CA Versailles, ch. com. 3-1, 18 janvier 2024, n° 21/00460
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Vauban Valeurs (SAS)
Défendeur :
Société Générale Immobilier Patrimonial (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Thomas
Conseillers :
Mme Gautron-Audic, Mme Meurant
Avocats :
Me Zerhat, Me Linares, Me Hongre-Boyeldieu, Me Le Calvez, Me Riglet
EXPOSE DU LITIGE
La société Primaxia, aujourd'hui dénommée Société Générale Immobilier Patrimonial, ci-après dénommée SGIP, est spécialisée dans l'investissement immobilier neuf. Son activité consiste à commercialiser des biens immobiliers pour le compte de promoteurs, notamment de la société Sogeprom, filiale de la Société Générale.
A cette fin, elle a fait appel à des mandataires, dits conseillers immobiliers agréés Primaxia, ci-après dénommés CIAP, personnes physiques ou morales.
Par acte sous seing privé du 1er juillet 2014, la société Primaxia a consenti à la société Vauban Valeurs, dirigée par M. [L] [C], un mandat commercial pour une durée d'une année renouvelable par tacite reconduction, portant sur la vente de programmes immobiliers. Ce contrat faisait référence à l'accord de partenariat conclu par la société Primaxia avec la Société Générale, aux termes duquel cette dernière devait adresser au mandataire des clients intéressés par un investissement dans le secteur de l'immobilier neuf.
A la fin de l'année 2017, la société Primaxia a décidé de modifier son réseau de distribution et d'internaliser la commercialisation des programmes immobiliers.
Par courrier du 30 mars 2018, la société Primaxia a notifié à la société Vauban Valeurs la rupture de son mandat, à effet au 31 août 2018.
Par courrier du 19 avril 2018, la société Vauban Valeurs a réclamé à la société Primaxia le paiement de l'indemnité compensatrice prévue par l'article L.134-12 du code de commerce, ainsi que le bénéfice du 'droit de suite' contractuellement prévu.
La demande relative à l'indemnité compensatrice est demeurée vaine, dès lors que la société Primaxia a contesté à la société Vauban Valeurs le bénéfice du statut d'agent commercial.
Par acte d'huissier en date du 6 septembre 2018, la société Vauban Valeurs a fait assigner la société SGIP, venant aux droits de la société Primaxia, devant le tribunal de commerce de Nanterre.
Par jugement du 2 décembre 2020, le tribunal de commerce de Nanterre a :
- Débouté la société Vauban Valeurs de l'ensemble de ses demandes ;
- Condamné la société Vauban Valeurs à payer à la Société Générale Immobilier Patrimonial la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
- Condamné la société Vauban Valeurs aux entiers dépens.
Par déclaration du 25 janvier 2021, la société Vauban Valeurs a interjeté appel de ce jugement.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 24 octobre 2023, la société Vauban Valeurs demande à la cour de :
- Réformer le jugement rendu le 2 décembre 2020 par le tribunal de commerce de Nanterre
en ce qu'il a débouté la société Vauban Valeurs de l'ensemble de ses demandes ; condamné la société Vauban Valeurs à payer à la Société Société Générale Immobilier Patrimonial la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ; condamné la société Vauban Valeurs aux entiers dépens ;
Statuant à nouveau :
- Constater la rupture du contrat de commercialisation conclu le 1er juillet 2014 entre les sociétés Primaxia et Vauban Valeurs ;
- Dire et juger que l'activité de la société Vauban Valeurs dans le cadre du contrat de commercialisation régularisé avec la société Primaxia le 1er juillet 2014 ne relève pas du champ d'application de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970 ;
- Dire et juger que la société Vauban Valeurs avait le pouvoir de négocier les contrats de vente, de prospecter la clientèle et qu'au regard de l'ensemble des pièces versées au débat, le contrat conclu entre la société Société Générale Immobilier Patrimonial et la société Vauban Valeurs est un contrat d'agent commercial ;
- Dire et juger que la société Vauban Valeurs est en droit de percevoir l'indemnité prévue par l'article L.134-12 du code de commerce ;
- Condamner la Société Générale Immobilier Patrimonial à payer à la société Vauban Valeurs la somme de 408.716 € au titre de l'indemnité compensatrice prévue par l'article L.134-12 du code de commerce, ladite somme correspondant à deux années de commissions brutes ;
- Condamner la Société Générale Immobilier Patrimonial à payer à la société Vauban Valeurs la somme de 408.716 € correspondant à deux années de commissions brutes en réparation du préjudice consécutif au manque à gagner dû à l'engagement de non-concurrence post contractuel d'une durée de deux années ;
- Dire et juger que la Société Générale Immobilier Patrimonial a exécuté le contrat de commercialisation conclu avec la société Vauban Valeurs le 1er juillet 2014 de manière déloyale durant la période de préavis ;
- Condamner la Société Générale Immobilier Patrimonial à payer à la société Vauban Valeurs la somme de 85.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice consécutif au manque à gagner durant le préavis ;
- Débouter la Société Générale Immobilier Patrimonial de toutes fins, conclusions et prétentions ;
- Condamner la Société Générale Immobilier Patrimonial à payer à la société Vauban Valeurs la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la Société Générale Immobilier Patrimonial aux entiers dépens de l'instance.
Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 15 septembre 2023, la SGIP demande à la cour de :
- Rejeter l'ensemble des demandes de la société Vauban Valeurs ;
- Confirmer le jugement rendu le 2 décembre 2020 par le tribunal de commerce de Nanterre en ce qu'il a :
- Débouté « la SARL Vauban Valeurs de l'ensemble de ses demandes » ;
- Condamné « la SARL Vauban Valeurs à payer à la SAS Société Générale Immobilier Patrimonial la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile »;
- Dit « n'y avoir lieu à exécution provisoire » ;
- Condamné « la SARL Vauban Valeurs aux entiers dépens » ;
À titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour considérait que l'activité de la société Vauban Valeurs relevait du statut d'agent commercial prévu par le code de commerce,
- Juger que le montant de l'indemnité de cessation de contrat due par la Société Générale Immobilier Patrimonial à la société Vauban Valeurs ne peut être supérieure à six mois de commissions calculées sur la moyenne des trois dernières années d'exécution des contrats, soit la somme de 64.300,51 € ;
- Condamner la société Vauban Valeurs au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société Vauban Valeurs aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 mai 2023. Elle a été révoquée à l'audience du 27 juin 2023, puis à nouveau prononcée le 9 novembre 2023.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit par l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur l'application du statut d'agent commercial
La société Vauban Valeurs se prévaut de l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 17 mai 2023, dont il ressort que le statut des agents commerciaux est applicable aux personnes morales titulaire de la carte professionnelle et par conséquent, lui bénéficie.
La SGIP rappelle que le statut d'agent commercial n'est, selon l'alinéa 2 de l'article L.134-1 précité, pas applicable en cas de dispositions législatives particulières régissant la mission de l'agent. Elle indique que les dispositions de la loi Hoguet règlementent de manière spécifique l'activité d'intermédiaire en matière immobilière et qu'elles excluent donc l'application du statut de l'agent commercial aux agents immobiliers.
L'intimée indique que si l'article 4 de la loi Hoguet offre la possibilité aux agents immobiliers de recourir aux services de collaborateurs chargés de négocier, s'entremettre ou s'engager pour leur compte, l'activité de ces collaborateurs est également soumise à la loi Hoguet. Elle soutient que la dérogation introduite par la loi du 13 juillet 2006 à l'article 4 précité, permettant aux collaborateurs non-salariés de bénéficier du statut d'agent commercial, doit être conjuguée avec le décret d'application de la loi Hoguet du 20 juillet 1972 et ne peut dès lors bénéficier qu'aux seuls négociateurs immobiliers personnes physiques.
