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Décisions

CA Versailles, ch. com. 3 et 1, 18 janvier 2024, n° 20/06537

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Société Générale Immobilier Patrimonial (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Thomas

Conseillers :

Mme Gautron-Audic, Mme Meurant

Avocats :

Me Hongre-Boyeldieu, Me Dupuis

T. com. Nanterre, ch. 6, du 18 nov. 2020…

18 novembre 2020

EXPOSE DU LITIGE

La société Primaxia, aujourd'hui dénommée Société Générale Immobilier Patrimonial, ci-après dénommée SGIP, est spécialisée dans l'investissement immobilier neuf. Son activité consiste à commercialiser des biens immobiliers pour le compte de promoteurs, notamment de la société Sogeprom, filiale de la Société Générale.

A cette fin, elle a fait appel à des mandataires, dits conseillers immobiliers agréés Primaxia, ci-après dénommés CIAP, personnes physiques ou morales.

Par acte sous seing privé du 21 novembre 2007, la société Primaxia a conclu un contrat de mandat avec la société Armoric Patrimoine, nouvellement dénommée [D] Finance, dirigée par M. [D], pour une durée d'une année à compter du 1er décembre 2007, renouvelable par tacite reconduction pour la même période. Ce contrat faisait référence à l'accord de partenariat conclu par la société Primaxia avec la Société Générale, aux termes duquel cette dernière devait adresser au mandataire des clients intéressés par un investissement dans le secteur de l'immobilier neuf.

Par acte sous seing privé du 1er novembre 2010, un second contrat de mandat a été consenti par la société Primaxia à la société Armoric Patrimoine, pour une nouvelle durée d'une année, renouvelable également par tacite reconduction, faisant cette fois référence à l'accord de partenariat conclu par la société Primaxia avec le Crédit du Nord dans les mêmes termes que ceux précités.

Le 1er janvier 2013, la société Primaxia a conclu avec la société Armoric Finance un troisième contrat de mandat, annulant et remplaçant le précédent, dans des conditions similaires.

A la fin de l'année 2017, la société Primaxia a décidé de modifier son réseau de distribution et d'internaliser la commercialisation des programmes immobiliers.

Par courrier du 20 avril 2018, la société Primaxia a notifié à la société [D] Finance la rupture des mandats à effet au 31 décembre 2018.

Par courrier du 25 juin 2018, la société [D] Finance a réclamé le paiement de l'indemnité compensatrice prévue par l'article L.134-12 du code de commerce ainsi que le bénéfice du 'droit de suite' contractuellement prévu.

Par courrier du 20 juillet 2018, la société Primaxia a contesté à la société [D] Finance le bénéfice du statut d'agent commercial.

Par acte d'huissier du 17 janvier 2019, la société [D] Finance a fait assigner la SGIP, venant aux droits de la société Primaxia, devant le tribunal de commerce de Nanterre.

Par jugement du 18 novembre 2020, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- Dit que le statut d'agent commercial est applicable à la société [D] Finance dans le cadre du contrat de mandat qui la liait à la Société Générale Immobilier Patrimonial et débouté cette dernière de ses demandes à ce titre,

- Dit que la société [D] Finance est fondée à se prévaloir du statut d'agent commercial au regard des dispositions des articles L.134-1 et suivants du code de commerce dans le cadre du contrat de mandat qui la liait à la Société Générale Immobilier Patrimonial et débouté cette dernière de ses demandes à ce titre,

- Condamné la Société Générale Immobilier Patrimonial à payer à la société [D] Finance la somme de 190.000 € au titre d'indemnité compensatrice de cessation du contrat de mandat,

- Débouté la société [D] Finance de sa demande visant à la condamnation de la Société Générale Immobilier Patrimonial au versement d'une somme de 60.000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat,

- Condamné la Société Générale Immobilier Patrimonial à payer à la société [D] Finance la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens et débouté la Société Générale Immobilier Patrimonial de ses demandes à ce titre.

