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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 17 janvier 2024, n° 22/03897

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Change By Fidso (Sasu)

Défendeur :

Comptoir National de l’Or (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Brun-Lallemand

Conseillers :

Mme Depelley, M. Richaud

Avocats :

Me Kiener, Me Leben

T. com. Paris, du 31 janv. 2022, n° 2019…

31 janvier 2022

FAITS ET PROCÉDURE

La SAS Comptoir National de l'Or (ci-après, « la SAS CNDO »), qui vient aux droits de la société Comptoir de l'Or, gère un réseau d'une quinzaine de concessionnaires spécialisés dans l'achat et la vente d'or auprès des particuliers et répartis en une soixantaine d'agences sur le territoire national.

Elle est titulaire des droits de propriété intellectuelle sur la marque française verbale « Le Comptoir de l'Or » déposée le 28 octobre 2009 par la SARL Le Comptoir de l'Or et enregistrée sous le numéro 3687309 en classes 14, 38 et 41. Après annulation partielle prononcée le 20 mai 2021 par l'INPI, la marque vise les produits et services des classes 38 et 41.

Elle bénéficie, en vertu d'un contrat inscrit au registre national des marques le 11 juin 2012, d'une licence sur la marque française verbale « Le Comptoir national de l'Or » déposée le 28 octobre 2009 par la société Gold Web Europe et enregistrée sous le numéro 3687305 en classes 14, 38 et 41. Après annulation partielle prononcée le 20 mai 2021 par l'INPI, la marque vise les produits et services des classes 38 et 41 ainsi que les métaux précieux, leurs alliages et les monnaies en classe 14 à raison de l'acquisition du caractère distinctif par l'usage les concernant.

Monsieur [I] [C], président de la SAS Change by Fidso, créée en septembre 2012 et anciennement dénommée Fidso Investor puis Fidso Forex Trading, a, pour les besoins de son intégration au réseau de la SAS CNDO, constitué directement ou indirectement cinq sociétés qui ont conclu avec la société Comptoir de l'Or entre 2010 et 2012 des contrats de concession dits « contrats boutique » pour une durée de 5 ans. Ainsi, les sociétés Fidso Rémusat, Fidso Patrimoine, Or et Monnaie, Fidso 64 et Comptoir Rouennais de l'Or se sont respectivement engagées les 25 mai 2010, 1er octobre 2010, 19 avril 2011, 2 décembre 2011 et 11 juillet 2012 pour exploiter six agences situées à [Localité 11], [Localité 7], [Localité 9], [Localité 6], [Localité 10] et [Localité 8], cette dernière étant l'objet d'un avenant dédié conclu le 1er octobre 2011 avec la société Fidso Patrimoine (ci-après, ensemble, « les sociétés Fidso »).

Par avenant du 23 septembre 2013 auquel intervenait la SAS Change by Fidso alors dénommée Fidso Investor, la SAS CNDO s'est substituée à la société Comptoir de l'Or. L'acte, qui portait sur tous les contrats antérieurement conclus, stipulait en particulier en son article 16 une clause de non-concurrence et d'exclusivité sanctionnée par le paiement d'une somme minimale de 200 000 euros, doublant ainsi le montant prévu dans les contrats boutique initiaux.

Parallèlement à des négociations relatives à la détermination de l'exclusivité territoriale du concessionnaire et du montant des redevances mises à sa charge ainsi qu'à l'octroi d'une master licence à la SAS Change by Fidso, les termes de ces contrats, hormis celui liant la société Comptoir Rouennais de l'Or, ont été prorogés par avenants successifs. Quoique le dernier d'entre eux ait pris fin le 31 juillet 2016, les relations se sont poursuivies.

Par courriers du 6 octobre 2016, la CNDO notifiait à la SAS Change by Fidso la résiliation de l'intégralité des contrats boutique, à l'exception de celui conclu avec la société Comptoir Rouennais de l'Or dont le terme initial était fixé au 11 juillet 2017. Annoncée pour le 8 janvier 2017, la date de rupture effective était finalement reportée au 6 avril 2017 par la SAS CNDO qui reprochait cependant à la SAS Change by Fidso une dissimulation des opérations servant de base au calcul des redevances et un déploiement de son activité sans référence à son affiliation au réseau.

Les pourparlers perduraient néanmoins jusqu'à ce que la SAS Change by Fidso notifie à la SAS CNDO, par courrier du 8 septembre 2017 adressé pour le compte de ses filiales, la rupture de leurs relations commerciales à compter du 1er janvier 2018. En réponse, par lettre du 19 septembre 2017 itérée le 11 octobre 2017, la SAS CNDO sollicitait vainement le bénéfice d'un préavis expirant le 9 mars 2018 et mettait en demeure ses concessionnaires de cesser toute vente, achat ou transaction portant sur des métaux précieux sous une autre enseigne que Comptoir National de l'Or, et de communiquer des éléments financiers au visa de l'article 8.6 du contrat boutique. Par lettre du 19 octobre 2017, ces derniers contestaient toute violation de l'obligation de non-concurrence et d'exclusivité et acceptait d'accueillir un professionnel du chiffre mandaté par la SAS CNDO pour comparer les chiffres d'affaires déclaré et effectivement réalisé.

Par ordonnance de référé du 13 mars 2018, le délégataire du président du tribunal de commerce de Paris, saisi par la SAS CNDO qui dénonçait l'exploitation du site internet orexpertise.fr et .com référençant les magasins sous concession sans mention de leur affiliation, a condamné chacune des filiales de la SAS Change by Fidso à payer à la SAS CNDO une somme provisionnelle de 100 000 euros au titre de l'article 16 du contrat boutique. Cependant, cette décision était infirmée en toutes ses dispositions par arrêt du 15 février 2019 rendu par la cour d'appel de Paris.

Entretemps, en vertu d'une transmission universelle de patrimoines du 31 décembre 2018, la SAS Change by Fidso a absorbé les sociétés concessionnaires Fidso.

C'est dans ces circonstances que la SAS CNDO a, par acte d'huissier signifié le 18 juillet 2019, assigné la SAS Change by Fidso devant le tribunal de commerce de Paris en paiement du montant de la clause de non-concurrence et d'exclusivité, de redevances et de dommages et intérêts au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies et de la désorganisation de son réseau.

Par jugement du 25 janvier 2021, le tribunal de commerce a rejeté la demande de sursis à statuer présentée par la SAS Change by Fidso qui avait contesté la validité des marques visées dans les contrats de concession devant le directeur de l'INPI, ce dernier ayant finalement rendu sa décision le 23 mai 2021.

Par jugement du 31 janvier 2022, le tribunal de commerce de Paris a, avec exécution provisoire :

débouté la SAS CNDO de sa demande au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies et de la désorganisation du réseau ;

condamné la SAS Change by Fidso à payer à la SAS CNDO la somme de 1 200 000 euros au titre de la violation de la clause de non-concurrence ;

débouté la SAS CNDO de ses demandes au titre des redevances impayées d'octobre à décembre 2017 ;

débouté la SAS CNDO de sa demande au titre de la régularisation des redevances impayées ;

condamné la SAS Change by Fidso à payer à la SAS CNDO la somme de 344 570,74 euros HT au titre des redevances dues par Fidso Investor ;

débouté la SAS Change by Fidso de sa demande reconventionnelle ;

condamné la SAS Change by Fidso à payer à la SAS CNDO la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

condamné la SAS Change by Fidso aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 139,14 euros, dont 22,76 euros de TVA.

