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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 17 janvier 2024, n° 22/03848

PARIS

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Atol (SA)

Défendeur :

La Boutique de l'Optique (SARL), LBDO (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Brun-Lallemand

Conseillers :

Mme Depelley, M. Richaud

Avocats :

Me Grévellec, Me Feschet, Me Haddad

T. com. Paris, du 31 janv. 2022, n° 2017…

31 janvier 2022

FAITS ET PROCEDURE

La société Atol est une société coopérative à forme anonyme, à la tête d'un réseau de magasins sous l'enseigne éponyme spécialisée dans la distribution de produits d'optique et d'audition en France.

Les sociétés La Boutique de l'Optique [Localité 7] et LBDO [Localité 9], gérées par M. et Mme [Y], exploitent des magasins d'optique à [Localité 8] et [Localité 9].

Ces sociétés ont signé respectivement les 26 juin 2012 et 25 février 2014 avec la société Atol des contrats d'adhésion au réseau Atol.

Par lettre du 27 avril 2016 et à la suite du conseil d'administration qui s'est tenu le 25 avril 2016, le président directeur général de la société Atol a notifié aux sociétés La Boutique de l'Optique [Localité 7] et LBDO [Localité 9] leur exclusion, par application de l'article XII des statuts et l'article X du règlement intérieur de la société coopérative Atol pour non-respect des règles relatives à la facturation et arrangements de factures dans les magasins de [Localité 7] et [Localité 9].

Par lettre du 27 mai 2016 de leur conseil, les sociétés La boutique de l'Optique [Localité 7] et LBDO [Localité 9] formaient un recours devant l'assemblée générale des membres de la SA coopérative Atol.

Par actes des 3 et 7 juin 2016, la société La boutique de l'Optique [Localité 7] et la société LBDO [Localité 9] ont assigné la société Atol devant le tribunal de commerce de Nanterre pour obtenir le versement de dommages-intérêts au visa des articles L.442-6, I,5° du code de commerce et des articles 1134 et 1149 et suivants du code civil. 

Par lettre du 18 octobre 2016, le président du conseil d'administration de la société Atol a notifié aux sociétés La Boutique de l'Optique [Localité 7] et LBDO [Localité 9] la confirmation par l'assemblée générale ordinaire, lors de sa séance du 17 octobre 2016, de la décision de leur exclusion.

Par jugement du 4 novembre 2016 le tribunal de commerce de Nanterre s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris par application de l'article L.442-6 du code de commerce.

Par jugement du 31 janvier 2022, le tribunal de commerce de Paris a :

débouté les sociétés, la SARL à associé unique la boutique de l'optique [Localité 7] et la SARL LBDO [Localité 9] de leur demande de nullité de leur exclusion de la SA Atol;

dit que la SA Atol ne rapporte pas la preuve qui lui incombe des manquements dont les sociétés, la SARL à associé unique la boutique de l'optique [Localité 7] et la SARL LBDO [Localité 9] se seraient rendues coupables pour justifier leur exclusion au visa de l'article X du Règlement intérieur de la société coopérative ;

débouté la SA Atol de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles ;

dit que la SA Atol a fautivement exclu les sociétés, la SARL à associé unique la boutique de l'optique [Localité 7] et la SARL LBDO [Localité 9];

condamné la SA Atol à verser à la société la boutique de l'optique [Localité 7] la somme de 50.000 EUR en réparation de son préjudice d'image ;

condamné la SA Atol à verser la SARL à associé unique la boutique de l'optique [Localité 7] la somme de 5.022,50 EUR en réparation des frais engendrés par les changements de mobilier et enseigne ;

condamné la SA Atol à verser à la SARL LBDO [Localité 9] la somme de 6.820 EUR, en réparation des frais engendrés par les changements de mobilier et enseigne ;

condamné la SA Atol à verser à la SARL LBDO [Localité 9] la somme de 50.000 EUR en réparation de son préjudice d'image ;

condamné la SA Atol à verser à la SARL LBDO [Localité 9] la somme de 35.000 EUR en réparation de son préjudice financier ;

condamné la SA Atol à verse r à la SARL à associé unique la boutique de l'optique [Localité 7] la somme de 35.000 EUR en réparation de son préjudice financier ;

débouté les sociétés, la SARL à associé unique la boutique de l'optique [Localité 7] et la SARL LBDO [Localité 9] de leurs autres demandes ;

condamné la SA Atol à verser à chacune des sociétés, la SARL à associé unique la boutique de l'optique [Localité 7] et la SARL LBDO [Localité 9] la somme de 5.000 EUR au titre de l'article 700 du CPC ;

débouté les parties de leurs demandes autres plus amples ou contraires ;

ordonné l'exécution provisoire ;

condamné la SA Atol aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 200,44 € dont 32,98 € de TVA. »

Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 15 février 2022, la société Atol a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 12 août 2023, la société Atol, demande à la Cour de :

Vu les articles 1134 et 1147 du Code civil (anciens),

Vu l'article 455 du CPC

Vu l'article 564 du CPC 34

Vu la jurisprudence,

Vu les statuts et le règlement intérieur Atol,

Vu les pièces versées aux débats,

Confirmer la décision du Tribunal de commerce de Paris en ce qu'elle a débouté les sociétés La Boutique de l'Optique [Localité 7] et LBDO [Localité 9] de leur demande de voir « prononcer la nullité de la résolution n°9 prise par le Conseil d'administration en date du 24 et 25 avril 2016 »

