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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 1, 24 janvier 2024, n° 22/02420

PARIS

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Maienga (SARL)

Défendeur :

Trek des Gazelles Organisation (SAS), Trek des Gazelles (Association)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Douillet

Conseillers :

Mme Barutel, Mme Bohée

Avocats :

Me Mallet, Me Janin, Me Altmann, Me Vancraeyenest

TJ Paris, 3e ch. 2e sect., du 7 janv. 20…

7 janvier 2022

EXPOSE DU LITIGE

La société MAIENGA se présente comme organisatrice d'événements sportifs, et notamment du Rallye des Gazelles, premier rallye raid automobile 100 % féminin au monde, organisé au Maroc depuis 1990.

Elle est titulaire de nombreuses marques en lien avec cet évènement et comportant l'élément verbal « GAZELLES » ou « GAZELLE », visant notamment en classe 41 des services d'éducation, formation, divertissement, activités sportives et culturelles, parmi lesquelles :

la marque verbale de l'Union européenne « RALLYE DES GAZELLES », déposée le 20 mars 2006 sous le n° 4 968 558 (ci-après, la marque n° 558),

la marque verbale française « GAZELLE », déposée le 9 décembre 2009 sous le n° 093 697 313 (ci-après, la marque n° 313),

la marque verbale de l'Union européenne « GAZELLE », déposée le 7 juin 2010 sous le n° 9 154 881 (ci-après, la marque n° 881).

Ayant constaté en 2016 l'organisation d'un « Rallye des Gazelles en 2CV » et d'un « Trek des Gazelles » dans le désert marocain, la société MAIENGA a pris contact avec Mme [Y] [P], alors dirigeante de la société organisatrice dénommée NATURALLYE.

La société MAIENGA a décidé, après discussions avec Mme [P], selon ses termes, de tolérer l'existence d'une randonnée pédestre caritative en vue de financer des vacances à des enfants atteints d'un cancer, sous réserve de l'absence de tout risque de confusion dans l'esprit du public.

Mme [P] est aujourd'hui la présidente de la société TREK DES GAZELLES ORGANISATION, immatriculée en février 2019 et exerçant une activité récréative et de loisir, et de l'association TREK DES GAZELLES, enregistrée en novembre 2016 et organisant des évènements ou voyages solidaires.

Mme [P] est titulaire des marques françaises suivantes :

- la marque semi-figurative « TREK DES GAZELLES » enregistrée le 29 mai 2015 en classes 25, 35, 39 et 41 sous le n° 4 153 635 (ci-après, la marque n° 635) :

- la marque verbale « GAZELLE(S) » déposée le 2 avril 2017 en classes 24, 25, 39 et 41, sous le numéro 4 351 188 (ci-après, la marque n° 188),

- la marque semi-figurative « TREK DES GAZELLES TREK AVENTURE 100% FEMININ », déposée le 9 septembre 2020 en classes 39 et 41 sous le numéro 4 680 654 (ci-après, la marque n° 654) :

L'association TREK DES GAZELLES est titulaire des marques semi-figuratives suivantes :

la marque française « TREK DES GAZELLES 1er TREK 100 % FEMININ » déposée le 2 février 2017 pour les classes 24, 25, 32, 39 et 41, sous le n° 4 334 355 (ci-après, la marque n° 355) :

la marque européenne « TREK DES GAZELLES 1ER TREK 100% FEMININ » déposée aupre's de l'EUIPO le 25 octobre 2018 en classe 39 sous le numéro 17 972 585 (ci-après, la marque n° 585) :

Le 19 décembre 2019, souhaitant proposer, en parallèle du Rallye des Gazelles, une course d'orientation pédestre dans le désert marocain, la société MAIENGA a déposé une marque verbale française « TREK'IN GAZELLES » n° 194 608 936 (ci-après, la marque n° 936).

Par courrier du 5 mars 2020, le conseil de Mme [P], de l'association TREK DES GAZELLES et de la société TREK DES GAZELLES a sollicité le retrait de cette marque, en raison de droits antérieurs dont ses clientes sont titulaires sur les marques françaises « TREK DES GAZELLES » n° 635 et « TREK DES GAZELLES 1er TREK 100 % FEMININ » n° 355.

En l'absence d'accord amiable, la société MAIENGA a fait assigner Mme [P], l'association TREK DES GAZELLES et la société TREK DES GAZELLES, par acte du 14 mai 2020, en contrefaçon de marques, subsidiairement en concurrence déloyale et parasitaire, et en nullité des marques des défenderesses.

Parallèlement, le 9 septembre 2020, Mme [P] a procédé au dépôt de la marque « TREK DES GAZELLES TREK AVENTURE 100% FEMININ » n° 654 susvisée, pour laquelle la société MAIENGA a formé opposition auprès de l'INPI et qui a finalement été enregistrée le 26 août 2022.

Par un jugement du 7 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Paris a :

- dit qu'il n'était pas saisi des demandes en contrefaçon et en nullité d'une marque « GAZELLE » dont seraient titulaires les défenderesses ;

- dit irrecevable la demande, présentée à titre principal, en nullité de la marque de l'Union européenne « TREK DES GAZELLES 1er TREK 100 % FEMININ » n° 585 dont est titulaire l'Association sportive TREK DES GAZELLES ;

- dit la société MAIENGA forclose en ses demandes en contrefaçon et subséquentes en nullité de la marque adverse n° 635 [marque « TREK DES GAZELLES » de Mme [P]] ;

- dit la société MAIENGA irrecevable en ses demandes en contrefaçon et subséquentes en nullité des marques adverses n° 355 et 585 [marques de l'Association TREK DES GAZELLES « TREK DES GAZELLES 1er TREK 100 % FEMININ »], ainsi qu'en ses demandes subsidiaires en atteinte à ses marques notoires ;

- débouté la société MAIENGA de ses demandes subsidiaires en concurrence déloyale et parasitaire ;

- dit irrecevable la fin de non-recevoir de la société MAIENGA tendant à voir dire irrecevables les demandes reconventionnelles des défenderesses ;

- débouté l'Association sportive TREK DES GAZELLES, la société TREK DES GAZELLES ORGANISATION et Mme [P] en toutes leurs demandes reconventionnelles ;

- dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné les parties aux dépens, chacune par moitié ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Le 1er février 2022, la société MAIENGA a interjeté appel de ce jugement.

Deux procédures distinctes ont été inscrites au rôle, sous les numéros RG 22/02420 et 22/02425. Elles ont été jointes par ordonnance du 27 septembre 2022 de la conseillère de la mise en état pour se poursuivre sous le numéro 22/02420.

Dans ses dernières conclusions récapitulatives numérotées 3, notifiées le 11 septembre 2023, la société MAIENGA, appelante, demande à la cour de :

Vu l'article 564 du CPC,

Vu les articles L713-1 à L713-3, et L716-4 et suivants et L716-4-11 du CPI, Vu les articles L711-3, L 716-5 du CPI,

Vu l'article L713-5 du CPI,

Vu les articles 1240 et 1241 du Code Civil,

Vu l'article 564 du CPC

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté Mme [P], la société TREK DES GAZELLES et l'association TREK DES GAZELLES de leurs demandes reconventionnelles,

- statuant de nouveau,

- à titre principal,

- juger que la marque « TREK DES GAZELLES » marque française n° 635 de Mme [P] constitue la contrefaçon de la marque « RALLYE DES GAZELLES » n° 558,

- juger que la marque « TREK DES GAZELLES 1ER TREK 100% FEMININ » marque française n° 355 de l'association TREK DES GAZELLES constitue la contrefaçon de la marque « RALLYE DES GAZELLES » n° 558,

- juger que la marque « GAZELLE(S) » marque française n° 188 de Mme [P] constitue la contrefaçon de la marque « GAZELLE » n° 313,