La SGIP explique que :
- les négociateurs immobiliers personnes physiques sont seuls susceptibles d'obtenir l'attestation d'habilitation visée par l'article 4 de la loi Hoguet, dès lors que le contrôle du bulletin n°2 du casier judiciaire prévu à l'article 3, II du décret du 20 juillet 1972, auquel renvoie l'article 9 du même décret, qui ne vise, depuis le décret du 19 juin 2015, que les personnes physiques, n'est pas possible pour les personnes morales ;
- le ministère de la justice, la Cour de cassation et le Conseil d'Etat ont confirmé que les personnes morales n'étaient pas susceptibles d'être titulaires de la carte professionnelle habilitant les négociateurs immobiliers ;
- l'habilitation visée à l'article 4 de la loi Hoguet, qui autorise une personne à exercer l'activité réglementée visée à l'article 1 de ladite loi, se distingue du simple mandat qui confère au mandataire le pouvoir de représentation du mandant au nom et pour le compte duquel il peut agir ; que le négociateur habilité par un titulaire de la carte professionnelle ne correspond donc pas simplement au négociateur mandaté par le titulaire de la carte professionnelle ; qu'au regard des termes employés par l'article 4 de la loi Hoguet, il semble que seule l'attestation visée à l'article 9 du décret du 20 juillet 1972 puisse permettre une habilitation au sens de cet article.
La SGIP expose que néanmoins, cette stricte limitation du champ d'application de l'article 4 de la loi du 2 janvier 1970 n'empêche pas l'agent immobilier de recourir aux services de collaborateurs non-salariés personnes morales ; que ces personnes morales, qui ne sont pas en mesure de bénéficier d'une attestation d'habilitation, ne peuvent se prévaloir du statut d'agent commercial et sont soumises aux dispositions impératives de la loi Hoguet.
La SGIP conteste l'application conventionnelle du statut d'agent commercial. Elle soutient que les dispositions de la loi Hoguet constituent des dispositions d'ordre public auxquelles il n'est pas possible de déroger conventionnellement et qu'en tout état de cause, les stipulations du mandat n'établissent pas que les parties ont voulu, de manière certaine et non équivoque, appliquer le statut d'agent commercial par dérogation aux dispositions de la loi Hoguet.
*****
Selon l'article L.134-1 du code de commerce, l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux.
L'application du statut d'agent commercial ne dépend pas de la volonté exprimée par les parties dans le contrat mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée.
Il résulte de la combinaison des articles L.134-1 du code de commerce, et 4, alinéas 1 et 2, de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, et 9 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 fixant les conditions d'application de cette loi que le titulaire de la carte professionnelle prévue à l'article 3 de la loi précitée a la possibilité d'habiliter une personne à négocier, s'entremettre ou s'engager pour son compte, si celle-ci justifie de l'attestation visée à l'article 9 du décret précité ou si celle-ci est elle-même titulaire de la carte professionnelle et que le statut des agents commerciaux lui est alors applicable.
La société Vauban Valeurs communique en pièce n°35 la copie de sa carte professionnelle l'autorisant à réaliser des " transactions sur immeubles et fonds de commerce ", délivrée par la Préfecture du Rhône le 1er juillet 2013, de sorte que le statut des agents commerciaux peut lui être appliqué.
La SGIP soutient que la société Vauban Valeurs ne disposait d'aucun pouvoir de prospection et de négociation comme le requièrent pourtant les dispositions de l'article L.134-1 précité. La SGIP explique d'une part, que la clientèle lui était apportée par la banque partenaire et que le catalogue des programmes immobiliers était mis à sa disposition par la société Primaxia et d'autre part, que les conditions de vente et les tarifs étaient fixés par le mandant.
En réponse, la société Vauban Valeurs se prévaut de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne ayant adopté une conception extensive du pouvoir de négociation n'impliquant pas nécessairement que le mandataire ait la possibilité de modifier les prix fixés par le mandant, mais qu'il ait effectué une série de démarches en vue de parvenir à la conclusion de l'affaire, ce qui était selon elle le cas en l'espèce. Elle explique qu'elle assurait l'effectivité de la prospection des investisseurs privés via la présentation des différents dispositifs fiscaux aux conseillers en gestion de patrimoine (CGP) de la Société Générale et qu'elle réalisait un audit de la situation de l'investisseur privé, ainsi qu'une étude patrimoniale et fiscale, afin de définir la stratégie d'investissement permettant de choisir un bien adapté, après un calcul de l'effort de trésorerie de l'opération envisagée et une comparaison entre lots et/ou modes de financement sur la base des taux de rendement interne pour chaque opération. Elle indique qu'elle accompagnait les investisseurs privés tout au long de l'opération d'investissement et qu'elle assurait un suivi fiscal.