Infirmer et réformer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 31 janvier 2022, en ce qu'il a :

Dit que la SA Atol ne rapporte pas la preuve qui lui incombe des manquements dont les sociétés, la SARL à associé unique La Boutique de l'Optique [Localité 7] et la SARL LBDO [Localité 9] se seraient rendues coupables pour justifier leur exclusion au visa de l'article X du Règlement intérieur de la société coopérative ;

Dit que la SA Atol a fautivement exclu les sociétés, la SARL à associé unique La Boutique de l'Optique [Localité 7] et la SARL LBDO [Localité 9];

Débouté la SA Atol de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles à savoir :

Juger que les sociétés La Boutique de l'Optique [Localité 7] et LBDO [Localité 9] ont commis des faits de concurrence déloyale,

Condamner, par application de l'article X'c. Exclusion du règlement intérieur Atol, la société La Boutique de l'Optique [Localité 7] à payer à la société Atol la somme de 50.000 €,

Condamner, par application de l'article X'c. Exclusion du règlement intérieur Atol, la société LBDO [Localité 9] à payer à la société Atol la somme de 50.000 €,

Condamner solidairement les sociétés La Boutique de l'Optique [Localité 7] et LBDO [Localité 9] à payer à la société Atol la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts,

Condamner les sociétés La Boutique de l'Optique [Localité 7] et LBDO [Localité 9] à cesser la pratique reprochée d'ajustement des facturations, sous astreinte de 1.000 € par infraction constatée,

Condamner solidairement les sociétés La Boutique de l'Optique [Localité 7] et LBDO [Localité 9] à payer à la société Atol la somme de 10.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Condamné la SA Atol à verser à la La Boutique de l'Optique [Localité 7] la somme de 50.000 € en réparation de son préjudice d'image ;

condamné la SA Atol à verser la SARL à associé unique La Boutique de l'Optique [Localité 7] la somme de 5.022,50 € en réparation des frais engendrés par les changements de mobilier et enseigne ;

Condamné la SA Atol à verser à la SARL LBDO [Localité 9] la somme de 6.820 € en réparation des frais engendrés par les changements de mobilier et enseigne ;

Condamné la SA Atol à verser à la SARL LBDO [Localité 9] la somme de 50.000 € en réparation de son préjudice d'image ;

Condamné la SA Atol à verser à la SARL LBDO [Localité 9] la somme de 35.000 € en réparation de son préjudice financier ;

Condamné la SA Atol à verser à la SARL 35 à associé unique La Boutique de l'Optique [Localité 7] la somme de 35.000 € en réparation de son préjudice financier ;

condamné la SA Atol à verser à chacune des sociétés, la SARL à associé unique La Boutique de l'Optique [Localité 7] et la SARL LBDO [Localité 9] la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du CPC outre les dépens.

Et statuant à nouveau

Juger que les sociétés La Boutique de l'Optique [Localité 7] et LBDO [Localité 9] ont commis des faits de concurrence déloyale,

Juger la demande de la société La Boutique de l'Optique [Localité 7] à hauteur de 35.000 euros en réparation de son préjudice financier est une demande nouvelle et donc est irrecevable,

Condamner, par application de l'article X'c. Exclusion du règlement intérieur Atol, la société La Boutique de l'Optique [Localité 7] à payer à la société ATOL la somme de 50.000 €,

Condamner, par application de l'article X'c. Exclusion du règlement intérieur Atol, la société LBDO [Localité 9] à payer à la société ATOL la somme de 50.000 €,

Condamner solidairement les sociétés La Boutique de l'Optique [Localité 7] et LBDO [Localité 9] à payer à la société Atol la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts,

Condamner les sociétés La Boutique de l'Optique [Localité 7] et LBDO [Localité 9] à cesser la pratique reprochée d'ajustement des facturations, sous astreinte de 1.000 € par infraction constatée,

Débouter les sociétés La Boutique de l'Optique [Localité 7] et LBDO [Localité 9] de l'intégralité de leurs demandes,

Condamner solidairement les sociétés La Boutique de l'Optique [Localité 7] et LBDO [Localité 9] à payer à la société Atol la somme de 10.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 10 janvier 2023, la société La Boutique de l'Optique [Localité 7] et la société LBDO [Localité 9], demandent à la Cour de :

Vu les articles L442-6 du Code de commerce et l'article 1134 ancien du code civil,

Vus les statuts et le règlement intérieur de la société ATOL,

Confirmer le jugement entrepris le 31 janvier 2022 en ce qu'il a :

dit que la SA Atol ne rapporte pas la preuve qui lui incombe des manquements dont les sociétés, la SARL à associé unique La Boutique de l'Optique [Localité 7] et la SARL LBDO [Localité 9] se seraient rendues coupables pour justifier leur exclusion au visa de l'article X du Règlement intérieur de la société coopérative ;

débouté la SA Atol de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles ;

dit que la SA Atol a fautivement exclu les sociétés, la SARL à associé unique La Boutique de l'Optique [Localité 7] et la SARL LBDO [Localité 9];

condamné la SA Atol à verser à la société La Boutique de l'Optique [Localité 7] la somme de 50.000 EUR en réparation de son préjudice d'image ;

condamné la SA Atol à verser à la SARL à associé unique La Boutique de l'Optique [Localité 7] la somme de 35.000 EUR en réparation de son préjudice financier ;