Par déclaration reçue au greffe le 16 février 2022, la SAS Change by Fidso a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 6 septembre 2023, la SAS Change by Fidso demande à la cour :

de réformer la décision entreprise en ce qu'elle a :

condamné la SAS Change by Fidso à payer à la SAS CNDO la somme de 1 200 000 euros au titre de la violation de la clause de non-concurrence, 344 570,74 euros HT au titre des redevances dues par Fidso Investor et 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens ;

débouté la SAS Change by Fidso de sa demande reconventionnelle ;

statuant à nouveau, à titre principal, de :

juger que la SAS Change by Fidso est fondée dans le cadre de sa défense au fond à opposer à la SAS CNDO la nullité des contrats de concession et de l'avenant du 23 septembre 2013 du fait de la nullité des marques concédées au jour de la signature des contrats de concession ;

débouter la SAS CNDO de son action contractuelle engagée contre la SAS Change by Fidso, et la débouter de toutes ses demandes ;

à titre subsidiaire :

d'exonérer la SAS Change by Fidso de tout paiement de la clause d'indemnisation du fait qu'elle n'était pas applicable au jour des manquements reprochés ;

de juger qu'aucun manquement à une obligation de non-concurrence n'est démontré ;

de juger que la SAS CNDO ne justifie pas d'un quelconque préjudice en lien avec les prétendus manquements reprochés, en cas de qualification de la clause en clause pénale, minorer la somme qui sera allouée à la SAS CNDO dans la limite maximum de 200 000 euros ;

en tout état de cause :

de juger que sont prescrits toute créance alléguée antérieure au 18 juillet 2014 ainsi que les griefs formulés par la SAS CNDO relatifs à la mise en ligne du site internet fidso.com et à l'usage par la SAS Change by Fidso de scellés ;

de débouter la SAS CNDO de toutes ses demandes ;

d'ordonner la compensation de toutes les sommes le cas échéant dues par la SAS Change by Fidso à la SAS CNDO avec celles dues par celle-ci à celle-là au titre des commissions sur transactions réalisées sur le site gold.fr depuis le 23 septembre 2013 jusqu'au 31 juillet 2016 ;

de condamner la SAS CNDO à payer à la SAS Change by Fidso la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

de condamner la SAS CNDO aux entiers dépens de l'instance

En réponse, dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 19 juin 2023, la SAS CNDO demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104, 1152 (ancien) et 1226 (ancien) du code civil :

de déclarer la SAS CNDO recevable et bien fondée en ses demandes ;

de confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 31 janvier 2022 en ce qu'il a condamné la SAS Change by Fidso au paiement des clauses pénales présentes dans les contrats des sociétés absorbées, à hauteur de 1 200 000 euros, et en ce qu'il a débouté la SAS Change by Fidso de ses demandes reconventionnelles ;

d'infirmer le jugement en ce qu'il a :

refusé de condamner la SAS Change by Fidso au paiement des sommes de :

28 714 euros HT au titre des redevances dues pour les mois d'octobre à décembre 2017 ;

41 776,14 euros HT au titre de la régularisation des redevances impayées ;

106 020 euros HT au titre du non-respect des délais de préavis ;

limité la condamnation de la SAS Change by Fidso au titre des redevances impayées au paiement de 344 570,74 euros au lieu des 714 679,32 euros HT au bénéfice de la SAS CNDO ;

de condamner la SAS Change by Fidso à payer à la SAS CNDO la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

de condamner la SAS Change by Fidso aux entiers dépens, en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions visées pour un exposé détaillé du litige et des moyens des parties.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 septembre 2023. Les parties ayant régulièrement constitué avocat, l'arrêt sera contradictoire en application de l'article 467 du code de procédure civile.

MOTIVATION

1°) Sur la violation de l'obligation d'exclusivité et de non-concurrence

Moyens des parties

Au soutien de ses prétentions, la SAS CNDO expose que l'article 16 des contrats modifiés par avenant du 23 septembre 2013 interdit, durant leur exécution, l'exercice d'une activité concurrente par les appelantes, tenues de mentionner sur leur site internet leur appartenance au réseau, puis, postérieurement à leur résiliation et pendant une durée d'un an, la conclusion de conventions de partenariat avec tout tiers, la création de leur propre réseau, l'investissement dans toute société concurrente ainsi que la prospection d'une clientèle située en dehors du territoire alloué contractuellement, soit la France métropolitaine. Elle estime que les faits suivants caractérisent une violation par ses concessionnaires de cette obligation et commandent le paiement de l'intégralité du montant de la clause pénale stipulée :

le lancement du site internet fidso.com qui présentait les concessionnaires comme des agences indépendantes sans mention de leur affiliation au réseau et l'utilisation de leurs propres scellés pour vendre leurs pièces ;

l'exploitation, par le truchement de la société Or Expertise immatriculée le 20 janvier 2017 par monsieur [I] [C] et domiciliée au siège de la société Fidso Patrimoine, des sites internet accessibles sous le nom de domaine orexpertise.fr ou .com réservés anonymement le 9 juillet 2015 pour exercer une activité sans mention de l'appartenance au réseau, également dissimulée sur les cartes de visite, et y référencer les différentes sociétés concessionnaires ;

le démarchage, via ce site, de candidats souhaitant ouvrir une agence sous l'enseigne Or Expertise présentée comme une franchise indépendante « depuis plus de 30 ans » ;

la création de la société Or Expertise Sud-Ouest pour exercer une activité d'achat et de vente d'or.

Elle explique que la SAS Change by Fidso est irrecevable à se prévaloir de la nullité des marques n° 3687305 et 3687309, le jugement du 25 janvier 2021 ayant rejeté le sursis à statuer sollicité dans l'attente de la décision du directeur de l'INPI sur leur validité étant définitif. Elle ajoute que leur validité n'a jamais été contestée en classe 38 et 41 et que les contrats de concession portent sur des signes distinctifs différents constitués du même syntagme. Elle en déduit que les contrats ne sont pas nuls.

Elle expose que l'article 16 des contrats reprend les dispositions de l'article 1152 du code civil en prévoyant un forfait minimal susceptible de majoration et que la qualification de clause pénale, qui seule justifierait la possibilité de la minoration sollicitée par la SAS Change by Fidso, s'impose. Elle précise que les faits reprochés à cette dernière ont été commis avant le 1er août 2016 et pendant la phase d'exécution des contrats qui ont été définitivement rompus le 31 décembre 2017, les renouvellements intercalaires impliquant la naissance d'un contrat distinct mais de même contenu conformément à l'article 1214 du code civil et à la commune intention des parties. Elle indique que si cinq contrats ont été signés, l'agence de [Localité 8] était visée par l'avenant du 1er octobre 2011 et la SAS Change by Fidso, signataire de l'avenant du 23 septembre 2013, était liée par cette clause, cette dernière étant débitrice du cumul des sanctions contractuelles en vertu de la transmission universelle de patrimoines. Elle soutient que les faits litigieux, dont la date n'est pas celle de la réservation des noms de domaine, ont été constatés en 2016 et qu'ils ne sont ainsi pas prescrits. Elle précise enfin que le montant de l'indemnisation forfaitaire, qui doit conserver son caractère comminatoire et tenir compte de la gravité des violations répétées de la SAS Change by Fidso, ne doit pas être minoré faute de preuve de son caractère manifestement disproportionné qui n'a pas à être apprécié en considération du montant des redevances perçues, et au regard du préjudice effectivement subi, la SAS CNDO n'ayant pu à ce jour reconstituer son réseau dans le Sud-Ouest tandis que la SAS Change by Fidso, qui a parallèlement bénéficié de tous les avantages de son affiliation, se constituait un avantage concurrentiel durable.