S'agissant du pouvoir de prospection, il résulte du contrat de mandat conclu entre les parties que la société Vauban Valeurs avait pour mission d'assurer la vente des biens immobiliers auprès des prospects présentés par les conseillers en gestion de patrimoine de la banque partenaire, en l'occurrence la Société Générale, mais qu'elle avait aussi la possibilité de démarcher d'autres clients : " Le prestataire assure auprès de toute personne intéressée, et notamment des personnes dont les coordonnées lui ont été communiquées par la société, la présentation des programmes immobiliers de la société (prise de rendez-vous, etc.).
Le prestataire est libre d'effectuer les prestations auprès de toute personne et sur tout le territoire national, sans qu'il soit fait référence à un secteur spécialement attribué ni à une catégorie de clientèle particulière ".
Au surplus, la mission de prospection ayant pour objet d'apporter de nouveaux clients au mandant, la cour constate que la société Vauban Valeurs produit en pièce n°41-13 des supports de présentation se rapportant à des réunions organisées par la société Primaxia pour les CIAP, notamment en 2015, dont il ressort que le mandant a demandé à ces derniers de former les nouveaux conseillers en gestion de patrimoine, de " travailler avec le CGP son portefeuille client et celui de Primaxia ", d'organiser des conférences clients et des animations, en vue d'identifier des prospects et de réaliser des ventes. Ces actions ont bien eu pour finalité d'accroître la clientèle du mandant. La société Vauban Valeurs justifie, en pièces n°40 et 41, de différents mails, notamment ceux des 21 janvier 2016 (pièce n°41-16) et 9 mars 2018 (pièce n°41-15) démontrant qu'elle a participé, au cours de la relation contractuelle, à plusieurs actions de sensibilisation et de formation auprès des conseillers en gestion de patrimoine de la banque partenaire précitée, afin de leur présenter l'offre immobilière de la société Primaxia et de les inciter à identifier des prospects au sein de leur portefeuille de clients. L'appelante communique également des courriels établissant qu'elle a organisé et/ou participé à plusieurs réunions destinées à la clientèle de la Société Générale. Ainsi par mail du 29 septembre 2017, M. [C], dirigeant de la société Vauban Valeurs, écrit à une collaboratrice de la Société Générale : " Un grand merci de m'avoir accueilli à l'occasion de votre réunion clients ' ", ce à quoi la collaboratrice répond : " ' [je] te transmets en retour mes remerciements pour ton intervention particulièrement appréciée '". Les courriels des 1er octobre 2014 et 26 janvier 2018 de collaborateurs de la Société Générale établissent également la participation de M. [C] à des réunions avec des prospects, ce dernier étant remercié à ce titre. L'appelante démontre également avoir, par courriel du 29 août 2014, communiqué le nom de potentiels clients à la société Primaxia.
Si, comme le soutient la SGIP, les conseillers en gestion de patrimoine ne sont certes pas des prospects, néanmoins, il est constant qu'en application du contrat, la société Vauban Valeurs avait pour mission de réaliser des ventes de biens immobiliers au profit " notamment des personnes dont les coordonnées lui ont été communiquées par la société ". Il est indéniable qu'en intervenant auprès des conseillers en gestion de patrimoine, la société Vauban Valeurs a contribué activement à la recherche et au développement de la clientèle de la société Primaxia, devenue SGIP. Au surplus, comme indiqué précédemment, la société Vauban Valeurs établit avoir participé à des réunions directement avec les clients de la Société Générale (cf par exemple les mails de Mme [V] du 1er octobre 2014 et de Mme [F] du 29 septembre 2017).
Dans ces conditions, il ne peut être contesté que la société Vauban Valeurs disposait d'un pouvoir de prospection.