condamné la SA Atol à verser la SARL à associé unique La Boutique de l'Optique [Localité 7] la somme de 5.022,50 EUR en réparation des frais engendrés par les changements de mobilier et enseigne ;

condamné la SA Atol à verser à la SARL LBDO [Localité 9] la somme de 6.820 EUR, en réparation des frais engendrés par les changements de mobilier et enseigne ;

condamné la SA Atol à verser à la SARL LBDO [Localité 9] la somme de 50.000 EUR en réparation de son préjudice d'image ;

condamné la SA Atol à verser à la SARL LBDO [Localité 9] une somme destinée à réparer de son préjudice financier mais l'infirmer dans le montant alloué ;

condamné la SA Atol à verser à chacune des sociétés, la SARL à associé unique La Boutique de l'Optique [Localité 7] et la SARL LBDO [Localité 9] la somme de 5.000 EUR au titre de l'article 700 du CPC ;

ordonné l'exécution provisoire ;

condamné la SA Atol aux dépens.

Reformer le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau :

A titre principal,

Prononcer la nullité de la résolution n°9 prise par le Conseil d'administration en date du 24 et 25 avril 2016,

A titre subsidiaire,

Si par extraordinaire la Cour de céans ne faisait pas droit à la demande de nullité de la résolution n°9 du Conseil d'administration du 25 avril 2016,

Constater l'absence de tout manquement des sociétés La Boutique de l'Optique [Localité 7] et La Boutique de l'Optique [Localité 9] au règlement intérieur de la société Atol

En tout état de cause,

Condamner la société ATOL au paiement à la société La Boutique de l'Optique [Localité 7] de la somme de 6.857,35 € (six mille huit cent cinquante-sept euros et trente-cinq centimes) au titre du stock de lunettes Atol invendus, charge à la société Atol de récupérer à ses frais lesdites montures auprès de la société La Boutique de l'Optique [Localité 7] Condamner la société Atol au paiement à la société LBDO [Localité 9] de la somme de 11.466,12 € (onze mille quatre cent soixante-six euros et douze centimes) au titre du stock de lunettes Atol invendus, charge à la société ATOL de récupérer à ses frais lesdites montures auprès de la société LBDO [Localité 9],

Condamner la société Atol au paiement la société LBDO [Localité 9] de la somme de 301.821 € (trois cent un mille huit cent vingt et un euros) au titre de la réparation de son préjudice financier,

Condamner la société Atol au paiement de la somme de 10.000 € (Dix mille euros) au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile à la société La Boutique de l'Optique [Localité 7]

Condamner la société Atol au paiement de la somme de 10.000 € (Dix mille euros) au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile à la société LBDO [Localité 9]

Condamner la société Atol en tous les dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 septembre 2023.

***

La Cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile

MOTIVATION

1-Sur la demande à titre principal des sociétés La Boutique de l'Optique [Localité 7] et LBDO [Localité 9] de nullité de la résolution n°9 prise par le conseil d'administration des 24 et 25 avril 2016

Exposé des moyens

Au soutien de leur demande de nullité, les sociétés La Boutique de l'Optique [Localité 7] et LBDO [Localité 9] font valoir qu'elles ont été exclues de la société coopérative Atol en méconnaissance des articles XII, XXI et XXII des statuts de cette société organisant la procédure d'exclusion d'un associé. Elles relèvent qu'il n'est pas justifié que la décision du conseil d'administration litigieuse ait été prise suivant la règle du quorum de la moitié de ses membres notamment au regard du procès-verbal de séance versé aux débats, que la décision du conseil d'administration est imprécise et ne permet pas de déterminer l'entité visée par l'exclusion, que la société LBDO [Localité 9] n'a reçu aucune convocation ni information des griefs reprochés ni notification de la décision d'exclusion.

La société Atol répond qu'elle justifie de la régularité de la décision du conseil d'administration en versant aux débats la copie du registre des présences prouvant que 7 administrateurs sur 12 étaient présents et le procès-verbal de séance. Elle soutient que la décision du conseil d'administration confirmée par l'assemblé générale devant laquelle les intimées ont été convoquées visent bien M. [Y] gérant des sociétés intimées et les magasins concernés [Localité 7] et [Localité 9] et que cette décision a bien été notifiée aux sociétés intimées.

Réponse de la Cour,

L'article L.235-1 du code de commerce dans sa version antérieure à la loi n°2019-486 du 22 mai 2019, applicable à la société anonyme coopérative à capital variable Atol (Kbis pièce n°61), dispose que :

La nullité d'une société ou d'un acte modifiant les statuts ne peut résulter que d'une disposition expresse du présent livre ou des lois qui régissent la nullité des contrats. En ce qui concerne les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés par actions, la nullité de la société ne peut résulter ni d'un vice de consentement ni de l'incapacité, à moins que celle-ci n'atteigne tous les associés fondateurs. La nullité de la société ne peut non plus résulter des clauses prohibées par l'article 1844-1 du code civil.

La nullité d'actes ou délibérations autres que ceux prévus à l'alinéa précédent ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du présent livre ou des lois qui régissent les contrats.