- juger que la marque « TREK DES GAZELLES TREK AVENTURE... 100% FEMININ... » marque française n° 654 de Mme [P] constitue la contrefaçon de la marque « RALLYE DES GAZELLES » n° 558,

- juger que la marque « TREK DES GAZELLES 1ER TREK 100% FEMININ » marque communautaire n° 585 de la société TREK DES GAZELLES ORGANISATION constitue la contrefaçon de la marque « RALLYE DES GAZELLES » n° 558,

- faire interdiction à Mme [P] de faire usage des marques « TREK DES GAZELLES » marque française n° 635, « GAZELLE(S) » marque française n°188, « TREK DES GAZELLES TREK AVENTURE ... 100% FEMININ... » marque française n° 654 dans un délai de huit (8) jours suivants la signification de la décision à intervenir,

- faire interdiction à la société TREK DES GAZELLES ORGANISATION de faire usage en France de la marque « TREK DES GAZELLES 1ER TREK 100% FEMININ » marque communautaire n° 585 dans un délai de huit (8) jours suivants la signification de la décision à intervenir,

- faire interdiction à l'association TREK DES GAZELLES de faire usage de marque « TREK DES GAZELLES 1ER TREK 100% FEMININ » marque française n°355 dans un délai de huit (8) jours suivants la signification de la décision à intervenir,

- assortir les interdictions d'une astreinte de 500 euros par jours de retard, et par infraction constatée,

- condamner in solidum Mme [P], la société TREK DES GAZELLES et l'association TREK DES GAZELLES au règlement de la somme de 150 000 euros à titre de dommage et intérêts à la société MAIENGA à titre de dommages intérêts pour contrefaçon de ses marques,

- condamner in solidum Mme [P], la société TREK DES GAZELLES ORGANISATION et l'association TREK DES GAZELLES à faire publier à leurs frais la décision à venir dans deux journaux nationaux spécialisés dans le sport automobile,

- prononcer la nullité de la marque « TREK DES GAZELLES 1ER TREK 100% FEMININ » marque française n° 355 de l'association TREK DES GAZELLES,

- prononcer la nullité des marques « TREK DES GAZELLES » marque française n°635, « GAZELLE(S) » marque française n°188 et « TREK DES GAZELLES TREKAVENTURE ... 100% FEMININ... » marque française n° 654 de Mme [P],

- juger que Mme [P], la société TREK DES GAZELLES et l'association TREK DES GAZELLES ont commis des actes de concurrence déloyale à l'égard de la société MAIENGA,

- condamner in solidum Mme [P], la société TREK DES GAZELLES et l'association TREK DES GAZELLES au règlement de la somme de 150 000 euros à titre de dommage et intérêts à la société MAIENGA pour actes de concurrence déloyale,

- sur l'appel incident,

- débouter Mme [P], la société TREK DES GAZELLES et l'association TREK DES GAZELLES de leurs demandes reconventionnelles au titre de la contrefaçon par la marque « TREK'IN GAZELLES » en ce qu'elle n'est pas démontrée,

- débouter Mme [P], la société TREK DES GAZELLES et l'association TREK DES GAZELLES de l'intégralité de leurs demandes reconventionnelles au titre de la concurrence déloyale en ce qu'il s'agit d'une prétention nouvelle en cause d'appel,

- en tout état de cause,

- condamner in solidum Mme [P], la société TREK DES GAZELLES et l'association TREK DES GAZELLES au règlement de la somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum Mme [P], la société TREK DES GAZELLES et l'association TREK DES GAZELLES aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'huissier pour l'établissement des procès- verbaux de constat en date des 29 juin 2020 et 15 avril 2022,

- accorder à la MVA-AVOCATS en la personne de Me Julien MALLET, avocat au barreau de Paris, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile sur son affirmation de droit.

Dans leurs dernières conclusions récapitulatives numérotées 5, notifiées le 5 octobre 2023, l'association TREK DES GAZELLES, la société TREK DES GAZELLES ORGANISATION et Mme [P], intimées et appelantes incidentes, demandent à la cour de :

Vu les articles L713-1 à L713-3, L716-4 et suivants, L716-4-11 et L713-5 du code de la propriété intellectuelle,

Vu les dispositions du règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017

Vu les articles 1100, 1100-1, 1240 et 1241 du code civil,

- à titre principal,

- déclarer la société MAIENGA irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes, et l'en débouter,

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a jugé :

que le tribunal n'est pas saisi des demandes en contrefaçon et en nullité d'une marque « GAZELLE » dont seraient titulaire les défenderesses ;

irrecevable la demande, présentée à titre principal, en nullité de la marque de l'Union européenne « TREK DES GAZELLES 1ER TREK 100 % FEMININ » n° 585 dont est titulaire l'Association sportive TREK DES GAZELLES ;

la société MAIENGA forclose en ses demandes en contrefaçon et subséquentes en nullité de la marque adverse n° 635 ;

la société MAIENGA irrecevable en ses demandes en contrefaçon et subséquentes en nullité des marques adverses n° 355 et 585, ainsi qu'en ses demandes subsidiaires en atteinte à ses marques notoires ;

débouté la société MAIENGA de ses demandes subsidiaires en concurrence déloyale et parasitaire ;

irrecevable la fin de non-recevoir de la société MAIENGA tendant à voir dire irrecevables les demandes reconventionnelles des défenderesses,

- déclarer Mme [Y] [P], l'Association sportive TREK DES GAZELLES et la société TREK DES GAZELLES ORGANISATION recevables et bien fondées en leur appel incident,

- infirmer la décision déférée en ce qu'elle a débouté l'Association sportive TREK DES GAZELLES, la SAS TREK DES GAZELLES ORGANISATION et Mme [P] en toutes leurs demandes reconventionnelles,

- à titre subsidiaire,

- rejeter toutes fins, moyens et conclusions de la société MAIENGA,

- par conséquent,

- déclarer la société MAIENGA irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes, et l'en débouter ;

- juger qu'il existe un accord de coexistence donné par la société MAIENGA pour l'exploitation de la marque TREK DES GAZELLES pour l'organisation d'une randonnée pédestre 100 % féminine au Maroc,

- juger que les marques «TREK DES GAZELLES» (marque française), « TREK DES GAZELLES 1ER TREK 100% FEMININ » (marque française) et « TREK DES GAZELLES 1ER TREK 100% FEMININ » (marque européenne) ne constituent pas des contrefaçons des marques « RALLYE DES GAZELLES » (marque européenne) et « GAZELLE » (marque nationale),

- juger que Mme [P], l'Association sportive TREK DES GAZELLES et la SAS TREK DES GAZELLES ORGANISATION n'ont commis aucun acte de concurrence déloyale,

- juger que la société MAIENGA ne rapporte pas la preuve d'un préjudice économique indemnisable et sera purement et simplement déboutée de toutes ses demandes à titre principal, à titre subsidiaire ou encore à titre infiniment subsidiaire,

- débouter la société MAIENGA de ses demandes d'indemnisation, toutes causes confondues,

- juger n'y avoir lieu à prononcer la nullité des marques « TREK DES GAZELLES » (marque française), « TREK DES GAZELLES 1ER TREK 100% FEMININ » (marque française) et « TREK DES GAZELLES 1ER TREK 100% FEMININ » (marque européenne), et « GAZELLES » (marque française),

- sur la demande reconventionnelle,

- faire droit à la demande reconventionnelle des concluantes, et en conséquence :

- juger que la marque « TREK'IN GAZELLES » (marque française) constitue une contrefaçon des marques « TREK DES GAZELLES » (marque française), « TREK DES GAZELLES 1ER TREK 100% FEMININ » (marque française) et « TREK DES GAZELLES 1ER TREK 100% FEMININ » (marque européenne),