Par déclaration du 28 décembre 2020, la SGIP a interjeté appel du jugement.

Par ordonnance d'incident du 25 mai 2023, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Versailles a :

- Rejeté la demande d'exécution provisoire de la société [D] Finance,

- Condamné la société [D] Finance aux dépens de l'incident,

- Condamné la société [D] Finance à verser à la SGIP la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 18 septembre 2023, la société SGIP demande à la cour de :

- Infirmer le jugement rendu le 18 novembre 2020 par le tribunal de commerce de Nanterre en ce qu'il a :

- « Dit que le statut d'agent commercial est applicable à société [D] Finance dans le cadre du mandat qui la liait à la Société Générale Immobilier Patrimonial et débouté cette dernière de ses demandes à ce titre,

- Dit que la société [D] Finance est fondée à se prévaloir du statut d'agent commercial au regard des dispositions des articles L.134-1 et suivants du code de commerce dans le cadre du contrat de mandat qui la liait à la Société Générale Immobilier Patrimonial et débouté cette dernière de ses demandes à ce titre,

- Condamné la Société Générale Immobilier Patrimonial à payer à la société [D] Finance la somme de 190.000 € à titre d'indemnité compensatrice de cessation du contrat de mandat,

- Condamné la Société Générale Immobilier Patrimonial à payer à la société [D] Finance la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens et débouté la Société Générale Immobilier Patrimonial de ses demandes à ce titre »,

- Confirmer le jugement rendu le 18 novembre 2020 par le tribunal de commerce de Nanterre en ce qu'il a :

- Débouté « la société [D] Finance de sa demande visant à la condamnation de la Société Générale Immobilier Patrimonial au versement de la somme de 60.000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat »,

En conséquence et statuant à nouveau,

- Juger que l'exercice de cette activité de commercialisation est soumis aux dispositions de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970,

- Juger que la société [D] Finance en sa qualité de personne morale ne bénéficie pas de la dérogation instituée par la loi n°2006-872 du 13 juillet 2006 au profit des seules personnes physiques,

- Juger en conséquence que l'activité de la société [D] Finance relève du statut des agents immobiliers qui est exclusif des agents commerciaux,

En conséquence,

- Débouter la société [D] Finance de l'ensemble de ses demandes, en ce compris sa demande de paiement d'une indemnité de rupture d'un montant de 500.000 €,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour considérait que l'activité de la société [D] Finance relevait du statut d'agent commercial prévu par le code de commerce,

- Juger que le montant de l'indemnité de rupture due par la Société Générale Immobilier Patrimonial à la société [D] Finance ne peut être supérieur à six mois de commissions calculées sur la moyenne des trois dernières années d'exécution du contrat de mandat, soit la somme de 46.290,15 €,

En tout état de cause,

- Condamner la société [D] Finance au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société [D] Finance aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 25 octobre 2023, la société [D] Finance demande à la cour de :

- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre du 18 novembre 2020 en qu'il a :

- Dit que le statut d'agent commercial est applicable à la société [D] Finance dans le cadre du mandat qui la liait à la Société Générale Immobilier Patrimonial et débouté cette dernière de ses demandes à ce titre,

- Dit que la société [D] Finance est fondée à se prévaloir du statut d'agent commercial au regard des dispositions des articles L.134-1 et suivants du code de commerce dans le cadre du contrat de mandat qui la liait à la Société Générale Immobilier Patrimonial et débouté cette dernière de ses demandes à ce titre,

- Condamné la Société Générale Immobilier Patrimonial à payer à la société [D] Finance la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens et débouté la Société Générale Immobilier Patrimonial de ses demandes à ce titre,

- Réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre du 18 novembre 2020 en ce qu'il a :

- Limité, à la somme de 190.000 €, le montant de la condamnation de la Société Générale Immobilier Patrimonial à payer à la société [D] Finance à titre d'indemnité compensatrice de cessation du contrat de mandat,