Il ressort de l'extrait du procès-verbal de la réunion du conseil d'administration des 25 et 26 avril 2016 (pièce Atol n°17) la résolution n°9 suivante :

«Le conseil d'administration, après avoir entendu les explications de Monsieur [L] [Y], en sa qualité de gérant de la société LA BOUTIQUE DE L'OPTIQUE et en avoir délibéré, décide, par l'application de l'article XII des statuts; de prononcer son exclusion de la sociétré Atol, pour non-respect des règles relatives à la facturation et arrangements de factures dans les magasins de [Localité 7] et de [Localité 9], tel que prévu à l'article X du règlement intérieur ATOL.

En cas d'appel de la société LA BOUTIQUE DE L'OPTIQUE, le conseil, compte-tenu de la gravité des faits et l'intérêt de la société ATOL l'exigeant, notamment à cause de la procédure diligentée par la société OPTICAL CENTER contre la société ATOL, décide de suspendre l'exercice de ses droits qu'elle détient de sa qualité d'associé ATOL jusqu'à la décision de l'assemblée générale ordinaire.

Cette décision est adoptée à l'unanimité. »

Il ressort du procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire de la société Atol réunie le 17 octobre 2016 la décision suivante (pièce Atol n° 34) :

« Connaissance prise des éléments relatifs à l'exclusion des sociétés LA BOUTIQUE DE L'OPTIQUE DE [Localité 7] et LBDO [Localité 9] représentées par Monsieur et Madame [Y], l'Assemblée Générale confirme la décision d'exclusion prise par le conseil d'administration en date des 25 et 26 avril 2016 ».

Les sociétés La Boutique de l'Optique [Localité 7] et LBDO [Localité 9] réclament l'annulation de la résolution n°9 prise par le conseil d'administration en date des 24 et 25 avril 2016 sans toutefois préciser le fondement juridique de leur demande. Les moyens au soutien de cette demande de nullité se bornent à relever l'irrégularité de la procédure d'exclusion au regard des articles XII, XXI et XXII des statuts de la société anonyme coopérative Atol.

Or en application de l'article L.235-1 du code de commerce, la nullité de la décision d'exclusion du conseil d'administration confirmée par l'assemblée générale ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du droit des sociétés ou des lois qui régissent les contrats.

Elle ne peut donc découler de la seule violation des statuts de la société Atol.

Dès lors le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les sociétés La Boutique de l'Optique [Localité 7] et LBDO [Localité 9] de leur demande de nullité de leur exclusion de la SA Atol.

2-Sur la contestation de l'exclusion des sociétés La Boutique de l'Optique [Localité 7] et LBDO [Localité 9]

Exposé des moyens

La société Atol fait valoir que les sociétés intimées ont été exclues de la société coopérative Atol pour non-respect des règles relatives à la facturation et arrangements de factures dans leurs deux magasins tel que prévu à l'article X du règlement intérieur. Elle soutient apporter la preuve de ces manipulations de prix courant 2016 en produisant aux débats plusieurs attestations de visiteurs mystères. Elle soutient qu'aucune preuve de déloyauté ne résulte des éléments communiqués, les attestations évoquant la spontanéité de la proposition malhonnête des sociétés intimées consistant à minorer le prix des montures et augmenter artificiellement le prix des verres mieux remboursés par les mutuelles sans aucune provocation à la fraude. Elle entend également démontrer la fraude en produisant des attestations de collègues opticiens et d'un ancien salarié de M. [Y]. Elle souligne que le fait de ne pas avoir pleinement respecté les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile relatif à la forme des attestations en ne signalant pas l'existence d'une communauté d'intérêts entre les personnes ayant attesté et la société Atol ne permet pas pour autant d'écarter ces attestations qui demeurent des commencements de preuve. Elle en déduit que les sociétés La Boutique de l'Optique [Localité 7] et LBDO [Localité 9] ont commis des actes de concurrence déloyale vis-à-vis de leurs associés en violant les règles de la facturation ainsi qu'une tentative d'escroquerie aux mutuelles et que la société Atol est contrainte d'agir pour ne pas voire engager sa propre responsabilité.

Les sociétés La Boutique de l'Optique [Localité 7] et LBDO [Localité 9] répondent que les attestations produites aux débats ont été obtenues par la société Atol selon un procédé déloyal contraire à l'article 9 du code de procédure civile suivant un stratagème consistant à organiser des visites de clients mystères ayant pour objectif d'inciter à leur insu les vendeurs des sociétés en cause à un arrangement frauduleux. Elles relèvent que les clients mystères évoquent eux même un « scenario » dans leurs attestations, que ces attestations sont datées d'avril 2016, soit peu de temps avant le conseil d'administration, alors mêmes que les prétendues visites mystères auraient été faites courant janvier 2016, ce qui témoigne selon les intimées de l'existence d'un stratagème global. Elles prétendent que les clients mystères sont directement missionnés par la société Atol qui les rétribue de manière directe ou indirecte. Elles font également observer que d'autres attestations produites par la société Atol ne respectent pas les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile en ne signalant pas l'existence d'une communauté d'intérêts entre les personnes ayant attesté et la société Atol, tels que des opticiens directement concurrents, en sorte que ces attestations sont dépourvues de valeur probante.