Concernant le pouvoir de négociation, le contrat de mandat conclu entre les parties stipule que " le prestataire n'aura donc pas le droit de négocier avec des clients des modalités d'acquisition différentes de celles que la société lui aura communiquées ". Pourtant, il n'est pas discuté que la société Vauban Valeurs avait pour mission de présenter aux prospects l'offre immobilière de la société Primaxia, de sélectionner au sein de ce panel de biens immobiliers, celui ou ceux correspondant le mieux à la situation et aux attentes des investisseurs sur les plans financier et fiscal, puis de convaincre les clients potentiels de conclure la vente. La société Vauban Valeurs justifie avoir réalisé des simulations financières et fiscales au profit des prospects. Ainsi, l'appelante communique en pièces n°40-13, 40-14, 40-16 et 40-17 des emails des 14 juin 2015, 10 mai 2017 et 12 juin 2018 par lesquels elle transmet des simulations de financement et des informations fiscales se rapportant à l'achat de biens immobiliers. La société Vauban Valeurs établit également avoir négocié auprès de la société Primaxia les frais de notaire pour finaliser une vente (cf courriel de la société Primaxia du 3 avril 2018 : " Ok pour les frais de notaire offerts ") et avoir été en contact avec le promoteur, notamment par courriel du 8 novembre 2017, pour satisfaire la demande d'une cliente potentielle concernant les prestations de construction, afin de favoriser les transactions. Alors que la faculté de modifier les conditions des contrats et/ou les prix n'est pas indispensable à la caractérisation du pouvoir de négociation, il apparait en l'espèce que la société Vauban Valeurs disposait effectivement d'un tel pouvoir dans le but de développer la clientèle de la société Primaxia.
En conséquence et par infirmation du jugement, il doit être considéré que le statut d'agent commercial est applicable à la société Vauban Valeurs.
Sur l'indemnisation consécutive à la rupture du contrat d'agent commercial
La société Vauban Valeurs fait valoir que le droit à indemnisation est d'ordre public en application de l'article L.134-12 du code de commerce et que l'indemnité est habituellement évaluée par la jurisprudence à une somme équivalente à deux années de commissions brutes. Elle expose que son préjudice a été accru par l'engagement de non-concurrence stipulé à l'article 3.5 applicable durant l'exécution du contrat et les deux années ayant suivi la fin du contrat. Elle réclame deux indemnités de 408.716 €.
La SGIP conteste le quantum de la demande de dommages et intérêts, indiquant que l'usage consistant à évaluer l'indemnité de cessation de contrat à deux années de commissions brutes et acquises évaluées sur la moyenne des trois dernières années d'exécution du mandat, ne lie pas le juge et qu'elle ne saurait excéder 6 mois au regard du caractère particulièrement avantageux du contrat de mandat ayant permis à la société Vauban Valeurs de bénéficier de la clientèle apportée par la société Primaxia. L'intimée ajoute que les opérations immobilières conclues n'avaient pas vocation à se renouveler avec les mêmes clients. Elle conteste avoir imposé à la société Vauban Valeurs une exclusivité, précisant avoir simplement rappelé l'obligation de loyauté à laquelle elle est tenue en sa qualité de mandataire et qui lui interdit de représenter un concurrent de son mandant sans accord de ce dernier.
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Sur l'indemnité compensatrice
Comme rappelé précédemment, en application de l'article L.134-12 du code de commerce, l'agent commercial a droit, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.
Il est d'usage que cette indemnité soit évaluée sur la base de deux années de commissions brutes calculées à partir de la moyenne des trois dernières années d'exécution du contrat.
L'indemnité prévue à l'article L.134-12 du code de commerce a pour objet la réparation du préjudice qui résulte, pour l'agent commercial, de la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune.
La SGIP soutient que la société Vauban Valeurs n'a ni prospecté, ni fidélisé de clientèle pour la société Primaxia, compte tenu de l'apport de clientèle et de la nature des biens proposés.