- en conséquence,

- condamner la société MAIENGA à cesser dans un délai de huit (8) jours suivants la signification de la décision à intervenir l'exploitation sous toutes formes de la marque contrefaisante,

- assortir cette condamnation d'une astreinte de 500 euros par jours de retard, et par infraction constatée,

- condamner la société MAIENGA à verser et payer à Mme [P], à la société TREK DES GAZELLES ORGANISATION et à l'association TREK DES GAZELLES la somme de 50.000€ à titre de dommage et intérêts,

- juger que la société MAIENGA a commis des actes de concurrence déloyale à l'égard de Mme [P], de la société TREK DES GAZELLES et de l'association TREK DES GAZELLES,

- en conséquence,

- condamner la société MAIENGA à verser à Mme [P], à la société TREK DES GAZELLES ORGANISATION et à l'association TREK DES GAZELLES la somme de 80.000€ à titre de dommage et intérêts,

- prononcer la nullité de la marque « TREK'IN GAZELLES » (marque française),

- condamner la société MAIENGA à payer la somme de 7 000 euros à Mme [P], à l'Association sportive TREK DES GAZELLES et à la société TREK DES GAZELLES ORGANISATION, chacune, en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société MAIENGA aux entiers dépens,

- juger que, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, Me Karine ALTMANN pourra recouvrer directement les frais dont elle a fait l'avance sans en avoir reçu provision.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 31 octobre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur les chefs du jugement non contestés

La cour constate que la société MAIENGA, nonobstant le libellé de sa déclaration d'appel et du premier paragraphe du « par ces motifs » de ses conclusions, dans lequel elle demande l'infirmation du jugement « en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté Mme [P], la société TREK DES GAZELLES et l'association TREK DES GAZELLES de leurs demandes reconventionnelles », ne critique pas le jugement en ce qu'il :

- dit irrecevable sa demande, présentée à titre principal, en nullité de la marque de l'Union européenne « TREK DES GAZELLES 1er TREK 100 % FEMININ » n° 585 dont est titulaire l'Association TREK DES GAZELLES,

- dit irrecevable ses demandes subsidiaires fondées sur l'atteinte à ses marques notoires,

- dit irrecevables sa fin de non-recevoir tendant à voir dire irrecevables les demandes reconventionnelles des défenderesses,

aucune demande n'étant, sur ces points, formulée dans le « par ces motifs » de ses conclusions ni aucun développement n'y étant consacré dans le corps de ses écritures.

Le jugement sera confirmé de ces chefs pour les justes motifs qu'il comporte.

Sur les demandes de la société MAIENGA

Sur les demandes en contrefaçon et les demandes subséquentes en nullité des marques adverses n° 635, n° 355 et n° 585 de Mme [P]

Sur la recevabilité

La société MAIENGA demande l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a dite :

- forclose en ses demandes en contrefaçon et en sa demande subséquente en nullité de la marque adverse n° 635 ;

- irrecevable en ses demandes en contrefaçon et en ses demandes subséquentes en nullité des marques adverses n° 355 et 585.

Elle conclut à l'absence de forclusion par tolérance en ce qui concerne la marque n° 635 « TREK DES GAZELLES », faisant valoir qu'elle n'a donné aucune autorisation à Mme [P] pour le dépôt et l'exploitation de cette marque comme en témoigne sa lettre de mise en demeure du 19 janvier 2017 ; qu'il ressort des échanges entre les parties qu'elle s'est en réalité opposée à l'exploitation du signe ; que Mme [P] s'est finalement engagée à ce que son association TREK DES GAZELLES ne crée aucune confusion dans l'esprit du public en se limitant à proposer une randonnée pédestre pour financer des vacances à des enfants malades ; que Mme [P] n'a jamais dit à MAIENGA qu'elle avait déjà déposé la marque « TREK DES GAZELLES » n° 635 en 2015 et n'a jamais fait mention de cette marque dans ses écrits ; que le point de départ du délai quinquennal prévu par l'article L.716-2-8 du code de la propriété intellectuelle est le jour de la connaissance de l'existence de l'usage d'une marque postérieure par le titulaire de la marque première et non pas le jour du dépôt de la marque postérieure comme retenu par le tribunal ; qu'il n'est pas démontré que MAIENGA a connu l'usage de la marque litigieuse au jour de son dépôt ; que MAIENGA a découvert l'usage de la marque « TREK DES GAZELLES » postérieure à partir du 25 mai 2016, date d'un email adressé à Mme [P] ; que la procédure a par conséquent été engagée (le 14 mai 2020) avant l'expiration du délai de 5 ans ; qu'en tout état de cause, on ne peut considérer que MAIENGA a eu connaissance de l'usage de la marque seconde avant le 29 mai 2015, date de son enregistrement.

Les intimées demandent la confirmation du jugement, faisant valoir que la date de l'enregistrement de la marque ne saurait constituer le point de départ du délai de 5 ans ; que le point de départ de ce délai correspond à la date à laquelle le titulaire de la marque antérieure connaît l'usage de la marque postérieure ; qu'il est manifeste que MAIENGA avait connaissance de l'usage de la marque « TREK DES GAZELLES » n° 635, déposée depuis le 3 février 2015, antérieurement aux échanges du 26 mai 2016 et qu'elle a toléré cet usage sans restriction particulière pendant 5 années ensuite. Subsidiairement, elles font valoir qu'il a existé un accord de coexistence entre les parties, MAIENGA tolérant, sans aucune restriction, l'usage de la marque « TREK DES GAZELLES » de Mme [P] pour l'organisation annuelle d'un trek féminin dans le désert marocain, ainsi qu'il ressort notamment du courriel de Mme [L] (dirigeante de MAIENGA) du 26 mai 2016 ; que MAIENGA ne peut donc désormais se plaindre du développement de la marque qui reste cependant très relatif au regard de l'essor de l'événement organisé par MAIENGA.

Ceci étant exposé, l'article L.716-4-5 du code de la propriété intellectuelle dispose notamment : « Est irrecevable toute action en contrefaçon introduite par le titulaire d'une marque antérieure à l'encontre d'une marque postérieure :

1° Lorsque le titulaire de la marque antérieure a toléré pendant une période de cinq années consécutives l'usage de la marque postérieure en connaissance de cet usage et pour les produits ou les services pour lesquels l'usage a été toléré, à moins que son dépôt n'ait été effectué de mauvaise foi (...) »

Par ailleurs, l'article L. 716-2-8 : « Le titulaire d'un droit antérieur qui a toléré pendant une période de cinq années consécutives l'usage d'une marque postérieure enregistrée en connaissance de cet usage n'est plus recevable à demander la nullité de la marque postérieure sur le fondement de l'article L. 711-3, pour les produits ou les services pour lesquels l'usage de la marque a été toléré, à moins que l'enregistrement de celle-ci ait été demandé de mauvaise foi »

Les délais de forclusion de 5 ans prévus par ces dispositions commencent à courir, non pas à compter de la date du dépôt de la marque ou de son enregistrement, mais à compter de la date à laquelle le demandeur à l'action en contrefaçon ou en nullité, titulaire de la marque antérieure, a eu connaissance de l'usage effectif de la marque seconde.