- Débouté la société [D] Finance de sa demande visant à la condamnation de la Société Générale Immobilier Patrimonial au versement d'une somme de 60.000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

- Condamner la Société Générale Immobilier Patrimonial au paiement à la société [D] Finance d'une somme de 500.000 € à titre d'indemnité compensatrice du préjudice subi du fait de la résiliation du contrat en date du 1er janvier 2013,

- Condamner la Société Générale Immobilier Patrimonial au paiement à la société [D] Finance d'une somme de 60.000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat,

En tout état de cause,

- Débouter la Société Générale Immobilier Patrimonial de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- Condamner la Société Générale Immobilier Patrimonial au paiement à la société [D] Finance d'une somme de 7.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 mai 2023. Elle a été révoquée, puis à nouveau prononcée le 9 novembre 2023.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur l'application du statut d'agent commercial

La SGIP rappelle que le statut d'agent commercial n'est, selon l'alinéa 2 de l'article L.134-1 précité, pas applicable en cas de dispositions législatives particulières régissant la mission de l'agent. Elle indique que les dispositions de la loi Hoguet règlementent de manière spécifique l'activité d'intermédiaire en matière immobilière et qu'elles excluent donc l'application du statut de l'agent commercial aux agents immobiliers.

L'appelante indique que si l'article 4 de la loi Hoguet offre la possibilité aux agents immobiliers de recourir aux services de collaborateurs chargés de négocier, s'entremettre ou s'engager pour leur compte, l'activité de ces collaborateurs est également soumise à la loi Hoguet. Elle soutient que la dérogation introduite par la loi du 13 juillet 2006 à l'article 4 précité, permettant aux collaborateurs non-salariés de bénéficier du statut d'agent commercial, doit être conjuguée avec le décret d'application de la loi Hoguet du 20 juillet 1972 et ne peut dès lors bénéficier qu'aux seuls négociateurs immobiliers personnes physiques.

La SGIP explique que :

- les négociateurs immobiliers personnes physiques sont seuls susceptibles d'obtenir l'attestation d'habilitation visée par l'article 4 de la loi Hoguet, dès lors que le contrôle du bulletin n°2 du casier judiciaire prévu à l'article 3, II du décret du 20 juillet 1972, auquel renvoie l'article 9 du même décret, qui ne vise, depuis le décret du 19 juin 2015, que les personnes physiques, n'est pas possible pour les personnes morales ;

- le ministère de la justice, la Cour de cassation et le Conseil d'Etat ont confirmé que les personnes morales n'étaient pas susceptibles d'être titulaires de la carte professionnelle habilitant les négociateurs immobiliers ;

- l'habilitation visée à l'article 4 de la loi Hoguet, qui autorise une personne à exercer l'activité réglementée visée à l'article 1 de ladite loi, se distingue du simple mandat qui confère au mandataire le pouvoir de représentation du mandant au nom et pour le compte duquel il peut agir ; que le négociateur habilité par un titulaire de la carte professionnelle ne correspond donc pas simplement au négociateur mandaté par le titulaire de la carte professionnelle ; qu'au regard des termes employés par l'article 4 de la loi Hoguet, il semble que seule l'attestation visée à l'article 9 du décret du 20 juillet 1972 puisse permettre une habilitation au sens de cet article.

La SGIP expose que néanmoins, cette stricte limitation du champ d'application de l'article 4 de la loi du 2 janvier 1970 n'empêche pas l'agent immobilier de recourir aux services de collaborateurs non-salariés personnes morales ; que ces personnes morales, qui ne sont pas en mesure de bénéficier d'une attestation d'habilitation, ne peuvent se prévaloir du statut d'agent commercial et sont soumises aux dispositions impératives de la loi Hoguet.

La SGIP conteste l'application conventionnelle du statut d'agent commercial. Elle soutient que les dispositions de la loi Hoguet constituent des dispositions d'ordre public auxquelles il n'est pas possible de déroger conventionnellement, et qu'en tout état de cause, les stipulations du mandat n'établissent pas que les parties ont voulu, de manière certaine et non équivoque, appliquer le statut d'agent commercial par dérogation aux dispositions de la loi Hoguet.