En réponse, la SAS Change by Fidso expose que, alors que l'obligation principale du contrat était de permettre au concessionnaire de faire usage d'une marque déposée par le concédant, les enregistrements des marques n° 3687305 et 3687309 ont été annulés totalement ou partiellement à raison de l'acquisition du caractère distinctif par l'usage au jour de la demande en nullité, preuve que les marques étaient nulles au jour de la signature des contrats de concession. Elle en déduit la nullité de ces derniers en leur ensemble.

Subsidiairement, elle explique que l'article 16 ne stipule pas une clause pénale faute de prévoir une indemnisation forfaitaire, le montant réclamé pouvant être supérieur à celui mentionné. Elle en déduit que la SAS CNDO doit ainsi démontrer son préjudice, ce qu'elle ne fait pas. Elle ajoute que cette clause n'était pas applicable à l'époque des faits, postérieurs à l'échéance des contrats le 31 juillet 2016, la relation commerciale s'étant poursuivie en exécution d'une convention de contenu distinct. Elle précise que l'exploitation du site Fidso et la vente de pièces en ligne, opposées pour la première fois dans les écritures déposées à l'audience du tribunal de commerce du 7 mai 2012, sont prescrites. Elle conteste les autres faits qui lui sont reprochés, la preuve de l'exercice d'une activité concurrente avant le 1er août 2016 par l'une de ses filiales, qui exerçaient sous l'enseigne Comptoir National de l'Or, n'étant pas rapportée, à l'instar de celle relative à la création d'un nouveau réseau, et l'absence de mention de l'affiliation sur le site internet non marchand étant justifiée par la nécessité d'éviter tout risque de confusion avec la tête de réseau qui n'a d'ailleurs pas communiqué sa charte graphique. Elle indique que la société Or Expertise Sud-Ouest avait, lors de son acquisition et pendant la durée du contrat, une activité étrangère à l'achat vente de métaux précieux et que la société Or Expertise, réservataire du nom de domaine orexpertise.fr ou .com n'était pas signataire d'un contrat de concession Elle expose que seuls les cinq concessionnaires pourraient être condamnés au titre de cette clause, elle-même n'ayant pas signé les contrats de concession et n'étant pas engagée solidairement, et qu'un cumul des sanctions est impossible faute de prévision contractuelle en ce sens. Soulignant n'avoir bénéficié d'aucune assistance commerciale, elle soutient enfin que le montant sollicité, qui excède celui des redevances que la SAS CNDO a perçu durant l'exécution des contrats, est disproportionné au regard de l'absence de gravité des fautes alléguées et de préjudice effectivement subi.

Réponse de la cour

Sur la nullité des contrats de concession

Sur la recevabilité de la nullité opposée par voie d'exception

La SAS CNDO, qui ne soulève pas la prescription de l'action, oppose dans les motifs de ses écritures l'autorité de la chose jugée le 25 janvier 2021. Quoique ce moyen ne soit pas repris dans le dispositif de ses écritures au sens de l'article 954 du code de procédure civile, la Cour y répondra.

Au sens des articles 480 du code de procédure civile et 1355 du code civil, l'autorité de la chose jugée suppose une triple identité : celle des parties agissant en vertu du même titre juridique, celle de l'objet et celle de la cause. La cause, qui ne fait l'objet d'aucune définition légale mais qui est implicitement évoquée aux articles 6 et 7 du code de procédure civile, s'entend non du fondement juridique de la demande mais de l'ensemble des faits qui la soutiennent, spécialement ou non.

Et, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, seul le dispositif de la décision est revêtu de l'autorité de chose jugée à l'exclusion de ses motifs, peu important qu'ils soient décisifs ou décisoires, les motifs de la décision ne pouvant que servir à éclairer le sens ou la portée du dispositif.

La décision opposée a tranché une demande de sursis à statuer et non une demande de nullité, peu important qu'elle ait considéré dans ses motifs que la procédure alors pendante devant l'INPI était sans incidence sur l'issue du litige. L'objet des prétentions étant distinct et les motifs n'étant pas revêtus de l'autorité de la chose jugée, la fin de non-recevoir opposée par la SAS CNDO n'est pas fondée.

Sur le bienfondé de la nullité

La SAS Change by Fidso ne précise pas le fondement juridique de sa demande en nullité des contrats boutique. Celle-ci découlant, selon elle, de l'anéantissement rétroactif de l'enregistrement d'une marque et de la nullité ab initio de l'autre faute de distinctivité, signes qui en étaient l'objet essentiel, leur annulation est fondée sur leur absence d'objet, sinon de cause.

A cet égard, en application de l'article 1108 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue des dispositions de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 entrée en vigueur le 1er octobre 2016 conformément à son article 9, sont essentielles à la validité d'une convention, un objet certain qui forme la matière de l'engagement et une cause licite dans l'obligation.

Contrairement à ce que soutient la SAS Change by Fidso, les contrats boutique ne se limitaient pas à la concession d'un droit d'usage des marques mais portaient également et principalement sur celui d'exploiter un magasin sous l'enseigne Le Comptoir National de l'Or sur un territoire exclusif (article 2). En outre, alors que les marques existaient lors de la signature de chacun des contrats et que l'enregistrement est constitutif des droits de propriété intellectuelle au sens de l'article de L 712-1 du code de la propriété intellectuelle dans sa version applicable au jour des dépôts, la nullité n'a pas été prononcée pour les produits et services des classes 38 et 41 dont la SAS Change by Fidso ne prétend pas qu'ils soient inutiles à son activité. Enfin, si le caractère distinctif de la marque n° 3687305 a été considéré par l'INPI comme acquis par l'usage au jour de la demande en nullité, rien ne permet de déterminer sa date exacte de caractérisation et son inexistence au jour de la signature des contrats boutique, la marque demeurant de surcroît enregistrée pour les métaux précieux, leurs alliages et les monnaies en classe 14.

Aussi, les contrats boutique, par ailleurs exécutés paisiblement jusqu'à leurs termes, ne sont pas nuls.

Sur l'applicabilité dans le temps de l'article 16 modifié des contrats boutique

Les relations entre les parties se sont ainsi déroulées :

les sociétés Fidso Rémusat, Fidso Patrimoine, Or et Monnaie, Fidso 64 et Comptoir Rouennais de l'Or se sont respectivement engagées les 25 mai 2010, 1er octobre 2010, 19 avril 2011, 2 décembre 2011 et 11 juillet 2012 pour exploiter six agences situées à [Localité 11], [Localité 7], [Localité 9], [Localité 6], [Localité 10] et [Localité 8], cette dernière étant l'objet d'un avenant dédié conclu le 1er octobre 2011 avec la société Fidso Patrimoine (pièces 2 à 6 de la SAS CNDO) ;

à l'exception de celui conclu avec la société Comptoir Rouennais de l'Or dont le terme était fixé dès l'origine au 11 juillet 2017, tous ces contrats, modifiés le 23 septembre 2013, ont fait l'objet d'avenants successifs prorogeant leurs termes, en dernier lieu jusqu'au 31 juillet 2016 (pièce 10 de la SAS CNDO) ;

malgré cette échéance, les relations se sont poursuivies sans nouveau contrat jusqu'à la rupture définitive des relations commerciales le 1er janvier 2018 à l'initiative de la SAS Change by Fidso, en dépit de la résiliation intercalaire notifiée le 6 octobre 2016 par la SAS CNDO.

La prorogation d'un contrat, qui s'entend du report de son terme et de l'allongement de sa durée initiale, n'affecte pas son contenu qui demeure identique. Il est ainsi certain que l'article 16 des contrats boutique régissait les relations des parties jusqu'au 31 juillet 2016, ce que personne ne conteste.

