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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 3, 18 janvier 2024, n° 21/15175

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Richardson (SAS)

Défendeur :

Tubes de Montreuil (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Recoules

Conseillers :

Mme Leroy, Mme Lebée

Avocats :

Me Ferre, Me Marzereau, Me Gallo, Me Lugosi, Me Cannet, Me Lepage, Me Denis

TJ Bobigny, ch. 5 sect. 1, 7 juillet 202…

7 juillet 2021

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant acte sous seing privé du 18 décembre 2008, la société des Tubes de Montreuil a donné à bail à la société Richardson un terrain de 11.036 m² sur lequel est construit un local d'activité situé [Adresse 3] à [Localité 8] (93) pour y exercer une activité de négoce de produits destinés à l'industrie, au bâtiment et à la communication pour un loyer annuel de 340.000 € hors taxes et hors charges.

Apprenant qu'un changement de propriétaire était intervenu au cours de l'exécution du bail, la société Richardson a assigné devant le tribunal judiciaire de Bobigny par actes des 26 février et 9 mars 2021 la société financière [Z] et la société des Tubes de Montreuil estimant que ce changement avait été opéré en violation des stipulations légales et contractuelles lui accordant un droit de préférence et de préemption.

Par jugement du 7 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Bobigny a, en substance, débouté la société financière [Z] de sa demande d'irrecevabilité formée à l'encontre de la société Richardson, débouté la société Richardson de sa demande tendant à condamner la société financière [Z], ce sous astreinte, à venir régulariser chez le notaire de sa société la vente du bien immobilier litigieux, débouté la société Richardson de sa demande tendant à condamner la société financière [Z] à lui restituer le montant des loyers qu'elle aura réglés à tort depuis le mois de septembre 2019 et ce, jusqu'à la décision à intervenir ainsi que de sa demande indemnitaire, débouté la société financière [Z] et la société des Tubes de Montreuil de leur demande indemnitaire, condamné la société Richardson à payer à la société financière [Z] et à la société des Tubes de Montreuil la somme de 5.000 € chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter la charge des dépens.

Par déclaration du 2 août 2021, la société Richardson a interjeté appel partiel du jugement.

Par conclusions déposées le 7 janvier 2022, la société Tubes de Montreuil a interjeté appel incident partiel du jugement.

Par conclusions déposées le 10 janvier 2022, la société financière [Z] a interjeté appel incident partiel du jugement.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Aux termes de ses conclusions signifiées le 21 février 2022, la société Richardson demande à la cour de :

- confirmer le jugement qui a rejeté l'intégralité des prétentions formées à l'encontre de la société Richardson ;

- réformant, pour le surplus, le jugement querellé, il est demandé à la cour de :

- juger que le transfert de propriété de l'ex-bailleur au profit du nouveau bailleur, lequel n'était pas initialement associé de la société, moyennant un prix convenu et ce, quelles que soient les modalités de paiement, constitue une vente ;

- juger que la vente de l'immeuble occupé aurait dû ainsi être proposée à la société Richardson, locataire commercial ;

- juger que par courrier du 17 septembre 2019, la société Richardson a fait savoir qu'elle était disposée à acquérir aux mêmes conditions financières les locaux qu'elle occupe en qualité de locataire ;

En conséquence,

- condamner la société financière [Z] sous astreinte de 500 € par jour de retard à venir régulariser chez le notaire de la société Richardson, la vente du bien immobilier situé au [Adresse 3] [Localité 8], constitué d'un terrain d'environ 11.036 m² sur lequel est construit un local d'activité de 3.868 m² dont 500 m² de bureaux et locaux sociaux au rez-de-chaussée et à l'étage moyennant la somme de 2.325.000 € ;

- condamner la société financière [Z] à restituer à la société Richardson le montant des loyers qu'elle aura réglés à tort depuis le mois de septembre 2019 et ce, jusqu'à la décision à intervenir soit la somme de 1.275.573,91 €, arrêtée au mois de décembre 2021, sous réserve d'ampliation à la date de l'arrêt ;

- condamner, à titre subsidiaire, la société financière [Z] et la société Tube de Montreuil à régler à la société Richardson une somme qui ne saurait être inférieure à 4.000.000 € à titre dommages et intérêts au titre de la perte de chance d'acquérir le bien dont elle est locataire ;