La société [D] Finance répond que le contrat, rédigé par la société Primaxia, a été expressément soumis aux dispositions des articles L.134-1 et suivants du code de commerce régissant le statut des agents commerciaux, de sorte qu'en application du principe de la force obligatoire des contrats, ce statut doit être appliqué.

Elle considère qu'en excluant les personnes morales de l'article 4 de la loi Hoguet, la SGIP ajoute à la loi, dès lors que le texte ne le prévoit pas. Elle estime que cette position est discriminatoire. Elle précise disposer, conformément au dernier alinéa de l'article 3 de la loi Hoguet, de la carte d'agent immobilier, de sorte qu'elle pouvait valablement être habilitée par la société Primaxia à exercer l'activité d'agent immobilier. Elle souligne que l'article L.134-1 du code de commerce prévoit expressément que l'agent commercial peut être une personne physique ou une personne morale. Elle relève que la version de l'article 9 du décret d'application de la loi Hoguet invoqué par la SGIP est inapplicable en l'espèce, dès lors qu'elle est issue du décret n°2015-702 du 19 juin 2015, postérieur à la conclusion des contrats les 21 novembre 2007 et 1er janvier 2013. Elle indique que dans sa version antérieure au décret du 19 juin 2015, l'adjectif 'physique' n'était pas mentionné, de sorte que l'article 9 précité ne limitait pas son champ d'application aux personnes physiques. Elle ajoute qu'en tout état de cause, l'article 9 dans sa version issue du décret du 19 juin 2015 ne dispose pas que seules les personnes physiques peuvent se faire habiliter par un titulaire de la carte professionnelle. Elle fait valoir que les personnes titulaires d'une telle carte présentent les garanties nécessaires, de sorte qu'elles ne sont pas soumises à la nécessité de produire l'attestation préfectorale prévue par l'article 9 susvisé. La société [D] Finance se prévaut de l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 17 mai 2023 qui a confirmé que le titulaire de la carte professionnelle prévue à l'article 3 de la loi précitée a la possibilité d'habiliter une personne à négocier, s'entremettre ou s'engager pour son compte, si celle-ci justifie de l'attestation visée à l'article 9 du décret précité ou si celle-ci est elle-même titulaire de la carte professionnelle et que le statut des agents commerciaux est alors applicable à la personne morale titulaire de la carte professionnelle.

*****

Selon l'article L.134-1 du code de commerce, l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux.

L'application du statut d'agent commercial ne dépend pas de la volonté exprimée par les parties dans le contrat mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée.

Il résulte de la combinaison des articles L.134-1 du code de commerce et 4, alinéas 1 et 2, de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce et 9 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 fixant les conditions d'application de cette loi que le titulaire de la carte professionnelle prévue à l'article 3 de la loi précitée a la possibilité d'habiliter une personne à négocier, s'entremettre ou s'engager pour son compte, si celle-ci justifie de l'attestation visée à l'article 9 du décret précité ou si celle-ci est elle-même titulaire de la carte professionnelle et que le statut des agents commerciaux lui est alors applicable.

La société [D] Finance communique en pièces n°4 et 5 la copie des cartes professionnelles l'autorisant à réaliser des " transactions sur immeubles et fonds de commerce ", délivrées par la Préfecture des Côtes d'Armor, puis la Chambre de commerce et d'industrie des Côtes d'Armor les 3 janvier 2007 et 2 février 2017, de sorte que le statut des agents commerciaux peut lui être appliqué.

La SGIP soutient que la société [D] Finance ne disposait d'aucun pouvoir de prospection et de négociation comme le requièrent pourtant les dispositions de l'article L.134-1 précité. L'appelante explique d'une part, que la clientèle lui était apportée par les banques partenaires et que le catalogue des programmes immobiliers était mis à sa disposition par la société Primaxia et d'autre part, que les conditions de vente et les tarifs étaient fixés par le mandant.