Les sociétés intimées en déduisent que la preuve de leur prétendu comportement frauduleux n'est pas rapportée ainsi que du non-respect de l'article X du règlement intérieur et des règles relatives à la facturation. Elles font valoir au visa de l'article 1134 du code civil et L442-6 du code de commerce que leur exclusion du réseau de la coopérative Atol est fautive et injustifiée

Réponse de la Cour,

De l'analyse des écritures des sociétés intimées, il ressort que leurs demandes de dommages-intérêts n'est pas fondée sur une rupture brutale d'une relation commerciale établie au sens des dispositions de l'article L.442-6 du code de commerce dans sa version applicable au litige, mais sur le fondement de la responsabilité contractuelle de la société Atol pour avoir fautivement engagé leur exclusion de la société coopérative et la résiliation de plein droit des contrats d'adhésion au réseau Atol.

***

Les sociétés La Boutique de l'Optique [Localité 7] et LBDO [Localité 9], représentées par M et Mme [Y] agissant comme gérants, ont conclu chacune avec la société Coopérative Atol un contrat d'adhésion au réseau Atol, respectivement les 16 juin 2012 et 25 février 2014.

Par ce contrat adhésion, la société Atol a concédé aux sociétés « Associées » le droit dans les conditions définies aux contrats et au règlement intérieur Atol, d'exploiter sous l'enseigne Atol, et selon les méthodes Atol, les magasins d'optique à [Localité 9] et [Localité 7]. L'article 2 de ce contrat prévoit que compte-tenu des statuts et du règlement intérieur de la société Atol, si l'associé venait à démissionner ou être exclu de ladite société, le contrat est résilié de plein droit et ce sans indemnité à verser par la société Atol à l'associé.

L'article X du Règlement intérieur de la société coopérative Atol dispose que :

« L'exclusion de tout Associé peut être prononcée par le Conseil d'administration dans les cas suivants :

c) L'Associé ne respecte pas la réglementation et les usages du commerce en général, et notamment le droit du commerce et de la consommation, en ce compris les règles relatives à la facturation fidèle et conforme aux dispositions du Code de commerce et du droit des assurances sociales, et en particulier ceux qui s'appliquent à la profession d'opticien lunetier. Une exclusion pour ce motif entrainera la résiliation de plein droit du contrat d'adhésion et l'application d'une pénalité financière d'un montant de 50 000 (cinquante mille) euros à la charge de l'Associé sans préjudice des dommages et intérêts dont pourra se prévaloir ATOL dans le cadre d'une action judiciaire. La pénalité est facturée à l'Associé dans le cadre du prononcé de la décision d'exclusion et du solde de ses comptes. ».

Par une première lettre du 14 décembre 2015, la société Atol a convoqué la société La Boutique de l'Optique devant le conseil d'administration devant se tenir le 5 janvier 2016 en vue de prononcer son exclusion de la coopérative Atol en application de l'article X du règlement intérieur.

Par courrier du 12 janvier 2016, la société Atol, suite aux réponses apportées par M. [Y] le 6 janvier 2016, mettait en place, pour une durée de 12 mois, une « période d'observation » avec des actions correctrices à réaliser.

Par lettre du 10 février 2016, la société Atol a de nouveau convoqué la Boutique de l'Optique devant le conseil d'administration devant se tenir le 24 mars 2016 en vue de prononcer son exclusion de la coopérative Atol en application de l'article X du règlement intérieur.

Par lettre du 7 mars 2016, à la suite de la demande de la société La Boutique de l'Optique [Localité 7], la société Atol précisait alors ses griefs pouvant justifier son exclusion, à savoir le « non-respect de la législation sur la facturation et d'arrangement de factures sur vos deux magasins, à [Localité 7] et à [Localité 9] ».

A la suite du courrier du 6 avril 2016 du conseil de M. [Y] faisant observer que les griefs étaient « vagues » et qu'il n'avait rien à se reprocher, le conseil de la société Atol répondait par lettre du 7 avril 2016 en ces termes :

« Atol a constaté, en moins de trois mois, dans chacun des deux magasins de votre client, deux fraudes, soit au total quatre fraudes manifestes, qui consistent à chaque fois à « basculer » le prix de la monture sur les verres.

A titre d'exemples, et alors que le consommateur ne demandait rien, l'opticienne de l'un des magasins de votre client a proposé de passer le prix de la monture de 204 à 80 euros pour que celle-ci soit intégralement prise en charge et a augmenté le prix des verres en conséquence, de sorte que le prix du devis final reste équivalent.

Dans un autre cas, l'opticienne a également fait passer le prix de la monture d'origine sur le prix des verres : ainsi, sur le prix initial de la monture qui était de 241 euros, l'opticienne a d'abord fait une remise de 60,25 euros pour arriver à 82 euros sur la facture et a augmenté le prix des verres en conséquence.

Votre client pourra facilement retrouver les devis et factures correspondantes dans ses dossiers.»

Suivant résolution n°9 le conseil d'administration en séance des 24 et 25 avril 2016 a prononcé l'exclusion en ces termes :

« Le conseil d'administration, après avoir entendu les explications de Monsieur [L] [Y], en sa qualité de gérant de la société LA BOUTIQUE DE L'OPTIQUE et en avoir délibérée, décide, par l'application de l'article XII des statuts, de prononcer son exclusion de la société Atol, pour non-respect des règles relatives à la facturation et arrangements de factures dans les magasins de [Localité 7] et de [Localité 9], tel que prévu à l'article X du règlement intérieur ATOL. »

Cette décision a été notifiée, par lettre du 27 avril 2016, à la société Boutique de l'Optique à [Localité 7] et à la société LDBO [Localité 9].