En l'espèce, alors qu'il n'est pas fourni d'élément permettant de connaître précisément le moment où Mme [P] a commencé à faire un usage effectif de sa marque semi-figurative « TREK DES GAZELLES » n° 635, les échanges entre Mme [L], dirigeante de la société MAIENGA, et Mme [P] de mai 2016 (courriels des 25 mai et 26 mai) et février 2017 (courriels du 2 février) (pièces 10 à 14 intimées) ne permettent pas d'établir que Mme [L] avait connaissance de l'usage effectif du signe litigieux (déposé depuis le 3 février 2015 et enregistré le 29 mai 2015) avant son premier courriel du 25 mai 2016 dans lequel elle écrit à Mme [P] « Je suis très surprise de constater que sur votre site vous faites référence « le rallye des gazelles en 2cv aussi' « pour vendre vos incentives' De surcroît, je trouve votre manque d'imagination assez affligeant pour appeler votre trek au Maroc « le trek des gazelles » avec en plus, un design « tête de gazelles, boussole, etc' ». Il ne peut donc être considéré que la société MAIENGA a toléré l'usage de la marque seconde n° 635 pendant plus de 5 ans avant d'engager la présente action en contrefaçon de ses marques antérieures et en nullité de la marque litigieuse, par assignation du 14 mai 2020.

La thèse d'un accord de coexistence des marques, soutenue par les intimées à titre subsidiaire, ne peut être retenue, en l'absence de toute formalisation de l'accord allégué, eu égard aux termes de la lettre de mise en demeure RAR du 19 janvier 2017 à l'association TREK DES GAZELLES (pièce 4 intimées) par laquelle le conseil de la société MAIENGA indiquait : « Ma cliente a constaté que vous organisiez un trek féminin, dans le désert MAROCAIN, sous le nom de TREK DES GAZELLES. L'utilisation du terme GAZELLE, pour un événement sportif, uniquement féminin et se déroulant au MAROC créait une confusion dans l'esprit du public avec le RALLYE AICHA DES GAZELLES, laissant supposer un partenariat ou un lien quelconque. La société MAIENGA ne souhaite pas que la moindre confusion puisse être faite avec votre association ou votre événement. De plus, le logo, la typologie, la mention « 100 % féminin » et la présentation de votre site internet révèlent un parasitisme et une contrefaçon de marque par imitation, ce que la société MAIENGA ne peut accepter. Il vous appartient de promouvoir votre événement dans le respect des règles applicables en matière de droit des marques et de propriété intellectuelle. Or, en procédant de la sorte vous profitez de la notoriété, de la réputation, et sans bourse déliée, vous bénéficiez des investissements réalisés pour la promotion du RALLYE AICHA DES GAZELLES, devenu à ce jour, une marque à forte notoriété (') ». Ce courrier ne traduit aucune intention de la société MAIENGA de consentir à une coexistence des marques et sa portée précontentieuse n'est pas atténuée par les échanges postérieurs entre Mmes [L] et [P] de février 2017, même s'ils révèlent une relation apaisée entre les intéressées, et évoquent une « proposition » émise par Mme [L] et la perspective d'une rencontre pour « mettre à plat » les attentes médiatiques, commerciales et juridiques respectives de chacune (pièces 13 et 14 intimées), aucune autre information n'étant fournie sur ce projet de rapprochement qui n'a manifestement pas prospéré.

En ce qui concerne les marques semi-figuratives « TREK DES GAZELLES 1er TREK 100 % FEMININ » n° 355 (marque française) et n° 585 (marque UE) de l'association TREK DES GAZELLES, il ne saurait être opposé à la société MAIENGA la forclusion par tolérance, ainsi que le tribunal l'a retenu, les deux marques ayant été déposées moins de 5 ans avant l'assignation. Pour les raisons qui viennent d'être exposées, la recevabilité de l'action de la société MAIENGA en contrefaçon et en nullité (de la marque française n° 355) ne se heurte à aucune irrecevabilité tirée de l'existence d'un accord de coexistence de marques entre les parties.

Pour les motifs qui viennent d'être exposés, l'action en contrefaçon et en nullité visant la marque verbale « GAZELLE(S) » n° 188 de Mme [P], déposée le 2 avril 2017, pour laquelle le tribunal a estimé qu'il n'était pas valablement saisi faute d'identification certaine du signe, incertitude désormais dissipée en cause d'appel, ne se heurte à aucune irrecevabilité.

Sera enfin déclarée recevable l'action en contrefaçon et en nullité visant la marque française semi-figurative n° 654 « TREK DES GAZELLES TREK AVENTURE 100% FEMININ » déposée le 9 septembre 2020 (donc postérieurement au jugement) par Mme [P] contre laquelle les intimées ne soulèvent aucune fin de non-recevoir.

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a :

- dit qu'il n'était pas saisi des demandes en contrefaçon et en nullité d'une marque « GAZELLE » dont seraient titulaires les défenderesses ;

- dit la société MAIENGA forclose en ses demandes en contrefaçon et en sa demande subséquentes en nullité de la marque adverse n° 635,

- dit la société MAIENGA irrecevable en ses demandes en contrefaçon et en ses demandes subséquentes en nullité des marques adverses n° 355 et 585.

Sur le bien-fondé des demandes en contrefaçon de marques

* Sur la contrefaçon de la marque verbale de l'UE n° 558 « RALLYE DES GAZELLES »

La société MAIENGA soutient que sa marque verbale « RALLYE DES GAZELLES » de l'UE n° 558 est contrefaite par les quatre marques semi-figuratives françaises adverses, compte tenu de l'identité ou au moins de la similarité des produits et services en cause et des similitudes entre les signes, aux plans visuel, phonétique et conceptuel. Elle fait valoir notamment que les consommateurs auront une impression phonétique et intellectuelle d'ensemble similaire lorsqu'ils n'auront pas les marques en litige sous les yeux ; que les termes TREK et RALLYE sont synonymes d'aventure et d'exploits sportifs au long cours ; que si un trek s'entend d'une randonnée pédestre, un rallye n'est pas nécessairement une compétition automobile mais peut être pédestre, équestre ou cycliste ; que dans les marques postérieures « TREK DES GAZELLES TREK AVENTURE 100 % FEMININ » n° 654 et « TREK DES GAZELLES 1er TREK 100 % FEMININ » n° 355 et 585, l'adjonction des termes TREK AVENTURE 100 % FEMININ ou 1er TREK 100 % FEMININ n'apporte aucune modification notable ni distinctivité, ces marques n'étant que des déclinaisons de la marque « TREK DES GAZELLES » n° 635 et les similarités entre les signes restant les mêmes ; que les éléments figuratifs des marques postérieures sont inopérants pour minorer la similarité entre les signes dès lors qu'ils ne se prononcent pas et que les éléments verbaux sont dominants au sein de ces marques ; que les consommateurs penseront que les marques en présence sont liées entre elles ou que les marques adverses constituent les déclinaisons de sa marque antérieure ; que selon la jurisprudence de la CJUE, un faible degré de similitude entre les produits ou services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques et inversement ; qu'en l'espèce, il existe un fort degré de similitude entre les marques et une quasi-identité des produits et services visées, de sorte que le risque de confusion entre les marques est très élevé.

Les intimées répondent que les termes GAZELLE, RALLYE et TREK ne sont pas distinctifs, le premier étant très couramment utilisé dans les domaines du tourisme, du sport et de l'habillement notamment et désignant le surnom affectueux donné par les marocains aux femmes (les hommes étant, eux surnommé « gazous »), les deux autres faisant référence à la nature de l'événement visé ; que la comparaison des marques doit donc s'apprécier globalement ; que les termes RALLYE et TREK renvoient à des univers totalement différents, ce qui suffit à écarter tout risque de confusion dans l'esprit du public pertinent ; qu'il n'est pas démontré que le terme RALLYE est couramment utilisé pour désigner une randonnée pédestre, ce terme ne s'utilisant plus guère que dans le domaine de la compétition automobile ou celui des sports équestres ; qu'en tout état de cause, ce terme renvoie essentiellement à une compétition, qu'elle soit motorisée, équestre ou pédestre, ce que n'a jamais été l'esprit du Trek des Gazelles, contrairement aux événements organisés par MAIENGA ; que la marque notoirement connue de la société MAIENGA est la marque « RALLYE AICHA DES GAZELLES », invoquée dans la lettre de mise en demeure précitée (et non invoquée dans le présent litige), et non pas la marque « RALLYE DES GAZELLES » ; que la marque « TREK DES GAZELLES » (comme les marques « TREK DES GAZELLES 1er TREK 100 % FEMININ » de l'association TREK DES GAZELLES) est notoirement connue pour désigner un trekking itinérant au Maroc, événement sportif sans compétition, 100 % féminin, à vocation solidaire ; qu'en 2017, MAIENGA s'est d'ailleurs convaincue de l'absence d'imitation de sa marque notoirement connue « RALLYE AICHA DES GAZELLES » par les marques de Mme [P] et de l'association TREK DES GAZELLES ; qu'aucune confusion entre les marques n'est justifiée alors qu'elles sont toutes exploitées depuis des années ; qu'en réalité l'action introduite par MAIENGA est une action punitive en réaction à l'opposition à son propre dépôt, en décembre 2019, de la marque « TREK'IN GAZELLES » qui, elle, constitue une parfaite imitation de la marque « TREK DES GAZELLES ».