En réponse, la société [D] Finance soutient avoir démarché la clientèle et négocié les prix. Elle indique que ce sont les CIAP qui ont constitué et développé la clientèle de la société Primaxia. L'intimée se prévaut de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne ayant adopté une conception extensive du pouvoir de négociation n'impliquant pas nécessairement que le mandataire ait la possibilité de modifier les prix fixés par le mandant. Elle explique que la négociation ne se limite pas au prix de vente mais concerne l'ensemble de l'opération économique.

S'agissant du pouvoir de prospection, il résulte des contrats conclus entre les parties que : " Le mandant charge le mandataire de négocier pour son compte avec les clients qu'il lui adressera, la vente de programmes immobiliers qui lui est confiée ". Au-delà du pouvoir de négociation qui est expressément stipulé, la clause ajoute que : " En fonction de l'offre disponible, le mandataire pourra autoriser le mandataire à présenter aussi l'offre du mandant à sa propre clientèle " (souligné par la cour).

Au surplus, la mission de prospection ayant pour objet d'apporter de nouveaux clients au mandant, la cour constate que la société [D] Finance produit en pièce n°29 différents mails démontrant qu'elle a participé, au cours de la relation contractuelle et notamment les 26 septembre 2014 et 26 février 2016, à des actions d'information auprès des conseillers en gestion de patrimoine (CGP) des banques partenaires précitées, afin de leur présenter l'offre immobilière d'investissement de la société Primaxia, les incitant ainsi à identifier des prospects au sein de leur portefeuille de clients. L'intimée communique également des courriels établissant qu'elle a organisé et/ou participé à des réunions destinées à la clientèle de la Société Générale et du Crédit du Nord, notamment le 10 septembre 2015. Elle justifie également d'un courriel du 7 mars 2016 par lequel la société Primaxia lui a adressé une présentation destinée à être utilisée lors des rencontres avec les clients : " Je vous envoie la présentation pour vos soirées clients validée par le CDN [Crédit du Nord] ".

Si, comme le soutient la SGIP, les conseillers en gestion de patrimoine ne sont certes pas des prospects, néanmoins, il est constant qu'en application du contrat, la société [D] Finance avait pour mission de réaliser des ventes de biens immobiliers avec les clients que ces conseillers devaient lui adresser. Il est indéniable qu'en intervenant auprès des conseillers en gestion de patrimoine, la société [D] Finance a contribué activement à la recherche et au développement de la clientèle de la société Primaxia, devenue SGIP. Au surplus, comme indiqué précédemment, la société [D] Finance établit avoir participé à des réunions directement avec les clients des banques partenaires (cf courriels des 12 janvier 2015 et 7 mars 2016).

Dans ces conditions, il ne peut être contesté que la société [D] Finance disposait d'un pouvoir de prospection.

Concernant le pouvoir de négociation, les contrats de mandat conclus les 21 novembre 2007 et 1er janvier 2013 entre les parties stipulent que " le mandataire négocie les ventes des programmes qui lui sont confiés avec les candidats acquéreurs qui lui sont adressés par le mandant ' ". La société [D] Finance communique en pièce n°29 deux courriels adressés à des clients portant mention d'une remise de 3%. Si la SGIP soutient que les remises n'ont pas été négociées par le CIAP, mais qu'elles ont été accordées par la société Primaxia ou le promoteur dans le cadre d'une politique commerciale, la cour constate qu'elle ne justifie pas ses dires s'agissant des remises accordées à M. [H] et Mme [U] par mails des 25 janvier 2014 et 19 mai 2016. Au surplus, il n'est pas discuté que la société [D] Finance avait pour mission de présenter aux prospects l'offre immobilière de la société Primaxia, de sélectionner au sein de ce panel de biens immobiliers, celui ou ceux correspondant le mieux à la situation et aux attentes des investisseurs sur les plans financier et fiscal, puis de convaincre les clients potentiels de conclure la vente. Alors que la faculté de modifier les conditions des contrats et/ou les prix n'est pas indispensable à la caractérisation du pouvoir de négociation, il apparait en l'espèce que la société [D] Finance disposait effectivement d'un tel pouvoir dans le but de développer la clientèle de la société Primaxia.