La décision du conseil d'administration a ensuite été confirmée sur recours des sociétés La Boutique de Kingerhseim et LDBO [Localité 9].

Par lettre du 2 juin 2016, le conseil de la société Atol a écrit au conseil des intimées en indiquant :

« Dès maintenant votre client doit retirer de ses deux magasins les enseignes et signes distinctifs ATOL ainsi que le concept d'architecture intérieur ATOL comprenant le mobilier et les éléments décoratifs (dont la présentation % des montures qui est un concept déposé par Atol) et en justifier à la société Atol au moyen de photographies dans un délai de 15 jours...».

De la chronologie des évènements, la Cour constate d'abord que seul M. [Y] en sa qualité de gérant de la société La Boutique de l'Optique [Localité 7] a été convoqué devant le conseil d'administration. Il n'est pas justifié que la société LBDO [Localité 9], qui a seule la qualité d'associé, ait été convoquée devant le conseil d'administration en vue de son exclusion de la société coopérative Atol, la résolution n°9 ne visant d'ailleurs pas cette société dans sa décision d'exclusion. Seul le magasin de [Localité 9] est évoqué au titre des griefs.

La Cour constate en outre que les sociétés intimées n'ont pas été informées de griefs précis justifiant leur exclusion, notamment des manquements suivants dates et lieux précis révélant le « non-respect des règles relatives à la facturation et arrangements de factures dans les magasins de [Localité 7] et de [Localité 9] » pour préparer utilement leur défense.

Ensuite, pour justifier des fautes commises par les sociétés intimées, la société Atol se réfère principalement à des attestations initiales de clients (pièces n° 6,7 et 9) faisant état d'une proposition spontanée des vendeurs des magasins de [Localité 7] et de [Localité 9] de minorer le prix de la monture et de majorer artificiellement le prix des verres pour obtenir un meilleur remboursement de la part de la mutuelle.

La Cour relève en premier lieu que les faits allégués se seraient déroulés les 6 et 13 janvier 2016 et le 6 mars 2016. Il est également produit des devis sans attestation du 26 février 2016 (pièce n°8). Ces faits sont tous postérieurs à la première convocation de la société La Boutique de l'Optique [Localité 7] en vue de son exclusion du 14 décembre 2015, et ceux du 26 février 2016 et du 6 mars 2016 postérieurs à la deuxième convocation de La Boutique de l'Optique [Localité 7] du 10 février 2016 à une séance du conseil d'administration en vue de son exclusion.

En second lieu, comme l'a justement analysé le tribunal, il ressort de la rédaction des attestations produites par des clients, dont une cliente mystère (attestation n°6), que ceux-ci se sont présentés dans les magasins des sociétés La Boutique de l'Optique [Localité 7] et LBDO [Localité 9] et ont organisé une mise en scène pour obtenir des vendeurs l'établissement de deux devis successifs de la manière suivante :

Le client choisit délibérément un ensemble monture +verre cher pour lequel un premier devis est obtenu,

Le client fait état d'un prétexte pour sortir du magasin et prendre une copie du devis reçu,

Le client retourne ensuite au magasin et fait état du prix trop élevé de la monture (attestation n°9 et 7) ou en faisant valoir la prise en charge limitée de sa mutuelle (attestation n°6),

Le client restitue le devis initial et obtient un devis avec un « basculement » d'une partie du montant de la monture sur les verres.

Même si les clients s'attachent à préciser dans leur attestation que les vendeurs des magasins de [Localité 9] et de [Localité 7] ont spontanément proposé « la bascule » du prix de la monture sur celui des verres, le véritable stratagème mis en place par les clients était de nature à provoquer la fraude dès lors que les clients retournaient dans la boutique après leur première visite et laissaient entendre que le montant du remboursement de la mutuelle était déterminant dans leur décision d'achat. En outre, ces mises en scène concomitantes aux convocations de la société La Boutique de l'Optique en vue de son exclusion de la société Atol font douter de la neutralité des comportements des personnes témoignant de ces faits à l'égard de cette dernière et de la force probante de leur témoignage.

La société Atol qui n'a pas donné d'information malgré les sollicitations des premiers juges, sur les conditions dans lesquelles elle a pu recueillir ces témoignages, n'évoque pas les moyens dont elle dispose pour prévenir les comportements contraires à l'intérêt collectifs des membres de son réseau.

Concernant les autres attestations produites par la société Atol (pièces n° 48, 49, 63), comme l'a relevé le tribunal, celles-ci émanent de professionnels opticiens concurrents des sociétés intimées ne faisant état d'aucun fait précis et daté qu'ils ont directement constaté et se bornant à rapporter des « remontées de clients sur la fraude à l'assurance », ne sont pas davantage probantes.

Au regard de l'ensemble de ces constatations, les éléments de preuve versées aux débats par la société coopérative Atol sont insuffisants pour établir l'existence de faits précis de « « non-respect de la législation sur la facturation et d'arrangement de factures » dans les magasins à [Localité 7] et [Localité 9] des sociétés intimées pour justifier l'exclusion de ces dernières du réseau Atol et la résiliation de plein droit des contrats d'adhésion.

A défaut de pouvoir établir un comportement fautif de la part des sociétés intimées, la société Atol a fautivement rompu la relation contractuelle la liant aux sociétés La Boutique de l'Optique [Localité 7] et LBDO [Localité 9] et sa responsabilité contractuelle se trouve engagée à leur égard sur le fondement de l'article 1147 devenu 1217 du code civil.