Malgré la production par le terme de son effet extinctif, les parties ont d'un commun accord continué sans réserve leurs relations aux conditions antérieures. Ainsi, les concessionnaires écrivaient le 23 septembre 2016 que la date anniversaire de chaque contrat était échue, que les relations contractuelles s'étaient poursuivies et qu'il était nécessaire de « considérer que [chacun d'eux avait] été renouvelé pour une durée indéterminée » (pièce 11 de la SAS CNDO), cette analyse étant maintenue dans leur courrier du 14 octobre 2016 (pièce 13 de la SAS CNDO) puis à l'occasion de la notification de la rupture définitive des relations le 8 septembre 2017 (pièce 9 de la SAS CNDO, courrier visant en objet la « résiliation [du] contrat boutique »). Cette position était également celle exprimée par la SAS CNDO dans sa lettre en réponse du 6 octobre 2016 notifiant la réalisation du contrat à durée indéterminée « en vigueur depuis le 1er août 2016 » (sa pièce 12). La situation n'est pas différente à compter du 6 avril 2017, date d'expiration du préavis accordé, puisque les parties ont continué à exécuter les contrats jusqu'au 1er janvier 2018, date d'effet de la réalisation notifiée par la SAS Change by Fidso et qui portait explicitement sur les contrats boutique et non sur un contrat verbal de contenu distinct.

Ces éléments combinés expriment sans équivoque l'intention commune des parties de renouveler les contrats sans en modifier les stipulations malgré la survenance de leurs termes et la résiliation intercalaire notifiée par la SAS CNDO, la SAS Change by Fidso, qui invoque l'existence d'un contrat de contenu différent, ne précisant d'ailleurs pas le tri qu'elle opère et les critères qui président à sa réalisation. A cet égard, les articles 1224 et 1225 du code civil, inapplicables ratione temporis au litige, ne sont que la synthèse du droit positif antérieur selon lequel le renouvellement est la substitution d'un nouveau contrat au contrat échu (en ce sens, Ass. Plén., 7 mai 2004, n° 02-13.225) dont le contenu est identique mais dont la durée est indéterminée, la reconduction tacite produisant les mêmes effets que le renouvellement. Et, même en admettant que l'arrêt implicitement cité par la SAS Change by Fidso soit sur ce point soit représentatif du droit antérieur (1ère Civ., 15 novembre 2005, n° 02-21.366 qui précise que, sauf disposition ou volonté contraire, la tacite reconduction d'un contrat à durée déterminée, dont le terme extinctif a produit ses effets, donne naissance à un nouveau contrat, de durée indéterminée, et dont les autres éléments ne sont pas nécessairement identiques), les échanges entre les parties et leur comportement univoque révèlent leur accord sur le maintien de l'intégralité des conditions antérieures qui n'ont jamais été en débat, à la différence de celles destinées à régir leurs relations futures et sur lesquelles les négociations ont échoué (notamment, pièces 7 et 9 de la SAS Change by Fidso).

En conséquence, toutes les stipulations des contrats boutique modifiés le 23 septembre 2013, dont l'article 16, étaient applicables jusqu'à la rupture définitive et complète des relations contractuelles et commerciales le 1er janvier 2018.

Sur la qualification et l'application de l'article 16 modifié des contrats boutique

Les contrats litigieux sont soumis aux disposition antérieures à celles de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, entrée en vigueur le 1er octobre 2016 conformément à son article 9, jusqu'au 6 avril 2017, seule reconduction tacite postérieure au sens de l'article 1215 du code civil.

En vertu des dispositions des articles 1147, 1149 et 1150 du code civil (devenus 1231-1 à 3), le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part, les dommages et intérêts dus au créancier étant, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé et le débiteur n'étant tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n'est point par son dol que l'obligation n'est point exécutée.

Néanmoins, en vertu de l'article 1152 (devenu 1231-5) du même code dans sa version applicable au jour des contrats et de leur avenant, lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre, le juge pouvant toutefois, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Et, conformément à l'article 1231 du code civil, lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la peine convenue peut, même d'office, être diminuée par le juge à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l'application de l'article 1152.

Pour exercer son pouvoir modérateur, le juge doit déterminer le caractère manifestement excessif (ou dérisoire) de la sanction au regard de la réalité du préjudice effectivement subi par le créancier de l'obligation inexécutée, la clause pénale étant, au sens de l'ancien article 1229 du code civil, la compensation des dommages et intérêts que le créancier souffre de l'inexécution de l'obligation principale, ce qui explique qu'il ne puisse demander en même temps le principal et la peine, à moins qu'elle n'ait été stipulée pour le simple retard.

Ainsi, hors hypothèse d'une majoration de son montant commandée par son caractère dérisoire, soit son insignifiance, qu'il incombe au créancier de prouver, l'application de la clause pénale exclut par principe toute indemnité complémentaire réparant le préjudice qui en est l'objet, sauf si le créancier démontre qu'il subit un préjudice distinct de celui couvert par la clause. A l'inverse, il appartient au débiteur de démontrer le caractère excessif du montant stipulé pour obtenir sa minoration.

L'article 16 « Non-concurrence et Exclusivité » des contrats litigieux modifiés par avenant du 23 septembre 2013 est ainsi rédigé :

Pendant toute la durée du présent contrat 5 , le Concessionnaire et la société Fidso Investor [mention manuscrite] s'engage[nt] expressément à ne pas poursuivre une activité concurrente à celle du Concédant, portant sur la vente ou l'achat de métaux précieux, sous quelque forme que ce soit et dans le territoire national, et notamment en qualité d'entrepreneur individuel, mandataire social, associé, salarié prestataire de services ou membre d'un réseau concurrent.

En raison de la spécificité organisationnelle des Concessionnaires signataires du présent avenant, dont le Concédant a été pleinement informé, les Parties reconnaissent expressément que les dispositions du paragraphe précédent ne s'appliquent pas aux relations entre la société FIDSO INVESTOR et les Concessionnaires en présence.

A compter de la date de cessation du Contrat pour quelque cause que ce soit, le Concessionnaire et la société FIDSO INVESTOR s'interdisent pendant une durée de douze mois dans le Territoire, de poursuivre une activité concurrente à celle du Concédant en concluant un contrat de concession, de franchise ou de partenariat sous quelque forme que ce soit, avec un groupement ou réseau qui exercerait sous une marque utilisée à titre d'enseigne une activité d'achat ou de vente d'or ou de créer son propre réseau. Le Concessionnaire et la société FIDSO INVESTOR pourront en revanche exploiter son Magasin ou leurs Magasins sous leur propre enseigne, sous réserve du respect des dispositions des présentes. Afin d'éviter toute ambigüité, il est précisé que l'enseigne unique sous laquelle le Concessionnaire et/ou la société FIDSO INVESTOR exploiterait postérieurement à la cessation du Contrat ses différentes boutiques anciennement Comptoir National de l'or, ne devra faire l'objet d'aucune concession/licence/cession de quelque nature qu'elle soit, vis-à-vis des tiers dans le délai de 12 mois précité ['].

Lorsque le Concessionnaire crée son propre site, il s'engage à respecter la charte graphique définie par le Concédant. La mention "concessionnaire CNDO local" ou tout autre logo fourni par le Concédant devra en outre être affiché sur le site du Concessionnaire. En aucun cas le site Internet du Concessionnaire doit être susceptible de créer une confusion avec le site www.gold.fr. ['].

Le Représentant du Concessionnaire reconnaît expressément que l'ensemble des dispositions de non-concurrence mentionnées au présent article 16 lui sont directement opposables.