En conséquence et par confirmation du jugement, il doit être considéré que le statut d'agent commercial est applicable à la société [D] Finance.

Sur l'indemnisation consécutive à la rupture du contrat d'agent commercial

La SGIP conteste le quantum de la demande de dommages et intérêts, indiquant que l'usage consistant à évaluer l'indemnité de cessation de contrat à deux années de commissions brutes et acquises évaluées sur la moyenne des trois dernières années d'exécution du mandat, ne lie pas le juge et qu'elle ne saurait excéder 6 mois au regard du caractère particulièrement avantageux du contrat de mandat ayant permis à la société [D] Finance de bénéficier de la clientèle apportée par la société Primaxia. L'appelante ajoute que les opérations immobilières conclues n'avaient pas vocation à se renouveler avec les mêmes clients.

Par ailleurs, la SGIP conteste tout manquement à l'obligation de bonne foi et de loyauté. Elle soutient que le référencement des nouveaux salariés de la société Primaxia auprès des agences des banques partenaires n'a été mis en place, dans chacun des secteurs concernés, qu'au terme des contrats de mandat conclus avec les CIAP. Elle ajoute avoir clairement exposé aux conseillers en gestion de patrimoine de ces différentes agences bancaires la nécessité de poursuivre leur collaboration avec les différents CIAP référencés jusqu'au terme de leur mandat.

L'intimée répond que son droit à indemnisation est incontestable en application de l'article L.134-12 du code de commerce. Elle estime que la durée usuelle de deux années de commissions brutes est insuffisante à lui permettre de reconstituer une clientèle identique, dès lors que le contrat portait sur un partenariat avec une filiale d'une grande enseigne bancaire et ayant pour objet de négocier la vente de programmes immobiliers auprès de clients de cette enseigne. Elle revendique au moins trois années de commissions, soulignant que l'année 2018 a été dégradée, dès lors qu'après l'annonce de la résiliation par lettre du 20 avril 2018, elle n'a eu que très peu de produits immobiliers à vendre, la SGIP ayant ainsi manqué à son obligation d'exécuter le contrat de bonne foi. Elle rappelle l'important travail de fond qu'elle a accompli pour former les équipes des agences bancaires, le travail de prospection et la durée de la relation contractuelle. Elle ajoute qu'il doit être tenu compte de la clause de non-concurrence. Elle réclame par conséquent une somme de 500.000 €.

La société [D] Finance demande par ailleurs à la cour de lui allouer une indemnité de 60.000 € du fait de la baisse drastique du nombre de clients qui lui ont été adressés à compter de l'annonce par la SGIP de la résiliation aux conseillers en gestion de patrimoine des agences bancaires. Elle considère que le mandataire a manqué à son obligation de loyauté en ne lui permettant pas d'exécuter son mandat jusqu'à son terme. Elle soutient que ce sont les salariés de la SGIP qui ont commencé à assurer la commercialisation des produits immobiliers avant même l'expiration du contrat.

*****

Sur l'indemnité compensatrice

En application de l'article L.134-12 du code de commerce, l'agent commercial a droit, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

Il est d'usage que cette indemnité soit évaluée sur la base de deux années de commissions brutes calculées à partir de la moyenne des trois dernières années d'exécution du contrat.

L'indemnité prévue à l'article L.134-12 du code de commerce a pour objet la réparation du préjudice qui résulte, pour l'agent commercial, de la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune.

La SGIP soutient que la société [D] Finance n'a ni prospecté, ni fidélisé de clientèle pour la société Primaxia, compte tenu de l'apport de clientèle et de la nature des biens proposés.