3-Sur les demandes indemnitaires de la société Atol

La société Atol réclame la condamnation des sociétés intimées à lui payer chacune la somme de 50 000 euros telle que prévue à l'article X du règlement intérieur à la suite de la résiliation de plein droit du contrat d'adhésion, la somme de 30 000 euros pour atteinte à l'image de marque Atol en ne respectant pas la législation sur la facturation, et la cessation des pratiques sous astreinte.

La société Atol, échouant dans la démonstration de manquements liés à la facturation des sociétés intimées et ayant fautivement résilié les contrats d'adhésion, sera déboutée de ses demandes. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Atol de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles.

4-Sur les demandes indemnitaires des sociétés La Boutique de l'Optique [Localité 7] et LBDO [Localité 9]

Sur les demandes au titre du préjudice d'image

Comme l'a justement retenu le tribunal, l'exclusion des sociétés intimées du réseau Atol pour des motifs non justifiés de pratiques commerciales trompeuses a nécessairement jeté un discrédit sur ces sociétés dans la profession et généré un préjudice d'image. Les sociétés intimées justifient par ailleurs des difficultés, du fait de cette exclusion, de pouvoir intégrer d'autres réseaux nationaux (pièces n° 74 et 76).

La société Atol, si elle conteste l'existence même du préjudice, n'apporte pas de critique utile sur le montant retenu par le tribunal.

Dès lors le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Atol à verser à chacune des sociétés intimées la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Sur les demandes au titre des frais de changement d'enseigne

Les sociétés La Boutique de l'Optique [Localité 7] et LBDO [Localité 9] justifient de frais de changement de logiciel, publicités et supports de meubles engendrés par leur exclusion du réseau Atol et la résiliation immédiate du contrat d'adhésion (pièces n° 45,48,49 et 50).

Ces frais ne sont pas utilement contestés par la société Atol.

Dès lors le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu que ces frais de changement d'enseigne étaient la conséquence directe de l'exclusion fautivement prononcée par Atol et a condamné cette dernière à verser la somme de 5 022,50 euros à La Boutique de l'Optique [Localité 7] et la somme de 6820 euros à la société LBDO [Localité 9].

Sur les demandes au titre des stocks

Les sociétés La Boutique de l'Optique [Localité 7] et LBDO [Localité 9] soutiennent qu'elles ne sont plus autorisées à vendre des produits sur lesquels figurent la marque Atol et qu'elles disposent d'un stock d'invendus respectivement de 6 857,35 euros et de 11 466,12 euros. Elles précisent que n'ayant pas été valablement exclues et n'ayant pas démissionné, elles n'avaient pas à restituer à la société Atol les produits.

Comme l'a justement relevé le tribunal, l'article XII.2 du règlement intérieur de la société Atol prévoyait la possibilité d'une reprise de stock en cas d'exclusion d'un associé et les sociétés intimées ne justifient pas avoir fait des démarches en ce sens.

Par ailleurs, les pièces versées aux débats (pièces n°38 et 39), sont insuffisantes pour établir la réalité de ce stock dans le dernier état de leur demande.

Dès lors le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les sociétés La Boutique de l'Optique [Localité 7] et LBDO [Localité 9] de leur demande de reprise de stock.

Sur les demandes au titre du préjudice financier

Sur la demande de la société La Boutique de l'Optique [Localité 7]

Le tribunal a retenu que si la société La Boutique de l'Optique [Localité 7] a pu connaître une progression de son chiffre d'affaires HT nonobstant son exclusion du réseau Atol, la perte de l'appui d'une enseigne nationale constitue une perte de chance de bénéficier d'une plus importante progression pour l'année en cours. En conséquence, il a condamné la société Atol à verser la somme de 35 000 euros à titre de dommages-intérêts pour perte de chance.

La société Atol fait valoir que le tribunal en accordant une somme au titre d'un préjudice financier a statué ultra petita dès lors que la société La Boutique de l'Optique [Localité 7] n'a pas formulé devant le tribunal une telle demande. Elle sollicite l'infirmation du jugement et soulève l'irrecevabilité de la demande nouvelle en appel en application de l'article 564 du code de procédure civile.

La société La Boutique de l'Optique [Localité 7] soutient que la demande d'un préjudice financier a été faite oralement devant le tribunal de commerce. Elle sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société Atol à lui verser la somme de 35 000 euros correspondant à la perte de chance de réaliser une progression plus importante de son chiffre d'affaires HT et de sa marge d'exploitation.

Sur ce,

En vertu de l'article 5 du code de procédure civile, le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement ce qui est demandé.

A la lecture du jugement, il ressort que dans le récapitulatif du dernier état des demandes (page 4) des sociétés La Boutique de l'Optique [Localité 7] et LBDO, aucune indemnisation d'un préjudice financier n'est sollicitée pour la société La Boutique de l'Optique [Localité 7] et que dans l'exposé des moyens des parties (pages 6 et 7), aucun moyen n'est rappelé pour cette dernière société quant à l'existence d'un préjudice de perte de chance de réaliser une meilleure progression du chiffre d'affaires ou tout autre préjudice financier. Aucune mention ne figure par ailleurs dans le jugement faisant état d'une demande formulée oralement à l'audience à ce titre pour la société La Boutique de l'Optique [Localité 7].