Cependant, pour les motifs précités, la société Vauban Valeurs a usé de son pouvoir de prospection afin de développer la clientèle de la société Primaxia, qui doit être distinguée de celle des agences bancaires. Si les clients de la société Primaxia étaient effectivement ceux des agences bancaires, il n'en demeure pas moins que par son action de prospection, soit par l'intermédiaire des conseillers en gestion de patrimoine, soit directement auprès des clients des agences bancaires, la société Vauban Valeurs a contribué au développement de la clientèle de la société Primaxia. Par ailleurs, la notion de fidélisation de la clientèle doit, en l'espèce, être appréhendée par rapport au marché particulier de l'investissement immobilier neuf. Il doit en outre être souligné qu'à l'occasion des ventes, le prêt immobilier proposé était émis par la Société Générale, contribuant ainsi à la fidélisation de la clientèle du groupe auquel appartient la SGIP, anciennement dénommée Primaxia. La cour relève encore que l'appelante communique un email du 30 juillet 2018 d'une cliente, Mme [G] qui, satisfaite des conseils de la société Vauban Valeurs, lui a adressé sa fille en vue de l'assister dans le cadre d'un projet d'achat immobilier. Enfin, il ne peut être contesté que du fait de la rupture du mandat, la société Vauban Valeurs n'a plus été en mesure de bénéficier des prospects provenant des agences bancaires de la Société Générale, banque partenaire de la SGIP.
Néanmoins, il ne peut être occulté que le partenariat existant entre la société Primaxia et la banque Société Générale, a facilité le travail de prospection, puisqu'une grande part de cette tâche a été effectuée par le CIAP auprès des CGP, professionnels, titulaires de portefeuilles clients, et non directement auprès de tous les clients des agences bancaires.
La société Vauban Valeurs communique ses bilans pour les années 2014 à 2017 et son compte de résultat pour l'année 2018.
Il en résulte que le montant moyen des commissions perçues au cours des trois dernières années d'exécution du mandat s'élève à la somme de 65.000 €.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments et des circonstances de l'espèce, il convient d'allouer à la société Vauban Valeurs une indemnité compensatrice d'un montant de 100.000€.
Sur l'indemnité au titre de l'engagement de non-concurrence
L'article L.134-14 du code de commerce dispose que : " Le contrat peut contenir une clause de non-concurrence après la cessation du contrat.
Cette clause doit être établie par écrit et concerner le secteur géographique et, le cas échéant, le groupe de personnes confié à l'agent commercial ainsi que le type de biens ou de services pour lesquels il exerce la représentation aux termes du contrat.
La clause de non-concurrence n'est valable que pour une période maximale de deux ans après la cessation d'un contrat ".
L'article 3.5 du mandat du 1er juillet 2014, stipule que :
" En cas de rupture du présent contrat pour quelque cause que ce soit, le prestataire s'interdit pendant une période de deux (2) ans à compter de la date de cessation de ses effets de droit, de démarcher la clientèle de la société et notamment celle avec laquelle il aurait été en relation professionnelle ".
Comme l'a justement retenu le tribunal, la clause litigieuse est circonscrite dans le temps et à la clientèle de la SGIP, notamment celle avec laquelle l'agent commercial a travaillé. Elle est donc valide et ne constitue pas une entrave à la liberté de la société Vauban Valeurs de développer une nouvelle activité économique. Elle ne peut donc ouvrir droit à indemnisation.
Le jugement doit par conséquent être confirmé en ce qu'il a débouté la société Vauban Valeurs de sa demande indemnitaire à ce titre.
Sur l'exécution déloyale du contrat de commercialisation
La société Vauban Valeurs expose que la SGIP a malicieusement allongé la durée du préavis tout en modifiant l'offre dans des conditions telles qu'elle ne lui a plus permis d'exécuter normalement son mandat en violation des stipulations de l'article 4 du contrat. Elle précise que son chiffre d'affaires a été divisé par 4 en 2018. Elle considère que ces éléments caractérisent une exécution déloyale du contrat par la SIGP, engageant sa responsabilité contractuelle. Elle réclame 85.000 € de dommages et intérêts.
La SGIP répond que l'obligation contractuelle figurant à l'article 4 du contrat n'est qu'une obligation de moyens. Elle soutient que c'est le catalogue d'offres de programmes immobiliers trop restreint en 2017, issu de l'ancien système de distribution qui est à l'origine de la baisse du chiffre d'affaires qui a également impacté la société Primaxia. Elle explique qu'elle a mis en place dès le début de l'année 2018 un système dit de " grille ouverte " qui a eu pour conséquence d'élargir son catalogue d'offres de programmes immobiliers. Elle affirme qu'au mois de mars 2018 l'état des stocks faisait apparaître 1.288 lots disponibles à la vente, qu'au 27 avril 2018, il était de 2.065 et qu'au mois de juin 2018, il avait atteint 2.882.