Le Concessionnaire et la société Fidso Investor reconnaît que toute violation des dispositions prévues au présent article est susceptible de causer un préjudice considérable au Concédant. A ce titre, toute violation par le Concessionnaire desdites dispositions, donnera lieu au paiement immédiat et de plein droit d'une indemnité au bénéfice du Concédant qui ne saurait être inférieure à deux cent mille (200.000) euros.

A ce titre, le Représentant du Concessionnaire s'interdit 'en France métropolitaine, pendant la durée du présent contrat et pendant une durée d'un an à compter de sa date de cessation ' d'investir directement ou indirectement, dans toute société ayant une activité concurrente ou connexe à celle du Concédant.

Le Représentant du Concessionnaire s'interdit également pendant la durée du présent contrat de prospecter en son nom ou au nom de tout tiers, directement ou indirectement, une clientèle située en dehors du Territoire. Cette restriction est limitée à la France métropolitaine.

Sur la qualification et la portée de la clause

Au sens de l'article 1152 (devenu 1231-5) du code civil, une clause pénale s'entend de la stipulation qui prévoit par avance le montant de la somme allouée à titre de sanction de l'inexécution de l'une de ses obligations par l'une des parties : destinée à assurer l'exécution d'une convention ainsi que le précisait l'article 1226 du code civil, elle est l'évaluation conventionnelle anticipée des dommages et intérêts réparant le préjudice causé par un manquement contractuel quelconque, éventuel au jour de sa fixation, et réprimant le comportement du débiteur défaillant.

Reprenant les termes du contrat boutique en modifiant seulement le quantum prévu par son article 16, l'avenant du 23 septembre 2013 précise in fine que « toute violation par le concessionnaire [des stipulations relatives à la non-concurrence entre les parties], donnera lieu au paiement immédiat et de plein droit d'une indemnité au bénéfice du Concédant qui ne saurait être inférieure à deux cent mille (200.000) euros ». Cette clause sanctionne ainsi une faute contractuelle par l'allocation d'une indemnisation déterminée préalablement et remplit toutes les conditions requises pour être qualifiée de clause pénale, le fait que son montant soit minimal et sujet à majoration alors qu'un forfait est par définition invariable étant indifférent dès lors que sa fixation par contrat est antérieure à la réalisation du dommage qu'il est destiné à prévenir et que le montant déterminé est un plancher, qui exclut toute variation à la baisse conformément à la nature de peine privée de la clause pénale, et non un plafond.

En conséquence, la SAS CNDO n'a pas à démontrer la réalité et l'étendue de son préjudice mais uniquement la violation de l'obligation d'exclusivité et de non-concurrence qu'elle impute à la SAS Change by Fidso qui supporte la charge de la preuve du caractère manifestement excessif du montant stipulé.

Par ailleurs, si l'avenant du 23 septembre 2013 est un instrumentum unique, il est conclu par tous les concessionnaires Fidso pour modifier le negotium de tous les contrats liant ces dernières. Ainsi, il précise en préambule que les cinq contrats boutique, outre l'avenant du 1er octobre 2011 incluant l'agence de [Localité 8] qui est expressément soumise aux stipulations du contrat initial (pièce 7 de la SAS CNDO, article 2), sont désignés collectivement au singulier, ce qui explique que son article 9 amende l'article 16 « du contrat ». De ce fait, il ne substitue pas une obligation unique solidaire aux engagements distincts pris par chacun des concessionnaires.

En outre, la société Fidso Investor s'est expressément engagée, en ajoutant une mention manuscrite la désignant dans l'article 16, à ne pas poursuivre une activité concurrente, au même titre que les autres sociétés qu'elle absorbera, et à régler le montant de la clause pénale en cas de violation de cette obligation. Si elle prétend aujourd'hui ne pas avoir accompli des opérations d'achat et d'or, son dirigeant précisait dans son courriel du 28 septembre 2012 qu'elle était « spécialisée dans le négoce d'or investissement et interviendra[it] uniquement sur les opérations supérieures à 10 000 euros » et, annonçant le rachat de 80 florins le jour de son commencement d'activité le 1er octobre 2012, sollicitait un paiement direct sur le compte bancaire dont il communiquait les coordonnées (pièce 33 de la SAS CNDO). Ainsi, son engagement est cohérent avec la nature de son activité et les liens qu'elle avait noués dès son immatriculation avec la SAS CNDO.

Dès lors, chaque société concessionnaire et la société Fidso Investor ayant accepté personnellement une clause pénale d'un montant de 200 000 euros, la SAS Change by Fidso, en sa qualité de société absorbante et à titre personnel, peut être condamnée à un montant cumulé de 1 200 000 euros sous réserve que soit démontrées des violations directement imputables à chacune d'elle.

Sur les conditions d'application de la clause pénale

Le procès-verbal de constat du 14 septembre 2017 (pièce 20 de la SAS CNDO) établit que le nom de domaine orexpertise.fr est un lien de redirection automatique vers le site accessible sous le même nom de domaine avec l'extension .com qui présente en ces termes l'activité de l'exploitant :

Orexpertise, c'est aujourd'hui plus de 70.000 clients satisfaits sur 7 agences en France et à l'étranger : [Localité 7], [Localité 8], [Localité 10], [Localité 6], [Localité 11], [Localité 9] et [Localité 5].

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Le site, qui comporte des boutons « nous contacter » et « prendre rendez-vous » et aménage la possibilité d'une « précommande », décrit les modes de paiement en boutique et de remise immédiate ou de livraison de l'or acheté ainsi que les conditions de sa vente. Il propose en outre des formulaires destinés à toute personne désireuse d'« ouvrir une agence » et mentionne l'adresse des différentes boutiques Or Expertise. Il est de ce fait un site marchand permettant de préparer des transactions à réaliser dans des agences formant un groupe dont il promeut l'activité. Ne mentionnant ni la SAS CNDO ou ses signes distinctifs ni une appartenance au réseau qu'elle a constitué, il est exploité pour les besoins d'une activité d'achat et de vente d'or concurrente et permet à des candidats d'intégrer le réseau qu'il présente comme indépendant et d'implantation ancienne et qui est constitué, en France, des six agences dont il fournit la localisation.

Si ses mentions légales n'identifient pas la société éditrice en violation des dispositions de l'article 6 III de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique et si l'identité de son réservataire est couverte par l'anonymat, deux séries d'éléments combinées établissent qu'il est nécessairement exploité de concert, à titre de plateforme commune permettant de contracter avec chacune d'elles, par la SAS Change by Fidso et l'ensemble des sociétés qu'elle a absorbées :

les agences listées sont celles gérées par ces dernières aux mêmes adresses à [Localité 11], [Localité 6], [Localité 7], [Localité 8], [Localité 9] et [Localité 10] (pièce 24 de la SAS CNDO) ;

la SAS Or Expertise, qui a pour dénomination sociale le radical du nom de domaine litigieux, a été immatriculée le 20 janvier 2017 par monsieur [I] [C], dirigeant des sociétés Fidso, pour exercer en particulier une activité de création de réseaux commerciaux (extrait Kbis en pièce 21 de la SAS CNDO). En outre, la SAS Or Expertise [Localité 7], domiciliée dans l'agence bordelaise créée par la société Fidso Patrimoine, a également été immatriculée dès le 21 septembre 2010 par monsieur [I] [C] pour exercer une activité principale d'achat et de vente d'ouvrages en métaux précieux (extrait Kbis en pièce 22 de la SAS CNDO). Il en est de même de la SAS Or Expertise Sud-Ouest immatriculée le 22 octobre 1985 mais acquise par la société Fidso Patrimoine le 7 mars 2017 avec un transfert de propriété des parts sociales au 1er avril 2017 (extrait Kbis et statuts en pièces 23 et 28 de la SAS CNDO ; pièces 17 et 28 de la SAS Change by Fidso).