Ceci étant exposé, il est rappelé que selon l'article 9-2 du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne, le titulaire de la marque de l'Union européenne « est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque :

a) ce signe est identique à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée ;

b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque (') ».

En l'espèce, il n'est pas contesté que la marque verbale antérieure de la société MAIENGA « RALLYE DES GAZELLES » n° 558 et la marque postérieure n° 635 de Mme [P] couvrent des produits et services identiques ou similaires, à savoir : « Vêtements, lingerie; articles de chapellerie, chaussures, ceintures (habillement), gants (habillement), foulards, bonneterie, chaussettes, chaussons, chaussures de plage, sous-vêtements. Services d'agence de tourisme et de voyages ; services d'organisation de voyages touristiques et culturels ; organisation de croisières, excursions ; services d'information en matière de transport et de voyages; services de transport de passagers ; services de chauffeurs ; services de transit ; services d'accompagnement de voyageurs ; services de visites touristiques. Divertissement, éducation, activités culturelles, organisation de concours en matière d'éducation ou de divertissement; organisation d'événements sportifs ; organisation de concours et d'épreuves sportives; organisation d'expositions à buts culturels ou éducatifs, de colloques, conférences, congrès, stages ; services d'information en matière de divertissements et de loisirs; services de divertissements ; services de présentation d'expositions, de musées ; services d'édition d'imprimés, journaux, périodiques, livres, catalogues, brochures explicatives sur tous supports; publication de textes autres que publicitaires ». Il est tout aussi acquis que la marque antérieure de la société MAIENGA n° 558 et la marque postérieure n° 654 de Mme [P] couvrent respectivement des « livres » et des « prêts de livres » qui sont des produits et des services similaires, que la marque antérieure de la société MAIENGA n° 558 et la marque postérieure de l'association TREK DES GAZELLES désignent pareillement les « Vêtements ; chaussures ; chapellerie ; chemises ; gants (habillement) ; foulards ; bonneterie ; chaussettes ; chaussures de plage ; chaussures de sport ; sous-vêtements. Organisation de voyages. Activités sportives et culturelles ; organisation et conduite de colloques ; organisation et conduite de conférences ; organisation et conduite de congrès ; organisation d'expositions à buts culturels ou éducatifs ; réservation de places de spectacles » et que la marque « TREK DES GAZELLES 1er TREK 100% FEMININ » n° 585 de l'association protège les services de « transport » qui sont similaires aux « services d'information en matière de transport et de voyages ; services de transport de passagers » de la marque antérieure RALLYE DES GAZELLES.

S'agissant de la comparaison des signes, alors que la marque opposée par la société MAIENGA est une marque purement verbale composée des trois termes RALLYE DES GAZELLES, les marques critiquées sont toutes des marques semi-figuratives (déposées en couleur pour les marques n° 635, n° 654 et n° 355) comportant des éléments verbaux et des éléments figuratifs. La marque n° 635, déposée en couleur, est ainsi composée d'un rectangle coloré dans lequel apparaissent en blanc les mots TREK DES GAZELLES disposés sur deux lignes, inscrits dans une graphie originale mêlant lettres majuscules et minuscules, et contre lesquels, sur la droite, est apposé un buste de gazelle stylisé vu de profil, très présent de par sa position, sa taille qui surplombe les éléments verbaux et le trait épais dont il est dessiné. La marque n° 654, déposée en couleur, est composée des mêmes éléments verbaux que la précédente et du même buste de gazelle stylisé (les cornes de l'animal sont de couleur bleue contrastante) ; s'y ajoute sur la gauche, en position d'attaque et dominant les éléments verbaux TREK DES GAZELLES, un double cercle dans lequel sont inscrits en bleu les termes TREK AVENTURE' 100 % FEMININ. La marque n° 355, déposée en couleur, comporte les mêmes éléments figuratifs et verbaux que la précédente si ce n'est que les mots inscrits à l'intérieur du double cercle sont 1ER TRECK' 100 % FEMININ. La marque de l'UE 585 est visuellement strictement identique à la précédente, si ce n'est qu'elle n'a pas été déposée en couleur. Malgré la reprise dans les marques postérieures des deux éléments verbaux DES GAZELLES de la marque antérieure, dans le même ordre, il découle de cette comparaison une forte dissemblance visuelle entre les signes.

Au plan phonétique, si les mots inscrits à l'intérieur du double cercle en petits caractères dans les marques secondes ne sont pas nécessairement lus immédiatement, les marques en litige ont en commun les séquences DES GAZELLES en finale et se distinguent par les termes d'attaque RALLYE pour la marque antérieure et TREK pour les marques, qui sont très distincts de par leurs rythmes et leurs sonorités.

Au plan conceptuel, toutes les marques évoquent un évènement sportif entre femmes se déroulant au Maghreb où le mot GAZELLE est couramment utilisé pour désigner une jolie jeune femme (pièces 1et 2 des intimées). Cependant, le terme TREK s'entend d'une randonnée pédestre et le terme RALLYE, le plus couramment, d'une compétition automobile, ainsi que le confirme l'extrait du site larousse.fr fourni par l'appelante (sa pièce 60) (« 1. Compétition où les concurrents (généralement en voiture) doivent rallier un lieu après avoir satisfait à plusieurs épreuves (consistant notamment à répondre à diverses questions qui les guident). 2. Course automobile comportant des épreuves chronométrées sur routes fermées (')»), les autres sens invoqués par la société MAIENGA (rallye pédestre, équestre') à partir de définitions données par le Centre national de ressources textuelles et lexicales (CNRTL) étant issus de définitions anciennes (1941, 1935) et peu courantes (même pièce). Alors que la marque antérieure renvoie donc à une compétition ' notion absente dans les marques contestées ' en véhicules motorisés, entre femmes, dans un pays du Maghreb, les marques secondes évoquent une marche à pied, entre femmes, dans les mêmes contrées. Les marques diffèrent par conséquent d'un point de vue conceptuel.

Il se déduit de cette comparaison globale des différences significatives entre les signes, les marques en présence produisant des impressions d'ensemble distinctes.

En outre, les éléments verbaux de toutes les marques en litige sont peu distinctifs pour l'ensemble des produits et services désignés, le mot GAZELLE étant évocateur des femmes ainsi couramment dénommées dans les pays du Maghreb, notamment au Maroc, et les termes RALLYE et TREK, comme les termes AVENTURE, 1ER et 100 % FEMININ, décrivant la nature des épreuves organisées respectivement par les parties, et sont donc faiblement aptes à remplir la fonction d'identification de la provenance des produits ou services visés. Par conséquent, au sein des marques contestées, l'attention du consommateur sera davantage appelée sur les éléments figuratifs, dont la présence est visuellement forte comme il a été dit en raison de leur taille et de leur position, lui permettant d'identifier à lui seul l'origine commerciale des produits et services.

