégralité.
L'évaluation de ce préjudice s'apprécie au regard de la situation personnelle, familiale, sociale du requérant. Elle englobe l'ensemble des préjudices subis du fait de la détention mais ne couvre pas les préjudices, même avérés, découlant de l'enquête pénale.
Il ressort des pièces du dossier que Monsieur [O] [J] a subi 4 mois et 24 jours de détention injustifiée.
Lors de son incarcération, âgé de 50 ans, il vivait en concubinage, sans enfant.
Il venait de monter une activité de location de camping-car et évalue à 1.560,96 euros par mois les revenus tirés de cette activité.
Il a perdu cet emploi et explique avoir repris une activité professionnelle qu'il a de nouveau perdu à cause de l'affaire.
La réalité de la perte de salaire est établie et il convient de l'indemniser à hauteur de 7.600 euros soit 4 mois et 24 jours de perte de revenus.
En revanche, le surplus de la demande formée par Monsieur [J] au titre de son préjudice matériel sera rejeté. En effet, les dommages aux matériels saisis au cours de l'enquête et le fait d'avoir perdu son nouvel emploi ne résultent pas de la détention mais de l'enquête pénale et ne sont donc pas indemnisables sur le fondement des articles 149 et 150 du Code de procédure pénale.
Au titre de son préjudice moral, il résulte des éléments de la procédure que Monsieur [O] [J] avait déjà été condamné à 13 reprises, incarcéré 4 fois en 1997, 2008, 2012 et 2015, qu'il souffrait d'antécédents de troubles psychologiques et qu'il a été admis près d'un mois au cours de la détention dans un service médical.
Dés lors, il apparaît que le choc carcéral doit être relativisé et que son état psychologique était préexistant et a été pris en charge pendant la détention.
Par ailleurs, les difficultés financières de sa compagne ne sont pas un préjudice personnel à Monsieur [O] [J] et ne sont donc pas indemnisables sur le fondement des articles 149 et 150 du Code de procédure pénale.
Aussi, en considération de ces éléments la cour fixe à 6.000 euros la juste indemnisation du préjudice moral découlant de la détention provisoire.
Enfin, il y lieu d'allouer la somme de 1.000 euros à Monsieur [O] [J] au titre de ses frais de procédure.
PAR CES MOTIFS :
La présidente de chambre déléguée par la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, statuant contradictoirement et publiquement, par décision susceptible de recours devant la Commission Nationale de Réparation des Détentions,
Déclare recevable la requête en indemnisation présentée par M. [O] [J].
Alloue à Monsieur [O] [J] la somme de :
- 7.600 € en réparation de son préjudice matériel,
- 6.000 € en réparation de son préjudice moral,
- 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Rappelle l'exécution provisoire de droit qui s'attache à la présente décision.
Laisse les dépens à la charge de l'État.
En foi de quoi, la présente ordonnance a été signée par le président et le greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
I. BELLIN I. LAUQUE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
MINUTE N°2/24
COUR D'APPEL DE POITIERS
N° RG 23/00747
N° Portalis DBV5-V-B7H-GYPO
REPARATION A RAISON D'UNE DETENTION
[O] [J]
Décision en premier ressort rendue publiquement le dix huit janvier deux mille vingt quatre, par Madame Isabelle LAUQUE, présidente de chambre, agissant sur délégation de Madame la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, assistée lors des débats et du prononcé de la présente décision de Madame Inès BELLIN, greffier,
Après débats en audience publique le 16 novembre 2023 ;
Sur la requête en réparation de la détention fondée sur les articles 149 et suivants et R26 et suivants du code de procédure pénale présentée par
REQUERANT :
Monsieur [O] [J]
né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 8]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Comparant en personne, assisté de Me Aurélie JOLY, avocat au barreau de TOULOUSE substitué par Me Arnaud BROCHARD, avocat au barreau de POITIERS
EN PRESENCE DE :
Monsieur l'agent judiciaire de l'Etat
Sous-direction du droit privé
[Adresse 5]
[Localité 6]
représenté par Me Renaud BOUYSSI de la SELARL ARZEL ET ASSOCIES, avocat au barreau de Poitiers
ET :
Monsieur le procureur général près la cour d'appel de Poitiers
[Adresse 3]
[Localité 7]
représenté par Madame Carole WOJTAS, Substitute générale
Le 23 août 2019, Monsieur [O] [J] a été mis en examen du chef de viol sur mineur de 15 ans par ascendant, de corruption de mineur de 15 ans par ascendant, de non justification d'adresse et de non déclaration de changement d'adresse par personne inscrite au FIJAIS et placé en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention de La Rochelle.
Il était remis en liberté et placé sous contrôle judiciaire le 14 mai 2020.
Par ordonnance du 30 juin 2021, le juge d'instruction de La Rochelle disait n'y avoir lieu à suivre contre lui des chefs de viol et de corruption de mineur de 15 ans par ascendant et déclarait la juridiction de La Rochelle incompétente pour connaître des infractions en lien avec son inscription au FIJAIS.