- condamner la société requise aux entiers dépens et à régler une somme de 12.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, la société Richardson expose :

- sur la situation des lieux, que s'il s'agit de deux bâtiments industriels distincts dont l'un est loué à la concluante sur 11.000 m² pour le montant actuel de 369.974,32 € et l'autre bâtiment loué au prix de 250.347,72 €, ils sont tous les deux construits sur un tènement immobilier unique propriété de la société Les Tubes de Montreuil, depuis 1965 ;

- sur la qualification de vente, que l'opération litigieuse est une opération de vente dès lors que les opérations sont expressément la contrepartie l'une de l'autre et ont été réalisées concomitamment en exécution d'un procès-verbal ; qu'il y a bien eu vente d'un bien immobilier au prix de 5.516.000€ « qui est possiblement le prix qu'a proposé la société Financière [Z] en contrepartie de la cession de ses actions » ; qu'une soulte de 1.181 euros a bien été payée ; que la société Financière [Z] n'était pas associée de la société Les Tubes de Montreuil avant la signature du protocole d'accord qui n'est pas communiqué ; qu'il y a eu des transferts d'actions de personnes physiques au profit d'une personne morale qui n'était pas associée de la société Tubes de Montreuil, de sorte que l'opération litigieuse était une double vente, l'une visant les actions, l'autre visant l'immeuble ;

- sur l'application de l'article L. 145-46-1 du code de commerce, qu'elle a pu retrouver la valeur retenue pour le bien occupé, à savoir 2.325.000 euros, lequel aurait dû être proposé à la concluante qui bénéficiait d'un droit de préemption tiré de la loi et en tout état de cause d'un droit de préférence sur l'ensemble des biens donnés à bail conformément à l'article L. 145-46-1 du code de commerce, lequel n'a pas été respecté par les sociétés intimées ;

- sur la clause de préférence, qu'au sens de l'article 1123 du code civil, les membres de la famille [Z], associés d'origine de la société Les Tubes de Montreuil, ne pouvaient ignorer l'existence du pacte de préférence consenti à la concluante, puisque le bail était annexé à l'acte de cession, que cette charge a dû être examinée par l'expert évaluateur [O] et ce d'autant que ce pacte n'était pas limité aux seuls locaux occupés par elle ; qu'elle ne pouvait également ignorer que la société concluante était sciemment placée dans l'incapacité de faire connaître son intention de se prévaloir de son droit de préférence, faute d'avoir été avertie des négociations en cours ; que l'acte de cession reprend à ce titre à plusieurs endroits la manifestation claire de l'intention commune des parties de ne pas avertir en temps utiles la société Richardson (pièce adverse N° 1) ;

- sur la responsabilité contractuelle, que sur le fondement des articles 1231-1 et suivants du code civil, les deux requises devront être condamnées in solidum envers la concluante des conséquences de la violation du pacte de préférence ; qu'en ne respectant pas le droit de préférence conventionnellement ouvert à l'appelante, la société Tubes de Montreuil et la société Financière [Z] ont fait perdre une chance réelle à la concluante de devenir acquéreur de ce bien ;

- sur le montant du préjudice subi, que si elle avait été en mesure d'acquérir les lieux qu'elle occupe, la concluante n'aurait pas exposé la somme de 370.000 euros annuellement à compter du 1er juillet 2019, date de la vente, de sorte que le préjudice s'élève à la somme de 740.000 euros au 30 septembre 2021 ; qu'elle a perdu une chance sérieuse d'acheter un bien immobilier ayant une rentabilité de 15 % annuel, au lieu de celle de 5 % traditionnellement constatée, de sorte que le préjudice subi par la concluante doit être fixé à la somme de 4.000.000 €, ce qui constitue la différence entre la valeur d'un immeuble avec 5 % de rentabilité et d'un immeuble avec 15 % ; qu'il ne saurait être reproché à la concluante une action prétendument abusive, le préjudice invoqué n'étant démontré ni dans son principe ni dans son quantum.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 10 janvier 2022, la société financière [Z] demande à la cour de :

- statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel formé par la société Richardson ;

- dire et juger la société Richardson mal fondée en ses demandes, fins et conclusions ;

En conséquence,

- débouter la société Richardson de l'ensemble de ses demandes ;