*****
L'article 4 du contrat prévoit que :
" La Société fournit au Prestataire toute documentation et tous moyens nécessaires à la réalisation des prestations, relatives notamment aux biens et programmes immobiliers constituant l'objet de la commercialisation ".
Par deux courriels des 12 avril et 31 mai 2018, la société Vauban Valeurs a signalé à la SGIP l'offre insuffisante de biens immobiliers à la vente, en particulier à [Localité 4], depuis plusieurs mois. L'appelante a fait état auprès de la SGIP de la baisse importante de son activité, précisant n'avoir réalisé au 1er juin 2018 que 5 ventes. Elle produit son compte de résultat pour l'année 2018, dont il ressort que son chiffre d'affaires s'est limité à la somme de 79.862 €, alors qu'il était de 204.349 €, soit plus de deux fois supérieur, en 2017.
Néanmoins, il doit être rappelé que la SGIP a notifié la résiliation du contrat de mandat le 30 mars 2018 à effet au 31 août 2018, de sorte que le chiffre d'affaires de l'année 2018 a représenté 60 % de celui de l'année précédente.
La SGIP ne justifie pas de réponse aux mails précités de la société Vauban Valeurs.
L'intimée se prévaut d'un stock de 1.288 biens immobiliers à vendre au mois de mars 2018, porté à 2.065 le 27 avril 2018, puis à 2.882 au mois de juin 2018.
Cependant, la cour constate que les chiffres invoqués par la SGIP correspondent au niveau national, alors qu'il résulte des éléments de la procédure que la société Vauban Valeurs intervenait en région Auvergne Rhône-Alpes et notamment à [Localité 4]. S'il ressort des tableaux produits par l'intimée en pièces n°3 à 5 relatifs aux biens immobiliers proposés de mars à juin 2018 que le nombre de biens immobiliers proposés pour la ville de [Localité 4] est passé de 29 à 63, en l'absence de données concernant l'état du stock habituel au cours de la relation contractuelle, les seuls chiffres communiqués par la SGIP pour les mois de mars à juin 2018 ne permettent pas de confirmer que le stock était suffisant comme le soutient l'intimée. La SGIP ne démontre ainsi pas avoir fourni à l'agent commercial les moyens nécessaires à l'accomplissement de sa mission au cours de l'année 2018, tandis que ce dernier justifie avoir accusé une baisse notable de son chiffre d'affaires par rapport à l'année précédente.
Néanmoins, le préjudice de la société Vauban Valeurs ne peut consister qu'en une perte de chance de réaliser le chiffre d'affaires escompté.
Alors que le chiffre d'affaires de la société Vauban Valeurs suivait une courbe ascendante (27.900 € au titre de l'année 2014 ; 64.602 € au titre de l'année 2015 ; 121.172 € au titre de l'année 2016 ; 204.358 € au titre de l'année 2017), il lui sera alloué une somme de 30.000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice consécutif au manque à gagner durant le préavis.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Au regard de la solution du litige, le jugement entrepris doit être infirmé des chefs des dépens et des frais irrépétibles.
La SGIP qui succombe à titre principal, supportera les dépens de première instance et d'appel. Elle sera en outre condamnée à payer à la société Vauban Valeurs la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté la société Vauban Valeurs de sa demande indemnitaire au titre du préjudice consécutif au manque à gagner durant le préavis ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Condamne la Société Générale Immobilier Patrimonial à payer à la société Vauban Valeurs la somme de 65.000 € à titre d'indemnité compensatrice ;
Condamne la Société Générale Immobilier Patrimonial à payer à la société Vauban Valeurs la somme de 30.000 € au titre du préjudice consécutif au manque à gagner durant le préavis ;
Condamne la Société Générale Immobilier Patrimonial aux dépens de première instance et d'appel ;
Condamne la Société Générale Immobilier Patrimonial à payer à la société Vauban Valeurs la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.