Il était renvoyé devant le tribunal correctionnel de Niort dans le cadre d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité et acceptait une peine de trois mois d'emprisonnement.
Par requête enregistrée au Greffe de la Cour d'Appel de Poitiers le 24 mars 2023, Monsieur [O] [J] a saisi Madame la première Présidente de la Cour d'appel de Poitiers d'une demande d'indemnisation suite à la détention injustifiée d'une durée de 5 mois. Il sollicite, au visa des articles 149 et suivants du Code de Procédure Pénale, la condamnation de l'Agent Judiciaire de l'État à lui verser une indemnisation de :
-7.804,80 euros au titre de la perte de revenus,
-1.617 euros au titre des réparations sur le matériel saisi,
-7.000 euros au titre de la perte de la chance,
soit un total de 16.421, 80 euros au titre de son préjudice matériel.
-20.000 euros en réparation de son préjudice moral,
-1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes, il fait valoir qu'il a subi une détention provisoire de 237 jours alors qu'il n'a été condamné qu'à 3 mois d'emprisonnement en sorte qu'il a subi prés de 5 mois de détention injustifiée.
Il explique qu'il travaillait pour le site Wikicampers, plate-forme permettant la location de camping-car et qu'il a perdu un emploi rémunéré du fait de son incarcération.
Il évalue à 1.560,96 euros par mois les revenus tirés de cette activité et demande donc au titre de la perte de revenus la somme de 7.804,80 euros correspondant à 5 mois d'activité.
Il demande également la réparation du matériel saisi à son domicile qui lui a coûté 1.617 euros.
Il formule également une demande au titre de la perte de chance expliquant qu'il était en pleine reconstruction professionnelle et que depuis son incarcération il ne retrouve pas d'emploi.
S'agissant de son préjudice moral, il met en avant son état psychologique et il souligne que son passé carcéral était ancien et que cette nouvelle incarcération injustifiée a été très mal vécue au point d'avoir attenter à ses jours.
Enfin, il fait valoir que sa compagne s'est retrouvée dans une situation inextricable et a du souscrire des crédits à la consommation.
L'agent judiciaire de l'État a conclu le 1 juin 2023. Il ne conteste pas la recevabilité de la requête sous réserve de rapporter le preuve du caractère définitif de l'ordonnance de non lieu du 30 juin 2021.
Sur le fond, rappelant que Monsieur [O] [J] a été incarcéré pendant 8 mois et 24 jours, que la durée maximale de détention encourue était de 4 mois au titre des seules infractions dont il a été reconnu coupable et qu'à ce titre il a été condamné à la peine de 3 mois d'emprisonnement, il soutient que la détention indemnisable est limitée à 1 mois et 24 jours.
Au titre de la perte de revenus, il propose une indemnisation à hauteur de 1.500 euros. En revanche, il soutient que la dégradation du matériel saisi, à la supposer avérée, ne résulte pas de la détention et il conclut au rejet de ce chef de demande.
S'agissant de la perte de chance, il fait valoir que les arguments avancés sont les mêmes que ceux sous-tendant sa demande au titre de la perte de revenus et que la rupture de son contrat de travail intervenu deux ans après sa remise en liberté n'apparaît nullement en lien causal avec la détention subie.
Enfin , sur le préjudice moral, rappelant que la demande indemnitaire doit être examinée sur la base d'un mois et 24 jours de détention injustifiée, il souligne que [O] [J] avait déjà été condamné à 11 reprises et incarcéré plusieurs fois. Il propose une indemnisation à hauteur de 3.000 euros et demande à la cour de ramener la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile à de plus justes proportions.
Par conclusions du 15 juin 2023, le ministère public conclut à l'irrecevabilité de la requête faute de justifier du caractère définitif de la décision et sur le fond au rejet des demandes à l'exception de celle formée au titre du préjudice moral qu'il demande à la cour de fixer à la somme de 3.000 euros.
Madame l'avocate générale rappelle que la détention indemnisable est de 52 jours et exclut l'argument du choc carcéral soulignant que le casier judiciaire du requérant porte mention de 13 condamnations pénales et qu'il avait été incarcéré en 1997, 2008, 2012 et 2015.
Sur les conditions de sa détention, elle fait valoir qu'il a été placé au SMPR à compter du 27 août 2019 puis qu'il a fait l'objet d'une hospitalisation psychiatrique jusqu'au 16 septembre 2019.
Sur sa situation personnelle, Madame l'avocate générale relève les nombreuses imprécisions relatives à la situation personnelle de [O] [J] rendant difficile l'établissement de la vérité. Elle indique que celui ci avait fait des tentatives de suicide avant d'être incarcéré et que les crédits souscrits par sa compagne durant son incarcération ne sont pas en lien avec la détention du requérant.
S'agissant de la demande formée au titre de la perte de revenus, Madame l'avocate générale conclut à son rejet relevant que la période indemnisable se situe en dehors de la période estivale de location de camping-car sur laquelle il fonde son calcul et surtout qu'il ne communique aucun élément de nature fiscale établissant la déclaration des revenus tirés de cette activité.