Il est ainsi certain que le signe « Or Expertise » est employé pour les besoins de leur activité par les sociétés Fidso, qui ne peuvent se retrancher derrière la dissimulation de l'identité de l'éditeur du site et du réservataire du nom de domaine pour dénoncer une imputation incertaine de leurs actes d'exploitation. Et, cette activité, présentée comme indépendante, est exercée au sein d'un réseau doté de signes distinctifs spécifiques (dénomination sociale et nom de domaine, qui est fonctionnellement une enseigne virtuelle) pour rallier une clientèle propre. Le site ne faisant pas la moindre référence à l'affiliation au réseau Le Comptoir National de l'Or, le client potentiel est, dès sa consultation, conduit à considérer qu'il est en relation avec les membres d'un groupe sans rapport avec ce dernier, peu important de ce fait que l'enseigne physique Le Comptoir National de l'Or ait été conservée en agence. Cet argument est d'autant moins pertinent que les captures d'écran insérées dans le procès-verbal de constat du 14 septembre 2017 figurent des devantures comportant systématiquement l'enseigne Or Expertise, également seule mentionnée sur la carte de visite produite (pièce 26 de la SAS CNDO non contestée).

Dès lors, l'exploitation du site orexpertise.com, ainsi que de l'adresse de redirection avec l'extension .fr, est directement et exclusivement imputable à la SAS Change by Fidso, soit à titre personnel soit en sa qualité de société absorbante des concessionnaires. En ce qu'elle participe d'une activité d'achat et de vente d'or sans référence à la SAS CNDO et qu'elle s'accompagne d'une incitation à l'intégration au réseau promu en ligne en permettant à toute personne intéressée de candidater pour ouvrir une agence sous l'enseigne Or Expertise, cette exploitation caractérise, peu important son succès effectif, une violation de l'article 16 des contrats boutique qui interdit pendant toute leur durée la poursuite par les concessionnaires d'une activité concurrente portant sur la vente ou l'achat de métaux précieux sur son territoire.

Par ailleurs, l'article 16 modifié stipule que, « lorsque le Concessionnaire crée son propre site, il s'engage à respecter la charte graphique définie par le Concédant. La mention "concessionnaire CNDO local" ou tout autre logo fourni par le Concédant devra en outre être affiché sur le site du Concessionnaire. En aucun cas le site Internet du Concessionnaire [ne] doit être susceptible de créer une confusion avec le site www.gold.fr. ['] ». Or, peu important le défaut éventuel de fourniture d'une charte graphique par la SAS CNDO puisque son respect n'est pas en débat et qu'elle n'était pas nécessaire à l'apposition de la mention « concessionnaire CNDO local », le procès-verbal du 3 octobre 2016 (pièce 36 de la SAS CNDO) révèle que le site fidso.com, dont la SAS Change by Fidso ne conteste pas qu'il était exploité par les sociétés qu'elle a absorbées, promeut leur activité sans la moindre référence à leur affiliation à la SAS CNDO. La rubrique « Qui sommes-nous ' » les présente d'ailleurs comme « une société indépendante depuis près de 10 ans ».

Outre le fait qu'un site de présentation et de promotion de l'activité d'achat et vente d'or par un concessionnaire est visé par l'article 16 qui ne fait référence qu'à la création par ce dernier de « son propre site » sans égard pour la réalisation de transactions en ligne, le site fidso.com comporte un bouton « commande en ligne », ce qui caractérise son caractère marchand. Aussi, le défaut de mention de l'affiliation au réseau Le Comptoir National de l'Or est en soi une violation de cette clause que le silence éventuelle de la SAS CNDO n'est pas de nature à justifier, aucune tolérance réelle ne pouvant lui être opposée en l'absence de preuve du commencement de son exploitation effective à une date certaine. A ce titre, si celle-ci ne l'invoque pas dans ses courriers des 2 et 30 novembre 2016 (ses pièces 14 et 15), la difficulté a été évoquée par monsieur [I] [C] lui-même dans un courriel du 24 juillet 2017 (pièce 40 de la SAS CNDO), signe que l'usage du signe Or Expertise et les conditions d'utilisation du site faisaient débat. Résidant dans des actes continués constatés le 3 octobre 2016 et non dans la réservation ponctuelle d'un nom de domaine, ces faits fautifs ne sont pas atteints par la prescription quinquennale.

En conséquence, chacune des sociétés concessionnaires et la SAS Change by Fidso a personnellement violé son obligation d'exclusivité et de non-concurrence pendant l'exécution des contrats boutique modifiés, constat qui commande l'application de la clause pénale dont les conditions sont réunies.

Sur le montant de la clause pénale

Les manquements imputables à la SAS Change by Fidso, personnellement ou en sa qualité de société absorbante, sont graves et répétés. Très au-delà de simples actes préparatoires d'une activité future indépendante, ils participent de la constitution concertée par un nombre importants de concessionnaires historiques représentant le cinquième du chiffre d'affaires de la CNDO, durant l'exécution du contrat et parallèlement à des négociations longues sur les conditions de la poursuite d'une collaboration, d'un réseau directement concurrent dans des territoires concédés à titre exclusif. Ce faisant, la SAS Change by Fidso, qui dénonce dans ses écritures un défaut d'assistance qu'elle n'avait jamais évoqué durant la relation contractuelle, a privé la SAS CNDO des investissements réalisés pour s'implanter sur ces derniers tout en profitant des avantages de l'appartenance au réseau Le Comptoir National de l'Or et en se constituant un avantage concurrentiel d'importance. A ce titre, la SAS CNDO précise sans être contredite qu'elle n'a pas pu ouvrir d'agences à [Localité 8], [Localité 9] et [Localité 10] et prouve par la production des baux commerciaux correspondants (sa pièce 70) qu'elle n'a créé des boutiques à [Localité 7] et [Localité 11] qu'en novembre 2018 quand l'agence de [Localité 9] a débuté son activité en octobre 2022.

Alors que le préjudice résultant de cette désorganisation durable du réseau est important, la SAS Change by Fidso oppose le montant des redevances perçues pendant l'exécution du contrat. Outre le fait que celles-ci n'intègrent pas le chiffre d'affaires généré par les achats et ventes entre les concessionnaires et la tête de réseau, leur montant cumulé est étranger à l'appréciation du préjudice effectivement subi par la SAS CNDO à l'aune duquel doit être apprécié, pour chaque concessionnaire et non globalement, le caractère manifestement excessif de la clause pénale dont l'application du montant stipulé est le principe conformément à l'article 1134 (devenu 1103 et 1104) du code civil (en ce sens, Com., 5 novembre 2013, n° 12-20.263, qui précise que le refus de modérer la peine forfaitairement prévue est une application pure et simple de la convention relevant du « pouvoir discrétionnaire » du juge).

En conséquence, à défaut de preuve du caractère manifestement excessif de la clause pénale pour chaque concessionnaire absorbé et pour la SAS Change by Fidso, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné celle-ci à payer à la SAS CNDO la somme de 1 200 000 euros.