- dire et juger la société financière [Z] recevable et bien fondée en son appel incident, et ce faisant ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Richardson de l'intégralité de ses demandes et l'a condamnée à payer à la société financière [Z] une somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens de première instance ;

- réformer le jugement entrepris ce qu'il a débouté la société financière [Z] de sa demande de condamnation de la société Richardson du fait du caractère abusif de la procédure initiée par elle ;

- condamner la société Richardson à payer à la société financière [Z] une somme de 20.000 euros au titre de la procédure abusivement initiée en première instance ;

Y ajoutant,

- condamner la société Richardson à payer à la société financière [Z] une somme de 10.000 euros au titre du caractère abusif de son appel ;

- condamner la société Richardson à payer à la société financière [Z] une somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par elle en appel ;

- condamner la société Richardson aux entiers dépens d'appel.

Au soutien de ses prétentions, la société financière [Z] oppose :

- sur la confirmation du jugement,

- sur la qualification juridique de l'opération litigieuse, que l'opération a donné lieu au versement des droits de mutation à titre onéreux entre les mains du fisc ; que le principe d'autonomie du droit fiscal interdit de se fonder sur la qualification opérée par le fisc d'une opération pour en tirer la qualification au plan civil ; que le caractère onéreux de l'opération de réduction de capital résulte des termes mêmes de l'acte notarié qui indique qu'en conséquence les droits de mutation visés à l'article 150 O-A du CGI seraient applicables ;

- sur le droit de préemption, que dans sa correspondance du 22 octobre 2019, Maître [T], notaire rédacteur de l'acte, a rappelé à la société Richardson que l'attribution dudit immeuble, parmi d'autres, dans le cadre d'une opération de réduction de capital au profit de la société financière [Z], ne constituait pas une « aliénation à titre onéreux », de sorte que l'article L. 145-46-1 du code de commerce n'était pas applicable ; que l'opération critiquée par la société Richardson portant sur plusieurs immeubles entrerait dans le champ d'application de l'exception visée à l'alinéa 6 dudit article ; que le pacte de préférence stipulé n'a pas vocation à être mis en œuvre dès lors que l'opération litigieuse n'entre pas dans son champ d'application ;

- sur le préjudice adverse, que la société Richardson ne produit aucune preuve justifiant de son préjudice ;

- sur la réformation du jugement sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile, que les demandes de la société Richardson présentent le caractère abusif puisqu'elle avait connaissance des termes explicites du jugement et de la jurisprudence ; qu'elle a fait preuve de mauvaise foi dans la présentation des faits et ne démontre pas le préjudice subi.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 7 janvier 2022, la société des Tubes de Montreuil demande à la cour de :

- débouter la SAS Richardson de l'ensemble de ses demandes ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SAS Richardson de sa demande de voir la SARL financière [Z], sous astreinte de 500 € par jour de retard, à venir régulariser chez le notaire de la SAS Richardson la vente du bien immobilier situé au [Adresse 3] [Localité 8] ;

- débouter la SAS Richardson de sa demande tendant à condamner la SARL financière [Z] à lui restituer le montant des loyers qu'elle aura réglé à tort depuis le mois de septembre 2019 et ce, jusqu'à la décision à intervenir ;

- débouter la SAS Richardson de sa demande indemnitaire à l'encontre de la société des Tubes de Montreuil ;

- condamner la SAS Richardson à verser à la société des Tubes de Montreuil une somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en première instance ;

- réformer la décision entreprise en ce qu'elle a écarté la demande indemnitaire au titre de la procédure abusive formulée par la société des Tubes de Montreuil ;

Statuant à nouveau,

- condamner la SAS Richardson à verser à la société des Tubes de Montreuil une somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil ;

- condamner la SAS Richardson à verser à la société des Tubes de Montreuil une somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en voie d'appel ;

- condamner la même aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, la société des Tubes de Montreuil fait valoir que :

- sur la nature de l'opération, qu'il s'agit d'une opération de réduction de capital social par rachat d'actions avec attribution d'immeuble et de numéraires à l'associé qui se retire ; que le droit fiscal est autonome, de sorte que la réduction de capital ne constitue pas une cession à titre onéreux au sens du droit civil ;