Dès lors, les premiers juges ayant statué au-delà des prétentions de la société La Boutique de l'Optique [Localité 7], le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Atol à verser à cette dernière la somme de 35 000 euros en réparation d'un préjudice financier.

A hauteur d'appel, la demande d'indemnisation d'un préjudice financier de 35 000 euros de la société La Boutique de l'Optique [Localité 7] est dès lors nouvelle.

Or cette dernière ne démontre ni même n'explicite pas en quoi sa demande nouvelle est recevable au regard des articles 564 et suivants du code de procédure civile.

Dès lors, sa demande de 35 000 euros en réparation d'un préjudice financier sera déclarée irrecevable comme étant nouvelle.

Sur la demande de la société LBDO [Localité 9]

La société LBDO [Localité 9] soutient qu'elle a subi un préjudice financier par la baisse de son chiffre d'affaires à la suite de son exclusion du réseau et l'incidence sur sa marge. Elle explique qu'elle était totalement tributaire de la coopérative Atol en ce que faute de connexion au logiciel et serveur Atol elle n'avait plus accès ni aux clients, ni aux stocks, ni à la caisse. Elle invoque également une perte de trésorerie de 35 000 euros de créance clients impossible à recouvrer à la suite de la perte de ses données Atol. De plus, elle dément les prétentions d'Atol, d'une part en affirmant qu'elle achetait des montures et verres auprès d'Atol et d'autre part en soutenant que le magasin de [Localité 9] était rentable jusqu'à son exclusion et l'ouverture d'un autre magasin Atol à proximité. Elle soutient que c'est la perte de chance de réaliser un chiffre d'affaires qui doit être prise en considération pour évaluer le préjudice. Elle établit ainsi une moyenne entre sa marge brute moyenne des trois derniers exercices (97.419 euros) et cette même marge pondérée par le taux de marge commerciale des opticiens sous enseigne (103.795 euros) et obtient le résultat de 100.607 euros qu'elle multiplie par 3 (retenant une base triennale d'indemnisation), et demande 301.821 euros au titre de la réparation du préjudice financier subi par la société LBDO [Localité 9].

La société Atol soutient que la société LBDO [Localité 9] ne peut pas imputer la fermeture de son fonds de commerce à la décision d'exclusion de la coopérative Atol, l'adhésion à cette coopérative n'étant nullement indispensable à l'exercice de l'activité d'opticien. Elle rappelle à ce titre que la tête de réseau de la coopérative doit être regardée comme un fournisseur et non un client, que les sociétés LBDO [Localité 7] et LBDO [Localité 9] n'achetaient même pas les verres chez Atol, et qu'une fois exclue d'Atol, elles avaient toujours accès à leurs bases de données, que seul le catalogue était géré par Atol, qu'elles pouvaient s'approvisionner ailleurs et poursuivre leur activité. La société Atol indique qu'en toute hypothèse, le préjudice doit se calculer en prenant en compte la perte de marge sur couts variables et non la perte de marge brute pendant le préavis non exécuté. Elle souligne que la fin des relations commerciales avec la société Atol, ne prive nullement l'ancien associé de sa marge puisque ses clients, son stock, ses fournisseurs restent après la rupture.

Sur ce,

Comme l'a justement relevé le tribunal, l'analyse des bilans des exercices 2015 à 2017 (pièces LBDO n°40 et 41) de la société LBDO [Localité 9] montre que celle-ci avait dès 2015 une faible rentabilité financière malgré l'absence de charge salariale, mais il est constaté que le chiffre d'affaires en progression entre 2015 et 2016 (+38%) a brutalement chuté sur l'exercice 2017 clos au 30 juin 2017 (-68%). Comme l'a retenu le tribunal, cette baisse brutale du chiffre d'affaires est à mettre en lien avec l'exclusion du jour au lendemain de la société du réseau national Atol et son obligation de réorganiser son activité, en sorte que la variation de l'excédent d'exploitation constaté au cours de l'exercice 2016/2017 (- 62 798 euros) a directement été impactée par l'exclusion fautive décidée par la société Atol. Au regard de ces éléments, le préjudice financier a été évalué par le tribunal à hauteur de 35 000 euros.

Ces éléments d'analyse ne sont pas utilement contestés par les parties à hauteur d'appel.

Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Atol à verser à la société LBDO [Localité 9] la somme de 35 000 euros en réparation de son préjudice financier.

5-Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Atol aux dépens de première instance et à verser à chacune des sociétés La Boutique de l'Optique [Localité 7] et LBDO [Localité 9] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Atol, succombant partiellement en son appel, sera condamnée aux dépens d'appel.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, la société Atol sera déboutée de sa demande et condamnée à verser à chacune des sociétés La Boutique de l'Optique [Localité 7] et LBDO [Localité 9] la somme de 3 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la Cour sauf en ce qu'il a condamné la société Atol à verser à la société La Boutique de l'Optique [Localité 7] la somme de 35 000 euros en réparation de son préjudice financier ;

Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,

DÉCLARE la demande de 35 000 euros en réparation d'un préjudice financier de la société La Boutique de l'Optique [Localité 7] irrecevable comme étant nouvelle en appel ;

CONDAMNE la société Atol aux dépens d'appel ;

CONDAMNE la société Atol à payer aux sociétés La Boutique de l'Optique [Localité 7] et LBDO [Localité 9] chacune la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toute autre demande.