2°) Sur le paiement des redevances

Moyens des parties

Au soutien de sa demande, la SAS CNDO expose que la société Or Expertise 64 (anciennement Fidso 64), n'a pas réglé les redevances dues au titre du mois de décembre 2017, que la société Or Expertise [Localité 7] (anciennement Fidso Patrimoine), ne s'est pas acquittée de celles exigibles d'octobre à décembre 2017 pour son établissement de [Localité 7] ainsi que celles dues en décembre 2017 pour son agence de [Localité 8], tandis que la société Or Expertise [Localité 11] (anciennement Fidso Rémusat), n'a pas payé celles dues pour le mois de décembre 2017. Elle précise que, faute pour les concessionnaires d'avoir communiqué les éléments nécessaires au calcul de ces redevances, leur montant doit être déterminé en considération de la moyenne mensuelle des redevances payées par ceux-ci les douze mois précédents (28 714 euros HT).

Elle ajoute que les livres de police transmis par ses concessionnaires, qui ont refusé d'utiliser son outil de simulation, ne retraçaient pas les transactions et les flux matières de manière exhaustive. Elle en déduit l'existence d'une créance de 41 776,14 euros déterminée en considération de son estimation des opérations non déclarées et des transactions effectuées avec la société Hafner, fondeur à qui ses concessionnaires confiaient la transformation des produits d'or non boursable en lingotins.

Elle explique enfin que la SAS Change by Fidso était personnellement redevable de redevances au titre de son activité d'achat et de vente d'or à compter de la signature de l'avenant du 23 septembre 2013. Elle estime que, les extractions communiquées par la SAS Change by Fidso comportant des incohérences révélant une dissimulation de certaines opérations, le calcul de ces redevances doit être opéré avec son outil de simulation (714 679,32 euros HT).

En réponse, la SAS Change by Fidso précise qu'elle a été créée courant 2012 afin de rationaliser l'activité de l'ensemble des sociétés du groupe et qu'elle était dédiée à la réalisation d'opérations de change non concernées par l'activité d'achat et de vente de métaux précieux. Soulignant qu'elle était intervenante à l'avenant du 23 septembre 2013 sans y être partie, elle estime n'être redevable d'aucune redevance, le montant allégué n'étant de surcroît pas justifié. Elle ajoute que les demandes formulées contre ses filiales, qui ont communiqué les informations nécessaires et ont réglé les redevances dues à leur échéance, sont infondées, la SAS CNDO ne justifiant d'aucune facture à ce titre en violation de l'article L 441-3 du code de commerce et les régularisations sollicitées, imprécises en leur assiette temporelle et en leur objet, n'étant justifiées ni en leur principe ni en leur mesure, carence inacceptable car la SAS CNDO bénéficiait d'un droit d'audit qu'elle n'a pas exercé.

Réponse de la cour

Conformément à l'article 1353 (anciennement 1315) du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Sur les redevances d'octobre à décembre 2017

Si le principe de la créance, née de l'exécution régulière du contrat boutique (article 8.3), est acquis, il incombe à la SAS CNDO d'en prouver le montant. Or, tout en invoquant un défaut de paiement, elle demeure silencieuse sur les virements du 4 avril 2018 mentionnés dans les bordereaux de vente communiqués par la SAS Change by Fidso (ses pièces 22 à 24) qui portent sur les montants réclamés pour octobre et novembre 2017 dans son courriel du 26 mars 2018 (pièce 42 de la SAS CNDO) pour les agences de [Localité 6], [Localité 8] et [Localité 11]. En outre, si certaines des interrogations exprimées dans ce dernier n'ont pas reçu de réponse, la SAS Change by Fidso a apporté de nombreuses précisions sur la signification des abréviations utilisées dans les documents fournis à la SAS CNDO (même pièce) qui n'explicite pas leurs insuffisances pour calculer les redevances dues. Enfin, celle-ci, qui ne justifie pas d'une résistance telle qu'elle rendrait par avance vaine toute investigation, n'a pas mis en œuvre le droit d'audit que lui confère l'article 8.6 des contrats boutique alors pourtant que la SAS Change by Fidso lui avait indiqué par courrier du 19 octobre 2017 (sa pièce 19) qu'elle était disposée à accueillir un commissaire aux comptes ou un expert-comptable pour procéder à une comparaison des chiffres d'affaires déclarés et réalisés par chaque concessionnaire. Aussi, rien ne fonde une estimation des redevances dues pour cette période, comme pour le mois de décembre 2017 pour lequel aucun élément explicatif n'est produit, sur la base des sommes perçues antérieurement.

En conséquence, la créance alléguée étant indéterminable en sa mesure par le fait de la SAS CNDO, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande à ce titre.

Sur la régularisation au titre des opérations dissimulées

Pour établir la dissimulation de certaines opérations soumises à redevances, la SAS CNDO produit une attestation de son commissaire aux comptes qui met en évidence, après comparaison des données du logiciel utilisé par cette dernière et par chacun des concessionnaires pour tenir les livres de police, des incohérences induisant un défaut d'enregistrement « d'importants flux effectués » par celles-ci (sa pièce 34). Pour autant, elle ne produit pas le moindre élément permettant de quantifier ces écarts et de fonder sa demande en paiement dont le quantum a été déterminé à l'aide d'un « outil de simulation » qui n'est ni produit ni défini. Cette carence probatoire totale n'est pas justifiée par les éventuels manquements de la SAS Change by Fidso dans la communication des informations comptables et financières demandées, rien ne permettant de comprendre pourquoi l'attestation produite n'est pas accompagnée des données chiffrées ayant fondé ses conclusions qui sont en l'état invérifiables et inexploitables.

En conséquence, la créance alléguée n'étant certaine ni en son principe ni en sa mesure, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en paiement de la SAS CNDO à ce titre.

Sur les redevances dues par la SAS Change by Fidso

Il est désormais acquis que la SAS Change by Fidso a été créée pour exercer une activité d'achat et de vente d'or pour toutes les opérations supérieures à 10 000 euros (pièces 33 et 36 de la SAS CNDO : courriel du 28 septembre 2012 et procès-verbal de constat du 3 octobre 2016 déjà examinés). Cependant, s'il est exact que la société Fidso Investor a signé l'avenant du 23 septembre 2013, son nom n'a spécifiquement été ajouté que dans les stipulations définissant l'obligation de non-concurrence et d'exclusivité ainsi que la clause pénale. Aucun article modificatif n'y fait sinon référence. Aussi, étant simplement mentionnée comme personne « en présence » de laquelle l'avenant est régularisé, l'acceptation spéciale de cette clause, divisible, n'emporte pas celles de l'intégralité des termes des contrats boutique auxquels elle n'était pas partie.

Or, les échanges entre les parties (pièces 38 et 40 de la SAS CNDO) révèlent que la question de la détermination des redevances dues par la société Fidso Investor s'inscrivait dans la négociation plus générale d'un contrat cadre de concession. Aussi, le seul fait que la société Fidso Investor ait annoncé le 9 avril 2018, plus de trois mois après la fin des relations commerciales, la communication des extractions du logiciel Goldy pour permettre à la SAS CNDO de calculer « les redevances conformément au contrat (et non pas selon une méthode [inventée pour elle]) » est insuffisant pour caractériser un accord des parties sur le principe et le montant des redevances (pièce 68 de la SAS CNDO). De fait, cette proposition était formulée en réponse à un courrier de la SAS CNDO du 20 mars 2018 évoquant des pourparlers anciens sur le sujet et n'ayant pas abouti, cette dernière ayant pour cette raison décidé d'appliquer un mode de calcul dédié qui n'a pas été accepté par la société Fidso Investor.

A supposer que le courriel du 9 avril 2018 établisse la reconnaissance par cette dernière du principe des redevances, la détermination de leur montant se heurte aux mêmes obstacles dirimants que ceux relevés dans le cadre de l'examen des autres demandes en paiement, rien ne permettant en outre de comprendre les modalités de calcul et de vérifier les résultats figurant dans la capture d'écran produite en pièce 69 par la SAS CNDO. Aussi, la mesure de l'obligation est quoi qu'il en soit indéterminée.