- sur l'application de l'article L. 145-46-1 du code de commerce, que l'opération de réduction de capital social n'entre pas dans le champ d'application de l'article L. 145-46-1 du code de commerce dès lors qu'il s'agit d'une attribution d'actifs aux associés retrayants ; que même en admettant l'application dudit article et l'existence distincte de deux bâtiments, l'exclusion législative relative à l'hypothèse de la cession unique de locaux commerciaux distincts serait applicable ;

- sur le droit de préemption conventionnel, que ce droit n'est pas applicable dès lors qu'il s'applique uniquement dans l'hypothèse d'un prix offert au bail, ce qu'exclut une opération de réduction de capital social avec retrait d'un associé ;

- sur la demande indemnitaire, que le préjudice ne peut s'élever à la hauteur de la valeur de l'immeuble ; que la société Richardson peut toujours se porter acquéreur de l'ensemble immobilier ;

- sur les dommages et intérêts, que l'appelante a une attitude procédurale abusive dès lors que sa demande ne repose sur aucun fondement légal ou contractuel, ce qui a été rappelé en première instance.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.

SUR CE,

Conformément aux dispositions des articles 4 et 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions. Il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes aux fins de voir 'juger' lorsqu'elles ne constituent pas des prétentions visant à conférer un droit à la partie qui les requiert mais ne sont en réalité que de simples allégations ou un rappel des moyens invoqués.

Sur la demande de condamnation à régulariser la vente du bien objet du bail commercial

Aux termes de l'article 1582 du code civil, la vente est une convention par laquelle une partie s'oblige à livrer une chose et l'autre à en payer le prix.

L'article L. 145-46-1 du code de commerce, dans sa version applicable au litige, prévoit un droit de préemption légal au profit du titulaire d'un bail commercial auquel le bailleur doit notifier son intention de vendre le local objet du contrat en lui indiquant le prix et les conditions de vente. Le locataire peut, dans un délai d'un mois à compter de la réception de l'offre, se porter acquéreur dans les conditions dénoncées.

Toutefois, cet article n'est pas applicable en cas de cession unique de plusieurs locaux d'un ensemble commercial, de cession unique de locaux commerciaux distincts ou de cession d'un local commercial au copropriétaire d'un ensemble commercial, de cession globale d'un immeuble comprenant des locaux commerciaux.

En l'espèce, le contrat de bail conclu entre la société Richardson et la société Les Tubes de Montreuil, aux droit de laquelle est venue la société financière [Z], porte sur « un terrain de 11.036 m² situé [Adresse 3] [Localité 8] sur lequel est construit par le bailleur un local d'activité de 3.868 m² dont 500 m² de bureaux et locaux sociaux au rez-de-chaussée et à l'étage ». Il comporte une clause de préférence conférant au preneur le droit d'acquérir le bien loué au prix offert et aux mêmes conditions que ceux proposés par un tiers. Il comporte en outre une clause de non-concurrence qui interdit au bailleur « de louer d'autres locaux voisins en vue de toute activité commerciale similaire ou concurrente à celle du preneur [' qui] ne saurait concerner toutefois] la société PPR-Barjonet déjà présente sur le site. »

Il n'est pas contesté que la société Les Tubes de Montreuil a été créée 29 mars 1947 par la famille [Z] et qu'en juillet 2018 la société Eurasia groupe est devenue actionnaire majoritaire de la société, entraînant des conflits entre associés. Or, en cas de disparition de l'affectio societatis, tout associé est libre de se retirer de la société et de céder ses parts sociales, le cas échéant à la société elle-même. Dans cette hypothèse, ce rachat donne lieu à diminution du capital social à hauteur de la valeur des parts cédées, qui peut être versée en numéraire à l'associé retrayant ou par attribution d'un actif social, le tout faisant l'objet d'une évaluation à dire d'expert conformément aux dispositions légales en la matière.

C'est par motifs détaillés auquel la cour se réfère que le premier juge a décrit la teneur de l'acte notarié dressé le 1er juillet 2019, dont il ressort que, par protocole transactionnel en date du 11 avril 2019, la société Les Tubes de Montreuil a envisagé la réduction de son capital par rachat puis annulation d'actions d'associés retrayants, en l'occurrence Mme [F] [C] et la société financière [Z], auxquels seront en contrepartie attribués des immeubles et du numéraire et, notamment, au profit de cette dernière « deux bâtiments industriels et un pavillon de gardien à usage d'habitation pour partie sur la commune [Localité 8] et pour partie sur la commune [Localité 7], [Adresse 3] et [Adresse 9] » occupés pour partie par les établissement Barjonet et par la société Richardson, ce en vue de mettre fin aux différents litiges opposant les associés.