Dans ces conditions, en raison des dissemblances entre les signes, prépondérantes par rapport aux ressemblances, la marque antérieure étant purement verbale alors que les marques incriminées comportent des éléments figuratifs très forts et aptes à retenir l'attention, le consommateur moyen des produits et services concernés, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, ne sera pas enclin, malgré l'identité et la similarité des produits et services en cause, à confondre les marques ou à penser que les marques secondes constituent des déclinaisons de la marque première.

La contrefaçon alléguée de la marque antérieure n° 558 de la société MAIENGA n'est donc pas caractérisée.

* Sur la contrefaçon de la marque verbale française n° 313 « GAZELLE » par la marque verbale française n° 188 « GAZELLE(S) »

L'article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2019-1 169 du 13 novembre 2019, dispose qu''Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :

1° D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;

2° D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque'.

Aux termes de l'article L.716-4 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2019-1169 du 13 novembre 2019, 'L'atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux articles L. 713-2 à L.713-3-3 et au deuxième alinéa de l'article L. 713-4".

Ceci étant exposé, la marque postérieure « GAZELLE(S) » n° 188 de Mme [P] couvre notamment des services de « divertissement ; activités sportives » qui sont similaires aux services couverts par la marque première « GAZELLE » n° 313 de la société MAIENGA, à savoir « Organisation de manifestations sportives notamment, de courses automobiles, de rallyes automobiles, de raids automobiles. Divertissement dans le domaine des sports automobiles ».

La marque seconde constitue l'imitation de la marque première dont elle reprend le terme unique GAZELLE en lui adjoignant seulement un S entre parenthèses, élément peu perceptible visuellement, qui ne sera pas prononcé et ne change en rien la portée conceptuelle de la marque qui évoque directement, comme la marque première, un mammifère que l'on trouve notamment en Afrique.

Il y a un risque de confusion évident pour le consommateur moyen des services concernés, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, qui, n'ayant pas nécessairement les deux marques sous les yeux en même temps, sera amené à croire que les services de « divertissement ; activités sportives » couverts par la marque seconde proviennent de la société MAIENGA ou d'une entreprise qui lui est liée économiquement, ou que la marque seconde est une déclinaison de la marque première.

La contrefaçon de la marque « GAZELLE » n° 313 de la société MAIENGA est ainsi constituée.

* Sur la nullité des marques françaises 355, 635, 188 et 654

Aux termes de l'article L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle, « L'enregistrement d'une marque est déclaré nul par décision de justice ou par décision du directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle, en application de l'article L. 411-4, si la marque ne répond pas aux conditions énoncées aux articles L. 711-2, L. 711-3, L. 715-4 et L. 715-9 » et l'article L. 711-3 prévoit : « I.- Ne peut être valablement enregistrée et, si elle est enregistrée, est susceptible d'être déclarée nulle une marque portant atteinte à des droits antérieurs ayant effet en France, notamment :

1° Une marque antérieure : (')

b) Lorsqu'elle est identique ou similaire à la marque antérieure et que les produits ou les services qu'elle désigne sont identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association avec la marque antérieure (') ».

Les demandes en contrefaçon de la société MAIENGA visant les marques n° 635, n° 654 et n° 355 n'ayant pas prospéré, ses demandes en nullité visant les mêmes marques fondées sur cette disposition ne peuvent davantage prospérer.

En revanche, la nullité de la marque verbale française « GAZELLE(S) » n° 188 sera prononcée en application des dispositions précitées, mais seulement pour les services de « divertissement ; activités sportives » qui sont similaires aux services couverts par la marque première « GAZELLE » n° 313 contrefaite.

Sur les demandes en concurrence déloyale

La société MAIENGA soutient que la société TREK DES GAZELLES ORGANISATION, l'association TREK DES GAZELLES et Mme [P] ont commis des actes de concurrence déloyale en créant une confusion dans l'esprit des consommateurs et en tirant indûment profit de sa réputation, de la notoriété de ses marques « RALLYE DES GAZELLES » et « GAZELLE » et du rallye qu'elle organise afin de profiter, sans bourse délier, de leur rayonnement ; que tout comme elle, cette société et cette association organisent des évènements sportifs d'aventures au Maroc et ont leur siège dans le sud de la France ; que les marques adverses reprennent de manière explicite l'identité et l'environnement visuel qu'elle a développés pour ses marques ; que dans le secteur du sport, le mot GAZELLE est immédiatement synonyme du RALLYE DES GAZELLES qui est suivi par plusieurs millions de téléspectateurs, auditeurs de radio, lecteurs ou internautes, jouit d'une notoriété internationale et est soutenu par d'importantes personnalités ; que les intimées réalisent de manière directe des économies en recueillant les fruits des investissements réalisés depuis plus de trente ans par MAIENGA ; que Mme [U], occupant la fonction de responsable des partenariats pour la société TREK DES GAZELLES ORGANISATION, s'est fait passer pour « Responsable du Développement » au sein de la société MAIENGA ; qu'il y a d'incontestables tentatives de détournements de la clientèle et des partenaires de MAIENGA.

Les intimées opposent que MAIENGA ne rapporte pas la preuve d'un risque de confusion entre les marques ; que les marques coexistent depuis plus de 7 années sans que la société MAIENGA rapporte la preuve qu'une de ses clientes a confondu les marques ; que la preuve de l'absence de concurrence déloyale résulte du succès rencontré par l'événement TREK'IN GAZELLES créé en 2020 par MAIENGA, soit cinq années après le premier événement TREK DES GAZELLES ; que MAIENGA n'a pas craint une quelconque confusion en déposant en décembre 2019 la marque « TREK'IN GAZELLES » ; qu'elles ne profitent aucunement d'un risque de confusion dès lors que le nombre de participantes aux éditions du TREK DES GAZELLES (randonnée sans esprit de compétition) reste bien inférieur à celui des compétitions organisées par MAIENGA et reste surtout très stable ; que c'est au contraire MAIENGA qui organise le risque de confusion dès lors que la liste des mots clés utilisés par cette dernière pour le référencement de son site internet trekingazelles.com comporte de nombreuses références à TREK DES GAZELLES, si bien que le site trekingazelles.com ressort en premier sur Google avec la requête TREK DES GAZELLES ; que la preuve d'un préjudice n'est pas rapportée ; qu'elles ne sont ni les auteurs ni les commanditaires des publications de Mme [U] qui est seulement « ambassadrice » de TREK DES GAZELLES et n'a jamais été leur salariée.

Ceci étant exposé, la cour rappelle que la concurrence déloyale et le parasitisme sont pareillement fondés sur l'article 1240 du code civil, qui suppose la réunion cumulative d'une faute, d'un préjudice et d'u lien de causalité entre cette faute et ce préjudice, mais sont caractérisés par application de critères distincts, la concurrence déloyale l'étant au regard du risque de confusion, considération étrangère au parasitisme qui requiert la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique copie une valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements.

En l'espèce, comme il a été dit, le Rallye des gazelles organisé par la société MAIENGA est une course automobile féminine organisée au Maroc et le Trek des gazelles est un trekking féminin organisé également au Maroc, sans caractère compétitif mais à vocation caritative ou solidaire (financement de programmes d'aide en faveur des enfants malades de cancers et de leurs familles au Maroc ' cf. attestations fournies en pièces 23 et 24), ce qui est substantiellement différent. Les deux événements sont clairement identifiés comme tels par le public, les pièces au dossier ne révélant pas une quelconque confusion entre ces deux évènements de la part des participants ou des commentateurs, la renommée de l'évènement Rallye des Gazelles, qui résulte à suffisance des pièces produites et qui n'est d'ailleurs pas contestée, ne suffisant pas à démontrer un risque de confusion compte tenu des différences importantes entre les évènements en cause tant dans leurs modalités, leurs publics que dans leurs finalités.