Cependant, pour les motifs précités, la société [D] Finance a usé de son pouvoir de prospection afin de développer la clientèle de la société Primaxia, qui doit être distinguée de celle des agences bancaires. Si les clients de la société Primaxia étaient effectivement ceux des agences bancaires, il n'en demeure pas moins que par son action de prospection, soit par l'intermédiaire des conseillers en gestion de patrimoine, soit directement auprès des clients des agences bancaires, le CIAP a contribué au développement de la clientèle de la société Primaxia. Par ailleurs, la notion de fidélisation de la clientèle doit, en l'espèce, être appréhendée par rapport au marché particulier de l'investissement immobilier neuf. Il doit en outre être souligné qu'à l'occasion des ventes, le prêt immobilier proposé était émis par la Société Générale, contribuant ainsi à la fidélisation de la clientèle du groupe auquel appartient la SGIP, anciennement dénommée Primaxia. Enfin, il ne peut être contesté que du fait de la rupture du mandat, la société [D] Finance n'a plus été en mesure de bénéficier des prospects provenant des agences bancaires de la Société Générale et du Crédit du Nord, banques partenaires de la SGIP.

Néanmoins, il ne peut être occulté que le partenariat existant entre la société Primaxia et les banques Société Générale et Crédit du Nord, a facilité le travail de prospection, puisqu'une grande part de cette tâche a été effectuée par le CIAP auprès des CGP, professionnels, titulaires de portefeuilles clients, et non directement auprès de tous les clients des agences bancaires.

Contrairement à ce que prétend l'intimée, il n'y a pas lieu de tenir compte, pour l'évaluation de l'indemnité de l'article L.134-12 du code de commerce, du préjudice subi du fait de l'existence d'une clause de non-concurrence, s'agissant d'un élément postérieur à la cessation du contrat, le préjudice de l'agent commercial étant consommé à la date à laquelle est perdue la part de marché, soit au jour de la cessation du mandat.

La société [D] Finance communique ses bilans pour les années 2016 à 2018. Cependant, comme l'a justement relevé le tribunal, le mandat confié à la société [D] Finance a pris fin le 31 décembre 2018, alors que les comptes de la société sont clôturés chaque année au mois de juin. Au regard des pièces communiquées, la cour retiendra que le montant total du chiffre d'affaires réalisé par la société [D] Finance au cours des 3 années ayant précédé la cessation des relations contractuelles s'est élevé à la somme de 284.488 €, soit une moyenne de 94.829 € par an.

Au regard de ces éléments et des circonstances de l'espèce, il convient de fixer à la somme de 110.000 € l'indemnité due à la société [D] Finance au titre de l'article L.134-12 du code de commerce.

Sur le manquement à l'obligation de loyauté

Si la société [D] Finance invoque une baisse drastique du nombre de clients lui ayant été adressés du fait de la démobilisation des conseillers en gestion de patrimoine à la suite de l'annonce par la SGIP de la rupture des contrats commerciaux avec les CIAP, la cour constate que la société [D] Finance produit au soutien de ses dires des tableaux recensant ses clients qu'elle a elle-même élaborés, alors que nul ne peut se constituer de preuve à lui-même. Au surplus, la société [D] Finance ne produit pas son bilan pour la période courant du 30 juin 2018 au 30 juin 2019.

En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a débouté la société [D] Finance de sa demande indemnitaire.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Au regard de la solution du litige, le jugement déféré doit être confirmé des chefs des dépens et des frais irrépétibles.

La SGIP qui succombe à titre principal, supportera les dépens d'appel et sera condamnée à payer à la société [D] Finance la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris, sauf en celle de ses dispositions relatives au quantum de l'indemnité compensatrice,

Statuant à nouveau du chef infirmé,

Condamne la Société Générale Immobilier Patrimonial à payer à la société [D] Finance la somme de 110.000 € à titre d'indemnité compensatrice ;

Condamne la Société Générale Immobilier Patrimonial aux dépens d'appel ;

Condamne la Société Générale Immobilier Patrimonial à payer à la société [D] Finance la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.