Cette opération a été approuvée dans son principe, par décision du 1er juillet 2019, par l'assemblée générale extraordinaire des associés de la société des Tubes de Montreuil, ce à l'unanimité des associés, et dans ses modalités s'agissant des biens immobiliers attribués en contrepartie de la valeur des parts sociales rachetées.

Contrairement à ce que soutient la société Richardson, l'attribution de l'actif social est la conséquence de cette opération dont l'objet est le rachat de titres sociaux, contrepartie que la société locataire ne pouvait apporter, peu important que [P] [Z] et [J] [X] [Z], également associés au sein de la SARL financière [Z], aient préalablement à cette opération fait apport en nature à la société financière [Z] d'actions de la société Les Tubes de Montreuil permettant à cette dernière de se substituer à eux dans le cadre de l'opération discutée.

Ce montage certes complexe a donné lieu au paiement de droits de mutation à titre onéreux auprès du service des impôts sans pour autant, comme pertinemment relevé par le premier juge, qu'aucune conséquence ne puisse en être tirée quant à la qualification juridique de l'opération au regard du principe de l'autonomie du droit fiscal, a été notifié au locataire conformément aux dispositions légales et enregistré auprès du greffe du tribunal de commerce démontrant l'absence de volonté de fraude aux droits des tiers.

Dès lors, c'est par motifs pertinents que la cour adopte et auxquels elle renvoie que le premier juge a considéré que l'opération litigieuse ne s'analysait pas en une vente, soumise aux dispositions de l'article L. 145-46-1 précité ou au droit de préférence contractuel du locataire, mais en une opération de rachat d'actions, comportant la dation d'un immeuble en tant que modalité de paiement de la valeur des actions, puis de réduction du capital social.

Surabondamment, comme décrit dans les actes ci-dessus, le bien attribué à la société financière [Z] comporte plusieurs locaux commerciaux, l'un donné à bail à la société Barjonnet, l'autre à l'appelante. Il en résulte que l'opération litigieuse a porté sur la cession globale d'un immeuble portant sur plusieurs locaux commerciaux et relevait des exceptions visées à l'article L, 145-46-1 du code de commerce.

Sur la demande indemnitaire

L'article 1123 du code civil dispose que la pacte de préférence est le contrat par lequel une partie s'engage à proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui au cas où elle déciderait de contracter et permet à ce dernier en cas de fraude à ses droit d'obtenir réparation du préjudice subi.

Le tribunal a, à bon droit, considéré que, faute pour l'opération litigieuse de pouvoir être qualifiée de vente et pour la société Richardson de démontrer une quelconque fraude à ses droits par violation d'une disposition légale ou contractuelle, cette dernière devait être déboutée de sa demande indemnitaire.

Sur les demandes indemnitaires des sociétés Des Tubes de Montreuil et Financière [Z]

L'article 1240 du code civil dispose que « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

Aux termes de l'article 32-1 du code de procédure civile « Celui qui agit en justice de manière abusive ou dilatoire peut être condamné à une amende civile...sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés... ».

Le droit d'agir qui est l'expression d'une liberté fondamentale et ne dégénère en abus de droit que s'il est établie une faute du demandeur à l'instance, à savoir une intention de nuire, une malveillance, une mauvaise foi, une légèreté blâmable ou une témérité dans l'introduction de l'action en justice.

Toutefois, les éléments soulevés par les intimés sont insuffisants à caractériser une faute de la société Richardson, tant en première instance qu'en appel, faisant dégénérer le droit d'agir de ce dernier en abus de droits. Elles seront donc déboutées de leurs demandes.

Sur les demandes accessoires

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

Chaque partie succombant en ses prétentions conservera la charge de ses propres dépens d'appel et leurs demandes au titre des frais irrépétibles seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort ;

Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bobigny le 7 juillet 2021 sous le numéro de RG 20/3868 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant ;

Déboute les parties de leurs demandes indemnitaires ;

Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens qu'elle a exposés.