Par ailleurs pas plus qu'en première instance, la société MAIENGA ne précise ce que serait « l'identité et l'environnement visuel » qu'elle aurait développés pour ses marques, étant de surcroît relevé que les marques antérieures qu'elle a opposées au titre de la contrefaçon sont des marques verbales dont il ne peut être soutenu que les représentations de bustes d'antilopes des marques postérieures de Mme [P] et de l'association TREK DES GAZELLES reprendraient les codes ou l'univers, outre que la société MAIENGA n'a manifestement craint aucun risque de confusion avec les activités des intimées en déposant, en décembre 2019, la marque verbale « TREK'IN GAZELLES » n° 936. Les intimées objectent à juste raison qu'elles ne peuvent être rendues responsables des propos tenus par Mme [U] qui sur le site viadeo.journaldunet.com a déclaré travailler depuis 2016 au sein de la société MAIENGA au poste de responsable du développement, alors qu'elle apparaît sur le site LinkedIn comme responsable des partenariats chez TREK DES GAZELLES (procès-verbal de constat du 15 avril 2022 en pièce 59 de l'appelante). Aucun élément concret n'est fourni, ni même clairement invoqué, concernant des tentatives de détournements de clientèle ou de partenaires, les évènements organisés par les parties étant par ailleurs de nature différente.

Aucune faute de concurrence déloyale n'étant établie à l'encontre des intimées, le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société MAIENGA de ses demandes à ces titres.

Sur les mesures réparatrices sollicitées

Sur les demandes indemnitaires

La société MAIENGA réclame une somme de 150 000 € en réparation de son préjudice économique résultant de la contrefaçon de ses marques, fournissant des éléments concernant essentiellement l'organisation du Rallye des gazelles dans son ensemble.

Il s'infère nécessairement un préjudice de la contrefaçon.

La contrefaçon de la marque « GAZELLE » par la marque « GAZELLE(S) » n° 188 a nécessairement causé un préjudice à la société MAIENGA, qui sera réparé par l'allocation d'une somme de 1 000 € mise à la charge in solidum de Mme [P], de la société TREK DES GAZELLES ORGANISATION et de l'association TREK DES GAZELLES.

Sur les autres demandes

Il sera fait interdiction aux intimées de faire usage de la marque contrefaisante (et annulée de ce fait) d'une quelconque façon, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une astreinte à ce titre.

Le préjudice de la société MAIENGA étant ainsi réparé, il ne sera pas fait droit à ses demandes de publication.

Sur les demandes reconventionnelles

Sur les demandes en contrefaçon des marques semi-figuratives « TREK DES GAZELLES » n° 635 et « TREK DES GAZELLES 1ER TREK 100 % FEMININ » n° 355 et n° 585 par la marque verbale « TREK'IN GAZELLES » n° 936 de la société MAIENGA et en nullité de cette marque

Les intimées soutiennent que MAIENGA, en violation de leurs droits de propriété sur les marques n° 635 (dont Mme [P] est titulaire) et n° 355 et n° 585 (dont l'association TREK DES GAZELLES est titulaire) a commis un acte de contrefaçon en déposant la marque « TREK'IN GAZELLES » auprès de l'INPI sous le n° 936 le 19 décembre 2019, pour les classes 25, 35, 39 et 41. Elles font valoir que les produits et services sont identiques ou similaires et que la marque de MAIENGA reprend les deux termes dominants des marques antérieures opposées TREK et GAZELLE, la séquence 'IN dans la marque contestée étant insignifiante, comme l'adjectif indéfini DES dans leurs propres marques ; qu'ainsi la séquence d'attaque et la terminaison sont communes aux marques en présence et qu'il existe une similitude visuelle, auditive et conceptuelle renforcée ; que le fait que les marques antérieures sont figuratives n'enlève rien à l'impression d'ensemble commune ; que le terme d'attaque TREK associé au terme GAZELLE repris par la société MAIENGA induira en erreur le consommateur souhaitant se renseigner sur un trek.

La société MAIENGA oppose que l'argumentation adverse selon laquelle les mots TREK et GAZELLE sont dominants est en contradiction avec celle que les appelantes incidentes intimées ont présentée en défense à ses demandes en contrefaçon ; que le mot TREK est effectivement lié à la nature du nouvel évènement qu'elle a créé, à savoir une randonnée pédestre dans le désert marocain ; que si elle a fait le choix de la marque « TREK'IN GAZELLES », c'est parce que ce nouvel événement se déroulera en même temps que le Rallye des gazelles qu'elle organise par ailleurs, le terme IN signifiant « pendant » ou « en même temps » ; que les intimées ne procèdent pas aux comparaisons requises pour démontrer la contrefaçon et ne justifient d'aucun risque de confusion ; que le tribunal a rejeté la demande pour de justes motifs.

Ceci étant exposé, il est relevé à titre liminaire que malgré les termes des conclusions des intimées, ce n'est pas seulement le « dépôt » de la marque litigieuse qui est invoqué au titre de la contrefaçon, la demande d'enregistrement d'un signe à titre de marque ne constituant pas un acte de contrefaçon.

La marque postérieure « TREK'IN GAZELLES » n° 936 de la société MAIENGA couvre notamment les produits et services suivants : « Vêtements, vêtements de sport; chaussures, chaussures de sport; chapellerie; chemises ; vêtements en cuir ou en imitation du cuir; ceintures (habillement) ; gants (habillement); foulards; cravates; bonneterie; chaussettes; chaussons; sous-vêtements. Transport; organisation de voyages ; informations en matière de transport; services de logistique en matière de transport; distribution de journaux; location de garages ou de places de stationnement; location de véhicules; réservation de places de voyage. Éducation; formation; divertissement; activités sportives et culturelles, organisation de rallyes automobiles et de motocyclisme; raid automobile (activités sportives); organisation de treks (randonnées) ; informations en matière de divertissement ou d'éducation; mise à disposition d'installations de loisirs; publication de livres; production et location de films cinématographiques; montage de bandes vidéo; services de photographie; organisation de concours (éducation ou divertissement), organisation de courses, de circuits, de rallyes automobiles et de rallyes de motocyclisme; organisation d'expositions à des fins culturelles ou éducatives pour des rallyes automobiles; organisation et conduite de colloques, conférences ou congrès; organisation d'expositions à buts culturels ou éducatifs; réservation de places de spectacles; services de jeu proposés en ligne à partir d'un réseau informatique; publication électronique de livres et de périodiques en ligne; micro-édition ».

C'est pour de justes motifs, adoptés par la cour, que le tribunal a jugé que ces produits et services étaient identiques ou similaires à ceux visés supra couverts par les marques adverses n° 635, n° 355 et n° 585, ce qui n'est pas contesté.

Visuellement, les marques ont toutes en commun les éléments verbaux TREK et GAZELLES qui, comme il a été dit, sont faiblement distinctifs. Ces marques se différencient en ce que les marques antérieures, décrites supra, sont des marques semi-figuratives (en couleur pour les n° 635 et n° 355) comportant des éléments verbaux calligraphiés de façon inhabituelle (mélange de minuscules et de majuscules) et des éléments figuratifs prenant la forme d'un rectangle de couleur et d'un buste de gazelle stylisé vu de profil, très remarquable par sa position, sa taille et son trait (marque n° 635), de la même calligraphie et du même buste de gazelle auquel s'ajoute un double cercle dans lequel sont inscrits les termes 1ER TRECK' 100 % FEMININ (marques n° 355 et 585), alors que la marque postérieure est une marque purement verbale composée de trois mots TREK, IN et GAZELLES et d'un signe grammatical en forme d'apostrophe. Malgré la reprise dans la marque postérieure des deux éléments verbaux TREK et GAZELLES présents dans les marques antérieures, dans le même ordre, il découle de cette comparaison une forte dissemblance visuelle entre les signes, outre que ces deux mots sont séparés dans la marque de la société MAIENGA par 'IN alors qu'ils le sont par l'article indéfini DES dans les marques antérieures.