En conséquence, la demande en paiement de la SAS CNDO à ce titre sera rejetée et le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné la SAS Change by Fidso à lui payer la somme de 344 570,74 euros HT.

3°) Sur la rupture brutale des relations commerciales établies

Moyens des parties

Au soutien de ses prétentions, la SAS CNDO expose que, au regard de la durée des relations entretenues depuis 2010 avec chacun des concessionnaires, un préavis de six mois aurait dû lui être accordé. Elle sollicite une indemnisation égale au montant des redevances qu'elle aurait perçues pendant ce délai.

En réponse, la SAS Change by Fidso explique que le préavis de quatre mois exécuté était suffisant et que le préjudice indemnisable ne peut consister dans le montant des redevances éludées mais exclusivement dans la marge qui aurait été réalisée sur celles-ci.

Réponse de la cour

En application de l'article L 442-6 I 5° du code de commerce dans sa version applicable au litige, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'économie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure.

Au sens de l'article L 442-6 I 5° du code de commerce du code de commerce, la relation, notion propre du droit des pratiques restrictives de concurrence qui n'implique aucun contrat (en ce sens, Com., 9 mars 2010, n° 09-10.216) et n'est soumise à aucun formalisme quoiqu'une convention ou une succession d'accords poursuivant un objectif commun puisse la caractériser, peut se satisfaire d'un simple courant d'affaires, sa nature commerciale étant entendue plus largement que la commercialité des articles L 110-1 et suivants du code de commerce comme la fourniture d'un produit ou d'une prestation de service (en ce sens, Com., 23 avril 2003, n° 01-11.664). Elle est établie dès lors qu'elle présente un caractère suivi, stable et habituel laissant entendre à la victime de la rupture qu'elle pouvait raisonnablement anticiper, pour l'avenir, une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial (en ce sens, Com., 15 septembre 2009, n° 08-19.200 qui évoque « la régularité, le caractère significatif et la stabilité de la relation commerciale »).

La chronologie des relations contractuelles et commerciales déjà livrée révèle que, dès la survenance du terme prorogé des contrats boutique le 31 juillet 2016 (et le 11 juillet 2017 pour celui conclu avec la société Comptoir Rouennais de l'Or), les relations étaient éminemment précaires et n'étaient maintenues que pour les besoins d'une âpre négociation : l'aléa inhérent à celle-ci affectait celles-là. Aussi, la SAS CNDO, qui a tenu à ne proroger les termes que pour de courtes périodes par avenants successifs systématiquement débattus et qui a elle-même rompu une première fois les relations le 6 octobre 2016 avec un préavis expirant le 11 juillet 2017, ne peut de bonne foi prétendre qu'elle envisageait une poursuite des relations et que ses prévisions légitimes ont été déjouées.

Faute pour les relations commerciales rompues par la SAS Change by Fidso d'être établies, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la SAS CNDO fondée sur l'article L 442-6 I 5° du code de commerce.

4°) Sur les demandes reconventionnelles

Moyens des parties

Au soutien de ses prétentions, la SAS Change by Fidso expose que les concessionnaires n'ont pas perçu les commissions prévues par l'article 16 des contrats au titre des transactions réalisées sur le site gold.fr avec des clients relevant du territoire concédé. Elle ajoute que, sa demande reconventionnelle étant présentée par voie d'exception et étant de ce fait imprescriptible, toutes les redevances dues depuis le 23 septembre 2013 doivent se compenser avec les éventuelles condamnations prononcées à son encontre sur le fondement des articles 1347 et suivants du code civil.

En réponse, la SAS CNDO explique que la demande reconventionnelle, qui n'est pas un moyen de défense, porte sur les exercices 2013 à 2015 et est ainsi prescrite. Elle ajoute que les concessionnaires disposaient d'un site internet et n'avaient ainsi pas droit aux redevances visées par l'article 16 du contrat.

Réponse de la cour

Conformément à l'article 1134 du code civil (devenu 1103 et 1194), les conventions légalement formées, qui tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise, doivent être exécutées de bonne foi. Et, en vertu des dispositions des articles 1147, 1149 et 1150 du code civil (devenus 1231-1 à 3), le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part, les dommages et intérêts dus au créancier étant, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé et le débiteur n'étant tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n'est point par son dol que l'obligation n'est point exécutée.

Par ailleurs, en vertu des articles 1347 et suivants (anciennement 1289 et suivants) du code civil, la compensation, extinction simultanée d'obligations réciproques entre deux personnes, s'opère, sous réserve d'être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies. N'ayant lieu par principe qu'entre deux obligations fongibles, certaines, liquides et exigibles, elle peut être prononcée en justice, même si l'une des obligations, quoique certaine, n'est pas encore liquide ou exigible. A moins qu'il n'en soit décidé autrement, la compensation produit alors ses effets à la date de la décision.

L'article 16 modifié du contrat boutique comprend la stipulation suivante :

« Site internet ; tant que le Concessionnaire ne développe pas son propre site Internet, le Concessionnaire se verra reverser trimestriellement par le Concédant 50 % de la marge nette réalisée sur le site Internet www.gold.fr et calculée sur la base des opérations de vente d'or réalisées auprès de la clientèle relevant du Territoire sur lequel le Concessionnaire possède une exclusivité, selon le calcul suivant : (marge brute Concédant exprimée en pourcentage ' 1,2 %) x 50 %, les 1,2 % correspondant à la marge minimale devant revenir au Concédant.

S'agissant des transactions effectuées par la clientèle relevant du Territoire et portant sur le rachat d'Or investissement ou d'Or destiné à la fonte, le Concessionnaire se verra reverser trimestriellement par le Concédant :

Pour les opérations de rachat d'Or Investissement : [(marge brute Concédant exprimée en pourcentage ' 1,2 %) ' (Nb Goldkits x 50 €] x 50 %

Pour les opérations de rachat d'or destiné à la fonte : [(CA x 20 %) ' (Nb Goldkits x 50 €)] x 50 %.

Outre le fait que les sociétés concessionnaires exploitaient leur site internet fidso.com, ce qui exclut en soi la perception de redevances, la SAS Change by Fidso, qui évoque une sommation de communiquer mais ne présente aucune demande de production forcée, ne produit pas le moindre élément sur le montant des sommes qui lui seraient dues et qu'elle ne chiffre d'ailleurs pas, se contentant d'invoquer en toute généralité une compensation sans assiette.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande reconventionnelle de compensation.

5°) Sur les frais irrépétibles et les dépens

Les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.

Succombant, la SAS Change by Fidso, dont la demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée, sera condamnée à supporter les entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la SAS CNDO la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions soumises à la Cour sauf en ce qu'il a condamné la SAS Change by Fidso à payer à la SAS Comptoir National de l'Or la somme de 344 570,74 euros HT au titre des redevances dues par la société Fidso Investor ;

STATUANT À NOUVEAU DU CHEF INFIRMÉ,

REJETTE la demande de SAS Comptoir National de l'Or au titre des redevances dues par la SAS Comptoir National de l'Or ;

Y AJOUTANT,

REJETTE la demande de la SAS Change by Fidso au titre des frais irrépétibles ;

CONDAMNE la SAS Change by Fidso à payer à la SAS Comptoir National de l'Or la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS Change by Fidso à supporter les entiers dépens d'appel qui seront recouvrés directement par Maître Henri Leben ou son postulant conformément à l'article 699 du code de procédure civile.