Elle souligne que le préjudice relatif à la réparation du matériel saisi au cours de l'enquête et qui lui a été restitué est sans lien avec la détention et qu'enfin, [O] [J] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une perte de chance de conserver un emploi.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de la demande d'indemnisation
Aux termes des articles 149 et 150 du Code de procédure pénale, une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire, au cours d'une procédure terminée à son égard, par une décision de non-lieu, de relaxe, ou d'acquittement devenue définitive. Cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral, directement causé par la privation de liberté.
Il ressort des pièces du dossier que la requête a été présentée dans le délai de l'article 149-2 du code de procédure pénale et que les deux décisions fondant la requête sont définitives.
Ainsi, la requête en indemnisation de la détention provisoire de Monsieur [O] [J] doit être déclarée recevable.
Sur l'assiette de l'indemnisation :
En cas de relaxe partielle, comme en l'espèce, si la durée de la détention provisoire effectuée par le demandeur est supérieure à celle encourue au titre de l'infraction pour laquelle il a été condamné, sa demande en réparation de la détention doit être accueillie pour la partie de la détention qui excède la durée compatible avec l'infraction qui a justifié la condamnation.
La durée maximale de détention provisoire compatible avec l'infraction qui a justifié la condamnation et la durée de la peine d'emprisonnement prononcée en répression de cette infraction ne se cumulent pas.
En l'espèce, relaxé pour les faits d'agressions sexuelles mais condamné pour infractions à la législation sur le FIJAIS, la durée maximale de détention possible au titre de ces infractions était limitée à 4 mois et [O] [J] a été condamné à une peine de 3 mois d'emprisonnement après avoir été placé en détention provisoire pendant 8 mois et 24 jours.
Dés lors, l'assiette de l'indemnisation doit être fixée à 4 mois et 24 jours.
Sur la demande indemnitaire :
Toute détention injustifiée cause nécessairement à celui qui l'a subie un préjudice que le juge doit veiller à réparer dans son intégralité.
L'évaluation de ce préjudice s'apprécie au regard de la situation personnelle, familiale, sociale du requérant. Elle englobe l'ensemble des préjudices subis du fait de la détention mais ne couvre pas les préjudices, même avérés, découlant de l'enquête pénale.
Il ressort des pièces du dossier que Monsieur [O] [J] a subi 4 mois et 24 jours de détention injustifiée.
Lors de son incarcération, âgé de 50 ans, il vivait en concubinage, sans enfant.
Il venait de monter une activité de location de camping-car et évalue à 1.560,96 euros par mois les revenus tirés de cette activité.
Il a perdu cet emploi et explique avoir repris une activité professionnelle qu'il a de nouveau perdu à cause de l'affaire.
La réalité de la perte de salaire est établie et il convient de l'indemniser à hauteur de 7.600 euros soit 4 mois et 24 jours de perte de revenus.
En revanche, le surplus de la demande formée par Monsieur [J] au titre de son préjudice matériel sera rejeté. En effet, les dommages aux matériels saisis au cours de l'enquête et le fait d'avoir perdu son nouvel emploi ne résultent pas de la détention mais de l'enquête pénale et ne sont donc pas indemnisables sur le fondement des articles 149 et 150 du Code de procédure pénale.
Au titre de son préjudice moral, il résulte des éléments de la procédure que Monsieur [O] [J] avait déjà été condamné à 13 reprises, incarcéré 4 fois en 1997, 2008, 2012 et 2015, qu'il souffrait d'antécédents de troubles psychologiques et qu'il a été admis près d'un mois au cours de la détention dans un service médical.
Dés lors, il apparaît que le choc carcéral doit être relativisé et que son état psychologique était préexistant et a été pris en charge pendant la détention.
Par ailleurs, les difficultés financières de sa compagne ne sont pas un préjudice personnel à Monsieur [O] [J] et ne sont donc pas indemnisables sur le fondement des articles 149 et 150 du Code de procédure pénale.
Aussi, en considération de ces éléments la cour fixe à 6.000 euros la juste indemnisation du préjudice moral découlant de la détention provisoire.
Enfin, il y lieu d'allouer la somme de 1.000 euros à Monsieur [O] [J] au titre de ses frais de procédure.
PAR CES MOTIFS :
La présidente de chambre déléguée par la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, statuant contradictoirement et publiquement, par décision susceptible de recours devant la Commission Nationale de Réparation des Détentions,
Déclare recevable la requête en indemnisation présentée par M. [O] [J].
Alloue à Monsieur [O] [J] la somme de :
- 7.600 € en réparation de son préjudice matériel,
- 6.000 € en réparation de son préjudice moral,
- 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Rappelle l'exécution provisoire de droit qui s'attache à la présente décision.
Laisse les dépens à la charge de l'État.
En foi de quoi, la présente ordonnance a été signée par le président et le greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
I. BELLIN I. LAUQUE