Au plan phonétique, les mots inscrits à l'intérieur du double cercle en petits caractères dans les marques premières n'étant pas nécessairement lus, les marques en litige ont en commun les termes TREK en attaque et GAZELLES en finale mais se distinguent par les séquences intermédiaires (DES dans les marques antérieures / IN dans la marque postérieure), ce qui leur confère des sonorités partiellement différentes.

Au plan conceptuel, toutes les marques évoquent une randonnée pédestre ' trek ou trekking - se déroulant en Afrique du nord où le mot GAZELLE est couramment utilisé pour désigner une jolie jeune femme (pièces 1et 2 des intimées), la marque postérieure, grâce à un jeu de mots, évoquant immanquablement un « trekking » et non pas la simultanéité de deux évènements comme il est soutenu.

Les ressemblances aux plans phonétique et intellectuel doivent cependant être fortement relativisées dès lors que, comme il a été dit, et comme l'a justement retenu le tribunal par des motifs adoptés, les éléments verbaux de toutes les marques en litige étant peu distinctifs, l'attention du consommateur sera davantage appelée, pour les marques antérieures, sur leurs éléments figuratifs à la forte présence visuelle, qui seront de nature à écarter dans son esprit tout risque de confusion avec la marque de la société MAIENGA.

Dans ces conditions, en raison des dissemblances entre les signes au plan visuel, la marque postérieure étant purement verbale alors que les marques antérieures comportent des éléments figuratifs très forts et aptes à retenir l'attention, malgré les ressemblances phonétiques et conceptuelles, et malgré l'identité et la similarité des produits et services en cause, le consommateur moyen des produits et services concernés, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, ne sera pas enclin, à confondre les marques ou à penser que la marque seconde constitue une déclinaison des marques premières.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté Mme [P] et l'association TREK DES GAZELLES de leurs demandes en contrefaçon et en nullité de la marque « TREK'IN GAZELLES » de la société MAIENGA.

Il sera ajouté que les demandes reconventionnelles fondées sur la marque jugée contrefaisante et annulée supra n° 188 ne peuvent qu'être rejetées.

Sur la demande en concurrence déloyale

L'association TREK DES GAZELLES, la société TREK DES GAZELLES ORGANISATION et Mme [P] soutiennent que la société MAIENGA a commis un acte de concurrence déloyale en déposant la marque « TREK'IN GAZELLES » très « confusante » avec la marque « TREK DES GAZELLES » ; que MAIENGA cherche à tirer profit de leurs investissements et de la notoriété des marques « TREK DES GAZELLES » et « TREK DES GAZELLES 1ER TREK 100% FEMININ » en créant une confusion dans l'esprit du public ; que ce comportement est source pour elles d'un préjudice économique, leurs investissements se trouvant détournés et dévalorisés.

La société MAIENGA oppose que la demande incidente en concurrence déloyale est nouvelle en appel et que les intimées ne peuvent pas former pour la première fois une demande nouvelle en concurrence déloyale devant la cour, ce qui doit conduire à leur débouté de ce chef.

La société MAIENGA invoque en vain la nouveauté de la demande incidente en concurrence déloyale, les défenderesses ayant sollicité reconventionnellement en première instance sa condamnation à leur payer à ce titre la somme de 80 000 € à titre de dommages et intérêts (cf. page 6 du jugement), demande sur laquelle le tribunal a omis de se prononcer.

Sur le fond, le dépôt en décembre 2019 par la société MAIENGA, pour les besoins d'une nouvelle activité d'organisation de trekkings dans le désert marocain, d'une marque verbale composée du terme GAZELLE qu'elle utilise déjà dans ses autres marques n° 558, n° 313 et n° 881, au moins depuis 2006, et du terme TREK qui désigne strictement l'activité nouvelle, et qui n'a pas été jugée contrefaisante des marques de Mme [P] et de l'association TREK DES GAZELLES, ne caractérise ni la concurrence déloyale alléguée, le risque de confusion n'étant pas démontré, ni le détournement ou la dévalorisation des investissements des intimées.

La demande en concurrence déloyale des intimées sera donc rejetée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Mme [P], la société TREK DES GAZELLES ORGANISATION et l'association TREK DES GAZELLES, qui succombent pour l'ensemble de leurs prétentions, supporteront les dépens de première instance et d'appel, les dispositions prises en première instance étant infirmées.

L'équité ne commande nullement de faire droit à la demande formée en appel par la société MAIENGA fondée sur l'article 700 du code de procédure civile. Les dispositions prises en première instance à ce titre seront confirmées.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Infirme le jugement en ce qu'il a :

- dit qu'il n'était pas saisi des demandes en contrefaçon et en nullité d'une marque « GAZELLE » [en fait, marque « GAZELLE(S) » de Mme [P]] dont seraient titulaires les défenderesses,

- dit la société MAIENGA forclose en ses demandes en contrefaçon et subséquentes en nullité de la marque adverse n° 635,

- dit la société MAIENGA irrecevable en ses demandes en contrefaçon et subséquentes en nullité des marques adverses n° 355 et 585,

- condamné les parties aux dépens, chacune par moitié,

Statuant à nouveau de ces chefs et ajoutant,

Dit la société MAIENGA recevable en ses demandes en contrefaçon de ses marques n° 558 et n° 313 et en nullité des marques adverses (à l'exception de sa demande en nullité de la marque de l'Union européenne « TREK DES GAZELLES 1ER TREK 100% FEMININ » n° 585 de l'association TREK DES GAZELLES),

Dit que la marque verbale française « GAZELLE(S) » n° 188 dont est titulaire Mme [P] constitue la contrefaçon de la marque verbale française « GAZELLE » n° 313 dont est titulaire la société MAIENGA,

Annule la marque verbale française « GAZELLE(S) » n° 188 dont est titulaire Mme [P] pour les services de « divertissement ; activités sportives »,

Ordonne la transmission à l'INPI de la présente décision, une fois passée en force de chose jugée, à l'initiative de la partie la plus diligente, aux fins d'inscription au registre des marques,

Condamne in solidum Mme [P], la société TREK DES GAZELLES ORGANISATION et l'association TREK DES GAZELLES à payer à la société MAIENGA la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la contrefaçon de la marque n° 313,

Fait interdiction à Mme [P], à la société TREK DES GAZELLES ORGANISATION et à l'association TREK DES GAZELLES de faire usage d'une quelconque façon de la marque verbale française « GAZELLE(S) » n° 188 dont est titulaire Mme [P] (marque annulée de ce fait),

Déboute la société MAIENGA du surplus de ses demandes en contrefaçon et en nullité des marques adverses,

Rejette les demandes de Mme [P], la société TREK DES GAZELLES ORGANISATION et l'association TREK DES GAZELLES fondées sur la marque verbale française « GAZELLE(S) » n° 188 jugée contrefaisante,

Rejette les demandes de Mme [P], la société TREK DES GAZELLES ORGANISATION et l'association TREK DES GAZELLES fondées sur la concurrence déloyale,

Condamne Mme [P], la société TREK DES GAZELLES ORGANISATION et l'association TREK DES GAZELLES aux dépens de première instance,

Confirme le jugement pour le surplus,

Condamne in solidum Mme [P], la société TREK DES GAZELLES ORGANISATION et l'association TREK DES GAZELLES aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Me MALLET, avocat, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,

Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.